RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 13 Septembre 2019
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/00319 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4X6Q
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/00022
APPELANTE
CPAM [Localité 1]
Service contentieux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par M. [T] [P] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉ
Groupement GIP HIS agissant en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Jean-Michel GONDINET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0544 substitué par Me Marie-Pierre CHANLAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0405
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 3]
[Adresse 3]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère
M. Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- délibéré du 5 juillet 2019 prorogé au 13 septembre 2019, prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1], ci-après 'la caisse', d'un jugement rendu le 14 novembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY dans un litige l'opposant au Groupement d'Intérêt Economique habitat et Interventions Sociales (ci-après le GIP HIS).
L'affaire est enregistrée sous le numéro RG 18/00319, les parties ont comparu à l'audience du 8 avril 2019 et la décision est mise à disposition à la date prorogée du
13 septembre 2019.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
Il suffit de rappeler que le GIP HIS, personne morale de droit public, a employé en qualité d'agent contractuel de droit public M. [U] [Z], qui a été affilié au régime général de la sécurité sociale auprès de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] pour bénéficier des assurances maladie, invalidité et décès et de la couverture du congé de paternité.
M. [Z] a été placé en congé de grave maladie à compter du 19 décembre 2014, après avis du comité médical départemental.
Par courrier du 28 septembre 2015 le GIP HIS a saisi la caisse d'une réclamation pour ne pas avoir perçu les indemnités journalières en tant qu'employeur de l'agent subrogé dans les droits de celui-ci.
Par lettre en date du 13 juillet 2016, le GIP HIS a saisi le commission de recours amiable, puis par déclaration enregistrée au secrétariat greffe le 2 janvier 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY, afin de contester le rejet implicite de son recours.
Par jugement en date du 14 novembre 2017, ce tribunal a :
- déclaré recevable l'action du GIP HIS, en considérant que la caisse avait implicitement rejeté sa contestation,
- condamné la caisse à lui verser, en sa qualité de subrogé dans les droits de M. [U] [Z], les indemnités journalières à compter du 17 mars 2015, majorées des intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la caisse à verser au GIP HIS la somme de 1.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La caisse a relevé appel de ce jugement par lettre datée du 2 janvier 2018 et fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions par lesquelles elle invite la cour:
- à infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- à rejeter le recours du GIP HIS,
- à déclarer irrecevable toute demande portant sur la période postérieure à juin 2016,
- à condamner le GIP HIS à lui verser la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle que l'agent en congé de grave maladie perçoit du régime général de la sécurité sociale les indemnités journalières de l'assurance maladie, qui se déduisent du traitement versé par son employeur, en cas d'arrêt de travail médicalement prescrit ;
Elle soutient que le placement par une administration d'un agent contractuel en congé de grave maladie ne saurait en aucun cas l'affranchir du respect des conditions posées par le code de la sécurité sociale pour le versement des indemnités journalières, qu'elle a cessé à bon droit de les verser à compter du 17 mars 2015 faute de réception d'un certificat d'arrêt de travail, qu'elle a été privée de la possibilité d'exercer son pouvoir de contrôle, que les décisions de placement du salarié en grave maladie sont intervenues postérieurement à la date d'arrêt effectif du travail de l'assuré social, que les décisions de prolongation de ce placement ne sont pas des avis d'arrêt de travail et qu'elle n'en a pas été avisée dans le délai de deux jours à compter du début de l'arrêt de travail observé, qu'enfin le tribunal ne pouvait pas ordonner sans limitation de durée le versement des indemnités journalières au GIP HIS sans dépasser le cadre de sa saisine, et elle rappelle que la commission de recours amiable doit être préalablement saisie des questions posées au tribunal.
Le GIP HIS fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions par lesquelles il invite la cour :
- à confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- à condamner la caisse aux dépens, et à lui verser la somme de 22.791,60€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que le juge doit donner le pas à l'esprit de la loi sur la lettre, que la décision de placement en congé de grave maladie est nécessairement prise par le comité médical sur le fondement de constats du médecin traitant du salarié, que la condition de l'arrêt de travail prescrit par le médecin traitant est ainsi remplie, que le régime des agents contractuels de droit public est dérogatoire au droit commun et qu'un arrêt maladie au sens des articles L 321-33 et L 321-1 du code de la sécurité sociale ferait double emploi avec la procédure prévue par le décret n°86-442 du 14 mars 1986, qu'il y a équivalence entre le placement en congé maladie par le comité médical et l'arrêt de travail, que la caisse peut obtenir les éléments lui permettant d'exercer son contrôle, enfin qu'il est en droit d'obtenir l'exécution provisoire du jugement qui a été ordonnée et de solliciter la somme de 22.791,60€ en application de l'article 700 précité.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE,
La caisse a relevé appel du jugement dans les formes et délais légaux, son appel est donc recevable.
En application de l'article 2 du décret n°86-883 du 17 janvier 1986, 'la réglementation du régime général de la sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont applicables, sauf dispositions contraires, aux agents contractuels visées à l'article 1er du présent décret.
Les agents contractuels :
1° Sont, dans tous les cas, affiliés aux caisses primaires d'assurance maladie pour bénéficier des assurances maladie, maternité, invalidité et décès et de la couverture du congé de paternité ; ...
4° ... Les prestations en espèces versées par les caisses de sécurité sociale en matière de maladie, ... sont déduites du plein ou du demi-traitement maintenu par l'administration durant les congés prévus aux articles 12 à 15. Les agents doivent communiquer à leur employeur le montant des prestations en espèces ou des pensions de vieillesse allouées pour inaptitude physique par les caisses de sécurité sociale. L'administration peut suspendre le versement du traitement jusqu'à la transmission des informations demandées.
Lorsqu'en application de l'article R 321-2 du code de la sécurité sociale les prestations en espèces servies par le régime général sont diminuées, le traitement prévu aux articles 12 et 13 est réduit à due concurrence de la diminution pratiquée.'
En application de l'article R 321-2 du code de la sécurité sociale, 'En cas d'interruption de travail, l'assuré doit envoyer à la caisse primaire d'assurance maladie, dans les deux jours suivant la date d'interruption de travail, et sous peine de sanctions fixées conformément à l'article L 321-2, une lettre d'avis d'interruption de travail indiquant, d'après les prescriptions du médecin, la durée probable de l'incapacité de travail.
En cas de prolongation de l'arrêt de travail initial, la même formalité doit, sous peine des mêmes sanctions, être observée dans les deux jours suivant la prescription de prolongation.'
En application de l'article R 323-11 du même code, ' ... lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues.'
En application de l'article L 161-33 du même code, 'L'ouverture du droit aux prestations de l'assurance maladie est subordonnée à la production de documents dont le contenu, le support ainsi que les conditions et délais de transmission à la caisse du bénéficiaire sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Si le bénéficiaire, ayant reçu du professionnel, de l'organisme ou de l'établissement dispensant des actes ou prestations remboursables par l'assurance maladie les documents nécessaires à la constatation des soins ou d'une incapacité de travail les transmet à la caisse hors du délai prévu, il encourt une sanction fixée par voie réglementaire, pouvant aller jusqu'à la déchéance du droit aux prestations pour la période pendant laquelle le contrôle de celles-ci aurait été rendu impossible'.
En application de l'article L 321-1 du même code, 'l'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant, selon les règles définies par l'article L 162-4-1, de continuer ou de reprendre le travail.'
En l'espèce, le GIP HIS a saisi par lettre datée du 28 octobre 2014 le comité médical du département de la Seine Saint Denis pour qu'il se prononce sur le placement en congé de grave maladie de M. [Z].
Par lettre datée du 19 février 2015 le GIP HIS a fait savoir à la caisse :
- qu'en sa séance du 13 janvier 2015, le comité avait placé M. [Z] en position de congé de grave maladie à compter du 19 décembre 2014 pour une durée de six mois,
- qu'une décision administrative avait été prise en ce sens, visée le 18 février 2015 par son contrôleur général économique et financier.
Le GIP HIS a adressé le 8 juillet 2015 à la caisse un message électronique lui indiquant que le comité en sa séance du 23 juin 2015 avait prolongé ce congé pour six mois.
Par lettre datée du 6 septembre 2015, la caisse a répondu au GIP HIS qu'elle n'avait pas reçu de prolongation d'arrêt de travail à compter du 17 mars 2015.
Par décision en date du 18 décembre 2015, le GIP HIS a prolongé le placement en congé de grave maladie de six mois à compter du 19 décembre 2015.
Le GIP HIS a maintenu le plein salaire de M. [Z] et réclamé à la caisse, étant subrogé dans les droits de son agent par application de l'article R 323-11 précité, de percevoir les indemnités journalières de l'assurance maladie. Cependant la caisse a cessé ce versement le 17 mars 2015, pour non respect des règles posées par le code de la sécurité sociale.
- Sur le droit applicable :
C'est à juste titre que la caisse appelante souligne que les dispositions du code de la sécurité sociale sont d'ordre public.
Le GIP HIS intimé soutient que les agents contractuels de droit public ont un statut particulier, et que le dispositif réglementaire permettant leur placement en congé grave maladie se substituerait aux dispositions du code de la sécurité sociale. Il affirme en particulier que le comité médical départemental joue ainsi le rôle du médecin traitant, et que les indemnités journalières lui sont dues. Il y aurait selon lui une 'équivalence' entre le placement en congé maladie par ce comité médical et l'arrêt de travail tel que défini par le code de la sécurité sociale.
C'est ainsi que le tribunal a considéré que les dispositions du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 et du décret n°86-442 du 14 mars 1986 répondaient aux conditions exigées par l'article L 321-1 précité du code de la sécurité sociale.
Cependant ces deux décrets organisent la procédure administrative applicable à l'agent qui a de graves problèmes de santé, sous le contrôle d'une instance médicale, mais cette procédure ne se substitue en rien aux dispositions impératives du code de la sécurité sociale.
L'article 2 du décret du 17 janvier 1986 prévoit expressément le cas d'une diminution des prestations en espèce servies par le régime général, par application de l'article R 321-2 du code de la sécurité sociale, et institue une diminution à due concurrence du traitement de l'agent.
M. [Z], en tant qu'assuré social, doit respecter les dispositions prescrites par le code de la sécurité sociale, et son employeur le GIP HIS, subrogé dans les droits de son salarié, ne peut disposer de plus de droits que lui.
La caisse appelante, afin de justifier son refus de verser les indemnités journalières au
GIP HIS, relève qu'elle n'a pas reçu les éléments médicaux lui permettant de faire contrôler par son service la pertinence de l'arrêt de travail, et qu'elle ne disposait pas même de l'adresse de M. [Z], pour contrôler l'effectivité de l'arrêt de travail.
Il y a donc lieu à suspension du versement des indemnités journalières pour la période au cours de laquelle le contrôle par le service médical de la caisse a été rendu impossible.
Le comité médical départemental n'étant pas un médecin traitant au sens de l'article
L 321-1 précité, il ne peut prescrire l'arrêt de travail ouvrant droit aux prestations de l'assurance maladie.
C'est par ailleurs à l'assuré social qu'il appartient de déclarer à la caisse sa maladie en application de l'article L 321-2 du code de la sécurité sociale et non à la caisse de se livrer à des investigations.
Il est établi que la caisse n'a pas reçu d'avis d'arrêt de travail de M. [Z] depuis le 17 mars 2015. C'est donc à bon droit qu'elle a refusé à compter de cette date de verser au GIP HIS les indemnités journalières de l'assurance maladie.
Le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions et le GIP HIS débouté de l'ensemble de ses demandes.
L'équité commande de condamner le GIP HIS à verser à la caisse la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimé qui succombe sera condamné au paiement des dépens d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare recevable l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1],
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déboute le GIP Habitat et Interventions Sociales de l'ensemble de ses demandes,
Condamne le GIP Habitat et Interventions Sociales à verser à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le GIP Habitat et Interventions Sociales aux entiers dépens.
La Greffière,La Présidente,