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15/10/2019 | FRANCE | N°15/08943

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 15 octobre 2019, 15/08943


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 15 Octobre 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/08943 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXCMP



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/05370





APPELANT



Monsieur [F] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1]

1963 à [Localité 1]



représenté par Me Laurent PARLEANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036 substitué par Me Stéphanie MARINETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 Octobre 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/08943 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXCMP

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/05370

APPELANT

Monsieur [F] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

représenté par Me Laurent PARLEANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036 substitué par Me Stéphanie MARINETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036

INTIMEE

SA SOCIETE AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 420 495 178

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre,

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère,

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 décembre 2018,

qui en ont délibéré.

Greffier : Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [F] a été engagé par la société anonyme Air France suivant un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de pilote.

Au moment des faits, il occupait un poste de classe 2.

Un avenant de révision à la convention d'entreprise du Personnel Navigant Technique en date du 30 juillet 2012, puis l'accord-cadre pilote TRANSFORM 2015 du 28 août 2012, conclu pour une durée déterminée et prorogé par avenants du 7 septembre 2012 et du 22 octobre 2012, ont prévu le principe et les modalités d'un gel de changement de classe pour les pilotes appelés à changer de classe à compter du 1er août 2012.

M. [F] [F] , qui devait changer de classe à compter du 1 août 2012, a en conséquence vu son changement de classe être gelé.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits salariaux, il a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny de diverses demandes.

Par jugement en date du 17 juin 2015, le conseil de prud'hommes l'a débouté de ses prétentions.

Il a interjeté appel le 16/09/15.

Il demande à la cour, statuant à nouveau de juger qu'il aurait dû passer de la classe 2 à la classe 1 le 1 août 2012, et en conséquence de condamner la société à lui verser la somme de 3876,24 euros à titre de rappel de salaires, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil des prud'hommes et capitalisation des intérêts, ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Air France conclut au débouté du salarié de l'ensemble de ses prétentions, et à sa condamnation à lui régler une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et une somme de 50 euros sur le fondement de l'article 32-1 du même code.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaire consécutivement au gel de changement de classe

La convention d'entreprise du personnel navigant technique de la SA Air France prévoit la répartition du personnel navigant technique - ou officiers navigants - en cinq classes, numérotées 5 à 1, ainsi que les conditions et les modalités de passage d'une classe à la classe supérieure.

La classe d'un PNT a un impact sur sa rémunération en ce que les primes de vol, éléments de la rémunération des pilotes, sont notamment déterminées par la classe à laquelle appartient le PNT.

Les modalités et la procédure de changement de classe du personnel navigant technique sont fixées par l'article 2, intitulé « avancement (changement de classe) » du chapitre 3 « carrière » de la convention d'entreprise du PNT en date du 5 mai 2006.

La procédure du changement de classe des pilotes intervient selon trois modalités :

- la règle des 20% : les officiers navigants doivent être répartis en cinq classes à hauteur de 20% chacune et cette répartition implique qu'un certain nombre d'officiers navigants changent de classe, de façon à atteindre le quota de 20 % des effectifs par classe ;

- la règle des 5% : dans le cas où le nombre total de changements de classe déterminé en application de la règle des 20%, est inférieur à 5 % de l'effectif proposable, c'est le nombre résultant de ce pourcentage minimum qui est retenu ;

- la règle des 4 ans qui précise qu'un PNT ne peut rester plus de 4 ans dans sa classe.

Selon cette dernière règle, tout officier navigant atteignant 4 années de présence dans une même classe passe automatiquement à la classe supérieure.

L'échéance à prendre en considération est :

- soit la date du précédent changement de classe,

- soit la date de lâcher en tant que commandant de bord, officier pilote de ligne.

Cette date de changement prend toujours effet le premier jour d'un mois, soit entre le 1er et le 15 du mois M, elle est fixée au 1er du mois M et entre le 16 et le dernier jour du mois M, elle intervient au 1er du mois M+1.

Les changements de classe en application :

- des règles des 20% et des 5%, s'opèrent au 1er août de chaque année ;

- de la règle des 4 ans, s'appliquent de date à date et sont fixés au 1er jour du mois M ou au 1er jour du mois M+1 selon que la date du changement de classe est avant ou après le 15 du mois.

M. [F] [F] considère que les avenants du 30 juillet 2012 et du 22 octobre 2012, l'accord pilote Transform 2015 du 19 novembre 2012, l'accord-cadre pilote 2015 du 28 août 2012, ainsi que les avenants de prorogation des 17 septembre et 22 octobre 2012 portent une atteinte injustifiée au principe d'égalité de traitement, en ce qu'ils retardent, pour certains pilotes seulement, la date de leur changement de classe et par suite la possibilité de bénéficier de l'augmentation corrélative des primes de vol.

Il précise que l'avenant du 30 juillet 2012 devait concerner les changements de classe à intervenir à la date du 1er août 2012, soit pour les avancements à l'ancienneté dans la classe devant avoir lieu entre le 16 juillet et le 15 août 2012, ainsi que ceux qui devaient intervenir au titre de la règle des 20% au 1er août 2012, qu'en définitive ont été gelés les avancements de classe à compter du 1er août 2012 pour ceux qui devaient intervenir à compter du 1er août 2012 quelle que soit la règle applicable.

Il considère que cet avenant et les accords et les avenants de prorogation ultérieurs ont créé une situation défavorable et donc inégalitaire pour les salariés appelés à changer de classe entre le 1er août 2012 et la date à laquelle le dispositif du gel des classes a été levé courant 2013.

Il expose avoir été concerné par ce gel de classe ayant entraîné une rupture d'égalité à raison de la date d'embauche parfaitement arbitraire et injustifiée.

Il ajoute que la date d'entrée en vigueur d'un accord collectif et des considérations budgétaires et par suite économiques ne constituent pas une raison objective pertinente pouvant légitimer la différence de traitement.

La SA Air France conteste l'existence d'une rupture d'égalité de traitement, puisque le gel des classes est une mesure objective s'appliquant de la même manière à l'ensemble des pilotes, pendant une durée déterminée et qu'il n'y a aucune rupture d'égalité entre les pilotes demandeurs et les autres pilotes de la SA Air France dans la mesure où l'ensemble des changements de classe à compter du 1er août 2012 sont impactés.

Elle fait valoir qu'un salarié ne peut invoquer le maintien d'une disposition instituée par une convention ou un accord collectif et ayant fait l'objet d'un avenant de révision, quand bien même la disposition initiale lui était plus favorable, qu'en l'espèce, la convention d'entreprise du PNT en date du 5 mai 2006 a été révisée par l'avenant en date du 30 juillet 2012, d'abord, puis par l'accord-cadre Transform pilote conclu le 28 août 2012 prévoyant que « dans le cadre de la limitation de l'évolution de la masse salariale, les parties signataires conviennent de geler les changements de classe à compter du 31 juillet 2012 et pour la durée du plan Transform (jusqu'au 31 décembre 2014) » et que « A l'issue de la période de gel, les mesures d'avancement individuel seront décidées en prenant pour point d'origine fictif le 31/7/2012 pour l'application des nouvelles règles » et enfin par les avenants ultérieurs des 7 septembre et 22 octobre 2012, ainsi que l'accord Transform Pilote 2015 du 19 novembre 2012.

Aux termes de ce dernier accord, il est spécifié que « dans le cadre de la limitation de l'évolution de la masse salariale, les parties signataires conviennent de geler les changements de classe à compter du 31 juillet 2012 et pour la durée du plan Transform (jusqu'au 31 décembre 2014). Cette mesure sera effective à la signature du présent accord. ».

Elle ajoute que les accords ont été signés par le SNPL, syndicat de pilotes, ayant obtenu 65% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, que les différences de traitement prévues par voie d'accord collectif, entre catégories professionnelles mais également entre salariés d'une même entreprise, sont présumées justifiées.

Elle expose qu'en tout état de cause, il existe des raisons objectives au gel des changements de classe, raisons qui sont celles ayant conduit les partenaires sociaux à la conclusion des accords susvisés.

Les parties s'accordent sur le fait que les avancements de classe n'ont pas été gelés pour les pilotes dont l'échéance des quatre années est intervenue entre le 16 et le 31 juillet 2012, et qu'en définitive, le dispositif dont la durée avait été limitée au 31 décembre 2014 a été levé dans le courant de l'année 2013.

Sur le moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement, la cour observe qu'il résulte du dispositif mis en place par les avenants de révision de la convention d'entreprise de mai 2006, et les accords sus visés, que le gel de classe ne concernait bien qu'une partie seulement des pilotes.

En effet, seuls ceux dont l'ancienneté dans la classe devait arriver à l'échéance des quatre années entre le 1er août 2012 et la date à laquelle le dispositif a été levé, avec pour conséquence de geler également les primes de vol directement impactées par le changement de classe, étaient concernés.

Il est patent que les autres pilotes dont l'ancienneté dans la classe dans laquelle ils se trouvaient ne devait pas arriver à échéance au cours de cette période, ne devaient subir aucun retard dans l'avancement des classes.

La succession des avenants de révision et des accords collectifs est bien à l'origine d'une rupture d'égalité entre des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle, soit les pilotes, et exerçant les mêmes fonctions.

C'est vainement que l'employeur fait valoir que les différences de traitement invoquées résultant des accords visés sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient au salarié qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

En effet, il est exact que lorsqu'elles sont opérées par voie de convention ou d'accord collectif, les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, sous réserve qu'elles ne relèvent pas de domaines où est mis en 'uvre le droit de l'Union européenne, sont présumées justifiées.

En revanche, lorsque ces différences affectent des salariés d'une même catégorie professionnelle exerçant les mêmes fonctions, comme en l'espèce, elles doivent reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

Dans le cas d'espèce, comme raisons objectives de nature à justifier la différence de traitement, la SA Air France invoque les difficultés rendant sa situation économique critique et la possible remise en cause de sa pérennité.

Elle évoque aussi la nécessaire mise en 'uvre de mesures de nature à éviter des restrictions préjudiciables à l'emploi des pilotes compte tenu des sureffectifs PNT existants et ce, sans licenciement.

Ces constatations telles qu'elles ont été inscrites dans les documents faisant mention des accords collectifs ont été admises par les représentants syndicaux et ne sont pas, in fine, contestées ni remises en cause par M. [F] [F] dans le présent débat dès lors qu'il se limite à soutenir que les difficultés économiques ne peuvent pas être utilement invoquées comme raisons objectives justifiant l'inégalité de traitement.

Or, le constat de la remise en cause de la pérennité de l'entreprise et de la nécessité de limiter, dans les meilleurs délais, l'augmentation du coût de la masse salariale sans recourir à des mesures de licenciement malgré la présence de sureffectifs de PNT caractérisaient des raisons objectives de nature à justifier les différences de traitement en cause.

Ce gel des classes était une mesure ponctuelle, urgente et proportionnée au regard des objectifs poursuivis pour tout à la fois favoriser la sauvegarde de la compétitivité et éviter des licenciements de navigants compte tenu des sureffectifs alors présents dans l'entreprise.

M. [F] [F] sera débouté de ses demandes à ce titre.

Sur la demande au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Toutefois, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à condamnation à une amende civile que si une faute spéciale commise par une partie dans l'exercice de son droit d'agir est caractérisée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. [F] [F] qui succombe dans la présente instance sera débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux entiers dépens.

L'équité commande d'accorder à la SA Air France une indemnité de 500 euros pour les frais engagés dans le cadre de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [F] [F] à verser à la SA Air France une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne M. [F] [F] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/08943
Date de la décision : 15/10/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-15;15.08943 ?
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