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19/09/2019 | FRANCE | N°18/21467

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 19 septembre 2019, 18/21467


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2019



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/21467 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6OJG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016042981





APPELANT :



Monsieur [Z] [E]

né le [Date naissance 1] 1966 à

[Localité 10]

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 6]



Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représenté par Me Baptiste...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/21467 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6OJG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016042981

APPELANT :

Monsieur [Z] [E]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 10]

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représenté par Me Baptiste DUMOND, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 7]

SELARL FIDES anciennement dénommée EMJ, prise en la personne de Maître [L] [C], agissant en la personne de ses représentants légaux domiliciliés en cette qualité audit siège, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société ETABLISSEMENTS ABRIAL, SARL immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 612 057 620, dont le siège social était situé [Adresse 2]

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Représentée par Me Isilde QUENAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1515

COMPOSITION DE LA COUR :

    En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2019, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère et Madame Aline DELIERE, Conseillère.

           Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH

MINISTÈRE PUBLIC :

représenté lors des débats par Madame Anne SARZIER, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Etablissements Abrial, créée en 1960 exploitait un fonds de commerce d'installations électriques et serrurerie-métallerie. Le capital social d'un montant de 22.867 euros est intégralement détenu par la société CD Investissement, dirigée par Monsieur [Z] [E].

Il a été nommé gérant de la société en novembre 2006. Il était également détenteurs d'autres mandats sociaux dans une dizaine d'autres sociétés.

Sur déclaration de cessation des paiements par jugement en date du 11 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la Sarl Etablissements Abrial, et désigné la Selarl Fides en la personne de Maître [C] en qualité de mandataire liquidateur. La date de cessation des paiements a été fixée eu 11 mars 2012.

Par jugement en date du 11 septembre 2018 le tribunal de commerce de Paris, saisi par Maître [C], a condamné Monsieur [Z] [E] à payer à la Selarl Fides, ès qualités de liquidateur de la société Ets Abrial la somme de 999.726 euros au titre de sa responsabilité dans l'insuffisance d'actif de cette société dont il était le dirigeant.

Monsieur [E] a interjeté appel de cette décision le 28 septembre 2018.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 21 décembre 2018 auxquelles il est expressément référé il demande à la cour d'appel de :

- Constater, dire et juger que Monsieur [Z] [E] n'a commis aucune faute de gestion, en sa qualité de gérant de la Société Etablissements Abrial, de nature à entrainer sa condamnation à supporter, en tout ou partie, l'insuffisance d'actif de cette Société ;

En conséquence :

- Infirmer le Jugement rendu en date du 11 septembre 2018 par le Tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a condamné M. [Z] [E] à payer à Maître [L] [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la Société Etablissements Abrial, la somme de 999.726 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 651-2 du Code de commerce.

- Infirmer le Jugement rendu en date du 11 septembre 2018 par le Tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a condamné M. [Z] [E] à payer à Maître [L] [C], ès qualité de Mandataire liquidateur de la Société Etablissements Abrial, la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 19 février 2019 la Selarl Fides demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de PARIS en date du 11 septembre 2018, sauf sur le quantum des condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur [Z] [E] ;

Et statuant à nouveau sur ce point,

- constater que, par jugement du 11 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la Société Etablissements Abrial ;

- constater que l'insuffisance d'actif de la Société Etablissements Abrial s'élève à la somme de 1.190.110,17 € ;

- constater que Monsieur [Z] [E] a commis des fautes de gestion en tardant à régulariser la déclaration de cessation des paiements de la société Etablissements Abrial, en ne respectant pas les obligations fiscales et sociales de la société, en poursuivant l'activité déficitaire de la société, rendant les capitaux propres négatifs et en adoptant une gestion contraire à l'intérêt de la société dans un intérêt personnel ;

En conséquence,

- condamner Monsieur [Z] [E] à payer à Maître [L] [C], es qualités, la somme de 1.190.110,17 € en application des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce et ce avec intérêts au taux légal de droit conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du Code civil ;

- dire que les intérêts se capitaliseront, pour ceux échus depuis une année entière au moins, en application de l'article 1343-2 du code civil ;

En tout état de cause :

- débouter Monsieur [Z] [E] de l'ensemble ses des demandes, fins, moyens et conclusions ;

- condamner Monsieur [Z] [E] à payer à Maître [L] [C], ès qualités, la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner Monsieur [Z] [E] aux entiers dépens de l'instance et de ses suites dont distraction est sollicitée au profit de la Scp Naboudet-Hatet, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

***

A l'audience le ministère public a sollicité la confirmation du jugement.

SUR CE

Aux termes de l'article L. 651-2 du Code de commerce :

"Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés" .

En l'espèce l'insuffisance d'actif s'élève à 1.190.110, 17 euros.

Sur le retard à la déclaration de cessation des paiements

La Selarl Fides reproche à Monsieur [E] de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements de la société dans le délai légal commettant ainsi une faute de gestion ayant aggravé le montant du passif et ayant permis la poursuite abusive d'une activité déficitaire.

Monsieur [E] conteste la date de cessation des paiements retenue par le tribunal. Il fait valoir qu'il était alors dans un état dépressif sévère.

La cour relève sur ce point que les certificats médicaux produits datent des mois de mars et suivants 2014 et sont donc bien postérieurs à la date de cessation des paiements et au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.

La Selarl Fides reproche à Monsieur [E] un retard dans la déclaration de cessation des paiements ayant contribué à aggraver le passif et ayant permis abusivement de poursuivre une activité déficitaire. L'aggravation du passif liée au retard pris par Monsieur [E] s'élève à un montant au moins égal à 732.831 €, soit plus de 61% de l'insuffisance d'actif constatée, la différence entre ce montant et celui retenu dans son rapport par le liquidateur étant liée à la régularisation de sa déclaration de créance par l'Urssaf. Monsieur [E] avait parfaitement connaissance de l'état dans lequel se trouvait sa société eu égard au fait qu'il ne payait plus ses dettes fiscales et sociales.

Monsieur [E] conteste la date de cessation des paiements retenu par le tribunal. Il fait valoir qu'il était alors dans un état dépressif sévère.

La cour rappelle qu'en vertu des dispositions de l'article R653-1 du code de commerce 'pour l'application de l'article L653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue en application de l'article L631-8.'

En l'espèce le tribunal a fixé la date de cessation des paiements au 11 mars 2012, soit 18 mois avant le jugement d'ouverture.

Monsieur [E] ne pouvait ignorer qu'il était en cessation des paiements en mars 2012. En premier lieu il convient de relever que la société Etablissements Abrial avait négocié plusieurs échéanciers avec l'administration fiscale et avec l'Urssaf pour des sommes dues au titre de l'année 2011 et le début de l'année 2012. Ainsi, même avant la date de cessation des paiements fixée par le tribunal la société avait été contrainte de négocier des échéanciers faute de trésorerie pour payer ses dettes fiscales et sociales.

Par la suite la société n'a pas été en mesure de payer la TVA depuis le mois d'avril 2012, la taxe sur les véhicules de la société de l'année 2012 et la cotisation foncière des entreprises de 2012. Les cotisations de l'Urssaf n'ont plus été payées depuis juin 2012. Les cotisations dues à l'organisme Pro BTP de l'année 2012 n'ont pas été payées et des factures émises en mars 2013 de la société Bref Services n'ont pas été réglées. Enfin les loyers dus à compter du 2ème trimestre 2013 sont restés impayés. De plus Monsieur [E] avait daté sa déclaration de cessation des paiements du 31 juillet 2013 mais ne l'a déposé que fin août 2013. Or les salaires d'août et septembre 2013 n'ont pus être payés faute de trésorerie ce qui a aggravé le passif de 49.709, 18 euros de créances salariales prises en charge par les AGS.

Au total le passif a été aggravé de plus de 730.000 euros entre la date de cessation des paiements et l'ouverture de la procédure collective sur une insuffisance d'actif de 1.190.110 euros.

Cette aggravation du passif pendant les 18 mois qui ont précédé le jugement d'ouverture constitue une faute de gestion et la cour confirmera en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a retenu cette faute de gestion à l'encontre de Monsieur [E].

Sur le non paiement des créances fiscales et sociales

La Selarl Fides expose que le passif fiscal et social s'élève à un montant de 696.708,57 € soit près de 60% de l'insuffisance d'actif. En ne réglant pas, pendant plusieurs années, les créances fiscales et sociales de la société, Monsieur [Z] [E] s'est ainsi crée une trésorerie fictive, ce qui lui a notamment permis de poursuivre l'activité pourtant très déficitaire de la société, au détriment des tiers et dans un bénéfice personnel.

Monsieur [E] invoque sa bonne foi. Il ajoute qu'il avait obtenu des moratoires de la part de l'administration fiscale et des caisses sociales.

La cour relève que le montant des créances sociales et fiscales de la société Abrial représente 60% de l'insuffisance d'actif. La société a cessé de payer ses cotisations et impositions dès le mois de septembre 2011. Les impositions non payées ont été assorties de pénalités, aggravant ainsi le passif.

En ne respectant pas ses obligations sociales et fiscales monsieur [E] a pu continuer l'exploitation de la société au détriment de la collectivité. Les échéanciers qu'il avait obtenu de la part de l'Urssaf et de l'administration fiscale n'ont pas été respectés et le jugement du tribunal de grande instance de Paris qui se fonde sur l'absence de mauvaise foi de monsieur [E] n'a pas d'incidence sur l'existence d'une faute de gestion de monsieur [E].

La cour confirmera en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a retenu la faute de gestion tirée de l'inobservation de ses obligations fiscales et sociales par monsieur [E].

Sur la poursuite d'une activité déficitaire

La Selarl Fides reproche à Monsieur [E] d'avoir poursuivi une activité déficitaire depuis 2011, cette activité déficitaire ayant contribué à aggraver le passif et donc l'insuffisance d'actif

Monsieur [Z] [E] conteste avoir commis une faute de gestion au titre de la poursuite de l'activité déficitaire. Il expose avoir émis de nombreux devis pendant cette période.

La cour observe qu'à partir de 2011 les résultats de la société ont été déficitaires, 307.448 euros en 2011 et 100.402 euros en 2012. Le chiffre d'affaires a baissé drastiquement passant de 2.870.378 euros en 2009 à 1.976.979 euros en 2011 et 1.758.643 euros en 2012. Les charges en revanche n'ont pas suivi cette baisse puisqu'elles sont passées de 2.827.000 euros en 2009 à 2.287.169 euros en 2011 et 1.891.777 euros en 2012, cette baisse étant principalement due à la diminution des achats de matières premières. Les capitaux propres sont devenus négatifs dès l'exercice 2011.

Monsieur [E] n'a pas réagi et notamment il n'a mis en place aucune mesure de restructuration susceptible de palier aux résultats déficitaires. Sa réaction a été de cesser de payer ses cotisations sociales et ses impositions.

La production par monsieur [E] de devis ne suffit pas à l'exonérer de cette faute de gestion. En effet les devis ont été émis entre le mois de novembre 2012 alors que la date de cessation des paiements a été fixée en mars 2012 et le mois de juillet 2013. Ils n'ont par ailleurs pas été convertis. S'il est exact que l'émission de devis reflète l'activité d'une société, il est cependant admis que seul un certain pourcentage des devis émis est suivi d'effet. Monsieur [E] ne pouvait raisonnablement penser que tous les devis émis seraient suivis de commandes fermes.

De même la perte d'un client important, la société Saint Gobain, si elle explique les difficultés de la société Abrial, ne l'exonère pas de sa responsabilité en l'absence de réaction de sa part.

Le grief est donc bien constitué et la cour confirmera le jugement entrepris sur ce point également.

Sur la gestion contraire à l'intérêt de la société

La Selarl Fides reproche à Monsieur [E] d'avoir usé des fonds de la société afin de régler ses dépenses personnelles et en tout état de cause étrangères à l'objet social. Ces dépenses étaient d'environ 6.000 euros par mois en retraits bancaires et 45.011 euros de dépenses étrangères. Il lui reproche également d'avoir embauché aux frais de la société un jardinier gardien.

Monsieur [E] expose avoir engagé ces frais au titre de cadeaux pour des clients et au titre de frais de représentation.

La cour constate au vu des relevés bancaires de la société comparés avec la liste des retraits et paiements établie par le liquidateur que monsieur [E] a retiré environ 15.000 euros avec la carte bancaire de la société entre septembre 2012 et juillet 2013, principalement durant les fins de semaine, et a réglé de nombreuses dépenses avec le compte de la société. Il semble peu probable en effet que les dépenses d'hôtels et restaurants engagées les samedi et dimanche en dehors de [Localité 9] notamment soient des dépenses professionnelles. Il en est de même des dépenses de bijouterie, parfumerie, maroquinerie de luxe, habillement, voyages ou d'abonnement à Canal Satellite pour plus de 45.000 euros.

Monsieur [E] ne produit aucune pièce susceptible d'établir qu'il s'agissait de dépenses professionnelles, les quatre cartes de remerciements qu'il communique étant soit des cartes de voeux pour la nouvelle année, soit des cartes antérieures aux dépenses litigieuses. De plus Monsieur [E] n'établit pas le lien entre les signataires de ces cartes et l'activité de la société. Ces pièces sont insuffisantes à justifier le montant des dépenses litigieuses et monsieur [E] ne produit aucune facture qui pourraient détailler l'objet de ces dépenses et les rattacher à la clientèle de la société.

La cour confirmera en conséquence le jugement entrepris.

Quand à l'emploi de Monsieur [O] embauché le 4 juin 2010 pour un poste de jardinier gardien par la société Abrial, la cour relève que le siège social de la société se situe à [Localité 9] dans un immeuble où il n'y a pas de jardin et où, si gardien il y a, ce serait le gardien de l'immeuble.

En revanche Monsieur [O] logeait dans une dépendance de la résidence de Monsieur [E] ainsi que l'établit le certificat d'immatriculation de son véhicule. Monsieur [O] avait d'ailleurs déclaré qu'il assurait le gardiennage et la maintenance du domicile personnel de Monsieur [E].

Ce grief est donc établi au yeux de la cour et sera retenu à l'encontre de monsieur [E].

Sur le quantum de la condamnation

La Selarl Fides fait valoir que le tribunal n'aurait pas du retrancher la créance fiscale de l'insuffisance d'actif et demande en conséquence la condamnation de Monsieur [E] à rembourser la totalité de l'insuffisance d'actif. Elle soutient que l'absence de solidarité prononcée sur le fondement de l'article L.267 du Livre des procédures fiscales dans le cadre de l'action de l'administration fiscale ne remet pas en cause la réalité des créances fiscales qui ont été admises au passif de la société Etablissements Abrial et sont ainsi intégrées à l'insuffisance d'actif.

Selon l'article Art. L.267, alinéa 1er du livre des procédures fiscales ' Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance (...)'

Cet article a pour objet de rendre le dirigeant social solidaire du paiement de la dette fiscale. La solidarité fiscale confère à l'administration une sûreté pour le recouvrement de l'impôt alors que la condamnation du dirigeant à supporter l'insuffisance d'actif est une mesure de réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers à raison des fautes de gestion commises par le dirigeant et qui ont contribué à cette insuffisance d'actif.

Les fondements sont différents et l'absence de solidarité telle que ressortant de la décision du tribunal de grande instance ne modifie pas le montant de l'insuffisance d'actif.

La cour infirmera en conséquence le jugement sur le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge de Monsieur [E]. Il sera condamné à rembourser à la Selarl Fides, ès qualités, la somme de 1.190.110, 17 euros.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Selarl Fides, ès qualités, les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il lui sera alloué sur ce fondement la somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2018 en ce qu'il a condamné Monsieur [Z] [E] à rembourser l'insuffisance d'actif de la société Etablissements Abrial,

L'INFIRME sur le quantum,

Statant à nouveau mais seulement sur ce dernier point,

CONDAMNE monsieur [Z] [E] à payer à la Selarl Fides, ès qualités de liquidateur de la société Etablissements Abrial la somme de 1.190.110, 17 euros au titre du remboursement de l'insuffisance d'actif,

CONDAMNE monsieur [Z] [E] à payer à la Selarl Fides, ès qualités de liquidateur de la société Etablissements Abrial la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [Z] [E] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/21467
Date de la décision : 19/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°18/21467 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-19;18.21467 ?
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