RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 27 Septembre 2019
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/10327 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZMUL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Mai 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15/03765
APPELANTE
ASSURANCE MALADIE [Localité 1]
Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude
Pole contentieux général
[Adresse 1]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMÉ
Monsieur [J] [S]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Eric MARGNOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : J065
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 3]
[Localité 4]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère
M. Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1], ci-après 'la caisse', d'un jugement rendu le 10 mai 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS dans un litige l'opposant à M. [J] [S].
L'affaire est enregistrée sous le numéro RG 16/10327, les parties ont comparu à l'audience du 20 mai 2019 et la décision est mise à disposition à la date du 27 septembre 2019.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
Il suffit de rappeler que M. [S] travaillait en qualité de salarié intérimaire de la société ADAPTEL lorsqu'il a été victime le 6 mars 2014 d'un accident du travail.
La caisse lui a versé des indemnités journalières du 7 mars au 3 avril 2014 avec un taux journalier de 18,77€, du 4 avril au 31 décembre 2014 avec un taux journalier de 24,53€, puis du 21 janvier au 15 février 2015 avec un taux journalier de 24,53€, la caisse retenant la moyenne de ses revenus salariés des 12 mois précédents.
M. [S] a contesté le calcul opéré par la caisse pour le montant de ses indemnités journalières. Par décision en date du 25 février 2015, la caisse a maintenu sa position.
M. [S] a saisi la commission de recours amiable le 21 avril 2015.
Sur rejet implicite de son recours M. [S] a saisi par lettre en date du 20 juillet 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS afin de contester le calcul des indemnités journalières effectué par la caisse.
La commission a rejeté explicitement son recours le 1er septembre 2015.
Par jugement en date du 10 mai 2016, le tribunal a :
- déclaré M. [S] recevable et partiellement fondé en son recours,
- infirmé la décision de la commission de recours amiable du 1er septembre 2015,
- reconnu à M. [S] le droit au bénéfice des prestations en espèces au titre de son arrêt de travail calculé en application des dispositions de l'article R 433-6 alinéa 1 du code de la sécurité sociale soit : 1/30,42 du montant de la ou des deux dernières payes antérieures à la date de l'arrêt de travail, si le salaire est réglé mensuellement ou deux fois par mois,
- renvoyé M. [S] devant la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] pour la liquidation de ses droits, sur la base de ' 38,07€ pendant 28 jours puis 51,23€ au-delà du 29ème jour (sur la base d'un salaire brut mensuel de 1.930,48€ / 30,42 soit un salaire de base de 63,46 euros x 60%)',
- rejeté toute demande plus ample ou contraire.
La caisse a relevé appel de ce jugement par lettre datée du 8 juillet 2016 et fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour :
- à titre principal, à infirmer le jugement déféré et à débouter M. [S] de toutes ses demandes, soutenant d'une part que le travail en qualité d'intérimaire de M. [S] avant l'accident constitue une activité à caractère discontinu au sens de l'article R 433-4 5° du code de la sécurité sociale, qu'il convient donc de retenir une période de référence de douze mois, et que les dispositions de l'article R 433-6 du même code ne sont pas applicables, M. [S] n'ayant pas changé d'employeur ni de catégorie professionnelle, et d'autre part que les dispositions de l'article R 433-6 1° ne sont pas applicables au travail intérimaire, qui est régi par les dispositions spécifiques de l'article R 433-4 5°,
- à titre subsidiaire, si la cour retenait l'application des dispositions de l'article R 433-6 du code de la sécurité sociale, à fixer le salaire de référence reconstitué sur les douze mois à la somme de 15.676,88€, et à dire que le salaire journalier de base devra être calculé selon les modalités fixées par l'article R 433-1 5° du même code, soutenant qu'en faisant application de l'article R 433-6, M. [S] ayant travaillé pendant huit mois et perçu la somme de 10.451,25€, il doit être considéré que s'il avait travaillé douze mois il aurait perçu la somme de 15.676,88€,
M. [S] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour :
- à titre principal, à infirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a refusé le bénéfice des dispositions de l'article R 433-6 4° du code de la sécurité sociale, soutenant que les missions d'intérim qu'il a remplies à compter du début de l'année 2014 constituent au sens de ce texte un nouvel emploi, et que le salaire de base à retenir doit être déterminé à partir de l'emploi qu'il occupait au moment de son arrêt de travail, cette rémunération correspondant à son dernier salaire mensuel augmenté des indemnités de congés payés, soit la somme de 1.930,48€ x 1/30,42 pour arriver à une indemnité journalière de 63,46€,
- à titre subsidiaire, à confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a accordé le bénéfice des dispositions de l'article R 433-4 1° du code de la sécurité sociale, soutenant qu'il avait effectivement travaillé huit mois avant son accident du travail, et qu'en application de ce texte le salaire journalier doit être fixé sur la base de 1/30,42 du montant de la ou des deux dernières payes antérieures à la date de l'arrêt de travail si le salaire est réglé mensuellement ou deux fois par mois.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE,
La caisse ayant relevé appel du jugement dans les formes et délais légaux, son appel est recevable.
L'article L 433-1 du code de la sécurité sociale dispose : 'La journée de travail au cours de laquelle l'accident s'est produit, quel que soit le mode de paiement du salaire, est intégralement à la charge de l'employeur.
Une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l'arrêt de travail consécutif à l'accident sans distinction entre les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés, pendant toute la période d'incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d'aggravation prévu à l'article L 443-2.
L'indemnité journalière est servie en tout ou partie en cas de reprise d'un travail léger autorisé par le médecin traitant, si cette reprise est reconnue par le médecin conseil de la caisse primaire comme de nature à favoriser la guérison ou la consolidation de la blessure.
La reprise d'un travail à temps complet ne fait pas obstacle au versement ultérieur de cette indemnité en cas de travail léger autorisé postérieurement par le médecin traitant, dans les mêmes conditions.
Le montant total de l'indemnité servie et du salaire ne peut dépasser le salaire normal des travailleurs de la même catégorie professionnelle ou, s'il est plus élevé, le salaire sur lequel a été calculée l'indemnité journalière. En cas de dépassement, l'indemnité est réduite en conséquence.
L'article L 323-3-1 est applicable aux arrêts de travail résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
L'indemnité journalière peut être rétablie pendant le délai mentionné à l'article L 1226-11 du code du travail lorsque la victime ne peut percevoir aucune rémunération liée à son activité salariée. Le versement de l'indemnité cesse dès que l'employeur procède au reclassement dans l'entreprise du salarié inapte ou le licencie. Lorsque le salarié bénéficie d'une rente, celle-ci s'impute sur l'indemnité journalière. Un décret détermine les conditions d'application du présent alinéa'.
L'article R 433-4 du même code dispose : 'Le salaire journalier servant de base au calcul de l'indemnité journalière prévue à l'article L 433-1 est déterminé comme suit :
1° 1/30,42 du montant de la ou des deux dernières payes antérieures à la date de l'arrêt de travail, si le salaire est réglé mensuellement ou deux fois par mois ;
2° 1/28 du montant des deux ou des quatre dernières payes antérieures à la date de l'arrêt de travail, si le salaire est réglé toutes les deux semaines ou chaque semaine ;
3° 1/30,42 du montant des payes afférentes au mois antérieur à la date de l'arrêt de travail, si le salaire est réglé journellement ou à intervalles réguliers, au début ou à la fin d'un travail ;
4° 1/91,25 du montant du salaire des trois mois antérieurs à la date d'arrêt de travail, si ce salaire n'est pas réglé une fois par mois, mais l'est au moins une fois par trimestre ;
5° 1/365 du montant du salaire des douze mois antérieurs à la date de l'arrêt de travail, lorsque l'activité de l'entreprise n'est pas continue ou présente un caractère saisonnier ou lorsque la victime exerce une profession de manière discontinue.
L'indemnité journalière calculée à partir de ce salaire journalier ne peut dépasser le montant du gain journalier net perçu par la victime et déterminé selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale'.
L'article R 433-6 du même code dispose : 'Dans les cas énumérés ci-après et sous réserve des dispositions prévues au dernier alinéa, le salaire journalier de base est déterminé comme si la victime avait travaillé pendant le mois, les vingt-huit jours, les trois mois ou les douze mois dans les mêmes conditions :
1° la victime travaillait, au sens de la législation sur les accidents du travail, depuis moins d'un mois, de vingt-huit jours, de trois mois ou de douze mois au moment de l'arrêt de travail ;
2° la victime n'avait pas accompli les périodes de travail mentionnées à l'article précédent en raison de maladie, longue maladie, accident, maternité, chômage total ou partiel constaté par le service administratif qualifié, fermeture de l'établissement à la disposition duquel l'intéressé est demeuré, congé non payé à l'exclusion des absences non autorisées, service militaire ou appel sous les drapeaux ;
3° la victime, bénéficiaire de l'indemnité de changement d'emploi prévue à l'article
L 461-8, s'est trouvée effectivement sans emploi au cours de la période à considérer ;
4° la victime avait changé d'emploi au cours de la période à considérer. Dans ce cas, le salaire de base est déterminé à partir du salaire afférent à l'emploi occupé au moment de l'arrêt de travail. Toutefois, si le salaire de base ainsi déterminé se trouve inférieur au montant global des rémunérations réellement perçues dans les différents emplois au cours de la période à considérer, c'est sur ce montant global que doit être calculée l'indemnité journalière ;
5° la victime bénéficiait d'un revenu de remplacement dans les conditions prévues aux articles L 351-1 et suivants du code du travail.
Pour certaines catégories de salariés ou assimilés soumis à des conditions particulières de rémunération résultant du caractère normalement discontinu du travail, le salaire journalier de base mentionné au premier alinéa peut être adapté à ces conditions particulières de rémunération, suivant des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale'.
Il est établi que M. [S] était au chômage depuis décembre 2012, qu'en juillet 2013 il a été embauché en qualité de travailleur intérimaire par la société ADAPTEL qui lui a confié des missions de réceptionniste et veilleur de nuit dans l'hôtellerie et que l'accident du travail est survenu le 7 mars 2014, dans l'exercice d'une de ces missions.
Le statut de l'assuré au moment de l'accident du travail détermine la période de référence et le taux devant lui être appliqués afin de calculer les indemnités journalières auxquelles il a droit.
C'est à bon droit que la caisse a considéré que M. [S] exerçait une profession de manière discontinue, au sens de l'article R 433-4 5° susvisé, puisqu'il exerçait son activité de veilleur de nuit selon les missions qui lui étaient confiées.
M. [S] soutient à titre principal qu'il devrait au contraire bénéficier des dispositions de l'article R 433-6 4° susvisé, estimant que les missions d'intérim qu'il a trouvées à compter du début de l'année 2014 constituent un 'nouvel emploi' au sens de ce texte.
Mais il est constant que pendant les douze mois ayant précédé l'arrêt de travail consécutif à l'accident, M. [S] n'avait travaillé que pour un seul employeur, la société d'intérim ADAPTEL.
M. [S] se réfère dans ses écritures aux 'missions d'intérim trouvées à compter de janvier 2014", donc à une période de référence de deux mois pendant laquelle il a été employé par la seule société ADAPTEL et a effectué des missions d'intérim en qualité de veilleur de nuit appartenant à la même catégorie que ses missions antérieures.
La notion de nouvel emploi exige un nouvel employeur. M. [S] ne peut donc pas se prévaloir des dispositions de l'article R 433-6 4° du code de la sécurité sociale.
La demande principale sera rejetée.
A titre subsidiaire, M. [S] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a accordé le bénéfice des dispositions de l'article R 433-6 1° susvisé, puisqu'il travaillait depuis moins de 12 mois au moment de son arrêt de travail.
Pour critiquer la décision du premier juge, la caisse soutient que ce texte ne doit pas s'appliquer à la situation du travailleur intérimaire, dont l'activité est par nature discontinue, et qui est régie par des règles particulières.
Les dispositions de l'article R 433-6 du code de la sécurité sociale vont en effet dans ce sens, puisqu'elles prévoient in fine 'Pour certaines catégories de salariés ou assimilés soumis à des conditions particulières de rémunération résultant du caractère normalement discontinu du travail, le salaire journalier de base mentionné au premier alinéa peut être adapté ...'
Le texte, qui procède par énumération des différentes situations dans lesquelles l'assuré peut se trouver placé, prévoit donc une adaptation du salaire journalier de base correspondant à la situation de M. [S].
Il convient donc d'en déduire qu'a contrario, la situation de travailleur intérimaire de celui-ci n'est pas concernée par les précédentes dispositions du texte.
La caisse soutient également que l'application au cas d'espèce par le premier juge de l'article R 433-6 1° revient à ôter tout effet aux dispositions spécifiques portant sur les activités discontinues de l'article R 433-4 5°.
En effet, le travail intérimaire est, par sa nature même, temporaire et renouvelable ; le salarié est affecté aux entreprises utilisatrices pour des missions de durée variable, le plus souvent courtes.
La situation visée par l'article R 433-4 5° est différente de celle visée par l'article R 433-6 1° qui institue un mode de calcul de l'indemnité journalière qui ne pénalise pas de façon injuste le salarié embauché de façon récente.
Enfin, la règle spéciale déroge à la règle générale.
La décision de la commission de recours amiable en date du 1er septembre 2015, confirmant la position de la caisse, est donc bien fondée.
En conséquence, c'est à tort que le tribunal a fait application au bénéfice de
M. [S] des dispositions de l'article R 433-6 1°. Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
M. [S] qui succombe sera condamné au paiement des dépens d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare recevable l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1]
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Déboute M. [J] [S] de l'ensemble de ses demandes,
Condamne M. [J] [S] aux entiers dépens.
La Greffière,La Présidente,