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16/09/2019 | FRANCE | N°18/10176

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 16 septembre 2019, 18/10176


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10176 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5XPD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01604



APPELANTS



Monsieur [K] [V]

Demeurant [Adresse 3]



[Localité 4]

né le [Date naissance 6] 1945 à [Localité 8]



Madame [S] [Z] épouse [V]

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

née le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 8]



Représenté...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10176 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5XPD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01604

APPELANTS

Monsieur [K] [V]

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

né le [Date naissance 6] 1945 à [Localité 8]

Madame [S] [Z] épouse [V]

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

née le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 8]

Représenté-es par Me Maryse TIRARD-NAUDIN de la SELARL TIRARD NAUDIN SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0185

Représenté-es par Me Ouri BELMIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0185

INTIME

LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux [Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie CASTERMANS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [V], M. [Y] [V] et Mme [T] [G] sont les trois enfants de [R] [V], décédé, l'un des associés fondateurs en 1946 du groupe Franprix-Leader Price- Etablissements [V].

En 2004, à la suite d'une dégradation des relations avec le groupe Casino, entré dans le capital de Franprix, les trois enfants [V] ont regroupé l'ensemble de leurs participations au sein de la société Baudinter, sarl de droit belge.

M [K] [V], M.[Y] [V] et M. [W] [G] ont exercé les fonctions de co dirigeant de cette société et sont restés au cours des années 2004 à 2006 dirigeants du groupe Franprix Leader Price, à l'exception de la société Franprix holding jusqu'à leur départ en 2007.

M. [K] [V] et Mme [S] [Z] ont effectué leur déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 2006, en faisant apparaître comme biens professionnels les participations détenues dans la société Baudinter (2005 et 2006) et Leader Price Holding (2005).

A la suite d'un contrôle sur pièces, M et Mme [K] [V] ont fait l'objet de redressements ayant conduit à l'établissement et à la mise en recouvrement d'impositions supplémentaires en matière d'impôt de solidarité sur la fortune « ISF » au titre des années 2005 et 2006.

La proposition de rectification du 23 décembre 2011 retient :

- l'application de la prescription de six ans prévue par l'article L 186 du livre des procédures fiscales ;

- que la qualification de biens professionnels ne saurait être retenue en ce qui concerne les

titres détenus par M [V] dans les sociétés Baudinter et les filiales du groupe Baudinter ;

- la valeur des titres de l'ensemble de ces sociétés doit être déterminée selon la valeur mathématique et celle de productivité telles que retenues par l'administration.

A la demande de M. Mme [K] [V], la commission départementale de conciliation de Paris et celle du Val de Marne ont été saisies aux fins d'évaluation des titres de la société Franprix holding, de la SPRL Baudinter et de la société BBP. Les avis des commissions ont confirmé les rectifications proposées.

Les appelants ont contesté les rappels d'ISF mis à leur charge au titre des années 2005 et 2006, par une réclamation contentieuse en date du 22 octobre 2014 assortie d'une demande de sursis au paiement des impositions contestées, qui a été rejetée par courrier du 23 avril 2015.

Selon assignation en date du 4 août 2015, M et Mme [K] [V] ont saisi le tribunal de grande instance de Paris, aux fins de solliciter la décharge de l'ensemble des rappels d'ISF mis à leur charge au titre des années 2005 et 2006 pour un montant de 7 279 695 euros.

Par jugement du 19 février 2018, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté l'ensemble de leurs demandes.

M. [K] [V] et Mme [S] [Z] ont relevé appel de la décision.

Par conclusions signifées le 24 avril 2019, M. [K] [V] et Mme [S] [Z] demandent à la cour de :

d'infirmer le jugement rendu par la 9 ème chambre, 1ère section du tribunal de grande instance de Paris le 19 février 2018 dans l'intégralité de ses dispositions.

En conséquence, de dire et juger :

Sur la procédure d'imposition :

- l'administration n'a pu valablement se prévaloir d'un délai de prescription sexennale, dès lors qu'elle avait une parfaite connaissance de leur patrimoine sans nul besoin de devoir procéder à des recherches ultérieures ;

- la procédure d'imposition est au surplus entachée d'irrégularité dès lors que l'Administration ne justifie à aucun moment dans sa proposition de rectification des raisons pour lesquelles elle écarte, sans l'évoquer, l'utilisation de la méthode « par comparaison » au profit des méthodes comptable et mathématique, manquant de ce fait à son obligation de motivation telle que requise par les dispositions de l'article L.57 du LPF.

Sur le fond :

- la société Baudinter est bien la société holding animatrice regroupant les participations des trois frères et s'ur de la famille [V], et qu'en conséquence les titres détenus dans cette société sont exonérés d'ISF ;

- ils n'étaient pas tenu de déclarer les participations détenues par Monsieur [K] [V] dans la société RBP, dès lors que l'actif de cette société est constitué exclusivement de titres dans la société Baudinter.

Sur la valorisation des participations détenues par Monsieur [K] [V] au 1er janvier des années susvisées :

- les méthodes de valorisation retenues par l'Administration sont inadaptées, et les participations litigieuses ne pouvaient avoir une valeur vénale autre que symbolique au 1 er janvier des années susvisées.

Sur les modalités de calcul des rappels d'impositions :

- l'Administration aurait dû faire application des mécanismes de plafonnement d'ISF et de bouclier fiscal aux fins de déterminer le montant en droit des rappels d'ISF leur ayant été notifiés.

- Prononcer la décharge des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune mis à la charge de

M et Mme [K] [V] au titre des années 2005 et 2006, pour un montant total en droits et intérêts de retard de 7 279 695 euros.

- Condamner l'administration au paiement, au profit de M. Mme [K] [V] une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- Mettre à la charge de l'administration les frais de signification et autres frais, s'il y a lieu,

prévus par l'article R207-1 du livre des procédures fiscales.

Par conclusions signifiées le 19 avril 2019, le directeur régional des finances publiques d'lle de-France et de Paris demande à la cour de :

- débouter Monsieur et Madame [K] [V] de toutes leurs demandes,

- valider le calcul de l'administration de l'ISF de l'année 2006 après plafonnement qui conduit à un rappel maintenu d'ISF de 1 294 340 euros et d'intérëts de retard de 341 706 euros, soit un dégrèvement de 1 652 058 euros (2 946 398 euros- l 294 340 euros) en droits et de 436 143 euros (1 652 058 x 66 mois x 0,40 %) au titre de l'intérêt de retard ;

- confirmer en conséquence partiellement le jugement de première instance du 19 février

2018 compte tenu de la possibilité de plafonnement de l'1SF de l'annéc 2006 ;

- les condamner en outre à tous les dépens de l`instance ;

- rejeter leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la prescription

Selon les appelants l'administration n'a pu valablement se prévaloir d'un délai de prescription sexennale, dès lors qu'elle avait une parfaite connaissance de la consistance de leur patrimoine dès le mois de mai 2006 sans besoin de devoir procéder à des recherches ultérieures.

Ils précisent que l'administration disposait de toutes les informations relatives aux fonctions exercées par M. [V] dans les sociétés du groupe Baudinter et d'une connaissance détaillée de l'ensemble des sociétés du groupe Baudinter depuis 2005 ; que les déclarations des filiales font apparaître chaque année leur niveau de participation et les fonctions exercées.

L'administration fiscale répond que la prescription abrégée est subordonnée à deux conditions, la première que l'administration ait eu connaissance des droits omis par l'enregistrement d'un acte et que l'exigibilité des droits soit établie de manière certaine par l'acte soumis à la formalité d'enregistrement, que si un doute subsiste quant à l'exigibilité des droits le délai abrégé ne s'applique pas.

Elle soutient qu'en l'espèce ni le caractère animateur de la société Baudinter, ni les fonctions exercées dans les filiales du groupe ne ressortaient des éléments déclarés, de sorte que le contrôle du caractère professionnel des titres détenus nécessitait des recherches ultérieures justifiant l'application de la prescription de droit commun.

Ceci exposé, le régime de prescription du droit de reprise est régi par les articles L 180 et L186 du livre des procédures fiscales et s'applique à l'impôt de solidarité sur la fortune.

Aux termes de l'article 180 du livre des procédures fiscales, (..) le droit de reprise s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration (..). Toutefois ce délai n'est opposable à l'administration que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité sans qu'il soit nécessaire de procéder à des démarches ultérieures.

L'article 186 du livre des procédures fiscales prévoit que le délai de reprise en matière fiscale est de six ans suivant le fait générateur.

Il résulte de la combinaison de ces deux textes que l'application de la prescription triennale suppose que deux conditions soient remplies : le document révèle l'exigibilité des droits et cette exigibilité des droits résulte de manière certaine de l'acte ou de la déclaration enregistrée, sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures.

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, le seul fait de devoir consulter des documents autres que l'acte ou la déclaration pour établir le fait générateur de l'impôt implique que le document ne comprend pas les éléments suffisants pour permettre l'assujettissement à l'impôt.

Dans le cas présent, au moment du contrôle, portant sur les années 2005 et 2006, les appelants ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale car ni le caractère animateur de la société Baudinter ni les fonctions exercées dans les filiales du groupe Baudinter ne ressortaient clairement des éléments déclarés. Il apparaît dès lors que le contrôle du caractère professionnel des titres détenus nécessitait des recherches de la part de l'administration fiscale. De plus, l'omission des détentions de participations dans la société GBFB rendait applicable le délai de prescription de six ans.

Il y a lieu de confirmer que le délai de reprise de longue durée doit s'appliquer.

Sur le défaut de motivation

Le appelants invoquent un vice de forme, en ce que la proposition de rectification du 23 décembre 2011 serait entachée de nullité car insuffisamment motivée. L'administration n'aurait pas justifié les raisons pour lesquelles elle a écarté le recours à la méthode des comparables pour les besoins de la détermination de la valeur vénale des titres Baudinter et RBP au titre des années 2005 et 2006 ; ils ajoutent que par principe, ce n'est qu'à défaut d'avoir pu justifier de l'absence d'éléments de comparaison que l'administration peut s'affranchir du recours à la méthode comparative au profit d'autres méthodes de valorisation .En l'espèce, s'agissant des sociétés Baudinter et RBP, elle ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle exclut le recours à la méthode par comparaison au profit d'une méthode comptable et mathématique.

L'administration fait valoir qu'elle a satisfait à l'exigence de motivation des propositions rectificative posée par l'article 57 du livre des procédures fiscales qui énonce que la proposition doit être suffisamment motivée pour permettre au contribuable de formuler des observations, qu'elle a suffisamment motivé de calcul de la valeur de participations au regard du choix de la méthode employée, en dépit du fait qu'elle n'a pas explicitement informé les redevables qu'elle n'utilisait pas la méthode comparative.

Ceci étant exposé, l'article 57 du livre des procédures fiscales dispose que l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler des observations. L'objectif de ces dispositions est de permettre au contribuable d'être informé et de pouvoir répondre aux arguments de l'administration.

Il est par ailleurs permis d'appréhender la valeur de l'entreprise selon diverses méthodes d'évaluation, par comparaison avec des cessions antérieures ou selon des méthodes de valorisation : valeur mathématique ou de rendement, notamment lorsqu'il n'existe pas de comparaison possible avec des cessions de mêmes titres.

En l'espèce, la proposition de rectification du 23 décembre 2011 portait sur l'évaluation des titres de la société Baudinter. Elle précise que la valeur vénale de la société est évaluée à partir d'une analyse financière et comptable, sans indiquer explicitement qu'elle n'utilisait pas la méthode comparative, faute d'éléments comparables. Elle renvoie à l'annexe 3 qui présente l'ensemble des méthodes applicables en matière d'évaluation des titres de sociétés.

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, si la valeur de l'entreprise peut être déterminée par comparaison, d'autres méthodes sont admises pour déterminer sa valeur vénale. La valeur des titres sociaux d'une société non cotée est appréciée en tenant compte de tous les éléments disponibles afin de permettre une évaluation aussi proche que possible que celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et la demande dans un marché réel.

Il ressort des échanges avec l'administration, durant toute la durée de la procédure, que les contribuables ont répondu aux arguments soulevés et formulé des observations.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est démontré que la proposition de rectification de l'administration répond aux conditions posées par l'article 57 du livre des procédures fiscal. Elle a été suffisamment motivée de manière à permettre aux contribuables de formuler des observations, de sorte que le vice de forme n'est pas constitué. Le moyen sera rejeté.

Sur le bien fondé de l'imposition

Le tribunal a jugé que la société Baudinter ne participait pas activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales et ne pouvait donc être considérée comme holding animatrice.

M. et Mme [K] [V] maintiennent devant la cour que les titres de participation détenus dans la société Baudinter et les filiales du groupe Baudinter ont le caractère de biens professionnels et doivent être exonérés d'ISF.

Ils soutiennent que, contrairement à ce que retient le tribunal l'application aux sociétés holdings animatrices de groupes du régime fiscal applicable aux sociétés industrielles et commerciales est un principe général du droit fiscal et non une simple tolérance administrative ; que l'assimilation des sociétés holdings animatrices aux sociétés opérationnelles procède de l'application d'un principe général du droit fiscal ; qu'il en résulte que le caractère animateur de la société Baudinter n'a pas à s'apprécier de manière restrictive au regard des critères retenus par l'administration dans sa documentation de base du 1er octobre 1999, mais au regard d'un faisceau d'indices, s'appuyant sur les documents internes au groupe et non sur la mise en 'uvre d'importants moyens.

Ils ajoutent que le rôle du dirigeant peut suffire à caractériser le caractère animateur de la société holding, sans qu'il soit besoin que celle-ci fournisse effectivement des services à ses filiales ni dispose de personnels dédiés à cet effet ; que l'animation d'un groupe peut s'exercer conjointement avec une autre société holding ; que la Cour de Cassation entérine implicitement le fait qu'une société détenant une participation minoritaire dans une autre puisse animer cette dernière (et le groupe constitué par celle-ci) par sa simple participation active aux décisions prises relativement à la stratégie du groupe dans son ensemble ;

Ils précisent que la société Baudinter dispose de locaux propres à Bruxelles, d'une secrétaire et ses trois gérants sont régulièrement présents au siège de cette société ; qu'une « convention de prestation de services » a été conclue avec effet rétroactif entre la société Baudinter et la société Sibel (dont Baudinter détient une participation majoritaire à hauteur de 97,90 %) le 07 septembre 2006, dont l'objet est d'organiser et définir de manière très détaillée les services de nature juridique, administrative, financière et commerciale que lui rend la première, en sa qualité d'animatrice de son groupe.

L'administration réplique que, exception doctrinale, les société holdings sont admises au bénéfice de l'exonération des biens professionnels.

Elle souligne que c'est à la condition qu'elle participe activement à la conduite de la politique du groupe et rende le cas échéant, à titre interne, des services spécifiques, administratifs, comptables, financiers et immobiliers ; qu'il s'agit d'une appréciation de fait.

Elle soutient qu'il appartient aux demandeurs de démontrer le caractère animateur de la holding, ce qui signifie une participation active à la conduite de sa politique et au contrôle des filiales et le cas échéant à titre purement interne au groupe, des services administratifs, juridiques, comptables financiers ou immobiliers.

Elle ne conteste pas la mission de gestion confiée aux consorts [V], mais observe que le contrôle du groupe appartient depuis 1998 au groupe Casino et que c'est sur l'impulsion de celui-ci qu'ont été créées deux holdings destinées à accueillir les participations dans les sociétés opérationnelles, les sociétés Leader Price Holding et Franprix Holding, qui, assurent le rôle de holding animatrices alors que la société Baudinter n'est qu'une société d'interposition passive. Elle ajoute que la sentence partielle rendue par le tribunal arbitral le 02 juillet 2009, confirme cet état de fait, qu'à aucun moment il n'est fait mention d'une animation de groupe par la société Baudinter.

Ceci exposé,

L'article 885 O bis code général des impôts indique que les parts et actions de sociétés soumise à l'impôt sur les sociétés sont considérés comme des biens professionnels à condition que le propriétaire :

- exerce une fonction de dirigeant dans la société, donnant lieu à une rémunération qui doit représenter plus de la moitié des revenus d'activité à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu,

- possède au moins 25 % des droits de dividendes et droits de vote de la société attachée aux titres émis directement ou indirectement.

Ce même article précise que ne sont pas considérés comme des biens professionnels les parts ou actions de la société ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier.

L'article 885 O ter du code général des impôts prévoit, que seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaire à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considéré comme un bien professionnel.

Par dérogation, l'administration admet que les parts et actions des sociétés sont considérées comme des biens professionnels si la société démontre qu'elle participe activement à la politique du groupe.

En l'espèce, après son acquisition par la famille [V] en 2004, l'objet social de la société Baudinter mentionne que l'objectif principal de la société est de notamment promouvoir et de développer le groupe de la famille [V] à l'international (..). Acquisition, gestion, vente de participations ; acquisition, gestion, cession et location de biens immobiliers ; mises à disposition de firmes et sociétés (..). Toutes opérations civiles, industrielles ou commerciales mobilières ou immobilières.

Le siège social fixé à Bruxelles est situé [Adresse 1]. Le montant de la location est de 1 300 euros en 2004 et de 3 500 euros en 2005.

Pour étayer la réalité du rôle d'animation effective de la société holding les appelants produisent une convention de services conclue en 2006 et une convention d'assistance en 2011, postérieure à la période considérée.

Comme l'a relevé le tribunal, le rôle de gestion et d'animation de la société Baudinter, le rôle des dirigeants au près des filiales du groupe ne sont pas précisément décrits et ne sont étayés par d'autres éléments de preuve.

Il ressort des investigations de l'administration que depuis son acquisition, la société Baudinter dont le siège social est fixé à Bruxelles, ne dispose pas de locaux propres, mais de bureaux loués dont les charges de location sont très faibles laissant supposer qu'il s'agit d'une adresse de domiciliation. En outre, l'ensemble des associés résident en France. La société n'a versé aucun salaire en 2004 et en 2005, ce qui dément toute implication fonctionnelle dans une société installée en Belgique.

L'administration a relevé que la société n'a réalisé aucun produit d'exploitation en 2004 et 2005, que ses revenus ont exclusivement été générés par des remontées de produits financiers ou de produits exceptionnels provenant des valeurs mobilières détenues. Ces éléments confirment qu'elle ne produit aucune mission d'assistance ou de services aux sociétés dont elle détient du capital.

Son contrôle des pièces a montré qu'en réalité l'animation du groupe s'est effectuée au niveau des sociétés Leader Price Holding (LPH) et Franprix holding (FPH), qui, elles, disposent de moyens matériels et humains leur permettant de réaliser d'importants produits d'exploitation en plus de leurs produits financiers.

La sentence rendue par le tribunal arbitral le 2 juillet 2009, dont se prévalent les appelants, ne fait pas allusion à une animation du groupe par la société Baudinter, mais confirme l'animation effectuée par les sociétés Leader Price holding et Franprix holding.

Au surplus, les participations minoritaires de la société Baudinter dans les sociétés LPH et FPH ne remplissent pas la condition de détention d'un minimum de 25 % posée par l'article 885 O bis du code général des impôts. S'agissant de la société Geimex, la société Baudinter ne détient aucune participation au 1er janvier 2005. La participation, directe et indirecte, de 42 %, intervient en 2006.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les appelants n'ont pas démontré que la société Baudinter procurait à ses filiales des services spécifiques, administratifs juridiques, comptables financiers ou immobiliers, en qualité d'holding animatrice pour les années considérées. En conséquence, la cour confirme que les parts détenues dans la société Baudinter ne peuvent être qualifiées de biens professionnels.

Sur l'omission de déclaration

Il résulte des développements qui précèdent que la société Baudinter ne remplissant pas les conditions nécessaires pour être qualifiée de holding animatrice, ne peut revendiquer le bénéfice des dispositions profitant aux biens professionnels.

Sur la valorisation des parts

Les appelants font grief aux premiers juges d'avoir entériné les méthode de valorisation utilisées par l'administration. Ils maintiennent qu'elles sont inadaptées. Ils estiment qu'il faut tenir compte de la dégradation des relations entre la famille [V] et le groupe Casino en 2004, conduisant ce dernier à tout mettre en oeuvre pour acquérir les participations à un prix égal à zéro ; qu'à la lumière de la sentence arbitrale rendue le 02 juillet 2009, il est démontré que les titres de la société Baudinter qui étaient alors incessibles, ne peuvent avoir qu'une valeur symbolique.

L'administration conteste l'incessibilité des titres de la société Baudinter. Elle rétorque que la promesse de vente conclue au bénéfice du groupe Casino, alors seul potentiel acquéreur de leurs titres, qui en exigeait un prix très bas, ne saurait pour autant annuler la valeur patrimoniale des titres détenus par les appelants. Elle ajoute que la valorisation des titres selon la méthode d'évaluation par comparaison a été confirmée par la commission de conciliation, s'agissant de la société Franprix holding et des titres détenus dans les sociétés Sibel, Geimex et Exim, qu'elle a validé l'application d'une décote de 20 % ; que les appelants n'apportent aucun élément contraire.

Ceci exposé, ainsi que le souligne l'administration, aucun élément n'a été présenté par les appelants de nature à remettre en cause la méthode d'évaluation et les éléments chiffrés retenus et à justifier l'incessibilité des titres de la société Baudinter. Pour nier toute valeur au calcul de l'administration, les appelants n'ont produit à l'appui de leurs dires qu'un article de presse. A défaut d'élément nouveau de nature à établir l'incessibilité de leurs titres, la cour confirme la décision en ce qu'elle a entériné les valorisations retenues par l'administration.

Sur le calcul des rappels

Les appelants reprochent à l'administration dans le cadre de son pouvoir de rectification, de ne pas avoir appliqué les mécanismes de plafonnement et de bouclier fiscal.

S'agissant du mécanisme du plafonnement, concernant l'année 2005, il n'est pas contesté que les appelants n'y avaient pas droit. S'agissant de l'année 2006, l'administration a fait partiellement droit à leur demande, le rappel portant sur la somme de 1 294 340 euros.

Il y a lieu de valider le calcul de l'administration de l'ISF de l'année 2006 après plafonnement quiconduit à un rappel maintenu d'ISF de 1 294 340 euros et d'intérëts de retard de 341 706 euros, soit un dégrèvement de 1 652 058 euros (2 946 398 euros - l 294 340 euros) et de 436 143 euros (1 652 058 x 66 mois x 0,40 %) au titre de l'intérêt de retard.

La demande au titre du bouclier fiscal sera écartée en application de l'article 1649 O A code général des impôts, dès lors que le complément d'impôt issu d'une rectification n'est pas susceptible de restitution.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le plafonnement de l'ISF de l'année 2006.

Les appelants, partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront tenus de supporter la charge des entiers dépens.

Ils seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement du 19 février 2018 en toutes ses dipositions sauf en ce qui concerne le plafonnement de l'1SF au titre de l'année 2006 auquel les appelants peuvent prétendre ;

DÉBOUTE M. [K] [V] et Mme [S] [Z] épouse [V] de toutes leurs autres demandes ;

LES CONDAMNE aux entiers les dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/10176
Date de la décision : 16/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°18/10176 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-16;18.10176 ?
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