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15/10/2019 | FRANCE | N°17/09423

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 15 octobre 2019, 17/09423


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 15 Octobre 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09423 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3X6W



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 15/03063





APPELANT



Monsieur [L] [J]

[Adresse 2]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1

] 1968 à [Localité 3]



représenté par Me Laurent PARLEANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036 substitué par Me Stéphanie MARINETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036




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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 Octobre 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09423 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3X6W

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 15/03063

APPELANT

Monsieur [L] [J]

[Adresse 2]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 3]

représenté par Me Laurent PARLEANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036 substitué par Me Stéphanie MARINETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036

INTIMEE

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 1])

[Localité 2]

N° SIRET : 420 495 178

représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre,

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère,

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 décembre 2018,

qui en ont délibéré.

Greffier : Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mr [L] [J] a été engagé par la société anonyme Air France suivant un contrat de travail à durée indéterminée. Il a exercé à 92% d'un temps plein pour la période de 2013 à 2018, en qualité de pilote.

Au cours de l'année 2012, un ensemble d'accords a été négocié et signé, impactant toutes les catégories de personnels.

A ainsi été mis en place un « Plan TRANSFORM 2015 ».

Dans ce cadre, plusieurs mesures ont été adoptées.

Le 19 novembre 2012, a été signé « l'Accord Pilote TRANSFORM 2015 » définissant plusieurs mesures, dont le passage, pour les pilotes optant pour le régime B des congés payés, de 48 jours de congés sur les deux saisons été et hiver à 45 jours.

Deux avenants modificatifs, portant révision de la convention d'entreprise Personnel Naviguant Technique, relatifs aux congés payés, ont été proposés à la signature des syndicats par la société Air France les 17 décembre 2013 et 24 juillet 2015, mais n'ont pas été signés.

La société Air France a appliqué les nouvelles dispositions limitant à 45 jours le nombre de jours de congés pour les pilotes ayant opté pour le régime B dès la période de congés du 1er avril 2013 au 31 mars 2014.

Les délégués du personnel ont demandé à la société de régulariser la situation des pilotes, ce qui a été refusé.

Monsieur [J] s'est déclaré gréviste pour les journées des 15 et 16 septembre 2014.

L'employeur a procédé à une retenue sur salaire pour les deux jours de grève et les trois jours suivants, soit cinq jours correspondant à l'intégralité de la durée de la rotation prévue sur le planning de Mr [J].

Il en a été de même pour le 12 juin 2016, journée pour laquelle Mr [J] s'est déclaré gréviste et suite à laquelle l'employeur a opéré une retenue sur salaire pour toute la durée de la rotation, soit trois jours.

La SA Air France a également effectué une retenue sur salaire pour « activité non réalisée » pour les journées du 23, 25 et 26 juin 2015.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits salariaux, Mr [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny de diverses demandes aux titres des congés payés et des rappels de salaires.

Par jugement en date du 15 juin 2017, le conseil de prud'hommes a fait droit aux demandes du salarié au titre des rappels de salaires sur traitement fixe, l'a débouté du surplus de ses prétentions et a débouté la société Air France de sa demande reconventionnelle.

Mr [J], ayant constitué avocat, a interjeté appel du jugement par une déclaration au greffe transmise par le réseau privé virtuel des avocats, le 13 juillet 2017.

Par des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des faits et des moyens développés , Mr [J] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA Air France au paiement des sommes suivantes :

264,09 euros à titre de rappel de salarie sur traitement fixe pour les journées des 17, 18 et 19 septembre 2014,

176,08 euros à titre de rappel de salaire sur traitement fixe pour les journées des 13 et 14 juin 2016,

264,11 euros à titre de rappel de salaire sur traitement fixe pour les journées des 23, 25 et 26 juin 2015.

Il sollicite, pour le surplus, d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de juger que les dispositions du chapitre 5 de la convention d'entreprise du PNT sont applicables aux périodes d'attribution des congés payés 2013/2014, 2014/2015, 2015/2016, 2016/2017, et 2017/2018, qu'elles demeureront applicables jusqu'à la conclusion d'un avenant emportant leur modification, et en conséquence de le rétablir dans ses droits pour chacune de ces périodes à hauteur de 48 jours de congés payés, en contrepartie d'une activité à 92% d'un temps plein, et lui octroyer les jours de congés payés dont il a été privé sur la période du 1er avril au 31 mars qui suivra la notification de l'arrêt à intervenir.

Il réclame une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, il conclut à la condamnation de la SA Air France à lui régler la somme de 10.329,30 euros correspondant aux jours de congés payés dont il a été privé, la somme allouée portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, avec capitalisation.

Au titre des rappels de salaire, il demande à la cour de condamner la SA Air France au paiement des sommes suivantes :

pour les journées des 17, 18 et 19 septembre 2014 :

962,73 euros à titre de rappel de « minimum de garanti d'activité »,

76,07 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2014,

pour les journées des 13 et 14 juin 2016 :

641,82 euros à titre de rappel de « minimum garanti d'activité »,

77,31 euros à titre de rappel de prime fin d'année 2016,

pour les journées des 23, 25 et 26 juin 2015, 117,17 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2015.

Mr [J] sollicite enfin la condamnation de la SA Air France à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des faits et des moyens développés, la SA Air France conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté du salarié et à son infirmation pour le surplus.

Elle sollicite en conséquence que Mr [J] soit débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné au paiement des sommes suivantes :

440,20 euros à titre de salaire indûment versé pour la période du 20 au 24 septembre 2014,

176,08 euros à titre de salaire indûment versé pour la période du 15 au 16 juin 2016,

1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

5.000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2019.

MOTIFS

Sur les demandes au titre des congés payés

La convention d'entreprise PNT prévoit des dispositions relatives aux congés payés.

L'article 1er du chapitre 5 de cette convention dispose que :

- la période d'emploi ouvrant droit aux congés payés annuels et servant à calculer la durée des congés est appelée année ou période de référence et s'étend du 1er avril au 31 mars de l'année suivante.

- tout officier navigant en activité justifiant durant la période de référence d'au moins 4 semaines ou 28 jours calendrier de travail effectif au sein de la compagnie, a droit à un congé annuel payé.

L'article 2 dudit chapitre donne aux officiers navigants le choix entre deux régimes de congés, le régime A ou le régime B.

Selon ce dernier, les officiers navigants, dès lors qu'ils exercent une activité à temps plein, peuvent bénéficier de 48 jours de congés sur les deux saisons « été » et « hiver » avec 28 jours au moins sur la saison « été ».

Mr [J] a opté pour le régime B.

L'Accord Pilote Transform 2015 du 19 novembre 2012, ayant pour objet le redressement de l'entreprise, indique en son annexe 3 que le régime B des congés payés ouvrira désormais droit à 45 jours sur les deux saisons « été » et « hiver », avec 26 jours au moins sur la saison « été ».

Mr [J] considère que :

- l'accord Transform 2015 du 19 novembre 2012 est un accord-cadre définissant les mesures à entreprendre pour procéder au redressement de la société,

- il était nécessaire de procéder à la modification de la convention d'entreprise PNT, selon les règles qui lui sont applicables,

- à défaut de tout avenant modificatif portant révision de la convention d'entreprise PNT relatif aux congés payés, les dispositions du chapitre 5 de ladite convention demeurent en vigueur.

Mr [J] rappelle que, d'une part, la convention d'entreprise PNT dispose que les dispositions dont la révision est demandée resteront en vigueur jusqu'à la conclusion d'un avenant, que, d'autre part, selon l'article L. 2261'8 du code du travail, les avenants ne sont opposables et applicables qu'à compter du lendemain de leur dépôt par la partie la plus diligente auprès des services du ministre chargé du travail, ainsi qu'auprès du greffe du conseil de prud'hommes du lieu de la conclusion de l'accord convenu.

Mr [J] fait observer que la SA Air France a elle-même proposé des avenants à la signature des organisations syndicales, à deux reprises les 17 décembre 2013 et 24 juillet 2015, et que les organisations syndicales ont refusé de les signer.

Il relève que la SA Air France a proposé d'autres avenants à la signature des organisations syndicales, notamment celui relatif à l'intégration des pilotes issus de la société Transavia sur la liste d'ancienneté professionnelle lequel a été régularisé le 31 octobre 2017.

Il en conclut que la SA Air France, quoiqu'elle soutienne dans le présent débat, a in fine, admis que la signature d'un avenant de révision est nécessaire pour modifier valablement la convention entreprise PNT.

Mr [J] précise que la signature d'un avenant de nature à modifier la convention entreprise PNT à cet égard ne pourrait en aucun cas avoir un effet rétroactif en sorte que les droits à congés payés à hauteur de 48 jours pour les périodes de référence de 2013 à 2019 sont acquis.

La SA Air France considère que :

- l'accord pilote Transform 2015 n'est pas un accord-cadre mais un accord d'entreprise catégoriel conforme aux dispositions de l'article L. 2232'13 du code du travail comme ayant été signé par le SNPL, syndicat majoritaire des pilotes au sein de la société,

- l'accord-cadre est celui qui a été signé le 28 août 2012, prévoyant que la société et les organisations syndicales s'engageaient à conclure un accord déclinant différents points, notamment la réduction du nombre de jours de congés payés des pilotes,

- l'intention des signataires de l'accord pilote Transform 2015 était de modifier les dispositions relatives aux congés payés des pilotes, l'application de cet accord n'étant pas conditionnée par la signature d'un avenant à la convention d'entreprise des pilotes,

- l'interprétation donnée à cet égard par Mr [J] est erronée, l'accord précisant que « le quota du régime B est ramené à 45 jours », l'annexe 3 à l'accord indiquant que « la principale mesure est la diminution du nombre de jours de congés de 48 à 45 pour le régime B », qu'il est annoncé dans l'objet même de l'accord que « les mesures [ de l'accord], à l'exception de la mesure portant sur le gel des classes pour l'année 2012, seront mises en 'uvre sur décision de l'observatoire de la transformation tel que défini dans le chapitre 5 du présent accord »

- les 7 mars et 8 juillet 2013, l'observatoire de la transformation pilote a confirmé que les mesures relatives aux congés payés étaient pleinement applicables,

- cette question a été tranchée par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 21 janvier 2016 et par un arrêt de la Cour de cassation du 26 octobre 2017.

La cour observe qu'il est admis par les deux parties que l'accord du 28 août 2012 fixait l'engagement des parties à définir un accord portant notamment sur la réduction du nombre de jours de congés des pilotes.

S'agissant de l'accord pilote Transform du 19 novembre 2012 ayant vocation à s'appliquer à tous les pilotes de la SA Air France, la cour relève que :

l'article 1er de l'accord dispose que « les mesures de l'accord, à l'exception de la mesure portant sur le gel des classes pour l'année 2012, seront mises en 'uvre sur décision de l'observatoire de la transformation,['] l'observatoire de la transformation aura notamment pour mission de définir et vérifier que les conditions de mise en 'uvre des mesures du chapitre 4 et annexes associées sont satisfaites et d'établir le calendrier d'implémentation ».

« Elles [ces mesures] pourront concomitamment être intégrées par avenant à la convention d'entreprise PNT ou à des accords spécifiques »,

l'article 4 prévoit que « le quota du régime B est en conséquence ramené à 45 jours, (...) »

l'article 1er de l'annexe 3 est rédigé dans les termes suivants : « l'officier navigant a le choix entre 2 régimes de congés(...) régime B : 45 jours de congés sur les dossiers en été et hiver avec 26 jours au moins sur la saison été » ;

l'article 4 de l'annexe 3 indique que « le chapitre 5 relatif aux congés payés de la convention d'entreprise du personnel navigant technique sera mis en cohérence avec les dispositions du paragraphe 1er de la présente annexe ».

Les termes mêmes de cet accord pilote Transform du 19 novembre 2012 montrent que les signataires ne se sont pas limités à renvoyer à une autre négociation la question de la réduction des jours de congés des pilotes, dûment ramenés, pour les officiers navigants qui optaient pour le régime B, à 45 jours par an dont 26 au moins sur la saison été, qu'ils n'ont subordonné l'application et l'exécution de ce nouveau dispositif ni à l'intégration de cette mesure à la convention entreprise PNT, cette intégration étant seulement une faculté, ni à son dépôt réglementaire tel que le prévoient les dispositions combinées des articles L. 2261-8 et L. 2231-6 du code du travail, mais à la seule vérification par l'observatoire de la transformation que les conditions de mise en 'uvre des mesures du chapitre 4 et annexes associées étaient satisfaites. Ainsi, l'absence de dépôt n'a aucune conséquence sur l'application de cet accord, qui conserve son caractère d'accord d'entreprise et produit tous ses effets à l'égard des salariés, de l'employeur et des autres signataires.

Il s'en déduit que l'accord pilote Transform 2015 du 19 novembre 2012 n'est pas un accord-cadre mais bien un accord d'entreprise applicable à tous les pilotes portant révision du nombre de jours de congés des officiers navigants ayant opté pour le régime B à 45 jours et se substituant en conséquence à la convention d'entreprise PNT sur ce point.

Les demandes de Mr [J] à cet égard ne peuvent en conséquence prospérer.

Le jugement déféré sera confirmé à cet égard.

Sur les demandes au titre des rappels de salaire suite à l'exercice du droit de grève

Selon l'article L. 1114-3 du code des transports, « le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l'affecter. Cette information n'est pas requise lorsque la reprise du service est consécutive à la fin de la grève ».

Mr [J] fait valoir que la retenue sur salaire doit être proportionnelle à la durée de la grève.

La SA Air France soutient que Mr [J] n'a pas effectué la fin de sa rotation et qu'à ce titre, à défaut pour lui d'être à la disposition de son employeur, elle n'était pas tenue de lui verser une rémunération.

Elle ajoute que le fait pour le salarié de se déclarer gréviste le 1er jour de sa rotation afin de maximiser l'impact de l'exercice de son droit de grève constitue, sinon un abus de droit, une fraude.

En l'espèce, Mr [J] a adressé sa déclaration individuelle de participation à un mouvement de grève par courriels des 10 et 13 septembre 2014, pour la grève du 15 au 16 septembre, soit plus de 24 heures avant sa reprise.

C'est donc vainement que la SA Air France argue de ce que le salarié ne se tenait pas à sa disposition, dès lors que Mr. [J] n'a fait qu'user de son droit de grève.

Ayant été informée dans des délais supérieurs à 24 heures, elle ne justifie pas de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'affecter le salarié sur une nouvelle rotation.

Elle ne justifie donc d'aucun motif légitime pour s'être abstenue de lui régler ses salaires des 17, 18 et 19 septembre 2014, abstention de nature à entraver pour l'avenir son droit de grève.

De même, Mr [J] démontre, par des calculs non utilement contestés, que la retenue sur salaire a impacté le montant de son minimum garanti et de sa prime de fin d'année.

Enfin, concernant la période du 12 au 14 juin, le courriel de déclaration individuelle de participation à un mouvement de grève n'est pas daté. Toutefois, la SA Air France ne conteste pas qu'il a été adressé au moins 24 heures avant la reprise du salarié, ni ne justifie d'une impossibilité d'affecter le salarié sur une nouvelle rotation.

Dès lors, Mr [J] est fondé à réclamer un rappel de salaire au titre du traitement fixe, du minimum garanti et de la prime de fin d'année.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA Air France au paiement de la somme de 264,09 euros à titre de rappel de salarie sur traitement fixe pour les journées des 17, 18 et 19 septembre 2014.

Il sera infirmé pour le surplus et la SA Air France sera condamnée au paiement des sommes de :

962,73 euros à titre de rappel de « minimum de garanti d'activité » pour les journées des 17, 18 et 19 septembre 2014,

76,07 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2014,

641,82 euros à titre de rappel de « minimum garanti d'activité » pour les journées des 13 et 14 juin 2016,

77,31 euros à titre de rappel de prime fin d'année 2016,

Sur les demandes de remboursement de salaire

La SA Air France soutient avoir rétabli par erreur le salaire de Mr [J] le 19 septembre 2014 alors qu'il n'a repris son travail que le 25 septembre et, de même, pour la grève du 12 juin 2016, avoir rétabli son salaire dès le 15 juin 2016 alors qu'il n'a repris le travail que le 17 juin 2016.

L'exercice du droit de grève ne pouvant donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération, la rémunération des salariés grévistes ne doit subir qu'un abattement proportionnel à l'arrêt de travail.

Dès lors, la demande de la SA Air France ne peut prospérer.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire au titre de la modification du planning

L'accord du 17 février 2012 relatif à la stabilité planning du Personnel Navigant Technique stipule que :

« le planning du Personnel Navigant Technique est stable à compter du constat d'élaboration, en toutes circonstances et en toutes périodes, et ce sans exception »,

le constat d'élaboration est fixé au « 25 du mois M-1 » pour les longs courriers,

« dans ces conditions, toute modification après le constat d'élaboration doit faire l'objet d'un accord entre la compagnie et le navigant concerné »,

étant précisé que « l'annulation d'une activité de production Air France (activité vol ou sol) n'est pas considérée comme une modification de planning mais ne remet pas en cause la nécessité que toute nouvelle programmation à l'issue de l'annulation fasse l'objet d'un accord entre le navigant concerné et la compagnie ».

Invoquant le principe de stabilité des plannings en place au sein de la SA Air France, Mr [J] fait observer qu'il devait effectuer une rotation du 23 au 28 juin 2015 et que ces vols lui ont été retirés au motif d'une convocation à trois visites médicales les 23, 25 et 26 juin 2015, alors qu'il avait passé une visite médicale le 22 avril 2015. Il souligne que la SA Air France l'a considéré en « activité non réalisée » et a opéré une retenue sur salaire, entraînant par ailleurs une diminution de sa prime de fin d'année.

Il verse au débat deux plannings du mois de juin 2015 montrant que la modification a été effectuée entre le 10 et le 23 du mois, et les convocations pour les visites médicales des 25 et 26 juin.

La SA Air France affirme que l'annulation de la rotation ne constitue pas une violation de principe de stabilité des plannings puisque conformément à l'accord du 17 février 2012 elle n'a ajouté aucune rotation non prévue à son planning.

Elle souligne également que cette rotation n'a pas été retirée de manière injustifiée au salarié, puisqu'il a été convoqué à une visite médicale le 23 juin 2015 à laquelle il ne s'est pas présenté ; la convocation ayant été reconduite au 25 juin 2015 en raison de cette absence, puis au 26 juin 2015 pour une nouvelle absence.

La SA Air France conclut que si une visite médicale est rémunérée, tel n'est pas le cas lorsque le salarié ne s'y présente pas.

Si l'annulation d'une rotation ne constitue pas une modification de planning au sens de l'accord du 17 février 2012, elle constitue néanmoins une modification de l'activité du salarié. Cette situation implique, pour la SA Air France, de recueillir l'accord de l'intéressé pour toute nouvelle programmation ou absence de programmation, dès lors que cette modification est intervenue après le constat d'élaboration.

Ainsi, si la SA Air France pouvait annuler la rotation de Mr [J], elle ne pouvait opérer une retenue sur salaire pour activité non réalisée puisqu'elle devait obtenir, au préalable, l'accord du salarié pour toute nouvelle programmation ou absence de programmation, ce dont elle ne justifie pas.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire de Mr [J] au titre du traitement fixe. Il sera infirmé pour le surplus et la SA Air France sera condamnée au paiement de la somme de 117,17 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2015.

Sur l'application de l'article 32-1 du code de procédure civile

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.  

Toutefois, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à condamnation à une amende civile que si une faute spéciale commise par une partie dans l'exercice de son droit d'agir est caractérisée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce;

Il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La SA Air France qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande d'accorder à Mr [J] une indemnité de 1.500 euros pour les frais engagés dans le cadre de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéro RG 17/09423 et 17/10259 et dit qu'il en est dressé un seul et même arrêt rendu sous le numéro RG 17/09423 ;

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Mr [L] [J] de ses demandes de rappel de salaire au titre du minimum garanti d'activité et de prime de fin d'année,

L'infirme sur ces points,

Y ajoutant,

Condamne la société anonyme Air France à payer à Mr [L] [J] les sommes suivantes :

962,73 euros à titre de rappel de « minimum de garantie d'activité » pour les journées des 17, 18 et 19 septembre 2014,

76,07 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2014,

641,82 euros à titre de rappel de « minimum garantie d'activité » pour les journées des 13 et 14 juin 2016,

77,31 euros à titre de rappel de prime fin d'année 2016,

117,17 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2015.

Condamne la société anonyme Air France à verser à Mr [L] [J] une indemnité de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société anonyme Air France aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/09423
Date de la décision : 15/10/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/09423 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-15;17.09423 ?
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