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21/10/2019 | FRANCE | N°17/04737

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 21 octobre 2019, 17/04737


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2019



(n° 2019/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04737 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2ZEK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/14284





APPELANTS



Madame [E] [W]

[Adresse 7]

[LocalitÃ

© 12]

née le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 17] (97)



Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2019

(n° 2019/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04737 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2ZEK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/14284

APPELANTS

Madame [E] [W]

[Adresse 7]

[Localité 12]

née le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 17] (97)

Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de Me Sophie PÉRIER CHAPEAU, SELARL PÉRIER CHAPEAU, avocat au barreau de PARIS, toque D 593

Monsieur [J] [K] ès-qualités de curateur de Madame [E] [W], selon ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de VANVES du 15 février 2019.

[Adresse 7]

[Localité 12]

né le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 15] (TOGO)

Représenté par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de Me Sophie PÉRIER CHAPEAU, SELARL PÉRIER CHAPEAU, avocat au barreau de PARIS, toque D 593

INTIMÉES

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-D E-SEINE (CPAM 92)

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Jean-Michel HOCQUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087

CPAM DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 2]

[Localité 13]

Défaillante

SAMCV LA MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES

[Adresse 16]

[Localité 10]

N° SIRET : 775 715 683

Représentée par Me Joyce LABI de la SCP COURTEAUD PELLISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023

LE BUREAU CENTRAL FRANÇAIS

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-Marie COSTE FLORET de la SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267, et plaidant par Me Bénédicte ESQUELISME, avocat au barreau de PARIS, SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES, toque 267

PARTIES INTERVENANTES :

LE FONDS DE GARANTIE ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représenté par Me Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1216

Assisté de Me Aurélie VIMONT, avocat au barreau de PARIS, toque E 1216

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, chargée du rapport et de Mme Clarisse GRILLON, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente

Mme Clarisse GRILLON, Conseillère

Mme Sophie REY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Laure POUPET, greffière présente lors du prononcé.

*********

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le [Date décès 3] 2008 vers 6 heures du matin, sur l'autoroute A1, Mme [E] [W], née le [Date naissance 6] 1959 et alors âgée de 48 ans, a été victime d'un accident corporel de la circulation alors qu'elle circulait au volant de son véhicule Mercedes classe C, à bord duquel se trouvaient également MM. [X] [V] et [B] [D].

Selon ses déclarations, un ensemble routier non identifié se serait soudainement déporté dans sa voie de circulation, lui coupant ainsi la route. Par réflexe de sauvetage, elle aurait tenté d'éviter l'ensemble routier en se déportant sur le côté et aurait alors perdu le contrôle de son véhicule, qui est allé percuter le rail central de sécurité après plusieurs tonneaux et s'est immobilisé sur le toit.

M. [O] [S], automobiliste qui suivait le véhicule Mercedes, voyant l'accident, a immédiatement arrêté son véhicule quelques mètres plus loin et s'est porté au secours des occupants du véhicule accidenté.

Environ deux minutes plus tard selon les enregistrements d'une vidéo-surveillance, un véhicule Fiat Punto, conduit par Mme [G] [Z] et assuré auprès de la société d'assurance néerlandaise Ohra, a violemment percuté le véhicule Mercedes accidenté, lequel est parti en toupie et a fauché Mme [W] et M. [S] qui se trouvaient sur la chaussée à proximité.

Mme [W] a subi les blessures suivantes : traumatisme crânien grave, fracture occipitale, contusion hémorragique frontale et traumatisme d'un genou.

Elle a été expertisée extra-judiciairement par les docteurs [N], [R] et [I], qui ont clos leur rapport le 4 mars 2014 en évaluant le taux d'incapacité permanente partielle à 70 %, notamment en raison d'un syndrome frontal.

Par jugement du 7 février 2017 (instance n° 14/14284), le tribunal de grande instance de Paris a :

dit que la faute commise par Mme [E] [W] réduit de 50 % son droit à indemnisation des suites de l'accident de la circulation survenu le [Date décès 3] 2008,

sursis à statuer sur la liquidation du préjudice subi par Mme [E] [W] jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de chiffrer son préjudice économique et de produire l'état définitif des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis,

déclaré le jugement commun à la CPAM de Seine-Saint-Denis,

rejeté le surplus des demandes,

réservé les dépens.

Mme [E] [W], assistée de son curateur, a interjeté appel par déclaration du 3 mars 2017.

Par acte du 14 août 2018, elle a fait assigner en intervention forcée la société Mutuelle de Poitiers assurances afin de la voir condamner à lui payer la somme provisionnelle de 500 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice dans le cadre du plafond de son contrat d'assurance, et celle de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par acte du 10 août 2018, elle a fait assigner en intervention forcée le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages aux fins de voir dire qu'il devra lui allouer la somme de 500 000 € au titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Selon dernières conclusions notifiées le 30 août 2019, Mme [E] [W], assistée par son curateur M. [F] [C], demande à la cour de :

infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a réduit de 50 % son droit à indemnisation des suites de l'accident de la circulation du [Date décès 3] 2008 et l'a déboutée de sa demande de provision à valoir sur son préjudice corporel,

en conséquence,

condamner le bureau central français à indemniser l'entier préjudice corporel subi par Mme  [W] et imputable à l'accident du [Date décès 3] 2008,

condamner le bureau central français à verser à Mme [W] une indemnité provisionnelle de 3 000 000 € à valoir sur son préjudice corporel,

débouter le BCF de sa demande d'expertise comme mal fondée,

subsidiairement,

ordonner une mesure d'expertise en accidentologie confiée à un expert accidentologue avec mission explicitée dans les conclusions,

condamner le bureau central français à verser à Mme [W] une indemnité provisionnelle de 1 000 000 € à valoir sur son préjudice corporel dans l'attente du rapport d'expertise à intervenir,

en tout état de cause,

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a sursis à statuer sur la liquidation de l'entier préjudice corporel subi par Mme [W],

condamner le bureau central français à verser à Mme [W] une indemnité globale et forfaitaire de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le bureau central français aux intérêts de droit et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, dont distraction au profit de SCP Naboudet Hatet, avocats au barreau de Paris, conformément à l'article 699 du même code,

débouter les intimés de l'ensemble de leurs prétentions,

dire qu'en cas d'exécution forcée, les sommes retenues par l'huissier par application des articles A.444-31 et suivants du code du commerce, seront supportées par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

dire l'arrêt à intervenir commun à la CPAM des Hauts-de-Seine et à la CPAM de Seine-Saint-Denis.

Selon dernières conclusions notifiées le 20 août 2019, le bureau central français (BCF), représentant la société d'assurance néerlandaise Ohra, demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

dire que Mme [W] a commis une faute de conduite de nature à limiter de moitié son droit à indemnisation,

constater que Mme [W] a d'ores et déjà perçu une somme de 934 823,79 €,

débouter Mme [W] de sa demande de provision complémentaire,

débouter Mme [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouter la CPAM des Hauts-de-Seine de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de BCF,

à titre subsidiaire, désigner un expert avec mission d'examiner Mme [W] et d'évaluer les préjudices résultant de l'accident du [Date décès 3] 2008, et notamment les besoins en tierce personne ainsi que l'évolution de ces besoins au cours de la période ayant précédé la consolidation.

Selon dernières conclusions notifiées le 27 août 2019, la Mutuelle de Poitiers assurances demande à la cour de :

$gt; à titre principal :

constater que Mme [W] et M. [C] ne formulent plus aucune demande à l'encontre de la Mutuelle de Poitiers assurances,

prononcer la mise hors de cause immédiate de la Mutuelle de Poitiers assurances,

condamner Mme [W] et M. [C] en sa qualité de curateur à payer à la Mutuelle de Poitiers assurances la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamner aux entiers dépens de l'intervention forcée dont distraction au profit de la SCP Courteaud Pellissier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,

$gt; à titre subsidiaire :

en application des articles 554 et 555 du code de procédure civile, déclarer Mme [W] et M. [C] (ès qualités) irrecevables à faire intervenir devant la cour la Mutuelle de Poitiers assurances, en violation du principe du double degré de juridiction et alors qu'aucune évolution du litige ne justifie une telle mise en cause tardive,

déclarer Mme [W] et M. [C] irrecevables en leurs demandes fins et prétentions dirigées à l'encontre de la Mutuelle de Poitiers assurances, leur action en garantie étant prescrite,

$gt; à titre plus subsidiaire,

constater que la garantie accidents du conducteur, prévue au sein du contrat "protection familiale accidents" n° 300966222, est résiliée pour non-paiement des primes, depuis le 13 septembre 2007,

constater qu'en tout état de cause cette garantie n'était susceptible d'être accordée qu'à la condition que l'assuré ait la qualité de "conducteur au volant d'un véhicule terrestre à moteur",

dire et juger en conséquence Mme [W] et M. [C] irrecevables et en tous cas mal fondés en toutes leurs demandes fins et prétentions dirigées à l'encontre de la Mutuelle de Poitiers assurances et les en débouter,

$gt; en toutes hypothèses,

condamner Mme [W] et M. [C] en sa qualité de curateur à payer à la Mutuelle de Poitiers assurances la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamner enfin aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Courteaud Pellissier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Selon dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2018, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) demande à la cour de :

liminairement, aucune pièce n'ayant été communiquée par aucune des parties à l'intervenant forcé, déclarer non fondée sa mise en cause tardive,

constater qu'en application des articles L.421-1 et R.421-12 et suivants du code des assurances, Mme [W] est forclose à agir contre le FGAO,

subsidiairement, constater qu'en cas d'accident complexe, il existe bien un véhicule impliqué assuré appelé à garantir le dommage, en l'espèce le BCF qui n'a jamais contesté ses obligations, et que le fonds ne peut donc intervenir vu le principe de subsidiarité,

encore plus subsidiairement, en cas de rejet de la notion d'accident complexe, Mme [W] est sortie indemne du premier choc tandis que le fonds ne peut garantir les conséquences du second accident alors bien distinct qui incomberaient au BCF,

par conséquent, dire l'assignation en intervention forcée délivrée par Mme [W] triplement mal fondée et mettre hors de cause le fonds de garantie,

en tout état de cause, condamner Mme [W] au versement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit du FGAO, outre les entiers dépens.

Selon dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine demande à la cour de :

condamner le bureau central français à lui régler la somme de 127 006,67 € au titre du remboursement des prestations versées à Mme [E] [W] et ce, sous réserve des prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement,

condamner le bureau central français à lui régler les intérêts au taux légal sur la somme de 8 471,70 € à compter du 13 septembre 2017, et pour le surplus à compter des présentes conclusions, ces intérêts formant anatocisme à l'expiration d'une année conformément à l'article 1343-2 du code civil,

constater que le bureau central français est également redevable de l'indemnité forfaitaire prévue à l'alinéa 9 de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale dont le montant a été actualisé par arrêté du 20 décembre 2017 à la somme de 1 066 € et le condamner à en assurer le versement auprès de la CPAM des Hauts-de-Seine,

condamner le bureau central français à régler à la CPAM des Hauts-de-Seine la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le bureau central français au paiement des entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SCP Hocquard et associés, avocats au barreau de Paris, dans les conditions de l'article 699 du même code.

La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 2 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - sur l'intervention forcée de la Mutuelle de Poitiers assurances et du FGAO

Alors que la Mutuelle de Poitiers assurances soutient que toute demande à son encontre est irrecevable en application de l'article 555 du code de procédure civile et le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages que toute demande à son encontre est forclose en application des articles L.421-1 et R.421-12 et suivants du code des assurances, Mme [W], dans ses dernières conclusions du 21 juin 2019, ne forme plus aucune demande à leur encontre, confirmant en page 36 de ses conclusions avoir abandonné sa demande initiale à l'encontre de la Mutuelle de Poitiers assurances.

La cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande à l'encontre des intervenants forcés, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur leur argumentation.

2 - sur le droit à indemnisation de Mme [W]

2.1 - En droit, il résulte de l'article 1er de la loi n°'85-677 du 5 juillet 1985 que ses articles 2 à 6 s'appliquent aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.

L'article 3 de la loi dispose que les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.

L'article 4 de la loi dispose que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.

En fait, l'implication dans l'accident dont a été victime Mme [W] du véhicule Fiat Punto conduit par Mme [G] [Z] et assuré auprès de la société d'assurance néerlandaise Ohra représentée par le BCF n'est pas contestée, de sorte qu'à ce stade du raisonnement, ces dernières sont obligées à l'indemnisation du préjudice subi par Mme [W].

Les parties s'opposent en revanche sur la perte ou non de la qualité de conducteur de Mme [W] lorsqu'elle a été victime d'un second choc accidentel, de laquelle dépend la nature de la faute susceptible de lui être opposée.

2.2 - L'accident est survenu le [Date décès 3] 2008 vers 6 heures sur l'autoroute A1 dans le sens [Localité 18]-Province. Sur cette portion d'autoroute, comprenant trois voies de circulation, la vitesse était limitée à 130 km/h, la circulation fluide et la chaussée humide. Mme [W] et son frère M. [S] ainsi que leurs passagers se rendaient en Belgique pour assister à une manifestation évangélique.

Il est constant que Mme [W] a perdu le contrôle de son véhicule, lequel a percuté le terre-plein central de l'autoroute, a fait un ou plusieurs tonneaux et s'est immobilisé sur le toit sur la troisième voie de circulation, et que M. [S], qui la suivait immédiatement, a garé son véhicule au-delà du véhicule accidenté sur la même 3ème voie de circulation (page 6 du procès-verbal d'enquête) et s'est porté au secours des occupants du véhicule accidenté.

Même si l'enregistrement du système de vidéo-surveillance, non pas de l'autoroute mais d'un site d'activité de la société FM Logistics situé au bord de celle-ci, n'est pas produit aux débats, le procès-verbal de gendarmerie relatif au visionnage de cet enregistrement mentionne que celui-ci ne permet pas d'expliquer les circonstances dans lesquelles le véhicule Mercedes s'est retrouvé immobilisé sur le toit, mais permet de voir le véhicule Fiat Punto heurter le véhicule Mercedes alors que des personnes portent secours aux passagers du véhicule Mercedes accidenté.

Les enquêteurs ont procédé à l'audition de Mme [W] et de Mme [Z], dont les déclarations sont les suivantes :

Mme [E] [W] :

'Nous avons emprunté l'autoroute pour nous rendre en Belgique. Ensuite, je n'ai plus aucun souvenir concernant cet accident.'

Mme [G] [Z] :

'Je roulais sur la 1ère voie de circulation à environ 100 km/h. J'ai vu un poids lourd se trouvant sur la 1ère voie de circulation ralentir. J'ai également freiné un peu et je l'ai dépassé sur la 2ème voie de circulation. Tout à coup, j'ai vu une voiture immobilisée sur la chaussée. Je ne sais plus exactement sur quelle voie elle se trouvait. Je pense qu'elle était sur la gauche de l'autoroute. Je ne peux pas dire le modèle du véhicule. J'ai freiné mais je n'ai pas pu éviter cet obstacle. Je me suis immobilisée sur la 2ème voie de circulation.'

Les enquêteurs ont également recueilli les témoignages suivants :

M. [B] [D], passager arrière gauche du véhicule conduit par Mme [W] :

'Juste avant l'accident, Mme [W] roulait à une vitesse d'environ 110 km/h et se trouvait sur la voie du milieu. Ce dont je me souviens, c'est qu'un poids lourd avec semi-remorque nous a doublés rapidement. Ce poids lourd se trouvait sur la voie la plus à gauche de la chaussée. Le conducteur de ce poids lourd, à la fin de sa manoeuvre de dépassement, a commencé à se diriger sur notre voie de circulation. Mais se faisant, il était sur le point de heurter l'avant de notre véhicule. Je n'ai pas de détail à vous donner sur ce poids lourd. Mme [W] a eu un réflexe et a donné un coup de volant à gauche et elle a heurté directement le terre-plein central. Ensuite, tout est allé très vite, nous avons fait 2 tonneaux et je me suis évanoui'.

M. [X] [V], passager avant droit du véhicule de Mme [W] :

'Des poids lourds se trouvaient sur la 1ère voie de circulation. Mme [W] les dépassait, elle se trouvait donc sur la 2ème voie de circulation. Elle circulait à une vitesse d'environ 100 ou 110 km/h.

A un certain moment un poids lourd avec une semi-remorque (...) a déboîté sans clignotant. Pour éviter la collision, Mme [W] a donné un coup de volant à droite. Mais apercevant le fossé dans la direction qu'elle prenait, elle a braqué vers la gauche. Suite à cela elle a perdu le contrôle de son véhicule et a ensuite percuté le terre-plein central. Le véhicule a commencé à faire des tonneaux et a glissé sur plusieurs mètres.

J'ai réussi à m'extirper du véhicule et j'ai extrait Mme [W] de la voiture. Je l'ai éloignée des lieux de l'accident. Elle était consciente à cet instant. J'ai ensuite voulu porter secours à M. [D] mais c'était impossible car la portière était bloquée.

Je me suis donc porté au devant de la voiture afin d'avertir et de faire ralentir les autres usagers de la route. Tout le monde a réussi à éviter le choc sauf le conducteur de la Fiat Punto. Je ne peux pas vous dire si le conducteur a eu le temps de freiner mais elle a percuté la voiture Mercedes violemment. Celle-ci s'est mise en toupie et a fauché le frère de Mme [W], je ne connais que son prénom, [O].'

M. [L] [M], passager arrière gauche du Renault Scenic conduit par M. [S] :

'Au cours du trajet, le véhicule Mercedes est victime d'un accident. Etant donné la distance qui sépare ce véhicule de celui dans lequel je me trouve, je n'ai rien vu des circonstances de son accident.

Lorsque nous arrivons au niveau de l'accident, nous voyons la Mercedes immobilisée sur le toit, sur la voie située le plus à gauche. [O] stationne le véhicule Renault après le véhicule accidenté sur la même voie, quelques mètres plus loin. Nous allons immédiatement porter secours aux passagers. A notre arrivée, le passager avant de la Mercedes est déjà hors du véhicule et extirpe la conductrice. Seul le passager arrière est resté coincé dans la voiture. Les secours sont appelés par d'autres usagers de la route alors que nous portons secours à nos amis.

[O] porte sa soeur [E], conductrice de la Mercedes, sur ses épaules pour aller la mettre en sécurité vers le Renault Scenic. [A], le passager de la Mercedes se trouve avec eux. Soudain, un véhicule vient percuter violemment la Mercedes qui sous le choc part en tourniquet et renverse [O] et [E].'

En revanche, ils n'ont entendu ni M. [O] [S] ni sa passagère avant et compagne Mme [U].

2.3 - sur la qualité de conducteur ou de piéton de Mme [W]

Mme [W] invoque l'existence de deux accidents successifs et sa qualité de piéton au moment où, se tenant sur la chaussée de l'autoroute hors de son véhicule accidenté, elle a été percutée par ce dernier, projeté par la percussion du véhicule Fiat Punto assuré par le BCF.

Elle fait valoir, essentiellement, en se prévalant de l'avis technique de M. [H], expert en accidentologie :

- que, selon les enregistrements de la vidéo-surveillance de l'autoroute, plus de deux minutes se sont écoulées entre le choc et l'immobilisation de son véhicule Mercedes contre le rail central de sécurité et la collision entre le véhicule Fiat Punto et le véhicule accidenté,

- que plus d'une dizaine de véhicules sont passés entre-temps à basse vitesse, sans percuter le véhicule accidenté,

- que la projection du véhicule Mercedes accidenté, percuté par le véhicule Fiat Punto, contre sa personne alors qu'elle se trouvait sur la chaussée hors de son véhicule, a constitué un second accident distinct du premier, et qu'elle avait alors la qualité de piéton lui rendant inopposable une quelconque faute de conduite antérieure.

Le BCF conclut à l'existence d'un accident unique et indivisible qu'il qualifie de complexe et au maintien, pour Mme [W], de la qualité de conductrice d'un véhicule terrestre à moteur, par adoption des motifs suivants du jugement dont appel : "il ressort du procès-verbal d'enquête de gendarmerie que l'accident litigieux s'est déroulé en deux phases, la première, liée à la perte de contrôle par Mme [W] de son véhicule, lequel s'est retrouvé immobilisé sur le toit, la seconde, impliquant le véhicule conduit par Mme [G] [Z] qui est venu heurter le véhicule accidenté, lequel est parti en toupie pour aller faucher Mme [W] alors qu'elle venait de s'en extraire. Ces deux chocs successifs, qui se sont déroulés dans un enchaînement continu, constituent un accident unique et indivisible, au cours duquel Mme [W] a toujours conservé sa qualité de conductrice".

M. [H] expert accidentologie mandaté par Mme [W], qui a exploité les vidéos de surveillance de la société FM Logistics, explique que les caméras n'étaient pas destinées à surveiller l'autoroute mais le site d'activité de la société et qu'une des caméras a pivoté vers la zone de l'accident du fait du bruit occasionné par la survenance du premier choc.

Il ressort de son avis technique motivé retranscrivant les images de la vidéo que la camera n°1 pivote et zoome à 5h47mn51s en direction du véhicule accidenté immobilisé seul sur le toit, quasi-perpendiculaire à l'axe de la route, l'avant vers la glissière centrale, qu'à 5h48m, deux hommes s'affairent à sortir quelqu'un du véhicule Mercedes, qu'à 5h49m39s, toutes les personnes qui se trouvent autour du véhicule accidenté se tiennent debout et marchent et qu'à 5h49n47s, le véhicule Fiat Punto percute le véhicule Mercedes, lequel effectue une rotation pendant 3 secondes.

Mme [W] se prévaut, pour justifier de l'existence de deux accidents distincts, des conclusions suivantes de l'expert qu'elle a mandaté :

'Plus de deux minutes s'écoulent avant que ne survienne la collision. Durant ce temps, onze poids lourds et quatre voitures passent au niveau du véhicule renversé sur la 1ère voie progressant de 45 à 55 km/h.

Seule Mme [Z], qui vient déjà de parcourir près de 1000 km, est incapable de gérer sa vitesse et de rester sur la voie n°1, dont la vitesse de circulation et le roulage en file sont à eux seuls, vu le trafic fluide, des indicateurs évidents qu'un grave incident se déroule sur les deux autres.

Les personnes situées en arrière du véhicule «A» (Mercedes) se tiennent debout et marchent, dont les 2 victimes percutées par projection. Il est donc avéré que Mme [W] se tenait debout et marchait avant d'être percutée par son véhicule projeté sur elle par le véhicule «B» conduit par Mme [Z].

Le mécanisme du second accident collisionnel est totalement indépendant du premier accident.'

Toutefois, il est établi que dans un laps de temps de 2 à 3 minutes seulement, Mme [W] a percuté le terre plein central de l'autoroute, son véhicule s'est immobilisé sur la voie la plus à gauche, elle a été extraite de son véhicule par un ami et son frère et elle se tenait debout près de son véhicule lorsque celui-ci a été percuté par un véhicule, a pivoté sur lui-même et a fauché Mme [W] et son frère.

Ces collisions successives sont intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu de sorte qu'elles constituent un seul et même accident, ce dont il résulte que Mme [W], même en étant sortie de son véhicule entre les deux collisions, a conservé sa qualité de conducteur d'un des véhicules impliqués. Le jugement sera confirmé sur ce point.

2.4 - En application des articles 1382 (anciennement 1353) du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe au BCF de rapporter la preuve des fautes commises par Mme [W], conducteur victime, de nature à exclure son droit à indemnisation.

Pour retenir une faute limitant son droit à indemnisation de moitié, les premiers juges ont considéré que l'enregistrement des données du système vidéo surveillance de l'autoroute ne permettait pas d'expliquer les circonstances dans lesquelles le véhicule de Mme [W] s'est retrouvé immobilisé sur le toit, que les témoignages des deux passagers de Mme [W] ne pouvaient être tenus pour probants dès lors qu'ils étaient contradictoires, et en a déduit que les circonstances dans lesquelles Mme [W] aurait été gênée par l'ensemble routier n'étaient pas établies de sorte qu'aucun élément ne permettait d'établir l'opportunité de la manoeuvre de Mme [W], non plus, a fortiori, que le caractère inévitable de la perte de contrôle de son véhicule.

Mme [W] soutient qu'aucun défaut de maîtrise ne pourrait lui être imputé au double motif :

- en premier lieu, que le déport du poids lourd non identifié sur sa voie de circulation a représenté un obstacle imprévisible pour elle, constituant une exception à l'obligation de maîtrise au sens de l'article R.413-17 § II du code de la route,

- en second lieu et en toute hypothèse, qu'il résulte de l'avis de l'expert en accidentologie [H] que, suite au déport du poids lourd, la tentative d'évitement était la seule possibilité pour éviter la collision, mais que la perte de contrôle du véhicule Mercedes lors de cette manoeuvre d'évitement était inéluctable.

Elle ajoute que le droit à indemnisation intégrale a été reconnu par la société d'assurance du véhicule de Mme [Z].

A titre subsidiaire, elle soutient que les circonstances de la perte de contrôle de son véhicule restent indéterminées.

Le BCF conclut à l'existence d'une faute de conduite de Mme [W] réduisant de 50 % son droit à indemnisation, en confirmation du jugement, aux motifs que :

- ni le procès-verbal de gendarmerie ni les témoignages des deux passagers du véhicule de Mme [W] ne permettent d'établir que celle-ci a perdu le contrôle de son véhicule du fait du dépassement d'un poids lourd non identifié,

- les témoignages des deux passagers ne sauraient être probants, l'un indiquant que le camion circulait à droite du véhicule de Mme [W] lors du premier choc, l'autre que le camion circulait à sa gauche,

- le défaut de maîtrise de son véhicule par Mme [W] pour une raison restant indéterminée a entraîné l'immobilisation du véhicule, la présence de piétons sur la chaussée de l'autoroute et a incontestablement eu un rôle causal dans la survenance du second choc,

- la société Van Ameyde France, en qualité de correspondant du BCF, n'a jamais reconnu un droit à indemnisation intégrale au profit de Mme [W].

Les offres de règlement de la société Van Ameyde France en qualité de représentant de la société Ohra ont expressément été effectuées pour 'satisfaire au formalisme de la loi Badinter' sans qu'aucun droit à entière indemnisation n'ait été reconnu ; tout au contraire, sa lettre du 9 avril 2013 mentionne un droit à indemnisation de 50 %.

L'article R.413-17 du code de la route dispose :

I.- Les vitesses maximales autorisées par les dispositions du présent code (...) ne s'entendent que dans des conditions optimales de circulation : bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide, véhicule en bon état.

II.- Elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles.

En l'absence d'élément objectif résultant de l'enquête pénale et de souvenir de Mme [W], seuls les témoignages de ses deux passagers sont de nature à expliquer les circonstances du premier accident.

Ceux-ci précisent de manière concordante que Mme [W] circulait sur la voie centrale de circulation et qu'elle a perdu le contrôle de son véhicule en raison de l'obstacle qu'a constitué le déplacement sur sa voie de circulation d'un véhicule poids lourd.

Ces témoignages convergents sur ce point doivent être retenus et ce, quand bien même seraient-ils contradictoires sur les circonstances qui ont entraîné cette perte de contrôle, puisque le passager avant déclare que Mme [W] était en train de doubler une file de camions roulant sur la 1ère voie de circulation lorsqu'un véhicule poids lourd a brusquement déboîté sur sa gauche sans clignotant, alors que le passager arrière indique qu'un poids lourd situé sur la voie la plus à gauche a doublé rapidement le véhicule de Mme [W] et s'est rabattu brusquement, étant sur le point de heurter leur véhicule.

Un défaut de maîtrise du véhicule n'est constitué au sens de l'article R.413-17- II du code de la route qu'en présence d'un obstacle prévisible.

Or, les circonstances de l'accident apparaissent indéterminées de sorte que l'existence d'un obstacle prévisible n'est pas rapportée par le BCF.

En l'état de ces deux seuls témoignages, les circonstances de l'accident demeurent indéterminées et la preuve n'est donc pas rapportée par le BCF d'un défaut de maîtrise fautif pouvant être reproché à Mme [W] pour n'avoir pas réglé sa vitesse en fonction des obstacles prévisibles.

En conséquence, le droit à indemnisation de Mme [W] doit être déclaré entier, en infirmation du jugement.

3- sur la demande de provision

Mme [W] sollicite une provision de 3 000 000 € qu'elle justifie en se fondant sur les différents postes de préjudices retenus par les experts. Elle fait valoir principalement :

- que sa tentative de reprise professionnelle entre juillet et septembre 2008 s'est inscrite dans un déni total de l'importance de ses troubles,

- qu'à la date de l'accident, elle exerçait un emploi de conseil en stratégie de développement auprès la société APPC et un emploi de directrice du développement au sein de la société groupe ESPAS et percevait par ailleurs des revenus tirés de bénéfices industriels et commerciaux professionnels ,

- que ses revenus en 2007 s'élevaient à la somme de 193 926 €

- que sa perte de revenus nette sur la période de 11 ans et 8 mois s'élève ainsi à 2 182 455,30 € (2 262 470 - 68 600 - 11 414,79) et perdure au-delà en raison de son inaptitude professionnelle à exercer tout emploi rémunéré,

- que si une plainte a été déposée en 2007 par diverses caisses primaires d'assurance maladie à l'encontre des associations ESPAS GRBH et du groupe ESPAS dont elle était la directrice du développement, aux motifs que ces associations auraient organisé une escroquerie permettant le transport de malades en véhicule de tourisme et leur facturation auprès des organismes de sécurité sociale, et si elle a été condamnée comme étant l'organisatrice de cette escroquerie, elle a été entendue par le juge d'instruction après son accident, alors qu'elle était dans l'incapacité de se défendre en raison de son syndrome frontal ; qu'une plainte pour escroquerie au jugement est en cours d'instruction,

- qu'il n'y a pas eu de détérioration progressive de son état de santé postérieurement à son incarcération ; qu'en réalité, la méconnaissance de la gravité de son traumatisme et la minimisation par elle-même de ses troubles ont été à l'origine d'un défaut de soins; que le traumatisme de son genou n'a ainsi donné lieu à investigations qu'à partir de janvier 2009 et que la gravité des suites de son traumatisme crânien n'a donné lieu à un suivi spécialisé qu'à compter de sa prise en charge par le docteur [I] en 2011,

- qu'elle ne bénéficie ni d'une pension d'invalidité ni d'une majoration tierce personne, de sorte que la créance de la CPAM ne peut venir en déduction ni des postes de préjudice qu'elle n'a pas effectivement réparé ni des postes de préjudice personnels.

Rappelant que Mme [W] a déjà perçu une provision totale de

934 823,79 €, le BCF s'y oppose aux motifs :

- que la perte des revenus de Mme [W] résultant de la cessation de l'activité des associations groupe ESPAS et APPC n'est pas liée à l'accident mais uniquement au caractère frauduleux et répréhensible de l'activité exercée,

- qu'elle a repris son activité professionnelle suite à l'accident et a continué à l'exercer jusqu'à son incarcération,

- que Mme [W] et M. [S] (son demi-frère) ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Nanterre pour escroquerie en bande organisée et faux et que cette condamnation a été confirmée par la cour d'appel de Versailles et la Cour de cassation,

- qu'ils ont escroqué plusieurs caisses de sécurité sociale en surfacturant des prestations de transport de malade entre janvier 2006 et avril 2007, notamment par l'intermédiaire des associations APPC et Groupe ESPAS,

- que la diminution des revenus de Mme [W] est également liée à son incarcération entre janvier et septembre 2009,

- qu'elle est mal fondée à solliciter l'indemnisation d'une perte de revenus issus d'activités illégales ayant entraîné sa condamnation pénale,

- que les besoins en tierce personne ne nécessitent pas une aide médicale spécialisée, mais uniquement une aide-ménagère,

- qu'une partie des troubles dont souffre Mme [W] n'est pas la conséquence directe de l'accident de la circulation mais résulte des conséquences psychologiques de l'incarcération, son état s'étant progressivement détérioré entre la date de l'accident et la date de la consolidation, le 26 novembre 2013 et, à ce titre, ne saurait être mise à sa charge ; que le volume du besoin d'assistance par tierce personne est don contestable.

A titre subsidiaire, il sollicite une nouvelle expertise médicale, notamment sur l'évaluation des besoins d'aide humaine.

Les professeur [N] et les docteurs [R] et [I] ont émis l'avis suivant sur le préjudice corporel subi par Mme [W] :

- déficit fonctionnel temporaire total durant l'hospitalisation

- déficit fonctionnel temporaire partiel de 80 % jusqu'à la date de consolidation

- souffrances endurées : 6/7

- consolidation au 26 novembre 2013

- séquelles (essentiellement) : anosmie complète, syndrome frontal avec euphorie persistante, crises d'épilepsie, la perte totale de mouvements du corps et de la parole survenant par crises et entraînant une incapacité à se déplacer et à communiquer de jour et de nuit, des troubles de la marche par blocage du genou gauche,

- déficit fonctionnel permanent de 70 %

- préjudice esthétique : 2,5/7

- inaptitude à toute activité professionnelle

- un besoin en tierce personne active de 8 h par jour

- un besoin en tierce personne de surveillance le reste de la journée, soit16 h par jour

- préjudice d'agrément

- préjudice d'établissement

- préjudice sexuel.

Les experts ont considéré que 'l'ensemble des séquelles retenues existaient depuis l'accident de 2008 mais qu'elles n'ont pas été prises en compte lors de la première expertise réalisée en 2010 car la victime, du fait de son syndrome frontal, oublie ce dont elle souffre et les problèmes qui en résultent, la meilleure illustration en étant celle des problèmes judiciaires immérités où elle et son frère se sont débattus durant deux ans.' Le BCF conteste cette affirmation.

S'agissant d'une demande de provision, celle-ci ne peut être accordée que dans la limite de l'obligation non sérieusement contestable du débiteur de l'indemnité et ce, sans qu'une contre-expertise soit ordonnée comme le demande le BCF, une telle demande relevant de l'appréciation du juge chargé de la liquidation du préjudice.

S'il existe une contestation sérieuse sur l'indemnisation de la perte de gains professionnels et des besoins d'assistance par tierce personne spécialisée ou pas, il est justifié de l'absence de versement d'une pension d'invalidité et d'une majoration tierce personne. Par ailleurs, le BCF ne conteste pas les conclusions expertales relatives aux préjudices extra-patrimoniaux et évalue le besoin en tierce personne, sur la base du rapport du 4 mars 2014, à la somme de 846 990,30 €.

Au vu de la provision déjà versée pour un montant de 934 823, 79 € et du droit à indemnisation intégrale reconnu à la victime, il lui sera alloué une provision complémentaire de 300 000 €, en infirmation du jugement.

4 - sur la demande de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine

Le BCF conclut à bon droit au rejet du recours subrogatoire de cette dernière à ce stade de la procédure au motif que l'imputation du recours de la CPAM ne peut se faire que poste par poste après fixation du préjudice de la victime, lequel ne pourra être liquidé que par le tribunal qui reste saisi puisque la victime n'a pas chiffré ses demandes.

5 - sur les dépens

Mme [W] ayant abandonné ses demandes à l'encontre de la Mutuelle de Poitiers assurances et du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, les dépens de leur intervention forcée seront mis à sa charge et elle sera condamnée à payer à chacun d'eux la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que les dépens de première instance ont été réservés par les premiers juges de sorte qu'il n'appartient pas à la cour de les liquider.

Les dépens d'appel hors ceux relatifs à l'intervention forcée de la Mutuelle de Poitiers assurances et du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages doivent incomber au BCF, partie perdante. Ceux-ci comprendront les frais d'exécution forcée en application de l'article 695 alinéa 1er du code de procédure civile, à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement incombant réglementairement au créancier.

La demande de Mme [W] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera accueillie à hauteur de la somme de 4 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande à l'encontre du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et de la Mutuelle de Poitiers assurances, intervenants forcés en cause d'appel,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la faute commise par Mme [E] [W] réduit de 50 % son droit à indemnisation des suites de l'accident de la circulation survenu le [Date décès 3] 2008 et rejeté la demande de provision,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Dit que le droit à indemnisation de Mme [E] [W] est entier,

Condamne le bureau central français en qualité de représentant de la société d'assurance néerlandaise Ohra à payer à Mme [E] [W] une provision de 300 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

Renvoie l'examen du recours de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine devant le tribunal de grande instance de Paris qui reste saisi de la liquidation du préjudice de Mme [W],

Rejette toute autre demande du BCF ès qualités et de Mme [W],

Déclare le présent arrêt commun à la CPAM de Seine-Saint-Denis,

Condamne Mme [E] [W] aux dépens relatifs à l'intervention forcée de la Mutuelle de Poitiers assurances et du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et à payer à chacun d'eux la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le BCF ès qualités aux dépens d'appel, hors ceux relatifs à l'intervention forcée de la Mutuelle de Poitiers assurances et du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages mais comprenant les frais d'exécution forcée en application de l'article 695 alinéa 1er du code de procédure civile, à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement incombant réglementairement au créancier,lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne le BCF ès qualités à payer à Mme [E] [W] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la CPAM des Hauts-de-Seine sur le même fondement.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/04737
Date de la décision : 21/10/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°17/04737 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-21;17.04737 ?
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