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13/09/2019 | FRANCE | N°17/20883

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 13 septembre 2019, 17/20883


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2019



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20883 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OJA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/15649





APPELANTES



SA DOCTEGESTIO

SIRET : 417 707 791 00048
r>Agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Association APATS PLM Association r...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20883 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OJA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/15649

APPELANTES

SA DOCTEGESTIO

SIRET : 417 707 791 00048

Agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Association APATS PLM Association régie par la Loi de 1901,

SIRET : 819 190 174 00014

Agissant poursuites et diligences de son Président, Monsieur [M] [S].

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Ayant pour avocat plaidant Me Hannah MARCIANO avocat au barreau de PARIS,

toque : D273

INTIMEE

Etablissement CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS Etablissement privé remplissant une mission de service public

Représentée par son directeur général en exercice domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS,

toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Pierre BLATTER (SCP BLATTER SEYNAEVE & ASSOCIES) avocat au barreau de PARIS, toque : P441

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, M. Philippe JAVELAS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Claude TERREAUX, Président

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

Mme Pascale WOIRHAYE Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Philippe JAVELAS, Conseiller, et par Viviane REA, Greffière présente lors de la mise à disposition.

******

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte du 7 décembre 2004,1a Caisse d'allocations familiales (la Caf) de Paris a conclu avec l'Association Etudes et Santé une convention de mise à disposition de locaux sis aux 3ème et 4ème étages de l'immeuble [Adresse 2] ainsi que deux places de parking au [Adresse 4] pour l'exercice d'une activité de centre de santé, la convention devant expirer au 21 décembre 2013. Par avenant du 3 mai 2010, la convention a été prorogée de trois ans pour expirer le 31 décembre 2016.

L'Association Etudes et Santé a été placée en redressement judiciaire par jugement en date du 11 février 2016 rectifié le 17 mars 2016 par le Tribunal de grande instance de Paris, lequel a, par jugement du 30 juin 2016, arrêté un plan de cession de l'activité de l'association au profit de la Sa Doctegestio ou tout autre structure qu'elle substituerait.

Par acte extra judiciaire en date du 5 octobre 2016, la Caf a donné congé à la Sa Doctegestio à effet au 31 décembre 2016.

Par acte du 20 octobre 2016, la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm, qui indiquait avoir vocation à substituer la Sa Doctegestio pour l'exécution du plan de cession, ont fait assigner la Caf de Paris devant le tribunal de grande instance de Paris pour solliciter au visa de l'article 57A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 qu'il :

- juge le congé donné le 5 octobre 1986 nul et de nul effet,

- juge que le bail professionnel portant sur les locaux en cause a pour terme le 31 décembre 2020,

- déboute la Caf de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamne la Caf à verser à l'association Apats Plm la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

En défense, la Caf a sollicité du tribunal qu'il :

- déclare la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm irrecevables en leurs demandes pour cause de prescription,

- déclare l'association Apats Plm irrecevable pour défaut d'intérêt à agir,

subsidiairement,

- les déboute de leurs demandes en l'absence de contrat de location conclu moyennant un loyer réel et sérieux,

- déboute la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm de leur demande en requalification de la convention en bail professionnel soumis aux dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986,

- les déboute de leur demande en nullité de congé,

- déclare la CAF recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle,

- constate que la convention d'occupation consentie à la Sa Etudes et Santé a pris fin de plein droit le 31 décembre 2016 et que de surcroît, il y a été expressément mis fin à l'initiative de la Caf,

- ordonne l'expulsion de a Sa Doctegestio et de tous occupants de son chef, occupants sans droit ni titre depuis le 1er janvier 2017,

- condamne la Sa Doctegestio et tous occupants de son chef in solidum au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 18.042 €, avec indexation en cas d'occupation de plus d'un an,sur tout indice que le tribunal jugera devoir fixer en application des dispositions de l'article L.112-2 du code monétaire et financier,

- condamne la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- déboute la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm de leurs demandes en paiement des dépens et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamne in solidum aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés directement contre elles par Maître Blatter en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- les condamne au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire en date du 25 octobre 2017, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré prescrite la demande de la Sa Doctegestio et de l'association Apats Plm de requalification de la convention du 7 décembre 2004 en bail professionnel et rejeté leur demande en nullité du congé, a dit que la convention, qui avait été consentie à l'association Etudes et Santé aux droits de laquelle est venue la Sa Doctegestio a pris fin le 31 décembre 2016 et a ordonné, à défaut de départ volontaire, l'expulsion de la Sa Doctegestio et de tous occupants de son chef des locaux occupés sis [Adresse 5] appartenant la Caf, a condamné la Sa Doctegestio à payer à la Caf à compter du 1er janvier 2017 une indemnité d'occupation d'un montant de 12.000 €, condamné in solidum la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm à payer à la Caf la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens et rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts de la Caf.

La Cour est saisie de l'appel interjeté à l'encontre de ce jugement par la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm selon déclaration en date du 14 novembre 2017.

Par ordonnance en date du 14 février 2017, le Premier Président de cette Cour a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par les appelantes. Par jugement en date du 13 novembre 2018, le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de nullité du commandement de quitter les lieux et de délai de relogement formée par la Sa Doctegestio.

Au dispositif de leurs dernières conclusions d'appelants notifiées par la voie électronique le 6 mai 2019, la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm sollicitent de la Cour, au visa de l'article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, qu'elle :

- Les dise et juge recevables et bien fondées en leur appel,

- Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 25 octobre 2017 en ce qu'il a déclaré prescrite l'exception opposée à la demande en expulsion tendant à faire valoir que la convention du 7 décembre 2004 doit s'analyser en un bail professionnel,

- Dise et juge que les dispositions de l'article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière sont applicables à l'espèce,

- Dise et juge que la Caf de Paris ne leur a pas valablement donné congé pour des locaux sis à [Adresse 5],

En conséquence,

- Infirme le jugement en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la Sa Doctegestio et de tous les occupants de son chef,

- Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du congé délivré par la Caf de Paris,

- Infirme le jugement en ce qu'il a dit que la convention d'occupation du 7 décembre 2004, modifiée par avenant liant la Caf à la Sa Doctegestio venant aux droits de l'association Etudes et Santé a pris fin le 31 décembre 2017 (lire 2016),

- Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la Sa Doctegestio à payer une indemnité d'occupation mensuelle de 12.000 euros à compter du 1er janvier 2017,

- Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- Dire et juger que l'action de la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm n'est pas prescrite,

- Dire et juger que la convention du 7 décembre 2004 doit s'analyser en un bail professionnel,

- Dire et juger que le bail professionnel s'est renouvelé à compter du 1er janvier 2017 pour une

durée de 9 années,

- Condamne la Caf de Paris à verser à la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm la somme

de 12.000 €, chacune, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne la Caf de Paris aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.

Au dispositif de ses conclusions récapitulatives en réplique et d'appel incident notifiées par la voie électronique le 7 mai 2019, la Caf de Paris sollicite de la Cour :

- vu les articles 2224 du Code civil et 122 du Code de procédure civile, qu'elle déclare les appelantes irrecevables en leurs demandes pour cause de prescription,

Subsidiairement,

- vu l'article 1709 du code civil, l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1989, qu'elle déboute les appelantes de leurs demandes en l'absence de contrat de location conclu moyennant un loyer réel et sérieux,

- qu'elle déboute la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm de leur demande en requalification de la convention en bail professionnel soumis aux dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986,

- qu'elle les déboute de leur demande en nullité de congé,

- qu'elle confirme le jugement en ce qu'il a dit que la convention avait pris fin le 31 décembre 2016 et a ordonné l'expulsion de la Sa Doctegestio et de tous occupants de son chef avec toute conséquence de droit,

- qu'elle déclare la Caf de Paris recevable et bien fondée en son appel incident,

Y faisant droit,

- qu'elle condamne la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun d'un montant mensuel de 18.042 €, laquelle devra être indexée pour le cas où l'occupation durerait plus d'une année, sur tel indice que la cour jugera devoir fixer en application des dispositions de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, tout particulièrement l'indice des loyers d'activités tertiaires outre les charges,

- qu'elle déboute les appelantes de leur demande en paiement des dépens et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- qu'elle les condamne in solidum aux dépens tant de première instance que d'appel qui pourront être recouvrés directement contre elles par Maître Frédérique Etevenard, en application de l'article 699 du Code de procédure civile,

- qu'elle les condamne au paiement d'une indemnité de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du même code.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mai 2019.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la fin de non recevoir opposée à la demande de requalification du bail formée par la Sa Doctegestio et l'association Apats Plm

La Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm font grief au jugement d'avoir déclaré irrecevable leur action en requalification du bail en application de l'article 2224 du Code civil au motif qu'agissant par voie d'action, elles étaient forcloses à le faire plus de cinq années après la passation de la convention critiquée en date du 7 décembre 2004 alors que:

- leur demande principale était celle en nullité du congé, fondée sur l'application de plein droit du statut des baux professionnels,

- la demande de requalification du bail était formée par voie d'exception et non d'action, en réponse à la demande reconventionnelle d'expulsion formée par la Caf de Paris et qu'à ce titre elle était de nature perpétuelle.

Pour la confirmation du jugement, la Caf de Paris fait valoir que c'est à bon droit que le jugement a considéré que la demande de la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm formée par assignation en date du 20 octobre 2016 s'analysait en une action en requalification du bail se prescrivant à compter de sa date et que les appelantes étaient forcloses à l'engager postérieurement au 19 juin 2013, en application de l'article 2224 dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;

Elle soutient que la requalification du bail au visa de l'article 57A de la loi n°86-1290 était un préalable à l'annulation du congé, et que c'est en contradiction avec les faits que les appelantes prétendent que leur demande était formée par voie d'exception alors que la question avait été liée par l'assignation avant leurs propres conclusions reconventionnelles en expulsion notifiée par la voie électronique le 2 décembre 2016.

Sur ce, la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm ont attrait la Caf de Paris en justice aux fins de voir juger nul le congé délivré par celle-ci le 5 octobre 2016 comme ne respectant pas les dispositions d'ordre public de la loi du 23 décembre 1986.

Comme l'a retenu à bon droit le premier juge, il leur appartient d'établir que le contrat les liant est soumis à cette loi, et, si ce n'est pas le cas aux termes de la convention, d'obtenir sa requalification en bail professionnel ; c'est en conséquence à juste titre qu'il en a déduit que l'action en nullité de congé sur le fondement de l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986 s'analyse en une demande en requalification de la convention d'occupation exercée à titre principal et comme telle soumise à prescription extinctive.

La loi du 23 décembre 1986 n'impartissant aux parties à un contrat de location de droit commun aucun délai particulier pour revendiquer le statut des baux professionnels, la prescription de l'action au jour de l'introduction de la demande est celle de l'article l'article 2224 du Code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 qui dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

En l'espèce si le droit à requalification de la convention est né au jour de sa conclusion du 7 décembre 2004 pour le preneur d'origine, la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm n'ont pu connaître leur propre droit qu'au mois de mars 2016, période pendant laquelle l'offre de reprise a été formulée, ainsi qu'il l'est rappelé aux termes de l'acte de cession du 10 janvier 2017 (P7 des appelantes page 3), convention par laquelle s'est concrétisée la reprise d'activité de l'Association Etudes et Santé.

Elles sont donc recevables en leur action engagée le 20 octobre 2016, le jugement étant infirmé.

Sur le bienfondé de la demande principale de requalification du bail

S'agissant de l'existence du bail

Aux termes de l'article 1709 du Code civil 'le louage de chose est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps moyennent un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer'.

La Caf de Paris s'oppose à la demande en faisant valoir que la convention de mise à disposition ne constitue pas un bail au sens de ce texte dès lors que la contrepartie financière correspond quasiment au seul coût d'exploitation et d'entretien de l'immeuble et non à un loyer, lequel serait, déduction faite de tous les postes assumés par le bailleur, de l'ordre de 34 €/m², ce qui ne constitue pas un prix sérieux.

La Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm répliquent que la Caf de Paris a visé l'existence du 'bail' et les impayés de 'loyers', à ses propres courriers et que ceux-ci ne sont pas dérisoires pour être constitué outre des charges habituelles, d'un montant forfaitaire de 106.000 € en 2005, soit 137.000 € actuellement, ce qui place le loyer dans la fourchette basse du marché commercial et ce que justifient la situation des locaux en étages et leur mauvais état et la clause d'accession bénéficiant au bailleur à la sortie sans indemnité.

Sur ce, les moyens soulevés sont dénués de toute pertinence dès lors qu'aucun élément de calcul ou comparaison n'est produit devant la Cour.

En exigeant du preneur paiement d'une indemnité annuelle de137.000 € pour l'occupation de 744 m² aux 3ème et 4ème étages d'un immeuble du 15ème arrondissement de Paris, la Caf de Paris caractérise l'existence d'un bail au sens de l'article 1709 du Code civil et succombe dans la preuve qui lui incombe de l'absence de prix.

S'agissant de la nature de l'activité exercée

Pour soutenir que les conditions d'application de l'article 57A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, qui est d'ordre public, sont remplies à son égard, l'Association Apats Plm expose que les locaux ont été loués à l'Association Etudes et santé à destination exclusive de gestion d'un centre de santé, ce qui est une activité professionnelle ; qu'elle-même a le même objet et la même activité que l'Association Etudes et Santé de qui elle tient ses droits ; que cette activité génère ses revenus professionnels dans les locaux litigieux par la mise à disposition des médecins et dentistes qu'elle emploie comme salariés, de son organisation et de ses moyens pour l'exercice de leur art, ce qui remplit les critères requis du bail professionnel.

Pour le rejet de la demande la Caf de Paris rétorque que :

- la Sa Doctegestio, seul repreneur aux termes du jugement du 30 juin 2016, n'exerçant aucune activité dans les locaux litigieux, elle ne peut bénéficier d'un bail professionnel, d'autant qu'aux termes de son objet social, elle a une activité purement commerciale d'administrateur de biens, gestion et transactions immobilières et toutes opérations s'y rattachant,

- l'Association Apats Plm n'exploite pas elle-même l'activité professionnelle de santé, pas plus que l'association d'origine, mais se borne, en fournissant des moyens à des professionnels de santé exerçant indépendamment leur art, aux termes de l'un des contrats de travail produit, à percevoir non pas les fruits de l'activité professionnelle de santé mais une quote-part de celle des médecins et dentistes.

Sur ce, il résulte des termes de la convention en date du 7 décembre 2004, par laquelle la Caf de Paris renouvelle pour 9 ans au profit de l'association Etudes et Santé, locataire, et de sa caution, le contrat de mise à disposition de locaux affectés au fonctionnement du centre de santé conclu le 2 janvier 1996, que les parties se soumettent expressément aux dispositions du contrat et à celles du Code civil, à l'exception du statut des baux commerciaux, l'association n'exerçant pas une activité commerciale.

L'article 57A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 dispose que : « Le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à six ans. Il est établi par écrit...». Il convient dès lors de s'attacher à la nature de l'activité effectivement exercée dans le local loué pour qualifier ce bail.

En l'espèce, la convention a pour objet le 'fonctionnement d'un centre de santé', dont le premier avenant de renouvellement du 7 décembre 2004 constate que les activités en sont 'essentiellement les consultations de généralistes et de spécialistes et la clinique dentaire', et cette destination n'est pas modifiée par l'avenant du 3 mai 2010 en prorogeant la durée jusqu'au 31 décembre 2016.

L'activité de fonctionnement d'un centre de santé n'étant pas une activité commerciale par nature mais une activité lucrative découlant des prestations des professionnels de santé employés, elle répond à la définition de l'activité professionnelle pour celui qui l'exerce. Il importe alors d'examiner si cette activité est réellement poursuivie dans les locaux litigieux par les appelantes.

Il ressort de son jugement 30 juin 2016 que le Tribunal de grande instance de Paris a arrêté le plan de cession de l'activité de l'Association Etudes et Santé au bénéfice de la Sa Doctegestio avec faculté de substitution, notamment au profit de l'une de ses filiales existantes ou à créer, en ce compris ses structures associatives, pour l'ensemble des actifs, une partie des contrats nécessaires à la poursuite de l'activité en ce compris la convention d'occupation consentie par la Caf de Paris et ordonné la reprise de l'ensemble des 57 salariés avec ancienneté acquise.

Conformément aux engagement du président du repreneur, un acte de cession a été formalisé le 10 janvier 2017 entre l'Association Etudes et Santé et l'Association Apats Plm, association déclarée le 25 février 2016, dans lequel la Sa Doctegestio figure en qualité de locataire substitué et garante, pour une entrée en jouissance de l'Association Apats Plm au 1er juillet 2016.

Or, les appelantes justifient par les extraits du registre des sociétés que l'Association Apats Plm a pour objet de 'favoriser l'accès aux soins médicaux à toutes les catégories sociales et notamment aux personnes démunies, plus particulièrement en créant et ou gérant des centres de santé, centres dentaires et médicaux-dentaires accessibles à tous et pratiquant des tarifs modérés...'

Ces éléments démontrant que l'Association Apats Plm a pour objet de faire fonctionner le centre de santé et qu'elle continue d'employer des médecins et dentistes, il y a lieu de considérer que l'activité exercée dans les locaux litigieux relève du statut des baux professionnel qui est d'ordre public.

En conséquence la convention de mise à disposition litigieuse sera requalifiée en bail professionnel.

Sur la demande principale de nullité du congé et la demande reconventionnelle d'expulsion

La Caf de Paris expose en substance qu'elle a :

- par lettre recommandée avec avis de réception du 27 janvier 2016 notifié son intention de ne pas poursuivre la convention arrivant à expiration le 31 décembre 2016 en raison de l'importance de la dette locative,

- rappelé par lettre du 19 juillet 2016 que la convention ne serait plus en vigueur au 1er janvier 2017,

- réitéré le congé par lettre du 8 août 2016 auprès de la Sa Doctegestio, puis par acte extra judiciaire du 5 octobre 2016 pour le 31 décembre 2016.

Elle plaide que le congé du 27 janvier 2016 est régulier pour respecter les conditions de délai et de forme exigées par l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986.

Pour l'annulation du congé, la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm rétorquent que :

- le courrier du 27 janvier 2016 ne traduit nullement de façon univoque sa volonté de mettre un terme au contrat, puisqu'il y est écrit que concernant le 4ème étage, la Caf se dit disposée à en laisser l'usage au terme du bail en cours,

- si par extraordinaire le courrier du 27 janvier 2016 était reconnu comme un congé valable, la Caf y a renoncé par son courrier du 19 juillet 2016 lequel confirmait la proposition de convention transmise le 3 juin 2016 pour le renouvellement,

- la lettre du 8 août 2016 constitue effectivement un congé, mais elle ne respecte pas les conditions de délai, pour n'être pas antérieure de six mois à la date d'échéance du bail,

- le congé par huissier du 5 octobre 2016 encoure les mêmes griefs.

Sur ce, l'article 57A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 dispose que : « ...Chaque partie peut notifier à l'autre son intention de ne pas renouveler le contrat à l'expiration de celui-ci en respectant un délai de préavis de six mois. Le locataire peut, à tout moment, notifier au bailleur son intention de quitter les locaux en respectant un délai de préavis de six mois. Les notifications mentionnées au présent article sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier»

Cela exposé, aux termes de sa lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 janvier 2016, la Caf de Paris a écrit à l'Association Etudes et Santé pour lui rappeler l'existence d'un arriéré locatif de 203.451 € dont elle a réclamé paiement et pour lui préciser ' en effet, votre bail arrive prochainement à expiration et il ne saurait être question de le renouveler au-delà de son échéance (31 décembre 2016) si la situation n'est pas régularisée à cette date'. Il y est indiqué qu'une libération anticipée au 1er juillet 2016 pour les locaux du 3ème étage pouvait être envisagée pour minorer le passif à venir et qu'une nouvelle convention serait envisageable pour le 4ème étage seulement sous condition du règlement des loyers en cours pour cette surface.

Ce courrier formalisé par lettre recommandée avec avis de réception constitue un congé conditionnel pour la date d'échéance du bail qui vaut congé effectif en l'espèce dès lors qu'il n'est pas contestable que les impayés n'ont pas été régularisés en temps requis, l'Association Etudes et Santé ayant fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire antérieurement à la date d'expiration du bail.

C'est en en dénaturant les termes, que les appelantes soutiennent que la Caf aurait renoncé à ce congé dans sa lettre adressée à la Sa Doctegestio le 19 juillet 2016, alors qu'elle ne comporte aucune renonciation expresse mais rappelle au contraire que 'la convention d'occupation venant à expiration le 31 décembre 2016, elle ne sera plus en vigueur au 1er janvier 2017" et que ce courrier ne tend qu'à prendre acte de la décision du Tribunal de grande instance en date du 30 juin 2016 ordonnant la poursuite du bail à son profit et à ouvrir des négociations sur la passation d'un autre contrat.

En conséquence, le congé du bailleur ayant été délivré dans les formes requises plus de six mois avant le 31 décembre 2016, est régulier et la demande d'annulation sera rejetée.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a constaté que la convention d'occupation a pris fin le 31 décembre 2016, et a ordonné l'expulsion des locaux loués sauf à rectifier leur adresse qui est située au [Adresse 2] et non au 18.

Sur la demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité d'occupation

La Caf de Paris sollicite que le jugement soit infirmé sur le montant de l'indemnité d'occupation qu'elle revendique à hauteur de 18.042 € avec indexation annuelle, charges en sus, conformément à sa demande en première instance. La Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm n'ont pas conclu de ce chef.

La Caf de Paris ne produisant en appel aucune quittance, ni compte locatif, ni aucun élément sur la valeur locative de ses locaux, la Cour n'est pas mise en mesure d'apprécier en quoi le premier juge aurait commis une erreur sur le montant de l'indemnité au vu des justificatifs alors versés. Le jugement est donc confirmé au quantum.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de condamner in solidum la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm à payer à la Caf de Paris la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de l'indemnité octroyée en première instance, le jugement étant confirmé à cet égard et de rejeter la demande du même chef formée par la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm.

La Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm qui succombent seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement,

INFIRME le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 27 octobre 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm en requalification de la convention de mise à disposition en date du 7 décembre 2004 ;

Statuant de nouveau de ce chef,

REJETTE l'exception de prescription de la demande de requalification du bail ;

DIT que la convention de mise à disposition du 7 décembre 2004 est un bail professionnel soumis à la loi du 23 décembre 1986 ;

DÉBOUTE la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm de leur demande de nullité du congé

CONFIRME le jugement sur le surplus, sauf à préciser que les locaux loués sont situés au [Adresse 2] et non pas au [Adresse 5] ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm à payer à la Caisse d'allocations familiales de Paris de Paris la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DÉBOUTE la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm de leur demande du même chef;

CONDAMNE in solidum la Sa Doctegestio et l'Association Apats Plm aux dépens d'appel et autorise Maître Etevenard à les recouvrer directement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/20883
Date de la décision : 13/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°17/20883 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-13;17.20883 ?
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