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25/09/2019 | FRANCE | N°17/06418

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 25 septembre 2019, 17/06418


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2019



(n°438, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06418 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B25Y3



Décisions déférées à la Cour : 1/ Jugement du 14 Décembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 9ème chambre 1ère section - RG n°15/05832 - 2/ Jugement du 8 février 2017 -Tribunal de Grande Instance de P

ARIS - 9ème chambre 1ère section - RG n°16/18141





APPELANT



Monsieur [G] [U]

Né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

De nationalité fran...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2019

(n°438, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06418 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B25Y3

Décisions déférées à la Cour : 1/ Jugement du 14 Décembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 9ème chambre 1ère section - RG n°15/05832 - 2/ Jugement du 8 février 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 9ème chambre 1ère section - RG n°16/18141

APPELANT

Monsieur [G] [U]

Né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Guillaume PIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque A 0259

INTIMÉE

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 2]

Immatriculée au RCS de [Localité 3] sous le numéro 542 029 848

Représentée par Me Diana FARAGAU, avocat au barreau de PARIS, toque T 06

Assistée de Me Georges JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque T 06

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente,

M. Marc BAILLY, Conseiller,

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mme Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise CHANDELON, Présidente, et par Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant offre de prêt émise le 1er mars 2002 acceptée le 17 mars 2002, la banque CREDIT FONCIER DE FRANCE a consenti à monsieur [G] [U] un prêt immobilier d'un montant de 90 070 euros, d'une durée de 20 ans, comportant une période de différé d'amortissement de 2 ans, portant intérêt au taux initial de 4,60 % l'an révisable annuellement et égal au taux offert pour les prêts interbancaires en euros pour les capitaux à un an majoré d'une partie fixe de 1,20 %. Ce prêt était destiné à l'acquisition d'un appartement en l'état futur d'achèvement. Il était garanti par une assurance contre le décès et l'invalidité, par un privilège de prêteur de deniers, et par une hypothèque conventionnelle de premier rang. Le taux effectif global mentionné était de 4,67 % l'an, et le taux de période de 0,38 % par mois.

Par avenant sous seing privé du 19 août 2004, les parties sont convenues d'un taux fixe de 5,15 % l'an. Le taux effectif global mentionné était de 5,26 % l'an, et le taux de période de 0,44 % par mois.

Puis par avenant sous seing privé du 22 mai 2012, les parties sont convenues d'un taux fixe de 4,00 % l'an. Le taux effectif global mentionné était de 4,1646 % l'an, et le taux de période de 0,3470 % par mois.

Contestant l'exactitude des taux effectifs globaux et le calcul des intérêts conventionnels, monsieur [U] a, par exploit d'huissier en date du 30 mars 2015, fait assigner la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE devant le tribunal de grande instance de Paris, lui demandant en particulier de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels contenue dans le prêt initial et ses avenants, et, le taux légal étant substitué au taux conventionnel, de condamner la banque au remboursement des intérêts indus échus soit la somme de 28 928,64 euros et d'établir un nouveau tableau d'amortissement pour les intérêts a échoir. Le CREDIT FONCIER DE FRANCE opposait l'irrecevabilité de l'action en nullité de la clause de stipulation d'intérêts et demandait au tribunal de déclarer monsieur [U] mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Monsieur [U], par déclaration en date du 23 mars 2017, a interjeté appel du jugement du tribunal en date du 14 décembre 2016 rectifié en suite d'erreur matérielle le 8 février 2017, qui en définitive a :

' dit monsieur [G] [U] irrecevable pour être prescrit en ses demandes relatives au contrat de prêt du 23 avril 2002 et à son avenant du 19 août 2004 ;

' dit que le CREDIT FONCIER DE FRANCE a calculé des intérêts conventionnels sur la base de l'année civile ;

' débouté monsieur [G] [U] de sa demande de nullité de la stipulation d'intérêt de l'avenant du 22 mai 2012 ;

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

' condamné monsieur [G] [U] à payer au CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles ;

' condamné monsieur [G] [U] aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Yankel BENSOUSSAN dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au terme de la procédure d'appel clôturée le 26 mars 2019 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Par dernières conclusions notifiées le 1er juin 2017 par voie de RPVA monsieur [U], appelant,

indique avoir requis, en vue de l'examen de son dossier, l'assistance de la société de conseil BPEX, dont les travaux ont fait ressortir que dans le contrat de prêt puis dans chacun des deux avenants le taux effectif global est erroné, la banque n'ayant pas respecté les méthodes de calcul imposées par le législateur.

Monsieur [U] conteste le point de départ de la prescription quinquennale, que le premier juge adoptant l'argumentation développée par la banque a situé à la date de l'offre de prêt sans rechercher si l'emprunteur disposait des compétences financières nécessaires pour lui permettre de déceler par lui-même à la lecture de l'acte de prêt les erreurs affectant le calcul du taux effectif global ' la preuve en incombe au prêteur. Or monsieur [U], gendarme de profession, n'était pas un spécialiste des mathématiques financières et les erreurs affectant le taux effectif global et les intérêts conventionnels calculés sur 360 jours n'ont pu être découvertes qu'au vu d'une analyse d'un professionnel en cette matière intervenue le 6 février 2015. Le CREDIT FONCIER DE FRANCE n'apportant aucun élément contraire de nature à démontrer que monsieur [U] aurait découvert cette erreur antérieurement, la date de ce rapport doit être retenue comme point de départ de la prescription. Il s'ensuit que la prescription n'était pas acquise lors de l'acte introductif d'instance.

Monsieur [U] se fonde sur les travaux de la société BPEX, qu'il dit vainement contestés par le CREDIT FONCIER DE FRANCE.

En premier lieu il soutient que la banque a, pour calculer les intérêts du prêt, utilisé une autre référence que celle de l'année civile de 365 jours, en faisant application de l'année dit lombarde de 360 jours. En l'espèce, l'analyse des intérêts intercalaires met en évidence une base de calcul de 360 jours, ce qui engendre à la charge du prêteur un coût supplémentaire d'intérêts et revient à appliquer au capital débloqué, un taux de 4,66 % (en base 365 jours) et non le taux conventionnel de 4,60 %. En outre l'avenant signé en 2012 reprend de façon explicite cette base de calcul de 360 jours. Le CREDIT FONCIER DE FRANCE a fait application d'une base de 360 jours et n'a pas fait usage de l'année normalisée comme il le prétend. La banque reconnaît dans ses conclusions que les premiers intérêts sont calculés sur une base de 360 jours. Il en résulte que les intérêts des périodes suivantes sont calculés eux aussi sur les mêmes bases, à savoir un mois de 30 jours et sur une année de 360 jours, contrairement à ce qu'affirme le CREDIT FONCIER DE FRANCE. Si on reprend les exemples qu'il cite dans ses écritures, force est de constater que l'application de sa méthode de calcul aboutit exactement au même résultat chiffré que celle de la méthode dite de l'année lombarde, lequel est différent de celui qui est obtenu lorsque le calcul se fait sur la base de l'année civile de 365 jours. Une telle pratique est prohibée de manière absolue. Le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non professionnel, cette seule irrégularité, sans qu'il soit nécessaire de précéder au moindre calcul, suffit à emporter la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte liant les parties.

En second lieu, monsieur [U] soutient que le taux effectif global stipulé dans l'offre de prêt et ses avenants est erroné, en ce que la banque a omis d'intégrer dans l'assiette de calcul :

' les frais liés à l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers, que le CREDIT FONCIER DE FRANCE a évalués à 2 092 euros, et qui contrairement à ce qu'il prétend ne sont pas exclus de l'assiette du taux effectif global pour être, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, supportés exclusivement par le promoteur vendeur de l'immeuble, puisque l'emprunteur indirectement subit ces frais notariés dont il est tenu compte dans le prix de la vente en l'état futur d'achèvement ;

' le coût de l'assurance décès-invalidité, qui doit être pris en considération dès lors que cette assurance était obligatoire et que ce coût est déterminable à la date de l'acte de prêt, quand bien même il s'agit d'une assurance externe, la banque ayant alors l'obligation de se renseigner auprès de l'assureur.

Par ailleurs, eu égard aux valeurs affichées par la banque en arrondi, le principe de proportionnalité entre le taux effectif global annuel et le taux de période n'a pas été respecté.

Ainsi monsieur [G] [U] prie la Cour de vouloir bien :

Vu l'article 1902 alinéa 2 du code civil,

Vu les articles L312-1, L313-2 et R313-1 du code de la consommation,

Vu le rapport d'expertise du cabinet BPEX,

infirmer le jugement rendu et statuant à nouveau,

- déclarer les demandes de monsieur [U] recevables,

- dire et juger que le CREDIT FONCIER DE FRANCE a calculé des intérêts conventionnels sur la base d'une année civile de 360 jours,

- dire et juger que le CREDIT FONCIER DE FRANCE a omis d'intégrer dans l'assiette du taux effectif global pratiqué au titre de l'offre de prêt du 23 avril 2002 et de ses avenants des 19 août 2004 et 31 mai 2012, divers frais liés au prêt consenti,

- dire et juger qu'il est fait mention d'un taux période inexact,

- dire et juger en conséquence qu'il est fait mention au titre du prêt consenti à monsieur [U] et de ses avenants, d'un taux effectif global inexact ;

En conséquence,

' prononcer voire constater la nullité de la stipulation d'intérêts mentionnée dans le prêt du 23 avril 2002 et de ses avenants du 19 août 2004 et du 31 mai 2012 signés entre monsieur [U] et le CREDIT FONCIER de FRANCE,

' dire et juger que le taux d'intérêt légal se substitue au taux d'intérêt conventionnel contenu dans ces actes ;

* S'agissant des intérêts échus :

- condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE à restituer à monsieur [U] les sommes indûment perçues correspondant, s'agissant des intérêts échus et d'ores et déjà réglés au titre de l'emprunt à la différence entre les intérêts calculés au taux conventionnel et les intérêts calculés au taux légal,

- condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE à restituer à monsieur [U] la somme de 28 928,64 euros sauf à parfaire, correspondant aux intérêts contractuels indûment versés à la date du 6 février 2015 ;

* S'agissant des intérêts à échoir :

- condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE à établir un nouveau tableau d'amortissement du capital restant dû après qu'a été substitué au taux conventionnel, le taux légal, et ce sous astreinte de 90 euros par jour de retard dans les quinze jours de la signification de la décision à intervenir,

- dire et juger que monsieur [U] ne sera tenu au remboursement des intérêts à échoir afférents à l'emprunt litigieux et de ses avenants que sur la base du tableau d'amortissement rectifié après substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel,

- rappeler en tant que de besoin, que le montant du taux légal applicable ne pourra jamais

excéder le taux nominal initial du prêt ;

Et en tout état de cause,

- condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE à payer à monsieur [U] une somme de 5 000 euros sauf à parfaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Guillaume PIERRE dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie de RPVA le 26 juillet 2017 la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE, intimée,

demande à la cour de bien vouloir recevoir le CREDIT FONCIER DE FRANCE en ses écritures et y faisant droit, déclarer le CREDIT FONCIER DE FRANCE recevable et bien fondé en son appel incident, et y faisant droit,

- réformer la décision entreprise, et statuant à nouveau, déclarer irrecevable, et en tout état de cause, mal fondée l'action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels ;

- confirmer la décision entreprise ce qu'elle a déclaré prescrite, l'action engagée par monsieur [G] [U] à l'encontre de l'offre initiale de prêt et de son premier avenant ;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable l'action engagée par monsieur [G] [U] à l'encontre du second avenant du 22 mai 2012 ;

En tout état de cause :

- débouter monsieur [G] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner monsieur [G] [U] à régler au CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner enfin aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Diana FARAGAU avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions l'intimé développe en particulier les observations et moyens suivants.

La SA CREDIT FONCIER DE FRANCE soutient 'à titre liminaire', que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts est irrecevable, en vertu des dispositions de l'article L312-33 du code de la consommation, seules applicables s'agissant d'un prêt soumis à la loi Scrivener dont les dispositions spéciales, dérogatoires au droit commun de l'article 1907 du code civil, sont d'ordre public. La seule sanction civile encourue en cas d'inobservation des dispositions de l'article L312-8 du dit code, qui elles-mêmes renvoient à l'article L312-1, est la perte, en totalité ou partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

La SA CREDIT FONCIER DE FRANCE soutient ensuite que l'action de monsieur [U] est prescrite, et mal fondée.

Le point de départ de la prescription de l'action en nullité est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de sa révélation à l'emprunteur. Dès lors que l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler les prétendues erreurs invoquées le point de départ de la prescription est incontestablement la date de l'acceptation de l'offre. Or ici les erreurs invoquées par monsieur [U] étaient toutes identifiables à l'examen attentif de l'offre de prêt ainsi qu'à celui de son premier avenant, du 19 août 2004, et monsieur [U] ne pouvait ignorer que les (prétendues) 'omissions' de frais qu'il invoque auraient, le cas échéant, pour effet d'influer sur la régularité du taux effectif global affiché dans l'offre de prêt. De même il ressort clairement de l'offre de prêt ' que l'avenant du 19 août 2004 ne modifie en rien sur ce point ' un 'taux de période mensuelle' et un 'taux effectif global exprimé en taux annuel calculé proportionnellement' à ce taux de période, de sorte que la proportionnalité était aisément vérifiable, dès la lecture de l'offre, par une simple multiplication par 12. Un calcul lui aussi fort simple, permettait de procéder, au vu des éléments de l'offre et du tableau d'amortissement, de l'exactitude des intérêts conventionnels. Le point de départ de la prescription ne saurait être différé à la date de la prétendue révélation des erreurs de sorte qu'elle est acquise depuis le 18 mars 2007 en ce qui concerne l'offre initiale. L'action tirée du prétendu vice originel affectant l'offre du CREDIT FONCIER DE FRANCE est aujourd'hui prescrite, de sorte qu'il importe peu que ce prétendu vice soit par la suite réitéré au sein des avenants successifs du contrat de prêt. Le point de départ du droit d'agir est, en effet, invariablement fixé au jour de l'acceptation de l'offre initiale : c'est à cette date que s'est ouvert l'action. Par conséquent, monsieur [U] faisant valoir les mêmes griefs au titre des trois actes successifs, son droit d'agir s'est éteint à l'expiration du délai de prescription initial, sans pouvoir être réactivé à l'occasion des avenants du 19 août 2004 et du 31 mai 2012.

En tout état de cause le taux de période et le taux effectif global mentionnés dans l'offre de prêt et les avenants sont exacts, sans erreur ni omission, tout comme l'est le calcul des intérêts conventionnels. En particulier, le CREDIT FONCIER DE FRANCE justifie avoir régulièrement calculé les intérêts conventionnels, conformément à l'article R 313-1 du code de la consommation, c'est à dire sur la base de l'année civile et du mois normalisé ; il est vain de se focaliser comme le fait l'appelant, sur le calcul des intérêts sur une échéance non mensuelle pour laquelle, de surcroît, une erreur, à la supposer démontrée, ne peut que ne saurait être sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêts. Le principe de proportionnalité a été respecté. Les frais dont il est déploré l'omission n'avaient pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global, et en toute hypothèse l'écart qui en résulterait serait inférieur à la décimale.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

SUR CE

' Sur la prescription :

Considérant que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts relève du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil ; qu'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'offre de prêt querellée, énonciations dont la matérialité n'est pas non contestée par l'appelant lequel se borne à affirmer qu'il ne disposait pas des compétences mathématiques nécessaires pour lui permettre de déceler par eux-mêmes à la lecture de l'acte de prêt les erreurs affectant le calcul du taux effectif global, que l'offre de prêt acceptée le 17 mars 2002, et son avenant du 19 août 2004

comportent des mentions suffisamment précises et claires, sous une présentation accessible permettant à un lecteur même profane de comprendre ce qu'est un taux effectif global, et surtout, concrètement, de connaître quels frais et charges ont été effectivement pris en compte pour le calculer, et a contrario quels sont ceux qui n'ont pas été inclus ;

Considérant qu'il en résulte que dès la signature de l'offre, dont les termes sont clairs et aisés à comprendre, même pour un non spécialiste, l'emprunteur était en mesure de se convaincre de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, en ce qu'elle résulte nécessairement des 'omissions' ou autres anomalies alléguées ; que d'autre part l'emprunteur n'avait pas à mobiliser des connaissances mathématiques approfondies, puisqu'aussi, à partir des ces mentions et de la définition du taux effectif global contenue dans les conditions générales, une opération simplissime suffisait à s'apercevoir que la multiplication par 12 du taux de période ne donnait pas rigoureusement le taux effectif global affiché, et qu'une autre opération à peine plus ardue permettait de vérifier à partir des éléments chiffrés indiqués dans l'offre de prêt comme dans l'avenant du 19 août 2004, l'exactitude des intérêts du tableau d'amortissement dûment calculés sur la base d'une année civile ;

Considérant qu'en ce qui concerne la première échéance, incomplète, dont le montant n'est déterminé qu'avec le déblocage des fonds et n'est connu qu'à la date à laquelle l'échéance est facturée à l'emprunteur ' qui dès lors qu'il a connaissance de ce montant et se trouve en position de s'interroger à loisir sur l'exactitude de la dite somme ' à supposer qu'on retienne comme ultime point de départ de la prescription cette dernière date, en toute hypothèse l'action exercée sur assignation délivrée le 30 mars 2015 est irrecevable comme étant prescrite, puisqu'il s'est écoulé plus de cinq années depuis la date de mise à disposition des fonds jusqu'à celle de l'acte introductif d'instance ;

Considérant que dans de telles circonstances, aucune expertise, réalisée de surcroît sur les seuls éléments contenus dans l'offre, n'autorise à décaler le point de départ de la prescription ;

Considérant que par conséquent, comme l'a exactement dit le tribunal, l'action en nullité de monsieur [U] quant à l'offre de prêt initiale et quant à son avenant du 19 août 2004, est irrecevable comme étant prescrite ;

Considérant que suivant le même raisonnement le tribunal a retenu à bon droit, et contrairement à ce que soutient la banque estimant que l'action s'est définitivement éteinte avec la prescrition acquise au titre du prêt inital, la recevablilté de l'action dirigée contre l'avenant du 22 mai 2012, celui-ci mentionnant un nouveau taux effectif global ;

Qu'il en est de même s'agissant du calcul des intérêts conventionnels ;

' Sur le fond

Considérant que liminairement il sera rappelé que contrairement à ce que soutient monsieur [U] la seule présence au contrat d'une clause stipulant que les intérêts conventionnels sont calculés sur un base annuelle de 360 jours n'emporte pas nécessairement nullité de la stipulation d'intérêts, et le juge est, pour le moins et en premier lieu, avant d'en déterminer la sanction ' ce qui ne relève pas d'une fin de non recevoir mais qui touche au fond ' tenu de vérifier si elle a été effectivement appliquée ou si à l'inverse les intérêts conventionnels n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile, conformément aux textes précités ;

Considérant que le tribunal a ensuite pu à bon droit écrire :

' Sur les intérêts conventionnels stipulés à l'avenant du 22 mai 2012 :

Attendu que [G] [U] reproche au Crédit foncier de France d'avoir calculé les intérêts conventionnels sur la base de l'année lombarde ;

Attendu qu'en application combinée des articles 1907, alinéa 2, du code civil, L.313-1, L.313-2 et R.313-1 anciens du code de la consommation, les intérêts dus par les emprunteurs doivent être calculés au taux conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêtsur la base de l'année civile ;

Attendu que l'article 2 relatif aux nouvelles conditions financières à la date de l'avenant du 22 mai 2012 stipule : « Durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année

bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » ;

Attendu que calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours ; que le calcul des intérêts conventionnels de chaque mensualité, tel qu'il est défini par la clause précitée, est donc conforme aux prescriptions légales sus rappelées ;

Attendu que le demandeur ne peut être suivi dans sa contestation du calcul des intérêts de l'échéance du 6 octobre 2016, pas plus que de celle du 6 mars 2017, lorsqu'il soutient qu'il conviendrait de rapporter à une année de 365 jours, ou de 366 jours le cas échéant, le nombre de jours exact de la mensualité, en l'occurrence 28 pour le mois de février ou 30 pour le mois de septembre ; qu'il ressort en effet de la remarque de l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation qu'une année compte 12 mois normalisés, et qu'un mois normalisé compte 30,416 66 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non ;

Considérant que de la même manière c'est à bon droit que le premier juge a retenu ce qui suit en ce qui concerne le taux effectif global mentionné dans l'avenant du 22 mai 2012 :

'Attendu que, aux termes de l'article 1907, alinéa 2, du code civil, le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ; que, aux termes de l'article L313-2, alinéa premier, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, le taux effectif global déterminé comme il est dit à l'article L.313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.313-1, alinéas 1 et 2, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; que, toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8 du code de la consommation, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat ; que, en outre, pour les prêts qui font l'objet d'un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l'amortissement de la créance ; qu'un décret en Conseil d'État déterminera les conditions d'application du présent article ;

Attendu que, aux termes de l'article R. 313-1, paragraphe II, alinéas 1et 2, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public ainsi que pour celles mentionnées à l'article L. 312-2, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires ; que le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur ; que le taux de période est calculé

actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur ; qu'il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés ;

Attendu que [G] [U] poursuit l'annulation de la stipulation d'intérêt de l'avenant au prêt, au motif que le taux effectif global mentionné dans l'acte du 22 mai 2012 serait erroné en ce qu'il n'intégrerait pas les frais du privilège de prêteur de deniers, ni le coût de l'assurance contre le décès et l'invalidité, et en ce que le taux de période indiqué dans l'offre de prêt serait erroné ;

Attendu, en premier lieu, que le taux effectif global de l'avenant du 22 mai 2012 est calculé sur la base des seules échéances, frais et accessoires à compter de la date d'effet de l'avenant ; qu'il n'est pas établi que l'emprunteur ait, à compter de cette date, supporté des frais au titre du privilège de prêteur de deniers ;

Attendu, en second lieu, que l'offre de prêt mentionne, au sujet del 'assurance contre le décès, l'invalidité absolue et définitive et l'incapacité de travail, que [G] [U] n'est pas assuré par suite de son refus d'adhérer à la convention proposée ; qu'elle prévoit toutefois, à titre de condition particulière à la charge du notaire, que « le présent prêt est autorisé sous condition de la production de la demande d'adhésion de monsieur [G] [U] et son acceptation par la compagnie d'assurance La Pérennité à l'assurance décès-invalidité» ; que, nonobstant cette clause, l'acte authentique de prêt mentionne derechef que [G] [U] n'est pas assuré par suite de son refus d'adhérer à la convention proposée ; que l'acte ne reprend pas la condition particulière mise à la charge du notaire ; qu'il indique en revanche que « les emprunteurs, et s'il y a lieu, les cautions reconnaissent qu'ils ont été avertis de la possibilité qui leur était offerte de demander leur adhésion au contrat groupe souscrit par le prêteur pour les risques décès et perte totale et irréversible d'autonomie, invalidité et incapacité de travail » ; qu'il ressort de ces stipulations que l'adhésion de [G] [U] à une assurance contre le décès et l'invalidité n'était pas une condition d'octroi du prêt ; que, aussi bien, la lettre de la Pérennité valant certificat de garantie a été adressée à [G] [U] le 2 mai 2002, après que le prêt eut été réitéré par acte notarié ; que cette assurance n'apparaissant pas comme une garantie exigée pour l'octroi du prêt, son coût n'a pas à être pris en compte dans le calcul du taux effectif global ;

Attendu, en dernier lieu, que [G] [U] reproche au Crédit foncier de France d'indiquer un taux effectif global annuel qui ne serait pas proportionnel au taux de période ; qu'il ne conteste à cet égard que les indications du contrat de prêt initial ; que, s'agissant de l'avenant du 22 mai 2012, le tribunal constate que les deux taux mentionnés sont proportionnels, au regard de la précision exigée par l'annexe à l'article R.313-1, d, du code de la consommation ;

Attendu que, faute de démontrer le caractère erroné du taux effectif global et du taux de période figurant dans l'avenant du 22 mai 2012, [G] [U] sera débouté de ses demandes ;'

Considérant que le premier juge, après avoir rappelé avec rigueur et exactitude les principes gouvernant les éléments à prendre en considération pour la détermination du taux effectif global, a réalisé un examen attentif des pièces fournies et a fait une analyse pertinente et exhaustive des faits de la cause, conduisant la cour à adopter intégralement les motifs du jugement déféré et à le confirmer en toutes ses dispositions relatives au fond, cette motivation méritant pleine et entière approbation ;

Considérant que monsieur [U] au final ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, du caractère erroné du taux effectif global, pas plus qu'il ne démontre que le CREDIT FONCIER DE FRANCE aurait fait application d'une autre méthode que celle préconisée par le législateur pour le calcul des intérêts conventionnels ;

Considérant qu'en suite de ce qui précède aucun des moyens de monsieur [U] n'étant fondé, le jugement attaqué doit être confirmé en toutes ses dispositions, sans qu'il y ait lieu de répondre plus avant aux moyens développés encore à hauteur d'appel par la banque relatifs à l'inapplicabilité de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt [au regard des dispositions de l'article L312-33 du code de la consommation, qui ne sanctionne que par une déchéance du droit aux intérêts, dans une proportion fixée par le juge, l'irrégularité du taux effectif global figurant dans l'offre de prêt et par analogie celle portant sur le calcul des intérêts conventionnels] ;

Sur les dépens et frais irrépétibles

Considérant qu'en conséquence de ce qui précède, il y a lieu de condamner monsieur [U] aux dépens, ainsi qu'à payer à la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE, pour des raisons tenant à l'équité, la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par elle à hauteur d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne monsieur [G] [U] à payer à la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel ;

Condamne monsieur [G] [U] aux dépens d'appel et admet Me Diana FARAGAU avocat au Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/06418
Date de la décision : 25/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/06418 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-25;17.06418 ?
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