RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 24 Octobre 2019
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/03643 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7RWJ
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 11 Janvier 2019 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 18/00592
APPELANTE
SAS CHECKPORT SURETE
N° SIRET : 483 174 488
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant
représentée par Me Emmanuel BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221, avocat plaidant
INTIME
M. [A] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Samuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0318, avocat postulant et plaidant
PARTIE INTERVENANTE
SAS SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY
N° SIRET : 308 973 239
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
représentée par Me Hortense GEBEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur François LEPLAT, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Président
Madame Corinne JACQUEMIN, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François LEPLAT, Président et par Madame FOULON, Greffier.
**********
EXPOSÉ DU LITIGE
Assurant des prestations de services spécialisés dans le domaine de la sécurité et de la sûreté aéroportuaire et relevant de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, la société par actions simplifiée Securitas Transport Aviation Security (STAS) réalise diverses opérations réglementées de prévention de la sûreté des vols aériens, essentiellement en qualité de sous-traitante des exploitants d'aérogares.
Depuis le 1er septembre 2009, elle exécutait une mission de sécurité et de sûreté sur le site de l'aéroport [Établissement 1] CDG dans le cadre du contrat relatif au marché dit "Fedex Corp Hub de Roissy CDG" conclu avec la société Federal Express Corporation (Fedex) lorsque cette dernière l'a informée par courrier du 21 novembre 2014 qu'elle mettait fin au contrat en cours pour confier le marché à la société Checkport France à compter du 15 mars 2015.
Par courriers des 8, 11 et 19 décembre 2014, la société STAS a transmis à la société Checkport France la liste des salariés affectés à l'activité et les dossiers de chacun d'entre eux en vue de leur transfert.
Par lettre du 22 décembre 2014, la société Checkport France lui a répondu qu'elle n'entendait reprendre que 29 salariés des 84, étant précisé que par un courrier ultérieur du 3 mars 2015, elle lui a notifié n'en reprendre que 23.
Par lettre du 8 janvier 2015, la société STAS l'a vainement mise en demeure de se conformer à ses obligations tant conventionnelles que légales et de reprendre l'intégralité des salariés dédiés à l'activité.
* * *
M. [A] [U], salarié protégé, a obtenu une autorisation de transfert de son contrat de travail sur la base des dispositions de l'article L.1244-1 du code du travail, accordée par l'inspection du travail le 8 avril 2015, puis, à la suite d'un recours hiérarchique formé par la société Checkport France, par décision ministérielle du 17 août 2015, laquelle a fait l'objet d'une requête en annulation de la part de la société Checkport France, rejetée par jugement du tribunal administratif de Montreuil du 14 juin 2016.
M. [A] [U] a effectivement été repris par la société Checkport France, selon avenant signé le 1er juillet 2015.
* * *
En parallèle, saisi par la société STAS de demandes dirigées contre la société Checkport France tendant essentiellement au transfert de l'ensemble des salariés affectés au marché de sûreté sur le site "Fedex Corp Hub de Roissy CDG" sur le fondement des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail et, subsidiairement, en application des dispositions conventionnelles de l'accord du 28 janvier 2011 modifié par avenant du 3 décembre 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a, par ordonnance, du 27 février 2015 dit n'y avoir lieu à référé.
* * *
Par ailleurs, la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services et le comité d'établissement "Securitas Transport Aviation Security Fedex, Fret & Valeurs" de la société STAS ont saisi le tribunal de grande instance de Bobigny par assignations à jour fixe délivrées les 2 et 3 mars 2015 d'un contentieux à l'encontre de la société Checkport France et de la société STAS en violation de l'article L.1224-1 du code du travail en faisant valoir que la société Checkport France, lors du transfert du marché litigieux, n'entendait reprendre que 29 des 84 salariés qui y étaient affectés.
Par jugement du 18 juin 2015, le tribunal de grande instance de Bobigny :
"S'est déclaré compétent, et a
Rejeté l'exception de connexité,
Déclaré la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services et le comité d'établissement "Securitas Transport Aviation Security Fedex, Fret & Valeurs" de la société STAS recevables à agir,
Dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire "Fedex Corp Hub de Roissy" s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome,
Dit que les contrats de travail des salariés affectés par la société STAS à l'exécution du marché Fedex Corp Hub de Roissy" devaient se poursuivre de plein droit avec la société Checkport France,
Dit que les institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement "Roissy Fedex" de la société STAS devaient être transférées vers Checkport France à la date du transfert effectif du marché et que les mandats des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel qui relèvent du périmètre du dit comité devaient être maintenus jusqu'à leur terme,
Rejeté toutes autres demandes,
Condamné la société Checkport France à payer à la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services et au comité d'établissement "Securitas Transport Aviation Security Fedex, Fret & Valeurs" de la société STAS la somme globale de 5.000 euros auto de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonné l'exécution provisoire de la décision."
Par arrêt du 12 novembre 2015, la cour d'appel de Paris, autrement composée, a :
"Confirmé le jugement en ce qu'il :
- s'est déclaré territorialement compétent,
- a rejeté l'exception de connexité soulevée par la société Checkport France,
- a déclaré la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services recevable à agir,
- a dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire "Fedex Corp Hub de Roissy" s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome,
- a dit que les contrats de travail des salariés affectés par la société STAS à l'exécution du marché Fedex Corp Hub de Roissy" devaient se poursuivre de plein droit avec la société Checkport France,
L'a infirmé pour le surplus
Statuant à nouveau et y ajoutant, a
Déclaré le comité d'établissement "Securitas Transport Aviation Security Fedex, Fret & Valeurs" de la société STAS irrecevable en ses demandes,
Rejeté la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel soulevée au stade de l'appel par la société Checkport France à l'encontre de la société STAS,
Débouté la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services de ses demandes tendant au transfert des institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement "Roissy Fedex" de la société STAS au sein de la société Checkport France à la date du transfert effectif du marché et au maintien jusqu'à leur terme des mandats, notamment des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel, qui relèvent du périmètre du dit comité,
Condamné la société Checkport France à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 10.000 euros à la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer depuis l'introduction de la procédure et celle de 5.000 euros à la société STAS au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager devant la cour,
Débouté les parties de leurs demandes plus amples, autres ou contraires,
Condamné la société Checkport France aux dépens de première instance et d'appel."
La Cour de cassation, saisie d'un pourvoi de la société Checkport France à l'encontre de la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services et du comité d'établissement "Securitas Transport Aviation Security Fedex, Fret & Valeurs" de la société STAS, a, par arrêt du 12 juillet 2017 :
"Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il déclare la fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des servicess recevable à agir, dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire « Fedex Corp Hub de Roissy » de la société Securitas transport aviation Security à la société Checkport France s'analyse en un transfert d'une entité économique autonome et que les contrats de travail des salariés affectés par la société Securitas transport aviation Security à l'exécution du marché « Fedex Corp Hub de Roissy » doivent se poursuivre de plein droit avec la société Checkport France, l'arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée",
en considérant que la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services n'était pas recevable a agir seule en revendication du transfert du contrat de travail, action exclusivement attachée à la personne du salarié et que la cassation du chef du dispositif de l'arrêt déclarant recevable l'action de cette fédération s'étendait nécessairement aux chefs du dispositif faisant droit à ses demandes relatives au transfert des contrats de travail sur le fondement des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail.
Par arrêt du 7 septembre 2018, la cour d'appel de Paris, autrement composée, statuant sur renvoi, a :
"Infirmé le jugement du 18 juin 2015 du tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il a déclaré la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services recevable à agir, dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire "Fedex Corp Hub de Roissy" de la société STAS à la société Checkport France s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome et que les contrats de travail des salariés affectés par la société STAS à l'exécution du marché "Fedex Corp Hub de Roissy" devaient se poursuivre de plein droit avec la société Checkport France,
L'a également infirmé en ce qu'il a fixé au bénéfice de la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,
Déclaré irrecevables les demandes de la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services,
Condamné la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services à payer à la société Checkport Sûreté une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Checkport Sûreté à payer à la société STAS une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services, aux dépens de première instance et d'appel."
Le 27 septembre 2018, la société Checkport Sûreté a adressé à M. [A] [U] une lettre ainsi rédigée : "Suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 7 septembre 2018 infirmant le jugement du 18 juin 2015 en ce qu'il disait que "les contrats de travail des salariés affectés par la société Securitas Transport Aviation Sécurité [STAS] à la société Checkport France s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome et que les contrats de travail des salariés affectés par la société Securitas Transport Aviation Sécurité à l'exécution du marché Fedex Corp Hub de Roissy devaient se poursuivre de plein droit avec la société Checkport France", votre contrat de travail se poursuit de plein droit avec votre employeur la société STAS qui est aussi destinataire de cet arrêt et donc informée de ses obligations à votre égard. / Nous vous prions donc de bien vouloir vous présenter au siège de la société Checkport Sûreté sise [Adresse 4], le lundi 1er octobre 2018 à partir de 9h00, afin de :
- retirer votre bulletin de salaire du mois de septembre 2018,
- restituer votre badge entreprise, vos tenues et tous matériels et documentations mis à votre disposition par la société Checkport Sûreté pour la bonne exécution de votre mission, votre TCA."
Embauché le 7 décembre 2009, M. [A] [U] soutient que son contrat de travail, a été rompu par la société par actions simplifiée Checkport Sûreté le 1er octobre 2018, sans préavis, ni indemnité de licenciement, ni remise de l'attestation de Pôle Emploi, mais simplement avec la remise d'un dernier bulletin de salaire comportant un solde de tout compte avec la seule indemnité de congés payés.
C'est dans ces circonstances que M. [A] [U] a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Bobigny le 28 novembre 2018 pour voir :
- à titre principal, ordonner à la société Checkport Sûreté de lui remette, sous astreinte, une attestation Pôle Emploi indiquant le 1er octobre 2018 comme date de rupture avec mention "licenciement" et condamner cette société à des provisions sur préavis, indemnité de congés payés sur préavis, prime PASA (prime annuelle de sûreté aéroportuaire) de novembre (2018), indemnité conventionnelle de licenciement et indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- à titre subsidiaire, ordonner le transfert de son contrat de travail à la société STAS ainsi que le versement des salaires et accessoires pour les mois d'octobre et novembre 2018,
- à titre très subsidiaire, condamner la société Checkport Sûreté à lui verser une provision sur rappel de salaire et accessoires pour les mois d'octobre et novembre 2018,
- en tout état de cause, condamner la société Checkport Sûreté et très subsidiairement la société STAS à lui verser une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la société Checkport Sûreté aux dépens.
Par ordonnance de référé entreprise du 11 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Bobigny a :
Condamné la société par actions simplifiée Checkport Sûreté à verser à M. [A] [U] à titre provisionnel les sommes suivantes :
- 3.600 euros à titre de préavis
- 360 euros au titre des congés payés y afférents
- 5.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 6.800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1.000 euros au titre d'article 700 du Code de procédure civile
Ordonné à la société par actions simplifiée Checkport Sûreté la remise de l'attestation Pôle emploi conforme,
Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes,
Laissé les dépens à la charge de la société par actions simplifiée Checkport Sûreté.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 15 mars 2019 par la société Checkport Sûreté ;
Vu les dernières écritures signifiées le 4 juillet 2019 par lesquelles la société Checkport Sûreté demande à la cour de :
Vu l'article 5 du Code civil,
Vu l'article 461 du code de procédure civile,
Vu l'article 484 du Code de procédure civile,
Vu l'article 488 du Code de procédure civile,
Vu l'article L.1471-1 du Code du travail,
Vu l'article 1383-2 du Code civil,
Vu les articles R.1455-5 et R.1455-6 du Code du travail,
INFIRMER l'ordonnance de la formation de référé du Conseil de prud'hommes de Bobigny mise à disposition le 11 janvier 2019 et notifiée le 6 mars 2019 en ce qu'elle :
CONDAMNE la société par actions simplifiée Checkport Sûreté à verser à M. [A] [U] à titre provisionnel les sommes suivantes :
- 3.600 euros à titre de préavis
- 360 euros au titre des congés payés y afférents
- 5.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 6.800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1.000 euros au titre d'article 700 du Code de procédure civile
ORDONNE à la société Checkport Sûreté la remise d'attestation pôle emploi conforme ;
DIT n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes, mais exclusivement lorsqu'elle déboute la société Checkport Sûreté de ses demandes ;
LAISSE les dépens à la charge de la société Checkport Sûreté,
Et statuant à nouveau
DIRE ET JUGER le Conseil de prud'hommes de Bobigny saisi en référé incompétent pour interpréter l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 7 septembre 2018 ;
DIRE ET JUGER M. [A] [U] irrecevable en ses demandes ;
DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à référé ;
DIRE ET JUGER l'absence d'urgence ;
DIRE ET JUGER l'absence de trouble manifestement illicite ;
DIRE ET JUGER l'absence de dommage imminent ;
DIRE ET JUGER que les demandes excèdent la compétence du juge des référés ;
DÉBOUTER M. [A] [U] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER M. [A] [U] aux dépens de l'instance.
En tout état de cause
DÉBOUTER M. [A] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
DIRE ET JUGER la société STAS irrecevable en ses demandes ;
DÉBOUTER la société STAS de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER M. [A] [U] à verser à la société Checkport Sécurité la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER M. [A] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
DIRE que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoue Paris-Versailles, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 4 juillet 2019 au terme desquelles la société STAS demande à la cour de :
A titre principal :
Confirmer l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'elle a mis hors de cause la société STAS.
Subsidiairement :
Constater que la demande de poursuite du contrat de travail de M. [A] [U] avec la société STAS (ne) relève pas du juge des référés en l'absence de trouble manifestement illicite imputable à la société STAS et en raison de la contestation sérieuse opposée par la société STAS,
En toutes hypothèses
Déclarer irrecevables en raison de l'acquisition de la prescription biennale des demandes tendant à la remise en cause des transferts des contrats de travail opérés en 2015
Juger que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du Code du travail étant réunies, la reprise du marché de sûreté aéroportuaire du site de Fedex par Checkport a entraîné le transfert automatique du contrat de travail de M. [A] [U] de la société STAS vers Checkport.
En conséquence
Débouter M. [A] [U], de sa demande tendant à la poursuite de "leur" contrat de travail au sein de la société STAS, et de toutes demandes pécuniaires dirigées à l'encontre de la société STAS
Le condamner aux dépens.
Vu les dernières écritures signifiées le 26 juin 2019 par lesquelles M. [A] [U] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles R.1455-6 et R.1455-7 du Code du travail et l'article 549 du Code de Procédure Civile,
Donner acte à M. [A] [U] de ce qu'elle appelle la société Securitas Transport Aviation Security (STAS), dans l'instance en référé introduite par la société Checkport Sûreté à son encontre, et actuellement pendante devant la 2ème Chambre du Pôle 6 de la Cour d'Appel de Paris,
Recevoir l'appel incident de M. [A] [U] et, y faisant droit :
Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 11 janvier 2019 par le Conseil de prud'hommes de Bobigny (RG n°18/00592) en ce qu'elle a dit que la rupture du contrat de travail de M. [A] [U] le 1er octobre 2018 sans préavis, ni indemnité de licenciement, ni remise d'attestation Pôle Emploi lui permettant de pouvoir percevoir les indemnités de chômage, s'analysait en un licenciement verbal sans cause réelle et sérieuse et a condamné en conséquence la société à verser à M. [A] [U] diverses sommes à titre de provision sur indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis ;
Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle n'a pas alloué l'intégralité du quantum des provisions sollicitées par M. [A] [U] et en ce qu'elle l'a par ailleurs déboutée de sa demande de provision sur prime PASA, et en ce qu'elle n'a pas également précisé, s'agissant de la délivrance de l'attestation Pôle emploi, que celle-ci devait comporter la mention "licenciement" et qu'elle devait être par ailleurs assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Et, statuant à nouveau,
Condamner la société Checkport Sûreté à verser à M. [A] [U] les sommes suivantes:
- 3.609,90 euros à titre de provision sur préavis
- 360,99 euros à titre de provision sur indemnité de congés payés sur préavis
- 1.693,70 euros à titre de provision sur prime PASA novembre
- 5.098,43 euros à titre de provision sur Indemnité conventionnelle de licenciement
- 6.889,77 euros euros à titre de provision sur indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse
Ordonner à la société Checkport Sûreté de remettre à M. [A] [U] une attestation Pôle emploi mentionnant comme date de rupture le 1er octobre 2018 avec la mention "licenciement", et ce sous une astreinte de 500 euros par jour de retard commençant à courir à compter de la notification de la décision à intervenir,
Réserver également l'astreinte et la liquidation de l'astreinte à la présente juridiction,
A titre subsidiaire,
Ordonner le transfert du contrat de travail de la société Checkport Sûreté vers la société Securitas ainsi que le versement des salaires depuis le 1er octobre 2018 ;
Condamner en conséquence la société Securitas à verser à M. [A] [U] la somme de 19.854,45 euros à titre de rappel de rémunération mensuelle salaire de base + prime d'habillage + prime d'ancienneté pour les mois d'octobre 2018 à août 2019 ;
À titre très subsidiaire,
Condamner la société Checkport à verser à M. [A] [U] la somme de 19.854,45 euros à titre de provision sur rappel de rémunération mensuelle salaire de base + prime d'habillage + prime d'ancienneté pour les mois d'octobre 2018 à août 2019 ;
Condamner en tout état de cause la société Checkport Sûreté, et très subsidiairement la société Securitas à verser à M. [A] [U] la somme de 1.500 euros pour le référé, outre 1.500 euros en cause d'appel soit un total de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la société Checkport Sûreté aux dépens de l'instance.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont déposées et à l'ordonnance déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le pouvoir du juge des référés :
La société Checkport Sûreté tente de remettre en cause le pouvoir du juge des référés d'interpréter la portée de l'arrêt du 7 septembre 2018, mais la rupture brutale du contrat de travail qu'elle a décidée, à effet du 1er octobre 2018, en application de la lecture qu'elle a faite de cet arrêt, crée un trouble manifestement illicite que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser, en application de l'article R.1455-6 du code du travail, notamment en appréciant la portée de cet arrêt et c'est donc vainement que la société Checkport Sûreté le lui dénie.
Sur le transfert du contrat de travail :
Même si la société Checkport Sûreté en conteste le périmètre, il est constant qu'à la suite de la décision de la société Fedex de changer de prestataire au 15 mars 2015, la société Checkport Sûreté (alors dénommée Checkport France) a repris le marché de sûreté du site "Fedex Corp Hub de Roissy CDG", anciennement confié à la société STAS ; que la société entrante n'a pas souhaité reprendre l'ensemble des salariés employés sur ce site et qu'une partie d'entre eux a saisi la juridiction prud'homale pour se voir appliquer les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail.
C'est ainsi que par deux décisions administratives exécutoires du 8 avril 2015, puis du 17 août 2015, l'autorisation de transfert du contrat de travail de M. [A] [U] entre la société STAS et la société Checkport France a été accordée sur le fondement de l'article L.1244-1 du code du travail, au regard du constat de l'existence d'une entité économique autonome.
Cette décision intervenait alors qu'un contentieux collectif du travail avait été initié, en parallèle par la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services et le comité d'établissement "Securitas Transport Aviation Security Fedex, Fret & Valeurs" de la société STAS devant le tribunal de grande instance de Bobigny devant lequel la société Checkport Sûreté et la société STAS avaient été citées à comparaître pour voir appliquer aux salariés employés sur le site "Fedex Corp Hub de Roissy CDG" le transfert légal de leurs contrats de travail en application de l'article L.1224-1 du code du travail, demande à laquelle il avait été fait droit par jugement du 18 juin 2015, le tribunal de grande instance de Bobigny considérant que le marché relatif au site "Fedex Corp Hub de Roissy CDG" constituait une entité économique autonome.
Cette demande de transfert de contrat de travail, qui est l'objet essentiel du contentieux prud'homal opposant M. [A] [U] à la société Checkport Sûreté et à la société STAS, a été accueillie par le tribunal de grande instance de Bobigny, puis confirmée par arrêt de la cour, autrement composée, du 12 novembre 2015, qui a par ailleurs déclaré le comité d'établissement "Securitas Transport Aviation Security Fedex, Fret & Valeurs" de la société STAS irrecevable en ses demandes et débouté la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services d'une demande annexe relative au transfert des institutions représentatives du personnel.
La Cour de cassation, par son arrêt du 12 juillet 2017, n'ayant que partiellement cassé l'arrêt en ce qu'il avait déclaré recevable à agir la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services et accueilli ses demandes, l'arrêt de renvoi de cette cour, autrement composée, du 7 septembre 2018, s'est contenté d'infirmer le jugement du 18 juin 2015 en ce qu'il avait déclaré recevable à agir la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services, et, statuant à nouveau, l'a déclaré irrecevable en ses demandes.
Mais il doit être relevé que cette cassation partielle n'a en rien remis en cause la confirmation par l'arrêt du 12 novembre 2015 du jugement du 18 juin 2015 qui, constatant, à la demande de la société STAS, qui s'est associée dans cette instance tant au comité d'établissement "Securitas Transport Aviation Security Fedex, Fret & Valeurs" de la société STAS, qu'à la fédération Force Ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services pour voir appliquer les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail au transfert du marché litigieux, que le site "Fedex Corp Hub de Roissy CDG" constituait une entité économique autonome, a dit que les contrats de travail des salariés affectés par la société STAS à l'exécution de ce marché devaient se poursuivre de plein droit avec la société Checkport Sûreté, décision devenue définitive à ce jour.
Dès lors, aucun événement nouveau ne s'étant produit de nature à remettre en cause l'autorisation de transfert du contrat de travail accordée par l'autorité administrative, c'est par une interprétation erronée de l'arrêt de cette cour du 7 septembre 2018 que la société Checkport Sûreté a décidé de rompre le contrat de travail de M. [A] [U] au 1er octobre 2018, sans respecter les prescriptions imposées par les articles L.1232-1 à 1232-6 du code du travail.
C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes, dans l'ordonnance de référé entreprise, a considéré que la rupture du contrat de travail de M. [A] [U] au 1er octobre 2018 produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce que la cour confirme, la société Checkport Sûreté soulevant vainement la prescription de l'article L.1471-1 du code du travail, l'action ayant été introduite dans les semaines ayant suivi la rupture contractuelle.
Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :
M. [A] [U] a formé devant le conseil de prud'hommes des demandes de provisions qui ont été, pour l'essentiel satisfaites. Il forme, devant la cour, un appel incident sur leur montant, ce qui, faute de discussion sérieuse de celui-ci par la société Checkport Sûreté, lui sera accordé.
S'agissant de la prime annuelle de sécurité aéroportuaire (PASA), arguée comme étant versée en novembre, les bulletins de paie mis aux débats la mentionnent pour les années 2015, 2016 et 2017, mais ses conditions de versement sont contestées par la société Checkport Sûreté, de sorte que l'ordonnance de référé entreprise sera confirmée en ce qu'elle a écarté toute provision relative à cette prime.
Sur le libellé de l'attestation Pôle Emploi :
M. [A] [U] demande que l'attestation Pôle Emploi que doit lui remettre la société Checkport Sûreté mentionne son "licenciement", demande à laquelle la cour fera droit, l'ordonnance de référé entreprise étant réformée en ce sens, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable d'allouer à M. [A] [U] une indemnité de procédure de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance de référé entreprise, sauf en ce qu'elle lui a accordé à titre provisionnel les sommes suivantes :
- 3.600 euros à titre de préavis
- 360 euros au titre des congés payés y afférents
- 5.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 6.800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
et a rejeté la demande de M. [A] [U] relative à la mention du "licenciement" sur l'attestation Pôle Emploi,
Et statuant à nouveau,
Condamne la société par actions simplifiée Checkport Sûreté à payer à M. [A] [U] à titre provisionnel les sommes suivantes :
- 3.609,90 euros à titre de provision sur préavis
- 360,99 euros à titre de provision sur indemnité de congés payés sur préavis
- 5.098,43 euros à titre de provision sur Indemnité conventionnelle de licenciement
- 6.889,77 euros euros à titre de provision sur indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse
Ordonne à la société par actions simplifiée Checkport Sûreté de remettre à M. [A] [U] une attestation Pôle Emploi mentionnant "licenciement" comme cause de la rupture du contrat de travail,
Rejette toutes demandes plus amples,
Et y ajoutant,
Condamne la société par actions simplifiée Checkport Sûreté à payer à M. [A] [U] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société par actions simplifiée Checkport Sûreté aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT