La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2019 | FRANCE | N°16/08910

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 18 octobre 2019, 16/08910


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 18 Octobre 2019



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08910 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZEEG



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mars 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15-02472



APPELANTE

Association COMITÉ CATHOLIQUE CONTRE LA FAIM ET POUR LE DÉVELOPPEMENT

[Adresse

1]

[Adresse 1]

représentée par Me Bénédicte GIARD-RENAULT TEZENAS DU MONTC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1234 substituée par Me Aurélie BENOIS, avocat au barreau de PA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 18 Octobre 2019

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08910 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZEEG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mars 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15-02472

APPELANTE

Association COMITÉ CATHOLIQUE CONTRE LA FAIM ET POUR LE DÉVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Bénédicte GIARD-RENAULT TEZENAS DU MONTC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1234 substituée par Me Aurélie BENOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1234

INTIMÉE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Mme [B] [W] en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Adresse 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (ci-après dénommé le CCFD) d'un jugement rendu le 29 mars 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (ci-après dénommée le caisse).

EXPOSE DU LITIGE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que le 9 novembre 2012, Mme [E], secrétaire de direction du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail. Elle joignait un certificat médical initial du même jour constatant «'une fracture du diaphyse fémorale gauche hospitalisée en orthopédie le 09/11/2012 ». Le 22 janvier 2013, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne prenait en charge d'emblée cet accident au titre de la législation professionnelle.

Le 25 juillet 2013, Mme [E] faisait état d'une nouvelle lésion, 'une pseudarthrose bifaciale fémorale gauche', prise en charge par la caisse le 3 septembre 2013.

Contestant l'opposabilité de cette dernière décision, le CCFD a saisi la commission de recours amiable de la caisse. A défaut de réponse explicite, par courrier du 10 décembre 2013, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.

Par jugement rendu le 29 mars 2016 , ce tribunal a'déclaré ce recours recevable mais mal fondé et la décision de prise en charge de Mme [E] au titre de la nouvelle lésion opposable à l'employeur.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

A titre principal,

- juger recevable son recours,

A titre subsidiaire,

- constater le non-respect par la caisse de l'obligation d'information de l'employeur,

- constater l'absence de preuve de la matérialité de l'accident et l'origine professionnelle des lésions,

- en conséquence, lui déclarer inopposable la décision de rattachement des lésions nouvelles à l'accident du 9 novembre 2012,

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner avant dire droit une expertise médicale, notamment pour déterminer les lésions initiales provoquées par l'accident, et les lésions imputables à d'autres accidents ou maladies,

Faisant valoir que :

- il justifie de la saisine de la commission de recours amiable, grief qu'avait retenu le tribunal contre lui,

- la caisse ne l'a jamais informé de l'instruction du dossier d'une lésion nouvelle, ni adressé le certificat médical, dans le cadre de l'instruction mentionnée dans son courrier du 19 août 2013,

- le courrier du 27 août 2013 l'informait de la nécessité de prévoir un délai complémentaire, dans l'attente de l'avis du médecin conseil,

- la prise en charge a été ordonnée sans qu'il soit invité à consulter le dossier,

- l'obligation d'information existe pour les nouvelles lésions s'il y a nécessité d'un nouveau traitement médical, et la guérison d'une pseudartrose passe par un traitement médical, et un acte chirurgical,

- la chute de Mme [E] et la fracture qui en est résultée, sont la conséquence d'une maladie orpheline qui occasionne depuis plusieurs années de nombreuses absences, et non des conditions de travail,

- il n'est décrit aucun fait accidentel,

- Mme [E] était reconnue travailleur handicapé antérieurement à l'accident et était à un poste aménagé,

- l'accident serait intervenu avec témoin sans que la caisse ne l'interroge,

- Mme [E] a été en arrêt de travail pendant 2 ans, ce qui n'est pas cohérent avec la lésion initiale,

- la caisse ne justifie pas des éléments justifiant de la continuité et de la longueur des arrêts,

- l'existence d'une maladie orpheline et d'un handicap sont des commencements de preuve,

- le droit à un procès équitable implique que le justiciable jouisse d'une possibilité effective et raisonnable de contester un acte et de présenter sa cause.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne requiert de la cour de':

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- dire et juger que la caisse n'était tenue à aucune obligation d'information à l'égard du CCFD préalablement à la prise en charge de la nouvelle lésion déclarée le 25 juillet 2013,

En conséquence,

- dire et juger que la décision de prise en charge de la nouvelle lésion du 25 juillet 2013 au titre de la législation professionnelle est opposable à l'employeur,

- débouter le CCFD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner à lui payer une somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Aux motifs que :

- l'accident du travail de Mme [E] a fait l'objet d'une prise en charge d'emblée,

- il n'y a aucune obligation d'information pour une nouvelle lésion apparue avant consolidation,

- c'est bien en se dirigeant vers son bureau que Mme [E] est tombée et s'est fracturée le fémur,

- le travail a donc joué un rôle dans la survenance de l'accident,

- l'existence d'une maladie orpheline ou du statut de travailleur handicapé ne permet pas de remettre en cause la présomption,

- il n'est pas démontré que la chute n'a eu aucun rôle dans l'apparition de la fracture,

- le médecin conseil a rendu un avis favorable au rattachement avec l'accident du travail.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

Il ne sera pas répondu aux demandes de constatations ou de «dire et juger» qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile.

Si le tribunal a retenu qu'il n'y avait pas eu saisine de la commission de recours amiable, il n'en avait cependant tiré aucune conséquence juridique et l'existence de la saisine de cette commission n'est plus discutée devant la cour.

- Sur la matérialité de l'accident :

En vertu de l'article L 411-1 du code de sécurité sociale, pour bénéficier de la présomption d'origine professionnelle, il appartient au salarié d'apporter la preuve que l'accident non seulement s'est réellement produit mais encore qu'il est survenu par le fait ou à l'occasion du travail et que cette preuve, qui ne peut résulter de ses seules propres affirmations, doit être corroborée par des allégations de tiers.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie sans réserves le 9 novembre 2012 par le responsable paie - DRH du CCFG indique que le 9 novembre 2012 à 12h25,

Mme [E] employée en qualité de secrétaire- assistante de direction, a, 'en se déplaçant dans le couloir en direction de son bureau, marché avec un léger pivotement du pied et senti une douleur dans sa jambe avant de chuter'. Il est précisé que l'accident a été constaté immédiatement par l'employeur, que la première personne avisée a été

Mme [P], que la victime a été transportée aux urgences de l'Hôpital [Établissement 1] et que la lésion a consisté en une fracture du fémur.

Elle a joint un certificat médical en date du 9 novembre 2012 dans lequel le médecin généraliste, le chef du service des urgences a constaté «'une fracture du diaphyse fémorale gauche hospitalisée en orthopédie le 09/11/2012 ».

L'article R.441-11 du code de sécurité sociale dispose qu'en cas de réserves motivées de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

A défaut de réserves de l'employeur, aucune enquête administrative n'a été diligentée par la caisse.

L'absence de témoin n'exclut cependant pas la prise en charge dès lors qu'il existe des éléments objectifs sur les circonstances de faits permettant de retenir des présomptions graves, précises et concordantes.

Or il n'est pas contesté que Mme [E] a chuté dans les locaux du comité pendant les heures de travail et cette chute concorde avec les constatations médicales.

En conséquence, il est bien justifié par des éléments objectifs de la survenance de la lésion aux temps et lieu de travail le 9 novembre 2012 et donc la preuve de la matérialité de l'accident du travail est rapportée.

-Sur les nouvelles lésions déclarées le 25 juillet 2013 :

L'article R 441-11 du code de sécurité sociale dispose :

'I. La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur. Lorsque la déclaration de l'accident en application du deuxième alinéa de l'article L. 441-2 n'émane pas de l'employeur, la victime adresse à la caisse la déclaration de l'accident. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

En cas de rechute d'un accident du travail, le double de la demande de reconnaissance de la rechute de l'accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l'employeur qui a déclaré l'accident dont la rechute est la conséquence par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut alors émettre des réserves motivées.

II. La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès'.

L'article R. 441-14 du même code prévoit en son dernier alinéa que : 'dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis ou susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R.441-13".

Il ressort de la combinaison de ces articles que rien n'impose à la caisse le respect d'une quelconque procédure d'information de l'employeur dans le cas de nouvelles lésions déclarées par son salarié au titre de l'accident initial, soit avant la consolidation de ce dernier.

Cependant, dés lors que la caisse a informé l'employeur du dépôt de la demande et de l'existence d'une instruction en cours, elle doit satisfaire aux conditions de l'article R.441-14 du même code.

Dans le cas présent, la caisse a écrit au CCFD,

- le 19 août 2013 pour l'informer de la réception le 30 juillet 2013 d'un certificat médical mentionnant une nouvelle lésion, et de ce qu'un avis médical était nécessaire pour lui permettre de rattacher cette nouvelle lésion au fait accidentel du 9 novembre 2012,

- le 27 août 2013 pour l'informer d'un délai complémentaire d'instruction,

- le 3 septembre 2013 pour l'informer de l'avis du médecin conseil et en même temps, de la prise en charge de la nouvelle lésion au titre de l'accident du travail.

La caisse a indiqué avoir instruit le dossier et avoir recueilli des éléments. Elle ne pouvait dès lors prendre sa décision sans clôturer cette instruction et permettre à l'employeur de consulter le dossier et de formuler des observations. A défaut de l'avoir fait, la décision de prise en charge de la nouvelle lésion déclarée le 25 juillet 2013 doit lui être déclarée inopposable et le jugement entrepris sera infirmé.

- Sur les frais de procédure :

Eu égard à la décision rendue, il convient de rejeter la demande présentée par l'intimé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare inopposable au Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement la décision de prise en charge de la nouvelle lésion déclarée par Mme [E] le 25 juillet 2013,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne aux dépens.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 16/08910
Date de la décision : 18/10/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°16/08910 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-18;16.08910 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award