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24/10/2019 | FRANCE | N°16/07506

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 24 octobre 2019, 16/07506


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 24 Octobre 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07506 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY4U5



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 15/00666





APPELANTE

Madame [Y] [J] [U] épouse [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne,

assistée de Me Nathalie BECQUET, avocat au barreau d'ESSONNE

substituée par Me Cyrielle GENTY, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMÉE

Fondation DIACONESSES DE REUILLY

[Adres...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 24 Octobre 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07506 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY4U5

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 15/00666

APPELANTE

Madame [Y] [J] [U] épouse [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Nathalie BECQUET, avocat au barreau d'ESSONNE

substituée par Me Cyrielle GENTY, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉE

Fondation DIACONESSES DE REUILLY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-françois PATOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 176

substitué par Me Meggy SAVERIMOUTOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 176

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre

Madame Hélène FILLIOL, Présidente

Monsieur François MELIN, Conseiller

Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre et par Anna TCHADJA-ADJE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé du litige :

Mme [U] épouse [M] a été engagée le 4 mars 1994 par l'Association [T] [C] aux droits de laquelle se trouve depuis février 2016 la fondation des diaconesses de Reuilly, en qualité d'assistante familiale, selon la convention collective applicable des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure, de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [U] percevait un salaire brut mensuel d'un montant de 1509,52€.

Par courrier du 8 décembre 2014, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 17 décembre suivant, avant d'être licenciée pour cause réelle et sérieuse par courrier notifié le 19 décembre 2014.

Contestant son licenciement, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry afin d'obtenir paiement de diverses sommes.

Par jugement avant dire droit du 21 avril 2016, le conseil de prud'hommes a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté Mme [U] de ses demandes de requalification du licenciement, ordonné la réouverture des débats au 12 septembre 2016 concernant la demande de complément d'indemnité de licenciement. et par un jugement du même jour sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt.

Mme [U] a interjeté appel par déclaration du 20 mai 2016.

Aux termes de ses conclusions développées oralement à l'audience, Mme [U] demande à la cour de :

-infirmer le jugement,

-déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamner la fondation des diaconnesses de Reuilly à lui verser 117500€, outre 1500€ d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme [U] fait valoir que le motif du licenciement énoncé dans la lettre est le défaut d'enfant à lui confier, alors que le dernier mail adressé à l'ensemble des familles d'accueil le 29 décembre 2014, met en évidence que la fondation recherchait des assistants familiaux, ce qui démontre que la fondation disposait d'enfants à lui confier.

Elle rappelle qu'elle avait la charge d'une enfant placée à son domicile par la fondation depuis plusieurs années et partie en juin 2014, qu'elle recevait également des enfants confiés par le conseil général, un seul à cette époque. Elle ajoute que dans ces conditions, elle pouvait, à compter de juin 2014 recevoir des enfants en urgence, ce qui n'était pas le cas antérieurement en raison d'un manque de place, comme elle l'avait expliqué.

Elle ajoute que son âge (60 ans) n'empêchait pas non plus un placement de longue durée, certaines de ses collègues ayant accueilli des enfants au delà de 65 ans. Elle estime que la cause invoquée n'est pas réelle et sérieuse et indique que seul son licenciement l'a conduit à faire valoir ses droits à la retraite, ce qui justifie la somme demandée conforme au préjudice subi.

Aux termes de ses écritures développées oralement à l'audience, la fondation Diaconnesses de Reuilly demande à la cour de :

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-condamner Mme [U] à lui verser 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée fait valoir qu'en juin 2014, lors d'un entretien ayant eu lieu au départ de l'enfant placée chez elle, Mme [U] a indiqué qu'elle envisageait de prendre sa retraite à 65 ans, qu'il était donc impossible de lui confier des enfants en placement de longue durée, que la salariée a indiqué son souhait de travailler sur de courts séjours, que pendant plus de quatre mois, aucun enfant n'a été concerné par de courts séjours, ce qui justifie la mesure prise. Elle ajoute qu'elle n'est pas concernée par le litige de Mme [U] avec son autre employeur et relève qu'en tout état de cause la demande indemnitaire présentée est excessive.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux écritures développées à l'audience.

Motifs :

Par application de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motif invoqués par l'employeur , forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné , au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estima utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à Mme [U] le 19 décembre 2014, est rédigée comme suit :

'A la suite de l'entretien que nous avons eu le 17 décembre 2014 à 10 h à l'IPF [T] [C], où vous étiez assistée de Mme [I] [Z], déléguée syndicale de l'association Abej-Coquerel, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour une cause réelle et sérieuse.

Depuis le départ de la dernière enfant confiée par l'IPF, en date du 26 juin 2014, il n'a été procédé à aucun accueil d'enfant chez vous.

En vertu de l'article L 423-32 du code de l'action sociale et des familles et de l'accord d'association relatif aux assistants familiaux du 10 juillet 2008, nous procédons à votre licenciement pour cause d'enfants à confier'.

Par application de l'article L 423-32 du code de l'action sociale et de la famille, l'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfant à lui confier.

Il est justifié qu'en juin 2014, l'enfant confié par l'association à Mme [U] depuis plusieurs années a quitté son domicile, ce qui a donné lieu à un entretien le 23 juin 2014 dont le compte rendu a été adressé à l'appelante le lendemain et dont les termes n'ont donné lieu de sa part ultérieurement à aucune contestation ou demande de rectification.

Ce compte rendu d'entretien indique notamment, qu'en raison du projet de Mme [U] de partir en retraite environ cinq ans plus tard, des situations d'accueil courts de type accueils d'urgence ou accueil relais lui seraient proposés, l'accompagnement d'un enfant à long terme n'étant pas possible, sauf à opérer une réorientation du mineur, ce qui ne s'inscrit pas dans le fonctionnement de la fondation comme le montre le courrier adressé à Mme [U] le 25 mai 2012, l'autorisant à travailler pour une autre employeur, en l'espèce le conseil départemental.

La fondation verse aux débats une attestation du chef de service éducatif, Mme [O], qui témoigne qu'aucun enfant n'a pu être confié à l'appelante selon les demandes d'admission en raison de la singularité de chaque situation. Outre que cette attestation ne fait pas état d'une absence de demande d'admission dans le service de placement familial dans la période litigieuse d'août à novembre 2014, ses termes très généraux empêchent de fait de contrôler l'effectivité de l'absence d'enfants susceptibles d'être confiés à Mme [U], motif invoqué pour la licencier.

La fondation ne fournit en effet aucune justification concrète des raisons qui s'opposaient à un placement chez Mme [U] des enfants admis pendant la période en cause, qu'elles résultent du projet éducatif conçu pour les mineurs concernés ou simplement de contraintes ou de contre-indications matérielles, ce sans qu'il soit besoin d'entrer dans le détail ou dans les aspects confidentiels de ces situations. Dans ces conditions, le licenciement de Mme [U] doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être réformé de ce chef.

S'agissant de l'indemnisation demandée par Mme [U] du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement seule demande présentée devant la cour, il est établi qu'elle bénéficiait d'une ancienneté supérieure à deux ans au sein du placement familial et il n'est pas discuté que l'effectif de l'association à la date de son licenciement était au moins égal à onze salariés, de sorte qu'en application de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, elle peut prétendre à une indemnisation qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Mme [U], qui a perdu une ancienneté de vingt ans et neuf mois, était âgée de 61 ans à la date de son licenciement. Il apparaît qu'elle travaillait depuis mai 2012 également en qualité d'assistante familiale pour le conseil départemental de l'Essonne. L'allégation que son licenciement par l'association l'a contrainte à faire valoir ses droits à la retraite est contredite par les pièces produites aux débats, qui démontrent qu'elle a pris sa retraite en juin 2015, alors qu'un différend était survenu avec le conseil départemental depuis l'été 2014, sans qu'il soit démontré que l'intimée était concernée par ce litige. Dès lors, il lui sera accordée sur la base d'un salaire mensuel moyen de 1675€ une indemnité de 35000€. Le jugement sera réformé en ce sens.

La fondation Diaconnesse de Reuilly sera condamnée à verser à Mme [U] une indemnité de 1500€ au titre des frais irrépétibles d'appel.

Succombant en ses prétentions, la fondation sera condamnée aux dépens d'appel.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant, publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Réforme le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [U] fondée sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur ce point,

Déclare le licenciement de Mme [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la fondation Diaconnesses de Reuilly venant aux droits de l'Association Abej-Coquerel à verser à Mme [U] les sommes suivants :

-35000€ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

-1500€ d'indemnité de frais irrépétibles d'appel,

Condamne la fondation Diaconnesses de Reuilly venant aux droits de l'Association Abej-Coquerel aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 16/07506
Date de la décision : 24/10/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°16/07506 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-24;16.07506 ?
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