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18/09/2019 | FRANCE | N°17/10499

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 18 septembre 2019, 17/10499


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10499 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35QT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/16425





APPELANT



Monsieur [B] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]




Représenté par Me Françoise DE SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525







INTIMÉE



Société AIG EUROPE LIMITED

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Laur...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10499 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35QT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/16425

APPELANT

Monsieur [B] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Françoise DE SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525

INTIMÉE

Société AIG EUROPE LIMITED

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence RENARD du LLP SIMMONS & SIMMONS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J031

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sandra ORUS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sandra ORUS, présidente

Madame Carole CHEGARAY, conseillère

Madame Séverine TECHER, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Madame Anouk ESTAVIANNE

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Sandra ORUS, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Chartis Europe (SA), devenue la société AIG Europe Limited (SA), a employé M. [B] [S], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 novembre 2012, en qualité de spécialiste du reporting financier.

La société AIG Europe Limited, société de droit anglais, appartient au groupe américain AIG et fait partie de la branche AIG Property & Casualty du groupe, compagnie d'assurance spécialisée dans les produits d'assurance non-vie destinées aux entreprises et aux particuliers.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des sociétés d'assurance.

En juillet 2014, la société AIG Europe Limited a annoncé un projet de réorganisation visant d'une part, à rationaliser la politique de souscription et d'autre part, à rationaliser son activité par la mise en place de centres de services partagés.

Lors des réunions des 17 septembre et 16 décembre 2014, elle a engagé la procédure d'information-consultation des institutions représentatives du personnel sur le projet de réorganisation et de licenciement économique .

Elle a saisi la DIRECCTE de ce projet, qui a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique, par décision du 14 janvier 2015.

Après contestation de cette homologation par un défenseur syndical et le syndicat Force Ouvrière, ladite homologation a été validée par les juridictions administratives.

M.[S] a été licencé pour motif économique le 10 juillet 2015.

A la date du licenciement, M. [S] avait une ancienneté de 2 ans et 8 mois et la société AIG Europe Limited occupait à titre habituel au moins onze salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, M. [S] a saisi le 24 décembre 2014 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 28 juin 2017, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, débouté la société AIG Europe Limited de sa demande reconventionnelle et condamné M. [S] aux dépens.

Par déclaration du 24 juillet 2017, M. [S] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 6 juillet 2017.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 3 mai 2019, M. [S] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes du 28 juin 2017 ;

Et statuant de nouveau :

- dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

- dire et juger qu'il a dénoncé de bonne foi les agissements de harcèlement moral dont il a été la victime de la part de la société AIG Europe Limited ;

- fixer sa moyenne des douze derniers mois de salaire à 5.666,66 euros bruts ;

En conséquence :

- condamner la société AIG Europe Limited à lui payer les sommes suivantes :

* 68.000 euros bruts, équivalant à 12 mois de salaires, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 9.740 euros bruts à titre de rappel de salaires de rémunération variable, outre 974 euros de congés payés y afférents ;

* 17.000 euros bruts en réparation du préjudice résultant de la violation de l'obligation de sécurité vis-à-vis de la santé des travailleurs;

* 34.000 euros bruts en réparation du préjudice causé par les agissements de harcèlement moral ;

* 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 22 décembre 2017, la société AIG Europe Limited demande à la cour de':

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 28 juin 2017 en ce qu'il a débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence :

- dire et juger que le licenciement de M. [S] repose sur un motif économique valable, elle a rempli son obligation de recherche de reclassement à l'égard de M. [S], par conséquent, le licenciement pour motif économique de M. [S] repose sur une cause réelle et sérieuse, elle n'a commis aucun agissement de harcèlement moral, M. [S] ne peut prétendre à un quelconque rappel de salaire au titre de sa rémunération variable au titre des années 2013, 2014 et 2015';

Par conséquent :

Au principal :

- débouter M. [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

- dans l'hypothèse où la Cour venait à considérer que le licenciement de M. [S] était dénué de cause réelle et sérieuse et/ou que elle n'a pas respecté son obligation de reclassement, apprécier de manière raisonnable le préjudice prétendument subi par M. [S] et limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 23.370 euros bruts correspondant au salaire des 6 derniers mois ;

- débouter M. [S] de ses autres demandes comme infondées ;

En tout état de cause :

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [S] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2019 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 juin 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [S] soutient qu' il a été victime de faits de déstabilisation, de transfert de ses tâches, d'absence de fourniture de travail et d'une privation de son variable; que cette situation a conduit à une dégradation de son état de santé.

Il produit aux débats :

- son offre d'emploi dans laquelle apparaît une liste exhaustive de ses missions au sein de la société Chartis ;

- un organigramme intitulé «'Interim EMEA HQ - US GAAP & Fed Reporting'»

- des courriels de supérieurs hiérarchiques partis sur des postes outre-atlantique,

- un courriel organisant le déménagement géographique du service vers des locaux situés au Trocadéro ;

- des courriels de manager invitant les membres de l'équipe à réorganiser le service avec le transfert de certaines de leurs tâches vers les centres comptables;

- un courriel d'avril 2015 dans lequel il précise avoir eu une charge de travail de 6 heures de travail depuis son retour d'arrêt- maladie;

- une évaluation de sa performance le privant de la part variable de son salaire.

Il établit qu'au cours de cette même période, il a connu une dégradation de son état de santé, avec plusieurs séquences d'arrêt maladie jusqu'au 30 juillet 2015 faisant état d'un «'état anxiodépressif sévère - Sorties libres + départ à la campagne pour motifs thérapeutiques'».

Il en résulte que ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral ayant pour objet une dégradation de ses conditions de travail.

Toutefois, l'employeur démontre que s'agissant de la dépossession de ses fonctions et du dés'uvrement allégués, les faits présentés ne résultent en réalité que de la mise en place du projet de réorganisation nécessitant des changements dans ses conditions de travail ; l'employeur produit des pièces qui démontrent que, contrairement à ce que le salarié affirme, les postes vacants au sein de la société Chartis ont été pourvus, que le terme «'Interim EMEA HQ'» sur l'organigramme renvoie à un document provisoire présenté à l'équipe, que le déménagement a été organisé pour une optimisation des coûts et en raison de la vacance des locaux situés au Trocadéro, que les départs de certains managers en 2014 résultent de mobilités internes et non de reclassements anticipés; que le courriel adressé à son manager en 2013 contredit l'allégation d'une privation de travail cette année-là, que la diminution de ses tâches en 2014 et 2015 résulte de ses nombreuses absences telles qu'elles ressortent des planning individuels des absences sur cette période.

L'employeur établit ensuite, sans être utilement contredit, qu'il n'y a pas eu d'intention de déstabiliser le salarié par une privation de son variable pour les années 2013 et 2014, puisque la note 4 «'Developmental performance'» est une note perfectible proche de la note 5 «'Unsatisfactory performance'», que cette note correspond à une performance insuffisante des salariés permettant seulement le versement de 50% du bonus, éléments qui ont été contradictoirement discutés avec le salarié lors de ses évaluations.

La société AIG Europe Limited démontre enfin que si, à compter du mois d'octobre 2014, le salarié est en arrêt maladie pour un «'état anxiodépressif sévère'» et qu'il a fait l'objet de prescriptions médicales par un psychiatre, il est établi qu'il n'a pas fait appel aux dispositifs d'écoute et de soutien psychologique mis en place par la société dans le cadre du PSE sur cette période ; qu'il ne peut se déduire, de ces seuls arrêts maladie et ordonnances de prescriptions médicales, que les difficultés de santé du salarié sont en lien avec ses conditions de travail et plus particulièrement avec le harcèlement allégué depuis 2013.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société AIG établit que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral au travail en ce qu'ils n'émanent pas de décisions, d'actes ou d'agissements répétés révélateurs d'un abus d'autorité par l'employeur, ayant pour objet ou pour effet d'emporter une dégradation des conditions de travail du salarié, les décisions qui ont été prises ayant été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le grief relatif au harcèlement moral est donc écarté, par confirmation du jugement entrepris, de même que les demandes subséquentes au titre des dommages-intérêts réclamés de ce chef et de la violation de l'obligation de sécurité par l'employeur qui n'est pas davantage établie.

Sur la rémunération variable

Si au terme des dispositions de l'article L.1321-6 du code du travail, le règlement intérieur de l'entreprise, ainsi que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français, cette obligation n'est pas applicable aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers;

M. [S] soutient que les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de sa rémunération variable étant rédigés en anglais, ils lui sont inopposables et réclame en conséquence l'intégralité de son variable pour les années 2013 à 2015.

La cour relève cependant que M. [S], qui ne conteste pas utilement avoir reçu ses objectifs pour ces trois années, puisqu'il produit au débat les courriels et les documents afférents échangés avec sa hiérarchie, a personnellement complété son évaluation, en langue anglaise, qui était la langue de travail avec sa direction.

Il en ressort qu'en ayant rédigé lui même en anglais une auto-évaluation sur la base des objectifs qui lui ont été communiqués, il ne peut se prévaloir de leur inopposabilité, étant observé au surplus qu'il n'a jamais contesté ni la forme ni le contenu de ces objectifs pendant la relation de travail.

L'employeur établit en outre que M. [S] n'a pas atteint ses objectifs, ayant été rappelé précédemment que sa performance avait été jugée insuffisante pour les années 2013 et 2014 et qu'il avait été absent du 21 janvier 2015 jusqu'à la date de son licenciement.

Confirmant la décision des premiers juges, M. [S] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le motif économique du licenciement

M. [S] soutient que son licenciement n'était justifié ni par des difficultés économiques, ni par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

La société AIG Europe Limited fait valoir que le secteur d'activité de l'assurance non-vie en Europe est confronté à une situation délicate et soumis à un environnement réglementaire évolutif et contraignant menaçant sa compétitivité ; qu'il en résulte des résultats fragilisés pour cette division :

- au niveau du groupe, le chiffre d'affaires a peu évolué, voire baissé de 3% entre 2012 et 2013 engendrant une chute du résultat net entre 2011 et 2013,

- au niveau de la branche assurance non-vie, les primes nettes sont en baisse constante depuis 2011 et le ratio combiné se situe au-delà de 100% empêchant la génération d'un bénéfice technique au niveau mondial,

- au niveau de la succursale française, malgré une hausse des primes nettes, le résultat technique a chuté passant de 11,5 millions à -10,8 millions.

Elle justifie, dans ces conditions, qu'il s'est avéré nécessaire de mettre en 'uvre une réorganisation visant à sauvegarder la compétitivité du secteur de l'assurance non-vie du groupe, en améliorant la qualité des souscriptions et en réduisant des coûts opérationnels.

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 10 juillet 2015 énonce :

«'...Comme cela a été indiqué aux représentants du personnel et détaillé dans la documentation qui leur a été remise à cette occasion, le groupe AIG auquel appartient la société se devait en effet de procéder à une réorganisation afin de sauvegarder sa compétitivité.

Les raisons à l'origine de cette difficile décision sont essentiellement les suivantes :

(a) Les difficultés rencontrées par le secteur de l'assurance non-vie

depuis plusieurs années, le secteur de l'assurance non-vie en Europe est confronté à une situation délicate.

Ce secteur est en effet soumis à un environnement réglementaire évolutif et de plus en plus contraignant, notamment en raison des nouvelles règles européennes issues ou à venir des directives Solvabilité II et IMD2, se traduisant par des normes de plus en plus importantes à respecter et l'augmentation significative des coûts opérationnels relatifs à leur mise en 'uvre.

Par ailleurs, le secteur doit faire face à d'importants défis économiques et de marché, dont notamment :

- une concurrence accrue, en raison de la présence d'un grand nombre d''acteurs sur le marché et d'une surcapacité structurelle, entraînant une forte pression sur les prix générés et la recherche, par les clients, de l'offre la plus intéressante à moindre coût ;

- l'évolution du rapport de force courtiers/assureurs, entraînant une augmentation significative des taux d'intermédiation et des frais de gestion opérationnels ;

- l'évolution du marche de l'assurance non-vie notamment liée à la numérisation croissante de l'économie.

Ces éléments ont eu d'importante répercussions sur les résultats de la division assurance non-vie du groupe AIG.

(b) Les résultats de la division assurance non-vie du groupe AIG

Dans ce contexte, la division assurance non-vie du groupe AIG a enregistré des résultats fragilisés.

Au niveau mondial, sur le secteur d'activité de l'assurance non-vie, le niveau des primes nettes acquises a baissé de manière constante (- 5%) entre 2011 et 2013. Pour 2014, la croissance demeure atone : + 1% en commercial lines et - 3% en Consumer Lines.

Le ratio combiné (soit la somme (i) du ratio de frais qui correspond aux dépenses divisées par les primes nettes émises et (ii) du ratio S/P correspondant au ratio entre la charge sinistres et les primes nettes acquises) s'élève depuis plusieurs années à plus de 1000% ce qui n'est plus viable sur le moyen et le long terme et se situe en-deçà du ratio de nos principaux concurrents lesquels parviennent à afficher des ratios combinés inférieurs.

Dans ces conditions, le secteur de l'assurance non-vie au niveau mondial n'a pas été en mesure de générer un bénéfice technique.

Au niveau national, bien que le niveau des primes (primes nettes de réassurance) ait augmenté de 4% en 2014, après être resté stable sur les trois années précédentes, la société a enregistré une forte chute de son résultat technique en 2014 (-10,8 millions vs +11,5 millions en 2013) après une chute de - 91% entre 2012 et 2013.

dès lors, compte tenu de ces éléments, le groupe et la société n'ont d'autres choix que de continuer à évoluer pour sauvegarder leur compétitivité.

(c) La nécessité de mettre en 'uvre des mesures visant à sauvegarder la compétitivité du secteur de l'assurance non-vie du groupe AIG

La sauvegarde de la compétitivité dans le secteur de l'assurance non-vie en Europe requiert que soit mis en 'uvre le projet de réorganisation présenté aux représentants du personnel.

En effet, l'organisation actuelle présente des faiblesses opérationnelles dans certains domaines qui impactent la compétitivité du groupe.

Ces faiblesses opérationnelles ont été identifiées au niveau des fonctions Opérations, Sinistres, Centre de comptabilité, Finance, comptabilité Clients, Taxes, Consumer, Distribution, Analyses et études de marché.

Le présent projet de réorganisation vise à :

- mettre en place des Centres de Services Partagés afin de mutualiser un certain nombre d'activités dans des localisations compétitives en termes de coûts et offrant une main d''uvre fortement qualifiée,

- standardiser les processus et partager les meilleures pratiques au sein de la région EMEA,

- internaliser certaines activités clés jusqu'alors sous-traitées afin de réduire la dépendance du groupe vis-à-vis des tiers, réduire les coûts opérationnels et offrir un meilleur service aux clients,

- améliorer la réactivité.

Cette réorganisation se traduit par la suppression de certains postes de travail, et notamment la suppression de l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle de Spécialiste Reporting Financier à laquelle vous appartenez.

Dans le cadre de la réorganisation entreprise, l'ensemble des postes de la catégorie est supprimé, y compris le vôtre.

Afin d'éviter votre licenciement, nous vous avons proposé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 15 juin 2015, une proposition individualisée de reclassement, identifiée parmi l'ensemble des postes disponibles localisés en Hongrie. Vous n'avez pas donné suite à cette proposition.

Par conséquent, la présente lettre constitue la notification de votre licenciement pour motif économique. Votre préavis de 3 mois débutera à la date de la première présentation de cette lettre. Vous êtes dispensé de l'exécution de ce préavis, votre rémunération vous étant néanmoins versée aux échéances habituelles. (...) ».

Il résulte des éléments chiffrés versés aux débats par la société AIG Europe Limited, contenus dans les extraits de rapports annuels du groupe et de la succursale française, sur les années 2013 et 2014 :

* que le chiffre d'affaires a significativement baissé entre 2012 et 2014 :

- année 2012 : 71.214 millions d'euros

- année 2013 : 68.874 millions d'euros

- année 2014 : 64.406 millions d'euros

* que le résultat net est passé de 20.622 millions d'euros en 2011 à 7.529 millions d'euros en 2014 ;

* que le résultat technique de la succursale française est passé de +10.553 millions d'euros en 2013 à -10.868 millions d'euros.

Il est avéré que la réorganisation de la société AIG Europe Limited a nécessité la mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, homologué par la DIRECCTE le 14 janvier 2015 dont l'homologation a été validée par la cour d'appel administrative de Versailles le 20 octobre 2015.

Par ailleurs, il n'est pas utilement contesté par le salarié que le nouveau cadre réglementaire applicable au secteur d'activité de l'assurance non-vie s'est révélé contraignant et a entraîné des coûts additionnels ainsi qu'une concurrence accrue.

La société AIG Europe Limited établit ainsi l'existence de difficultés économiques sérieuses, que la rapport d'expertise comptable SACEF désigné par le comité d'entreprise et dont se prévaut le salarié ne suffit pas à remettre en cause, qui ont nécessité de réorganiser l'entreprise comme mentionné dans la lettre de licenciement.

L'employeur établit enfin que cette réorganisation a conduit à la suppression de l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle des spécialiste reporting financier, dont le poste de M. [S], situation qui n'a pas été utilement contestée par le salarié.

En conséquence, le motif économique du licenciement est établi comme l'ont justement retenu les premiers juges.

Sur l'obligation de reclassement

Même justifié par une cause économique avérée, le licenciement du salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement édictée par l'article L.1233-4 du code du travail.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure; Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites, précises et individualisées.

Il appartient à l'employeur de justifier par des éléments objectifs des recherches entreprises et de l'impossibilité de reclassement à laquelle il s'est trouvé confronté au regard de son organisation, de la structure de ses effectifs, de la nature des emplois existants en son sein ; il est ainsi tenu à l'égard de chaque salarié dont le licenciement est envisagé d'une obligation individuelle de reclassement qui lui impose d'explorer pour chacun et au regard de chaque situation individuelle toutes les possibilités de reclassement envisageables ;

Au regard de ces principes, l'employeur établit avoir procédé à la recherche de postes de reclassement disponibles ciblés, conformément aux souhaits exprimés par le salarié, dans le cadre de la Bourse de l'emploi prévue au PSE et auprès des responsables des équipes au sein du groupe, en France et à l'étranger, par l'envoi de courriers et courriels datés de juin 2015, adressés par Mme [R], directrice des ressources humaines de la société AIG, aux fins d'un reclassement ciblé du salarié; qu'à la suite de ces démarches, la société AIG lui a adressé une lettre recommandée lui proposant un reclassement à Budapest, comportant des précisions quant à l'entité d'accueil et sa localisation, la définition des missions, l'intitulé du poste, la classification et le niveau du poste, la rémunération annuelle brute, la date de prise de poste, le rattachement hiérarchique, la loi applicable au contrat de travail.

Peu important dès lors la contestation de la proposition écrite de reclassement à l'étranger faite par M. [S] le 3 juillet 2015, dès lors que la proposition est écrite et détaillée, conformément aux exigences posées par le PSE.

De même, c'est vainement qu'il considère que les 18 postes trouvés sur l'intranet de la société AIG Europe Limited devaient lui être proposés, alors que le plan de sauvegarde de l'emploi a prévu la mise en place d'un Point Information Conseil, animé par des consultants externes spécialisés, afin d'une part, de centraliser la bourse de l'emploi et les offres de reclassement et d'autre part, d'identifier les postes libres.

Dès lors, confirmant l'appréciation des premiers juges, la cour considère que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement.

En conséquence de tout ce qui précède, le jugement entrepris qui a considéré que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse est confirmé.

Sur les autres demandes

M. [S], qui succombe à la présente instance, en supportera les entiers dépens.

Par ailleurs, la cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce et des éléments soumis aux débats, il apparaît équitable de faire supporter à chaque partie les frais de procédures qu'elles ont été contraintes d'exposer ; le jugement déféré est donc infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Laisse à leur charge respective les frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[B] [S] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/10499
Date de la décision : 18/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°17/10499 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-18;17.10499 ?
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