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11/10/2019 | FRANCE | N°15/10860

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 11 octobre 2019, 15/10860


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 11 Octobre 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/10860 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXLJV



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Octobre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 13-01582



APPELANTE

URSSAF DE L'ILE-DE-FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

rep

résentée par M. [S] [L] en vertu d'un pouvoir général



INTIMÉE

Me [D] [H] (SCP [H] [D]) - Mandataire liquidateur de SAS SODAIC SÉCURITÉ

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représen...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 11 Octobre 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/10860 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXLJV

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Octobre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 13-01582

APPELANTE

URSSAF DE L'ILE-DE-FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par M. [S] [L] en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉE

Me [D] [H] (SCP [H] [D]) - Mandataire liquidateur de SAS SODAIC SÉCURITÉ

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Emmanuel DECHANCÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2597

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 1]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- délibéré du 27 septembre 2019 prorogé au 11 octobre 2019, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Urssaf d'Ile-de-France d'un jugement rendu le 1er octobre 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à la SAS Sodaic Securité et Me [H] [D], en qualité de mandataire liquidateur.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il convient toutefois de rappeler que l'Urssaf d'Ile-de-France a effectué au sein de la société Sodaic Sécurité un contrôle le 7 janvier 2013 au cours duquel il a été établi pour 2010 et 2011 des écarts entre les salaires déclarés et les déclarations sociales ;

Une lettre d'observations a donc été envoyée le 10 janvier portant redressement d'un montant de 948.584€ dus du 1er décembre 2009 au 30 novembre 2012.

L'Urssaf a maintenu son redressement par courrier du 12 février 2013 après que la société a fait des observations.

Une mise en demeure d'avoir à payer la somme totale de 1.055.441€ a été notifiée à la société le 4 juillet 2013, qui a saisi la commission de recours amiable le 12 juillet 2013, puis, le 25 novembre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry de la contestation de la décision du 16 septembre 2016 de rejet rendue par cette commission

Le tribunal, par jugement du 1er octobre 2015, a annulé la mise en demeure du 2 juillet 2013 notifiée le 4, annulé la décision de la commission de recours amiable, débouté l'Urssaf d'Ile-de-France de sa demande au titre de l'amende civile et condamné l'Urssaf à payer à la société la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

C'est la décision attaquée par l'Urssaf d'Ile-de-France qui fait soutenir et déposer par son représentant des conclusions écrites invitant la cour à infirmer celle-ci, fixer sa créance à hauteur de 916.416€ au titre des cotisations et 139.029€ au titre des majorations de retard et condamner la société à lui payer la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Faisant valoir que la société Sodaic Sécurité est en liquidation depuis le 30 octobre 2017, que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la mise en demeure du 2 juillet 2013 répond aux exigences légales et jurisprudentielles, qu'elle fait notamment expressément référence à la notification de redressement établie le 10 janvier 2013 sur laquelle figurent pour chaque chef de redressement les motifs, les bases, le montant des cotisations redressées, les textes de référence et la période concernée, que l'existence d'une autre mise en demeure en date du 25 janvier 2013 n'est due qu'au fait que la société a communiqué à l'Urssaf des tableaux rectificatifs pour les années 2010 et 2011 sans en aviser l'inspecteur chargé du contrôle, que l'Urssaf a admis en cours d'instance que ces sommes faisaient double emploi avec les cotisations redressées et que le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a constaté par jugement du 8 janvier 2015 que ces sommes avaient été annulées par l'Urssaf, que M. [K], responsable légal de la société, reconnaît les minorations et les ajustements des déclarations sociales relevés par les inspecteurs dans les 5 sociétés du groupe et les a justifiés par des difficultés de trésorerie, que le redressement a été effectué sur la base des tableaux récapitulatifs annuels correspondant aux salaires réellement versés.

L'Urssaf d'Ile-de-France a justifié en cours de délibéré, comme elle y a été autorisée par la cour, qu'elle a bien déclaré le 28 février 2017 sa créance à la procédure de redressement judiciaire de la société.

La SCP [H] [D], en la personne de Me [D], mandataire puis liquidateur de la société Sodaic Sécurité, fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites invitant la cour à confirmer le jugement en toutes ses dispositions et à condamner l'Urssaf d'Ile-de-France au paiement de la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que lorsque la société a reçu la mise en demeure du 2 juillet 2013, elle avait déjà reçu pour les mêmes années 2010 et 2011 une mise en demeure du 25 janvier 2013 et que compte tenu des différences de montant existant entre les deux mises en demeure, elle ne pouvait connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations ; subsidiairement, que le procès-verbal de travail dissimulé et ses annexes n'ont pas été communiqués à la société que ce soit au cours du contrôle ou lors de la notification de la lettre d'observations, et n'ont été établis qu'en août 2013, que le caractère contradictoire n'a donc pas été respecté, que la lettre d'observations n'a été signée que par une inspectrice du recouvrement alors que cinq inspecteurs avaient participé au contrôle, que le seul constat des écarts ne permettait pas à l'Urssaf de procéder valablement au redressement notifié, que l'Urssaf n'a pas isolé dans les écarts constatés la quote part des salaires devant bénéficier des réductions et exonérations de cotisations, que l'Urssaf ne démontre ni ne caractérise le moindre caractère intentionnel d'une éventuelle dissimulation d'activité.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

L'article L8221-1 du code du travail dispose qu'est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code ;

Ainsi, l'article L8221-5 du code du travail énonce que : 'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.

L'employeur est réputé agir intentionnellement lorsqu'il s'affranchit délibérément des obligations légales lui incombant en matière d'embauche, alors que ces obligations sont d'ordre public et qu'il est présumé en avoir connaissance, en sa qualité de professionnel inscrit au registre du commerce et des sociétés ;

Le procès-verbal de contrôle de l'Urssaf, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, établit qu'il a été constaté le 7 janvier 2013 (et non 2012 comme figurant dans la lettre d'observations p3/7) au sein de la société Sodaic Sécurité une discordance entre les salaires déclarés en 2010 et 2011 et les salaires réellement versés constatés en comptabilité et sur les éléments de paie (DADS, bulletins de salaires, journal de paie) ;

Cette anomalie constitue bien une situation de travail dissimulé par minoration du nombre d'heures travaillées, reconnue par M. [K], responsable légal de la société, qui a expliqué que les difficultés de trésorerie de la société ont conduit aux minorations et ajustements des déclarations sociales relevés lors du contrôle.

La société soutient cependant que le contrôle serait irrégulier et subsidiairement que le montant du redressement serait infondé.

- Sur le caractère régulier du contrôle :

Il sera rappelé que l'Urssaf n'a pas l'obligation de communiquer au cours du contrôle ou lors de la notification de la lettre d'observations le procès-verbal de travail dissimulé et ses annexes ;

Il apparaît par ailleurs que le procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé a été signé le 5 août 2013 par trois inspecteurs du recouvrement, qui ont participé aux contrôles des sociétés du groupe SODAIC et qui étaient assistés par deux autres inspecteurs dont

Mme [B] ; que la lettre d'observations pour la société Sodaic Sécurité n'a été établie et signée que par une inspectrice, Mme [B].

Or, les modalités des contrôles des différentes sociétés par les cinq inspecteurs n'étant pas définies, les conditions du contrôle de la société Sodaic Sécurité ne sont pas connues et la preuve n'est pas rapportée que la lettre d'observations ne pouvait être établie et signée par Mme [B] seule.

Enfin, il n'est pas contesté que la société avait déjà reçu pour les mêmes années 2010 et 2011 une mise en demeure du 25 janvier 2013, de sorte que, les deux mises en demeure présentant des différences de montant très importantes, la société prétend qu'elle ne pouvait connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations à réception de la seconde mise en demeure du 2 juillet 2013.

Cependant, les deux mises en demeure, qui sont produites aux débats, présentent des causes différentes. La mise en demeure du 25 janvier 2013 a trait à une régularisation annuelle pour les années 2010 et 2011 d'un montant, respectivement, de 156.461€ et 180.923€. La mise en demeure du 2 juillet 2013 concerne les 'contrôle. chefs de redressement notifiés le 10 janvier 2013" pour les années 2010, 2011 et 2012 et pour un montant de 916.416€ de cotisations et 139.025€ de majorations de retard.

Ainsi, même si le montant de la seconde mise en demeure a inclus des sommes déjà réclamées au titre des années 2010 et 2011, il n'en reste pas moins que la société a été en mesure de connaître la nature, la cause, la période et le montant des sommes réclamées, de sorte qu'elle a été pleinement en mesure d'exercer ses droits pour se défendre. La mise en demeure du 2 juillet est donc régulière.

Ces moyens étant rejetés, il y a lieu de juger que le contrôle est régulier.

- Sur le montant du redressement :

La mise en demeure du 25 janvier 2013, dont les sommes réclamées faisaient doublon avec certaines sommes incluses dans la mise en demeure du 2 juillet 2013, a été annulée en cours d'instance. Il n'y a donc plus lieu de soustraire du montant du redressement les sommes qui étaient visées dans la première mise en demeure.

Il sera rappelé que M. [K], responsable légal de la société, a reconnu les minorations et les ajustements des déclarations sociales relevés par les inspecteurs dans les 5 sociétés du groupe.

La société est donc mal venue de soutenir que le seul constat des écarts ne permettait pas à l'Urssaf de procéder valablement au redressement notifié.

Le redressement devait donc bien être calculé sur la base des tableaux récapitulatifs annuels correspondant aux salaires réellement versés et au titre de la période de référence.

Ainsi, au titre de 2010, les salaires constatés sur le livre de paie et la DADS étant de 704.942€ et les salaires déclarés à l'Urssaf étant de 334.223€, la base de redressement était bien de 370.718€ ;

Au titre de 2011, les salaires constatés sur le livre de paie et la DADS étant de 929.993€ et les salaires déclarés à l'Urssaf étant de 565.538€, la base de redressement était bien de 364.455€ ;

Enfin, au titre de 2012, les salaires constatés sur le livre de paie et la DADS étant de 1.366.768€ et les salaires déclarés à l'Urssaf étant de 370.559€, la base de redressement était bien de 996.209€.

L'organisme de recouvrement a donc valablement procédé au calcul des cotisations impayées en application des règles légales en vigueur et sans qu'il y ait lieu, s'agissant de travail dissimulé, d'isoler dans les écarts constatés la quote part des salaires devant bénéficier des réductions et exonérations de cotisations, soit :

-au titre de 2010, à hauteur de 203.245€ de cotisations et 43.900€ de majorations de retard,

-au titre de 2011, à hauteur de 198.865€ de cotisations et 33.409€ de majorations de retard,

-au titre de 2012, à hauteur de 546.477€ de cotisations et 61.716€ de majorations de retard,

Soit une somme totale de 948.587€.

La mise en demeure portant sur une somme inférieure de 916.416€ de cotisations, outre la somme de 139.029€ de majorations de retard, seules ces sommes peuvent être validées pour la fixation de la créance.

Enfin, l'Urssaf n'a pas à démontrer ni à caractériser le caractère intentionnel d'une éventuelle dissimulation d'activité, dés lors que l'employeur est en tout état de cause réputé agir intentionnellement lorsqu'il s'affranchit délibérément des obligations légales lui incombant en matière d'embauche, alors que ces obligations sont d'ordre public et qu'il est présumé en avoir connaissance, en sa qualité de professionnel inscrit au registre du commerce et des sociétés ;

Il y a donc lieu d'infirmer la décision des premiers juges.

Il parait inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf d'Ile-de-France l'intégralité des frais irrépétibles ; il lui sera alloué la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Eu égard à la décision, il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de la société Sodaic Sécurité de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare l'appel recevable et fondé,

Infirme le jugement déféré,

Fixe la créance de l'Urssaf d'Ile-de-France à hauteur de 916.416€ de cotisations et de 139.029€ de majorations de retard,

Déboute la société Sodaic Sécurité de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Sodaic Sécurité au paiement à l'Urssaf d'Ile-de-France de la somme de 2.000€ de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 15/10860
Date de la décision : 11/10/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°15/10860 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-11;15.10860 ?
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