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16/10/2019 | FRANCE | N°17/15734

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 16 octobre 2019, 17/15734


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2019



(n° , 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15734 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B347L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/10951





APPELANTS



M. [V] [A]

Demeurant [Adresse 17]<

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[Localité 13]



Représenté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187



M. [U] [A]

Demeurant [Adresse 18]

[Localité 15]



...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2019

(n° , 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15734 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B347L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/10951

APPELANTS

M. [V] [A]

Demeurant [Adresse 17]

[Localité 13]

Représenté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

M. [U] [A]

Demeurant [Adresse 18]

[Localité 15]

Représenté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

M. [M] [A]

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 11]

Représenté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

Mme [P] [A]

Demeurant [Adresse 7]

[Localité 1]

BELGIQUE

Représentée par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

M. [X] [A]

Demeurant [Adresse 19]

[Localité 12]

Représenté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

Mme [K] [A] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

M. [F] [A]

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représenté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

INTIMÉES

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, société anonyme, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 552 120 222

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Denis-Clotaire LAURENT de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010

Société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITE D suite CP : 1HQ, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ,

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 16] ROYAUME-UNI

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bénédicte MICHE, avocat au barreau de PARIS, toque:L0310

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Marc BAILLY, Conseiller, chargé du rapport,

Pascale GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Elodie RUFFIER

lors de la mise à disposition: Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

*****

Mmes [P] et [K] [A] et MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A] sont les enfants d'[R] [A]. L'époux de cette derniére a développé une activité dans la grande distribution dans les années 1960 : il a été dirigeant de la société Promodés qui a fusionné avec Ie groupe Carrefour. I1 est décédé a la fin des années 1970 et a laissé a son épouse et à ses enfants de nombreux titres Carrefour.

[R] [A] a souhaité opérer une diversification de son patrimoine afin de réduire son risque de concentration sur un seul titre ainsi que d'améliorer son cadre successoral, d'alléger ses charges fiscales et de bénéficier d'un revenu mensuel et elle s'est rapprochée de la société Merrill Lynch Capital Markets France - aux droits de laquelle vient la société Bank Of America Merrill Lynch International Limited, de droit anglais, ainsi que de la Société Générale à cette fin.

[R] [A] a alors souscrit, le 15 mai 2001, auprès de la Société Générale un prêt bancaire in fine d'un montant de 7 500 000 francs (soit 1 143 367,63 euros), le capital devant être réglé à l'échéance du 31 mai 2008.

Les fonds ainsi mis à disposition ont été versés sur un contrat d'assurance-vie 'Legatus patrimoine' précédemment souscrit par [R] [A] auprès de la société Axa par l'intermédiaire de la société Merrill Lynch Capital Markets France.

Le contrat d'assurance vie devait permettre, à l'échéance du prêt in fine, de rembourser le capital emprunté et les intérêts y afférents.

Le prêt a été garanti par une déclaration de gage de compte d'instruments financiers portant sur 27 500 actions de la société Carrefour en date du 15 mai 2001.

Le 25 novembre 2002, [R] [A] a nanti son contrat d'assurance-vie à hauteur de 600 000 euros. A la date du 31 octobre 2002, ce contrat présentait une valeur de 672 633 euros par rapport à la valeur initiale de 1 133 655,62 euros au 30 juin 2001.

Par courrier du 2 octobre 2008, la Société générale a rappelé à [R] [A] que le prêt était échu et que la somme due, intérêts et capital, soit la somme 1 238 415,77 euros, devait être remboursée.

Le rachat intégral du contrat d'assurance-vie est intervenu le 3 décembre 2008 pour une somme de 569.339,37 euros.

A la suite de ce rachat, [R] [A] restait donc devoir une somme correspondant au solde du prêt initial qui n'avait pu être remboursé par le rachat du contrat d'assurance-vie soit la somme de 684.982,56 euros au 24 mars 2009.

Afin de rembourser le solde du prêt, [R] [A] a souscrit le 24 mars 2009 auprès de la Société générale une ouverture de crédit utilisable par découvert en compte spécial pour un montant de 685 000 euros avec un taux d'intérêt correspondant à un taux moyen mensuel fixé sur les taux EONIA majoré de 1,50 % à échéance au 1 er février 2010, avec pour garantie un nantissement de 45 029 actions du groupe Carrefour.

A l'échéance, une nouvelle ouverture de crédit par découvert en compte spécial, dite 'avance patrimoniale' avec un taux d'intérêt fixé sur le taux EURIBOR majoré de 3 % a été accordée à [R] [A] le 3 février 2010.

Le 2 août 2010, Mme [R] [A], mais aussi MM. [U] et [M] [A], ont fait assigner la société Axa France-Vie devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir dire qu'ils étaient bénéficiaires d'un droit de renonciation au contrat d'assurance-vie sur le fondement de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances ou, à défaut, obtenir des dommages-intérêts pour perte d'une chance d'avoir pu choisir un contrat moins risqué.

Par jugement du 7 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a, d'une part, débouté [R] [A] de ses demandes, considérant que son contrat ayant pris fin, elle ne pouvait bénéficier d'un droit de renonciation et que sur sa demande subsidiaire, elle ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité entre le manquement invoqué et le préjudice subi et, d'autre part, fait droit aux prétentions de MM. [U] et [M] [A] tendant à la restitution des sommes remises lors de la souscription à laquelle ils avaient procédé pour leur propre compte.

[R] [A] est décédée le [Date décès 5] 2012.

******

Par actes d'huissier des 8 et 9 juillet 2013, Mmes [P] et [K] [A] et MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A], les enfants de Mme [R] [A], ont fait assigner la Société générale et la société Merrill Lynch Capital Markets devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à leur verser diverses sommes à titre d'indemnisation sur leur préjudice financier.

Le 15 mai 2015, le tribunal a rejeté les fins de non-recevoir tirées, d'abord, du défaut de qualité et d'intérêt à agir des demandeurs en estimant que l'appréciation d'un préjudice personnel des demandeurs - dans sa teneur et son principe - relevait d'un débat de fond et, ensuite, de la prescription de leur action puis a ordonné la réouverture des débats et le renvoi à la mise en état.

Par jugement en date du 7 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Paris a débouté les consorts [A] de toutes leurs demandes aux motifs, qu'agissant sur le fondement de la responsabilité délictuelle à raison de fautes contractuelles commises à l'égard d'[R] [A], ils ne justifiaient pas d'un préjudice personnel puisque le 'montant de l'avance patrimoniale' et les intérêts versés par [R] [A] constituaient des préjudices subis par la succession.

La Société Générale a interjeté appel le 30 août 2017 du jugement du 15 mai 2015 et les consorts [A] le 11 août suivant du jugement du 7 juillet 2017, les appels ayant été joints par ordonnance du 7 novembre suivant.

******

Par leurs conclusions en date du 7 juin 2019, Mmes [P] et [K] [A] ainsi que MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A] font valoir :

- que leur action en responsabilité civile délictuelle n'est pas prescrite dès lors qu'ils ont eu connaissance des préjudices résultant des gains manqués et des pertes subies correspondant aux

intérêts et frais de l'emprunt payés en vain que lors du décès de leur mère le [Date décès 5] 2012,

- subsidiairement, qu'ils sollicitent l'indemnisation de leur préjudice en qualités d'ayants droit du de cujus et qu'ils ne sont pas prescrits car ils ont agi par assignation des 8 et 9 juillet 2013 soit moins de cinq années après le terme du contrat du prêt in fine, soit le 2 octobre 2008 puis qu'expirant le 31 mai 2008, il a été prorogé jusqu'au 2 octobre 2008,

- que la demande tendant au rejet des leurs conclusions contestant le jugement du 15 mai 2015 n'est pas fondée dans la mesure où le jugement du 17 juillet 2017 a confirmé au fond leur intérêt à agir et qu'une jonction est intervenue de sorte que les deux jugements sont indivisibles, que la Société Générale a attendu qu'appel soit relevé du second pour faire appel du premier tandis que tel n'est pas le cas de la société Merrill Lynch, de sorte qu'elles sont présumées avoir acquiescé au premier jugement en concluant sur l'appel du second pendant plus de deux années,

- qu'ils subissent un préjudice personnel par ricochet du fait des manquements des intimés à leurs obligations de mise en garde et de conseil, que la jurisprudence considère de manière constante que tiers au contrat de prêt, ils peuvent invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel tiré du défaut d'information et de conseil dès lors que ce manquement leur cause préjudice comme en l'espèce, qu'ils justifient bien d'un préjudice personnel constitué d'une avance de 323 000 euros sur leurs fonds qu'ils ont été contraints de faire à leur mère pour paiement, le 12 juillet 2012, d'une dette fiscale car elle ne disposait plus des liquidités suffisantes pour régler sa dette, qu'un cas de confirmation du jugement et compte tenu du solde à zéro du relevé de compte notarial de la succession, ils devraient tout régler sur leurs fonds propres,

- subsidiairement, qu'ils sollicitent l'indemnisation de leur préjudice en qualité d'ayants droit du de cujus et qu'ils ne sont pas prescrits car l'article L110-4 du code de commerce n'est pas applicable dès lors que les obligations ne sont pas nées à l'occasion du commerce des parties, qu'ils ont agi par assignation des 8 et 9 juillet 2013 -en invoquant la responsabilité contractuelle - soit moins de cinq années après le terme du contrat du prêt in fine, soit le 2 octobre 2008 puis qu'expirant le 31 mai 2008, il a été prorogé jusqu'au 2 octobre 2008, que la jurisprudence fait désormais partir le point de départ du terme du prêt in fine, qui s'est tacitement poursuivi jusqu'au 2 octobre 2008,

- que leur demandes au titre de la responsabilité contractuelle ne sont pas nouvelles en appel puisqu'elles étaient soulevés dès l'assignation, que l'estoppel ne leur est pas opposable dès lors que ce n'est que subsidiairement qu'ils invoquent la responsabilité contractuelle sans contradiction,

- que la Société Générale a commis des fautes en sa qualité de conseiller en gestion du patrimoine et de prestataire de service d'investissement et la société Merril Lynch en sa qualité de courtier en manquant à son devoir de conseil et d'information, en ne vérifiant pas la viabilité de l'opération, notamment en matière d'assurance-vie et compte tenu du caractère risqué de l'opération, la présentation des risques ayant été déficiente, qu'elle a encore manqué à son obligation de conseil à la suite de l'échec du montage,

- que la Société Générale a en outre manqué à ses obligations de s'enquérir du profil, de l'expérience et de la compétence d'[R] [A] en matière d'investissement,

- que la société Merril Lynch a manqué à ses obligations d'information et de conseil en sa qualité de courtier et de professionnel de l'assurance en ne communiquant pas à [R] [A] des documents conformes aux articles L132-5-1 et A132-4 du code des assurances alors que le contrat n'était pas adapté à sa situation et aux objectifs,

- qu'elle a également failli à ses obligations en cours d'exécution du contrat en ne modifiant pas sa politique d'investissement et en ne sécurisant pas le contrat connaissance prise de l'ampleur de la crise de 2008, alors qu'aucun mandat de gestion ne semble avoir été régularisé contrairement à ce que prévoit l'étude patrimoniale, ce fait ne pouvant affranchir le gestionnaire de ses obligations,

- que leurs préjudices se composent de 685 000 euros correspondant à l'avance patrimoniale qu'ils doivent désormais rembourser étant précisé que le contrat initialement de 1 143 367,63 euros a connu une moins value de 574 028,26 euros et de 558 032,52 euros correspondant à la totalité des intérêts versés pour l'ensemble des prêts, sans aucune contrepartie soit la somme totale de 1 243 032,52 euros, soit 177 576 euros chacun, seul le dommage futur pouvant être une perte de chance, outre un préjudice moral de 40 000 euros chacun, de sorte qu'ils demandent à la cour de :

'- INFIRMER le jugement en date du 07 juillet 2017 en toutes ses dispositions défavorables aux appelants ;

- CONFIRMER le jugement du 15 mai 2015 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A Titre Principal :

- DIRE ET JUGER que les appelants sont bien-fondés et recevables à agir en responsabilité civile délictuelle contre la SOCIETE GÉNÉRALE et la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED;

- DIRE ET JUGER que l'action des appelants en responsabilité civile délictuelle n'est pas prescrite ;

- REJETER toutes les demandes de la SOCIETE GÉNÉRALE au titre de ses conclusions ;

- REJETER toutes les demandes de la SOCIETE BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED au titre de ses conclusions ;

- DIRE ET JUGER que la SOCIETE GÉNÉRALE et la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED en tant que prestataire de services d'investissement et conseiller en gestion de patrimoine ont violé leurs obligations d'information et de conseil à l'encontre de Madame [A], causant un préjudice personnel à chacun des appelants ;

- DIRE ET JUGER que la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED a manqué en sa qualité de courtier à ses obligations d'information et à son devoir de conseil envers Madame [A] causant un préjudice personnel à chacun des appelants.

- DIRE ET JUGER que la SOCIETE GÉNÉRALE et la société MERRILL LYNCH engagent leurs responsabilités civiles délictuelles à l'égard des appelants.

A Titre subsidiaire :

- DIRE ET JUGER que l'action des appelants en responsabilité civile contractuelle n'est pas prescrite,

- DIRE ET JUGER que l'action des appelants en responsabilité civile contractuelle est recevable et bien fondée,

- REJETER toutes les demandes de la SOCIETE GÉNÉRALE dans ses conclusions,

- REJETER toutes les demandes de la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED dans ses conclusions,

- DIRE ET JUGER que la société la SOCIETE GÉNÉRALE et la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED en tant que prestataire de services d'investissement et conseiller en gestion de patrimoine ont violé leurs obligations d'information et de conseil à l'encontre des appelants,

- DIRE ET JUGER que la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED a manqué en sa qualité de courtier à ses obligations d'information et à son devoir de conseil envers les appelants.

En conséquence,

- CONDAMNER in solidum la SOCIETE GÉNÉRALE et la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED à verser à chacun des concluants la somme de 177.576 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice financier ;

- CONDAMNER in solidum la SOCIETE GÉNÉRALE et la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED à verser à chacun des concluants la somme de 40.000 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice moral ;

- DIRE que ces sommes porteront intérêt à compter de l'assignation ;

- ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil (ancien) ;

- CONDAMNER in solidum la SOCIETE GÉNÉRALE et la société BANK OF AMERICA MERRILL LYNCH INTERNATIONAL LIMITED à verser aux concluants une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.' ;

Par ses dernières conclusions en date du 20 juin 2019, la Société Générale expose :

- qu'[R] [A] ainsi que deux de ses trois enfants, MM. [U] et [M] [A], ont décidé de souscrire à l'opération proposée, les autres membres de la famille y ayant renoncé après qu'une autre banque les avait alertés des risques de l'opération envisagée,

- qu'à la suite de son appel du jugement du 15 mai 2017 formé le 30 août 2017, recevable dès lors qu'il ne tranchait pas la totalité du principal et sans acquiescement présumé, la cour avait décidé un calendrier court de l'article 905 du code de procédure civile qui a été rapporté après la jonction des instances du 7 novembre 2017, laissant toutefois subsister les délais de droit commun de l'article 909 du code de procédure civile et que les consorts [A] n'ont pas conclu dans le délai de trois mois soit avant le 7 janvier 2018, de sorte que leurs conclusions du 3 avril 2018 sont irrecevables en ce qu'elles répondent à son appel, que la jonction rendant les jugements indivisibles ne les empêchait pas de conclure,

- qu'après avoir modifié leur action de délictuelle en première instance à contractuelle après que leur a été opposée la prescription, les consorts [A] ont ensuite invoqué un fondement délictuel principal, et subsidiairement contractuel pour la première fois dans leurs conclusions du 21 février 2018,

- que les appelants sont irrecevables en vertu de l'article 31 du code de procédure civile, faute d'intérêt à agir sur le fondement délictuel de sorte que le jugement du 15 mai 2015 doit être réformé puisque cette appréciation n'exige pas un examen au fond de l'affaire dès lors qu'après avoir assigné sur un fondement contractuel et s'être vu opposer la prescription, ils ont déclaré agir sur un fondement délictuel tout en invoquant le même préjudice, prétendument subi par ricochet alors qu'ils ne démontrent pas un préjudice personnel distinct de celui subi en qualité d'ayants droit,

- que le jugement du 15 mai 2015 doit encore être réformé en ce que l'action délictuelle est irrecevable comme prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil puisqu'ils ont été informés des faits leur permettant d'exercer leur action, soit la variabilité de la valeur du contrat, dès sa conclusion,

- que sa faute délictuelle à leur égard n'est pas démontrée non plus qu'une faute contractuelle à l'égard de l'auteur des appelants susceptible de former une faute délictuelle à leur endroit dès lors que l'obligation d'information et de conseil ne profite qu'au seul cocontractant sauf à heurter le principe de l'effet relatif des contrats,

- que relativement au jugement du 17 juillet 2017, les consorts [A] ne rapportent pas la preuve d'une faute délictuelle détachable du contrat et des obligations afférentes, ni d'un préjudice personnel par ricochet qui se distingue de celui des héritiers ès qualités puisque leur appauvrissement de la somme de 685 000 euros d'avance patrimoniale faite par la banque à leur mère qu'ils doivent rembourser ainsi que les intérêts qui ont été versés trouvent leur cause unique dans la dévolution successorale, de sorte qu'il s'agit du préjudice principal et non par ricochet,

- que la somme de 323 000 euros avancée à leur mère pour paiement d'une dette fiscale de droits de mutation non payés n'a aucun rapport avec les faits de l'espèce et ne constitue pas un préjudice, que leur obligation de rembourser le reliquat du prêt sur leurs deniers personnels trouve son origine dans leurs qualités d'héritiers, que la preuve de la constance des préjudices allégués n'est pas rapportée, une information différente d'[R] [A] n'aurait pas conduit cette dernière à avoir recours à un autre type de financement, la diversification du patrimoine familial étant fiscalement et successoralement imposée par sa constitution essentiellement en titres de la société Carrefour,

- que l'action contractuelle subsidiaire est irrecevable puisque les consorts [A] n'agissent pas en qualités d'héritiers,

- qu'elle l'est encore car elle est prescrite puisque le manquement à l'obligation de conseil est générateur d'une perte de chance de ne pas contracter qui se manifeste dès la conclusion du contrat du 15 mai 2001 et a été acquise le 15 mai 2011 - à tout le moins en novembre 2012 dix années après des avenants de novembre 2002 tirant la conclusion de la baisse constatée des valeurs - et non la date du paiement final du 2 octobre 2008, alors même que le terme du remboursement était le 31 mai 2008, la prescription étant alors acquise le 19 juin 2013, sans accord sur la prorogation du prêt, que l'assignation en responsabilité délictuelle n'a pas interrompu la prescription de leur action contractuelle, initiée par conclusions du 21 février 2018,

- qu'elle n'a commis aucune faute concernant son obligation de conseil et de mise en garde en sa qualité d'établissement dispensateur de crédit puisqu'il n'y avait pas de risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt et qu'[R] [A], assistée de ses fils, n'était pas un emprunteur profane et souhaitait, qui plus est, des investissements dynamiques et donc risqués tout en conservant ses titres Carrefour,

- que la consistance des préjudices allégués, qui ne peuvent être que des pertes de chance, n'est pas démontrée non plus que le lien de causalité, la décision, mieux informée de recourir à une autre opération et de renoncer à celle adoptée n'étant pas, établie par les faits, de sorte que la perte de chance est nulle, les héritiers ne pouvant aujourd'hui lui reprocher un choix fait par leur auteur, de sorte qu'elle demande à la cour :

'I : Sur l'appel par SOCIETE GÉNÉRALE du jugement du 15 mai 2015 :

DIRE IRRECEVABLES les consorts [A] en leurs conclusions du 3 avril 2018, et en toutes conclusions ultérieures, et en toute demande et fin en ce qu'elles portent discussion de l'appel de SOCIETE GÉNÉRALE et demande de confirmation du jugement du 15 Mai 2015.

REFORMER le jugement du 15 mai 2015,

RECEVOIR la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des consorts [A] et en conséquence, REJETER toutes leurs demandes.

RECEVOIR, à titre subsidiaire, la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'opposant à l'action des consorts [A] à l'encontre de SOCIETE GÉNÉRALE et en conséquence REJETER toutes leurs demandes comme prescrites.

II : Sur l'appel par les consorts [A] du jugement du 07 juillet 2017 :

CONFIRMER le jugement du 07 juillet 2017 en toutes ses dispositions en ce qui concerne l'action délictuelle.

DIRE l'action contractuelle engagée à titre subsidiaire irrecevable

SUBSIDIAIREMENT, DIRE l'action contractuelle engagée à titre subsidiaire prescrite.

PLUS SUBSIDIAIREMENT, DIRE l'action contractuelle engagée à titre subsidiaire non fondée.

REJETER en conséquence, toutes les demandes fins et conclusions formées par les consorts [A] à l'encontre de SOCIETE Générale.

III- En tout état de cause :

CONDAMNER in solidum l'ensemble des consorts [A] à payer SOCIETE GÉNÉRALE, une somme de 50.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de

procédure civile.' ;

Par ses conclusions du 20 juin 2019, la société Bank of America Merrill Lynch International Limited fait valoir :

- que les consorts [A] ont très explicitement fait valoir un manquement à son obligation de conseil et d'information à l'égard d'[R] [A] qui leur aurait causé un préjudice personnel, distinct du préjudice successoral, comme cela ressort clairement du jugement du 15 mai 2015 alors qu'elle avait fait valoir l'irrecevabilité de leur demande puisqu'ils n'exerçaient pas l'action successorale et la prescription de leur action et qu'ils invoquent désormais subsidiairement une responsabilité contractuelle, tentant de mener une action successorale déguisée en changeant de qualités,

- liminairement, que l'action en responsabilité contractuelle désormais invoquée, qui ne peut être que l'action successorale compte tenu de l'absence de lien contractuel avec elle-même, se heurte à l'immutabilité du procès et à la limitation de la dévolution à ce qui a été jugé en première instance, qu'agir subsidiairement sur le fondement contractuel, en exerçant ce faisant l'action successorale correspond nécessairement à l'indemnisation d'un préjudice distinct, ce changement de qualité des appelants conduisant à une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, qu'en outre ils ne peuvent se contredire d'une instance à une autre en vertu du principe de l'estoppel, se contredisant de manière manifeste alors qu'ils n'ont aucun lien contractuel avec elle, ce qui doit conduire à l'irrecevabilité de leurs demandes,

- sur l'action délictuelle, qu'elle n'est pas recevable dès lors que le préjudice dont l'indemnisation est recherchée ne peut que correspondre au préjudice successoral et qu'il y a absence d'intérêt et de qualité à agir en vertu de l'article 31 du code de procédure civile à titre de tiers victime d'une action délictuelle alors que c'est la réparation du dommage subi en qualité d'héritier qui est recherchée en dépit que dans leurs conclusions du 7 juin 2019, soit près de 6 ans après l'introduction de l'instance, aux termes desquelles ils invoquent un prétendu préjudice personnel d'avance patrimoniale de 323 000 euros consentie à leur mère alors qu'ils ont jusqu'alors toujours fait valoir les préjudices subis par cette dernière soit l'avance patrimoniale de 685 000 euros qu'elle avait dû exposer, soit un élément de la succession, et les intérêts qu'elle a versés à la Société Générale de 558 032,52 euros, qu'ils ne peuvent arguer d'aucun préjudice par ricochet puisqu'ils poursuivent l'indemnisation de celui de leur auteur mais en qualités d'héritiers, que l'avance patrimoniale qu'ils auraient faite à leur mère pour règlements fiscaux n'est pas non plus un préjudice personnel puisque cela relève d'un choix de gestion patrimoniale sur le paiement des droits d'enregistrement d'une donation,

- qu'à reconnaître aux appelants un intérêt et une qualité à agir, leur action serait irrecevable comme prescrite puisque les enfants d'[R] [A] étaient consultés pour tout acte de gestion du patrimoine, qu'ils ont eu connaissance, en même temps que celle-ci, de l'évolution du contrat, que l'échec du montage leur était connu dès 2001 ou au plus tard au mois de mai 2008, date de son dénouement alors que l'action a été intentée au mois de juillet 2013,

- que la faute contractuelle invoquée à l'égard d'[R] [A] consistant en un défaut d'information ayant un caractère strictement contractuel entre les parties à la convention, elle ne peut constituer une faute quasi délictuelle à leur égard en qualités de tiers puisqu'il s'agit d'un type d'obligation instaurée au profit du seul cocontractant dont le tiers n'a pas vocation à bénéficier,

- qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les prétendus manquements qui lui sont reprochés et les préjudices invoqués puisqu'elle n'était pas gestionnaire du contrat d'assurance-vie, que des arbitrages ont été opérés par [R] [A] en lien avec ses enfants et qu'il a été mis fin au contrat par le seul fait de la Société Générale à laquelle elle ne pouvait s'opposer, que l'avance des enfants pour paiement d'une dette fiscale date des années 2004 et 2005 et est sans lien avec le présent litige,

- que le préjudice personnel et direct des appelants, distinct de celui qui aurait été subi par leur mère, n'est pas démontré puisqu'ils n'invoquent pas un préjudice personnel par ricochet mais celui de leur auteur et que même celui-ci, qui n'aurait pu être constitué que d'une perte de chance, n'est au demeurant pas établi,

- sur l'action contractuelle, que les consorts [A] ne précisent pas en quelles qualités ils agissent alors qu'ils sont étrangers au contrat, qu'ils sont irrecevables dès lors que l'action est prescrite puisqu'il s'agit d'une perte de chance à réparer qui se manifeste dès la conclusion du contrat soit en l'espèce au cours de l'année 2001, le délai expirant le 15 mai 2011, qu'elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles de courtier envers Mme [A], de même que la Société Générale, qu'en contradiction avec les fondements invoqués elle n'a pas agi en qualité de banquier, ni de prestataire de service d'investissement ni d'assureur et qu'elle n'avait pas de mandat de gestion, qu'elle a satisfait à ses obligations de courtier et que le montage proposé était adapté à la situation d'[R] [A],

- que le préjudice, qui ne peut être constitué que d'une perte de chance, n'est pas démontré, rien ne permettant de considérer qu'une information différente aurait conduit [R] [A] à agir différemment, que la réalité des dépenses objet des chefs de préjudice sollicités n'est pas établie, de sorte qu'elle demande à la cour de :

'I - Sur l'appel par SOCIETE GÉNÉRALE du jugement du 15 mai 2015

- CONSTATER l'irrecevabilité des Consorts [A] en leurs conclusions du 3 avril 2018

et en toutes conclusions ultérieures en ce qu'elles portent sur l'appel de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à l'encontre du jugement du 15 mai 2015 et qu'elles ont été signifiées tardivement ;

- INFIRMER le jugement du 15 mai 2015 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau

- DIRE ET JUGER que l'action des Consorts [A] est irrecevable, pour défaut

d'intérêt et qualité à agir et en conséquence, REJETER toutes les demandes présentées par

ces derniers,

- RECEVOIR, à titre subsidiaire, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des

consorts [A] à l'encontre de Bank of America Merrill Lynch International Limited

venant aux droits de MLCM, DIRE ET JUGER leurs demandes prescrites, et en

conséquence, REJETER l'ensemble de leurs demandes.

II - Sur l'appel par les consorts [A] du jugement du 07 juillet 2017

- DECLARER irrecevables les demandes formées sur le terrain contractuel par les consorts

[A] pour la première fois en cause d'appel,

- CONFIRMER le jugement du 07 juillet 2017 en toutes ses dispositions en ce qui concerne

l'action délictuelle des Consorts [A],

- DIRE, à titre subsidiaire, l'action contractuelle des consorts [A] irrecevable, pour

défaut de qualité et intérêt à agir et à défaut pour acquisition de la prescription et en

conséquence, la DECLARER irrecevable,

- DIRE, à titre très subsidiaire, l'action contractuelle des consorts [A] non fondée,

- DIRE, à titre infiniment subsidiaire, l'action délictuelle des consorts [A] non fondée,

en l'absence de faute de MLCM, de lien de causalité et de préjudice imputable à celle-ci,

II - Sur l'appel par les consorts [A] du jugement du 07 juillet 2017

- DECLARER irrecevables les demandes formées sur le terrain contractuel par les consorts

[A] pour la première fois en cause d'appel,

- CONFIRMER le jugement du 07 juillet 2017 en toutes ses dispositions en ce qui concerne

l'action délictuelle des Consorts [A],

- DIRE, à titre subsidiaire, l'action contractuelle des consorts [A] irrecevable, pour

défaut de qualité et intérêt à agir et à défaut pour acquisition de la prescription et en

conséquence, la DECLARER irrecevable,

- DIRE, à titre très subsidiaire, l'action contractuelle des consorts [A] non fondée,

- DIRE, à titre infiniment subsidiaire, l'action délictuelle des consorts [A] non fondée,

en l'absence de faute de MLCM, de lien de causalité et de préjudice imputable à celle-ci',

- REJETER en conséquence, toutes les demandes, fins et conclusions formées par les Consorts

[A] à l'encontre de Bank of America Merrill Lynch International Limited venant aux

droits de MLCM.

III - En tout état de cause

- REJETER toutes les demandes, fins et conclusions formées par les Consorts [A] à

l'encontre de Bank of America Merrill Lynch International Limited venant aux droits de

MLCM.

- CONDAMNER in solidum l'ensemble des consorts [A] à payer Bank of America

Merrill Lynch International Limited venant aux droits de MLCM une somme de 25.000 € sur

le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.'

L'ordonnance de clôture rendue le 25 juin 2019.

Par conclusions du 25 juillet 2019, la Société Générale sollicite, sur le fondement des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile le rejet des débats des conclusions des consorts [A] datées des 24 juin 2019 ainsi que d'une nouvelle pièce N°44 ajoutée au bordereau joint le 25 juin, et ce, pour violation du principe du contradictoire, la clôture étant prévue le 25 juin 2019 et reprend ses autres écritures précédentes avec même dispositif.

Par conclusions en date du 2 août 2019, la société Bank of America Merrill Lynch International Limited sollicite, sur le fondement des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile le rejet des débats des conclusions des consorts [A] datées des 24 juin 2019 à 22h29 et 25 juin 2019 à 11h 46 ainsi que d'une nouvelle pièce N°44 ajoutée au bordereau joint et de la pièce n°33 pour n'avoir jamais été communiquée, et ce, pour violation du principe du contradictoire, la clôture étant prévue le 25 juin 2019 en demandant la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 2 septembre 2019, Mmes [P] et [K] [A] et MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A] s'opposent aux demandes de rejet de leurs écritures n° 6 et 7 des 24 et 25 juin 2019 ainsi que de la pièce n°44 en faisant valoir que leurs conclusions ont été notifiées avant la clôture et en réponse aux conclusions de leurs contradicteurs du 20 juin précédent et des trois nouvelles pièces sans qu'ils n'aient manifesté l'intention d'y répondre.

MOTIFS

Sur la procédure

En vertu des articles 783 et 784 du code de procédure civile, les conclusions postérieures à la clôture sont recevables en tant qu'elles sollicitent le rejet des débats de pièces et conclusions pour violation du principe du contradictoire, les écritures étant donc admises, celles de la Société Générale dans cette limite.

Il résulte des pièces de procédure qu'à la suite des appels des 1er et 30 août 2017 et des premiers échanges de conclusions ensuite de la jonction de ces appels, la clôture a été prévue à l'audience de mise en état du 9 février 2018 pour le 14 mai 2019 avec date de plaidoiries pour le 3 septembre 2019, que les appelants ont ensuite conclu le 21 février, 3 avril 2018 et 17 août 2018 ainsi que 13 mai 2019, veille de la clôture prévue, le magistrat de la mise en état reculant dès lors la clôture au 11 juin, puis une nouvelle fois avec l'avertissement 'dernier report' au 25 juin après que les appelants ont encore conclu le 7 juin précédent, les intimés ayant ensuite tous deux répliqué le 20 juin 2019.

Dans ces circonstances, les conclusions des consorts [A] du 24 juin, veille de la clôture déjà reportée deux fois puis du matin du 25 juin qui précède la clôture prononcée à l'audience de 13h30, sans explications sur la nécessité de conclure à nouveau alors qu'ils avaient déjà pris cinq jeux de conclusions, doivent être rejetées des débats pour violation du principe du contradictoire comme tardives et ne mettant pas leurs contradicteurs en mesure d'y répliquer ou même de connaître l'éventuelle nécessité de le faire.

Cette mesure entraîne le rejet de la pièce 44, joint au bordereau des dites conclusions, constituée d'une jurisprudence de cette cour d'appel.

En revanche, dès lors que la pièce n° 33 a figuré sans protestation sur transmission de la société Merrill Lynch, ce qui la répute communiquée, sur un bordereau de conclusions des appelants du 3 avril 2018, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats, étant observé qu'il s'agit d'une jurisprudence de cette cour d'appel sur les obligations d'un prestataire de service de paiement.

Il résulte des actes de la procédure que :

- la Société Générale a conclu pour la première fois sur son appel du 30 août 2017 tendant à la réformation du jugement du 15 mai 2015 en date du 5 octobre 2017,

-la Société Générale a conclu de manière incidente sur l'appel principal interjeté par les consorts [A] sur le jugement du 17 juillet 2017 à l'infirmation du jugement du 15 mai 2015 le 21 décembre 2017, après la jonction des deux appels,

- les consorts [A] n'ont pas conclu sur l'appel principal de la Société Générale avant la jonction du 7 novembre 2017,

- les consorts [A], à la suite de leurs premières conclusions sur leur appel du 1er octobre 2017 n'ont pas conclu dans leurs premières écritures en réplique du 21 février 2018 sur l'appel incident de la Société Générale sur le jugement du 15 mai 2015 formé par conclusions du 21 décembre 2017,

- les consorts [A] n'ont conclu en réplique à la Société Générale sur l'infirmation du jugement du 15 mai 2015 pour la première fois que le 3 avril 2018.

Il en résulte - la jonction intervenue étant au demeurant indifférente en tout état de cause - qu'ils n'ont conclu ni en qualité d'intimés sur l'appel principal de la Société Générale ni en qualité d'appelants principaux, intimés à l'appel incident de la Société Générale, dans les délais prévus par les articles 909 et 910 du code de procédure civile tant dans leurs versions antérieures au décret du 6 mai 2017 compte tenu des dates des appels, puisque leurs premières conclusions sur le jugement du 15 mai 2015 du 3 avril 2018 sont postérieures de plus de deux mois - et même trois - aux conclusions de la Société Générale des 5 octobre et 21 décembre 2017, de sorte que la partie de leurs conclusions sur la demande d'infirmation du jugement du 15 mai 2015 par la Société Générale doit être déclarée irrecevable.

La jonction intervenue est indifférente, en tout état de cause et compte tenu de leur carence dans les suites des deux appels, et la circonstance que la Société Générale n'ait interjeté appel du jugement du 15 mai 2015, qui n'a pas été signifié qui ne tranchait pas la totalité du principal au sens de l'article 528 du code de procédure civile, qu'après leur propre appel du second jugement du 17 juillet 2017 ou encore qu'elle ait conclu dans la suite de la procédure devant le tribunal ne valant en rien acquiescement au premier au sens de l'article 410 du code de procédure civile, l'appel ayant tout au contraire sa réformation pour objectif.

Cette circonstance ne rend cependant pas leurs conclusions irrecevables en ce qu'elles critiquent le jugement du 17 juillet 2017.

Il résulte de ce qui précède que la cour statue sur les conclusions des consorts [A] du 7 juin 2019 à l'exclusion de leurs prétentions et moyens relatifs au jugement du 15 mai 2015.

Sur la demande d'infirmation du jugement du 15 mai 2015

Il résulte, en cela de manière constante entre les parties, du jugement du 15 mai 2015 que les consorts [A] ont exposé exercer une action une responsabilité délictuelle, personnelle à chacun d'eux, victimes qu'ils sont par ricochet des manquements contractuels de la banque et de l'assurance à l'égard d'[R] [A] dont ils peuvent se prévaloir pour obtenir l'indemnisation d'un préjudice qui leur est propre.

La Société Générale et la société Merril Lynch contestent leur intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile et partant, la recevabilité de leur action, en faisant valoir qu'ils ne poursuivent que l'indemnisation d'un préjudice de leur auteur et non personnel qui ne peut être poursuivi que sur un fondement contractuel.

C'est donc à juste titre qu'après avoir rappelé que l'article 31 du code de procédure civile

dispose que l''action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, que le tribunal a reconnu aux appelants un intérêt agir ainsi qu'une qualité à agir, l'existence d'un préjudice personnel relevant d'une qualification au fond du dommage allégué, d'autant que les consorts [A] font désormais valoir, à tout le moins dans leur argumentation, une nouvelle somme formant préjudice, l'appréciation de la réunion des conditions de la responsabilité des intimées relevant également d'un débat de fond.

S'agissant de la fin de non recevoir tirée de la prescription de leur action délictuelle, le jugement, compte tenu de ses justes motifs complets qu'il convient d'adopter, mérite encore confirmation lorsqu'il a jugé qu'en leurs qualités de tiers aux contrats souscrits par leur mère, les consorts [A] n'ont pas été en mesure de se convaincre des conséquences dommageables de l'évolution baissière du contrat d'assurance-vie rendant complexe le paiement in fine du prêt avant le décès de leur mère le [Date décès 5] 2012 et que la circonstance - exacte - que deux d'entre eux, qui avaient souscrit le même type de contrat avaient pu s'en convaincre à tout le moins au cours de l'année 2010 lorsqu'ils ont agi, conjointement avec leur mère, contre l'assureur vie en renonciation au contrat à défaut d'information suffisante lors de sa souscription, ne rend pas pour autant l'action prescrite, laquelle a été intentée par assignation des 8 et 9 juillet 2013 en vertu de l'article 2224 du code civil.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement du 15 mai 2015 en toutes ses dispositions.

Sur le jugement du 17 juillet 2017

Ainsi que l'a justement énoncé le tribunal, en tant que les consorts [A] se prévalent, en qualité de tiers aux contrats d'assurance-vie et de prêt, des manquements contractuels commis par la banque et l'assureur envers [R] [A] pour invoquer la responsabilité délictuelle de celles-là qui leur a causé un dommage, il leur revient de démonter l'existence d'un préjudice personnel qu'ils ont subi.

Or, dès lors qu'ils sollicitent à titre d'indemnisation la somme de 685 000 euros, représentant la somme qu'a dû emprunter [R] [A] pour rembourser le solde du prêt non couvert par l'évolution du contrat d'assurance-vie ainsi que la somme de 558 032,52 euros représentant les intérêts versés par [R] [A] au titre de l'ensemble des prêts, celui payable in fine et le second destiné à rembourser le premier, ils se prévalent exclusivement de préjudices subis par leur auteur, dont ils ne peuvent poursuivre l'indemnisation que sur un fondement contractuel et non d'un préjudice personnel par ricochet.

L'invocation, en cause d'appel, d'un préjudice distinct constitué d'une somme de 323 000 euros qu'ils ont avancée à leur mère pour le règlement d'un redressement fiscal à la suite d'une donation ne vient pas utilement contredire ce qui précède dès lors qu'elle ne constitue pas un préjudice puisqu'elle est liée à la donation intervenue sans aucun lien avec les intimées, que cette dette est sans lien avec le présent litige, que la prétendue impécuniosité d'[R] [A] ne serait encore qu'une conséquence des manquements contractuels à son égard des intimées qui n'auraient pas causé un préjudice personnel des héritiers mais une augmentation de la masse passive de la succession comme cela ressort de la déclaration de succession qui répertorie ainsi son incidence et alors même qu'en tout état de cause, ils n'en sollicitent pas l'indemnisation dans le dispositif de leurs conclusions.

En conséquence, le jugement du 17 juillet 2017 doit également être confirmé en toutes ses dispositions.

Les demandes successivement formées par les consorts [A], sur le fondement de la responsabilité délictuelle puis, subsidiairement en cause d'appel, sur un fondement contractuel tendant toutes deux à obtenir réparation du préjudice constitué des intérêts payés au titre des prêts et du solde du premier prêt payable in fine, de sorte que la seconde demande, tendant aux mêmes fins, ne saurait être qualifiée de nouvelle en vertu de l'article 565 du code de procédure civile.

Dès lors que des moyens nouveaux peuvent être invoqués en cause d'appel, le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui n'empêche pas les consorts [A] d'agir subsidiairement, en cause d'appel, sur un fondement différent.

Les consorts [A] recherchent désormais la responsabilité contractuelle de la Société Générale en qualité d'établissement dispensateur de crédit et de conseiller en gestion de patrimoine et de la société Merrill Lynch en qualité de courtier pour avoir manqué à leurs obligations d'information et de conseil à l'occasion de la souscription du prêt payable in fine auprès de la première et du contrat d'assurance-vie abondé par les sommes issues du prêt ainsi qu'en cours d'exécution des contrats.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [A], la prescription applicable est bien celle, devenue quinquennale en vertu de la loi du 17 juin 2008, de l'article 110-4 du code de commerce puisqu'il s'agit bien d'obligation nées à l'occasion du commerce des intimées avec les non commerçants qu'ils sont et le point de départ du délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle celui-ci est révélé à celui qui agit s'il établit qu'il n'en avait pas eu connaissance antérieurement.

En revanche, contrairement à ce que font valoir la Société Générale et la société Merrill Lynch, si le manquement d'une banque à son obligation de conseil et de mise en garde et celui d'un courtier en assurance à son obligation de conseil, dans l'hypothèse de la souscription d'un prêt, payable in fine, dont les sommes servent à abonder un contrat d'assurance-vie dont l'évolution est supposée rembourser le prêt prive l'emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque suppose qu'il ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, in fine, de sorte que le point de départ du délai n'est pas les dates de souscription du prêt et du contrat d'assurance-vie des mois d'avril et mai 2001 mais la date d'échéance du prêt, soit en l'espèce le 31 mai 2008, date à laquelle la somme, en principal, de 1 2143 367,63 euros devait être remboursée et où la valorisation du contrat d'assurance-vie ne le permettait pas puisqu'elle était de 969 848,47 euros en janvier 2008 et de 569 339,37 euros au 3 décembre 2008, jour de son rachat du contrat.

C'est en vain que les consorts [A] font valoir que le courrier de la banque du 2 octobre 2008, rappelant que le prêt était arrivé à échéance le 31 mai 2008, sollicitant le paiement d'une somme de 1 238 415,77 euros et constitue ainsi une simple mise en demeure recommandée constituerait une prolongation conventionnelle tacite du contrat, de sorte que l'action est prescrite, en application de la loi du 17 juin 2008, depuis le 19 juin 2013.

Il ne peut qu'être ajouté que les consorts [A] ne peuvent sérieusement prétendre que leurs assignations des 8 et 9 juillet 2013, tardives, auraient interrompu la prescription de leur action contractuelle alors qu'il ressort, ainsi qu'exposé précédemment, de leurs conclusions devant le tribunal du 27 février 2015, qu'ils entendaient exclusivement agir sur un fondement délictuel à raison des manquements contractuels commis à l'égard de leur auteur - ce qui les empêchent également de soutenir que l'interruption de la prescription par l'action délictuelle s'étendrait à celle de l'action contractuelle puisqu'ils ont expressément récusé que la seconde était virtuellement comprise dans la première et qu'ils n'ont agi sur un fondement contractuel, pour la première fois et subsidiairement en cause d'appel, qu'au moyen de leurs conclusions du 21 février 2018.

La fin de non recevoir tirée de la prescription de leur action subsidiairement contractuelle doit donc être accueillie, ils doivent être condamnés aux dépens d'appel ainsi qu'à payer, à chacune, à la Société Générale et la société Merrill Lynch la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

- Rejette des débats les conclusions de Mmes [P] et [K] [A] et MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A] datées des 24 et 25 juin 2019 ainsi que leur pièce n°44 ;

- Déboute la Société Générale de sa demande tendant à voir écarter des débats la pièce n° 33 du bordereau de pièces de Mmes [P] et [K] [A] et MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A] ;

- Déclare irrecevables les conclusions de Mmes [P] et [K] [A] et MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A] en ce qu'elles portent sur l'appel par la Société Générale du jugement du 15 mai 2015 ;

- Dit que la cour d'appel statue au vu des conclusions des consorts [A] du 7 juin 2019 à l'exclusion de leurs prétentions et moyens relatifs au jugement du 15 mai 2015;

- Confirme le jugement du 15 mai 2015 en toutes ses dispositions ;

- Confirme le jugement du 17 juillet 2017 en toutes ses dispositions ;

- Y ajoutant,

- Rejette la fin de non recevoir tirée du caractère nouveau en appel de la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la Société Générale et de la société Bank of America Merrill Lynch International Limited ;

- Rejette la fin de non recevoir tirée du principe de l'estoppel opposée à la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle par la société Bank of America Merrill Lynch International Limited ;

- Déclare irrecevable comme prescrite la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la Société Générale et de la société Bank of America Merrill Lynch International Limited ;

- Condamne, in solidum, Mmes [P] et [K] [A] et MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A] à payer, à chacune, à la Société Générale et à la société Bank of America Merrill Lynch International Limited la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mmes [P] et [K] [A] et MM. [V], [U], [M], [X] et [F] [A] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles et Maître [H] [L] comme il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Françoise CHANDELON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/15734
Date de la décision : 16/10/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/15734 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-16;17.15734 ?
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