RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 13 Septembre 2019
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/10038 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZK6T
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juin 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 14-01743
APPELANT
Monsieur [C] [K]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représenté par Me Jérémie BLOND, avocat au barreau de PARIS, toque : D1151
INTIMÉES
La société ELIVIE venant aux droits et obligations de la SASU ASSISTANCES MÉDICALES SPÉCIALISÉES (AMS)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Juliette BARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
CPAM DE LA SEINE SAINT DENIS
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 1]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, et
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère
M. Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [C] [K] a interjeté appel d'un jugement du tribunal aux affaires de sécurité sociale de BOBIGNY dans un litige l'opposant à la société Assistances Médicales Spécialisées (ci-après l'AMS), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS:
Les faits de la cause ont été exactement rappelés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence.
Il convient toutefois de rappeler que M. [K] a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis une déclaration de maladie professionnelle en date du
18 février 2011 faisant état d'une «'hernie discale conflictuelle S1G'» à laquelle était joint un certificat médical initial du 25 janvier 2011 mentionnant une «'sciatique sur protusion discale conflictuelle racine S1G + coccyalgie'».
Les conditions du tableau n°98 n'étant pas remplies, le CRRMP d'Ile de France a rendu un avis favorable à la prise en charge de la maladie de M. [K] au titre de ce tableau.
Son état de santé ayant été déclaré consolidé le 17 février 2013, M. [K] s'est vu attribuer un taux d'IPP de 20%.
Le salarié a fait une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société AMS, et à défaut de conciliation, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY.
Par jugement du 6 juin 2016, ce tribunal a déclaré la décision de prise en charge de la maladie opposable à l'AMS, dit l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile de France régulier et débouté M. [K] de ses demandes.
C'est la décision attaquée par M. [K] qui fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites par lesquelles il demande':
-l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable,
Statuant à nouveau,
-de dire et juger que la maladie professionnelle déclarée est due à la faute inexcusable de l'AMS,
- de fixer la majoration de la rente versée à son taux maximum, qui sera versée par la caisse,
- de commettre un expert, avec pour mission de qualifier avant et après consolidation,
-le déficit fonctionnel temporaire jusqu'à la date de consolidation,
-les souffrances physiques et morales endurées,
-le préjudice d'agrément,
-le préjudice sexuel,
-l'assistance d'une tierce personne jusqu'à la date de consolidation,
-et dire si son état de santé peut ou doit encore évoluer,
-de fixer la date de l'audience pour entendre les parties sur le rapport d'expertise,
-de condamner la société AMS à lui verser la somme de 20.000€ à titre de provision à valoir sur les chefs de préjudices qui seront fixés,
- de condamner la société AMS à lui verser la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- et de déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis.
A l'appui de son appel, M. [K] fait valoir qu'il a été, depuis l'âge de 24 ans, livreur-installateur polyvalent pour le compte de la société AMS jusqu'au 28 janvier 2011, date à laquelle il a été placé en arrêt maladie ; que la société gère la livraison et l'installation de matériel médical : lit médicalisés, cuves d'oxygène, et qu'à ce titre il assurait le chargement du camion de livraison, à raison de tournées de livraison de 14 à 15 cuves d'oxygène d'un poids de 75 kg chacune, procédant à leur livraison, sans matériel adapté, y compris dans les étages, parfois sans ascenseur ; qu'une partie seulement de la flotte de véhicules a été équipée d'outils de levage des cuves, dans le courant de l'année 2009 ; que l'employeur n'est pas en mesure de démontrer qu'il a pu personnellement bénéficier des équipements requis ; qu'il a mis en avant les multiples manquements de l'employeur, caractéristiques d'une faute inexcusable : absence d'étude des risques des postes, d'élévateur électrique évitant le chargement manuel des cuves et de diables électriques permettant de tracter et soulever les cuves dans les étages des immeubles dépourvus d'ascenseurs ; que la société A.M.S.a sollicité l'avis d'aptitude spécifique au port de charges de plus de 55 kg plus de 3 ans après son embauche et le début de manutention de charges lourdes et qu'elle l'a fait travailler avant même la visite de reprise et un avis d'aptitude de la médecine du travail à l'issue de son premier accident du travail déjà du à la manutention de charges lourdes en date du 8 mars 2010 ; qu'il a déjà été jugé que l'employeur qui n'a pas mis en 'uvre, en exécution de son obligation de sécurité de résultat, les dispositifs légaux obligatoires de sécurité commet une faute inexcusable ; qu'il produit l'attestation de
M. [R] écartée à tort par les premiers juges qui confirme l'absence de soulève-cuve sur les camions, le recours à de simples supports avec roulettes pour tracter les cuves, sans diable électrique et que quelques camions seront progressivement équipés à partir de 2009 uniquement ; que la société AMS n'avance aucun argument permettant d'écarter sa faute inexcusable ; que le défaut de durée d'exposition au risque ne fait pas obstacle à la reconnaissance de la maladie professionnelle ; que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a rendu un avis favorable le 21 février 2012 ; que ses pathologies relèvent bien du tableau n°98 des maladies professionnelles ; que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'a pas décliné sa compétence, et a, tout au contraire, expressément considéré que seule la durée d'exposition faisait
défaut ; que les documents versés aux débats attestent d'une maladie relevant du tableau n° 98, d'une sciatique par hernie discale en 'L5-S1', avec atteinte aux racines nerveuses (l'atteinte radiculaire), aux racines nerveuses concordantes avec la hernie discale (racine S1 gauche), soit la « topographie concordante » ; que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles conclut que « L'analyse du poste de travail et des tâches effectuées permet, malgré une durée d'exposition inférieure à 5 ans, de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 18 février 2011 » ; enfin, qu'un avis d'aptitude est insuffisant à exclure la faute inexcusable de l'employeur en présence d'une maladie professionnelle.
La société ELIVIE, venant aux droits de la société AMS, par la voix de son conseil, fait soutenir et déposer des conclusions écrites sollicitant':
-de la recevoir en sa contestation du caractère professionnel de la maladie,
-de dire et juger que M. [K] n'est pas recevable ni fondé à l'imputer à la faute inexcusable de son employeur et le débouter de toutes ses demandes,
-de constater en tout état de cause que M. [K] ne démontre pas la faute alléguée et le débouter de ses demandes,
-de dire qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ELIVIE expose que M. [K] a déclaré le 18 février 2011 une « hernie discale conflictuelle S1 » constatée pour la 1ère fois le 28 janvier 2011, avec un certificat médical daté du 25 janvier 2011, visant non pas une maladie professionnelle, mais un accident du travail survenu le 25 janvier 2011 et décrivant une « sciatique sur protrusion discale (suite illisible) S1G + coccyalgie » ; que l'employeur est recevable à contester le caractère professionnel de la pathologie qui est imputée à sa faute inexcusable ; que le risque déclaré et pris en charge n'est pas le risque visé au tableau 98 qui concerne les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes et désigne notamment la sciatique par hernie discale L4- L5 ou L5- S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ; qu'en l'espèce, il ressort du certificat médical initial que la maladie constatée est une simple sciatique par hernie discale S1G sans viser une atteinte radiculaire ; que la pathologie ne présente pas les conditions médicales réglementaires de ce tableau en raison de l'absence d'atteinte radiculaire, ladite atteinte radiculaire étant une condition de la prise en charge au titre du tableau ; d'autre part que la durée d'exposition de 5 ans n'est pas remplie et que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'établit nullement le lien essentiel et direct exigé par la loi en indiquant que le port de charges lourdes pourrait favoriser l'apparition de lombo-radiculalgies par hernie discale ; que dés lors, faute d'établir le caractère professionnel du sinistre d'origine, l'action en demande de reconnaissance de faute inexcusable devient sans objet, de sorte que le juge n'a pas à statuer sur l'existence d'une telle faute inexcusable; qu'en tout état de cause, à la date à laquelle la pathologie a été constatée, soit en février 2011, M. [K] avait été déclaré apte sans aucune restriction et que la seule aptitude au travail, sans restriction, suffit à caractériser l'absence de conscience du danger; enfin que les moyens idoines de manutention étaient bien à disposition des salariés et que M. [K] ne démontre pas la faute inexcusable alléguée;
Enfin, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites sollicitant':
-la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré la décision de prise en charge opposable à la société AMS,
-de lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice sur la contestation du caractère professionnel de la maladie dans les rapports assuré-employeur,
-de statuer ce que de droit sur les mérites de l'appel quant au principe de la faute inexcusable et de la majoration de la rente,
Et dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait retenue,
-de limiter la mission de l'expert aux postes de préjudices indemnisables au titre de la faute inexcusable,
-d'exclure de la mission d'expertise l'évaluation de la perte de chance de promotion professionnelle,
-de ramener à de plus justes proportions les sommes allouées à M. [K] à titre de provision,
-de rappeler que la caisse avancera les sommes éventuellement allouées à M. [K] dont elle récupérera le montant sur l'employeur, en ce compris les frais d'expertise,
-et de condamner tout succombant aux entiers dépens.
La caisse rappelle que la contestation du caractère professionnel ne vaut que dans les rapports assuré-employeur et qu'elle ne s'oppose pas à l'expertise si la faute inexcusable était reconnue.
Il est fait référence aux conclusions déposées par les parties pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE,
M. [K], salarié de la société AMS depuis le 10 avril 2007, en qualité de livreur installateur polyvalent avait pour fonction de maintenir ou installer au domicile des clients de la société AMS tout type de matériel commercialisé par l'entreprise, et notamment du matériel d'assistance respiratoire et de gériatrie.
Il a été déclaré apte à la manutention de charges lourdes d'un poids supérieur à 55 kg le
8 juillet 2010.
Le salarié a déclaré le 18 février 2011 une « hernie discale conflictuelle S1 » à titre de maladie professionnelle, constatée pour la première fois le 28 janvier 2011.
La déclaration était accompagnée d'un certificat médical daté du 25 janvier 2011, visant un accident du travail survenu le 25 janvier 2011 et décrivant une « sciatique sur protrusion discale conflictuelle racine S1G + coccyalgie ».
L'état de santé de M. [K] a été considéré comme consolidé à la date du 17 février 2013, avec un taux d'IPP de 20%.
La caisse a décidé d'une prise en charge de la maladie professionnelle au titre du tableau n°98, au vu de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile de France qu'elle a saisi au motif que la condition de la durée d'exposition n'était pas remplie.
Le tableau n°98 afférent aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes vise la sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante (ainsi que la radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante), sous réserve d'un délai de prise en charge étant de 6 mois avec durée d'exposition de 5 ans et de l'accomplissement des travaux dont la liste limitative suit :
« Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués :
- dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ;
- dans le bâtiment, le gros 'uvre, les travaux publics ;
- dans les mines et carrières ;
- dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ;
- dans le déménagement, les garde-meubles ;
- dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ;
- dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ;
- dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ;
- dans le cadre du brancardage et du transport des malades ;
- dans les travaux funéraires ».
Or, la cour constate le risque déclaré et pris en charge n'est pas le risque visé au tableau n°98 qui concerne les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes et désigne notamment la sciatique par hernie discale L4- L5 ou L5- S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ;
En l'espèce, la maladie constatée par le certificat médical initial est une sciatique sur protusion discale conflictuelle racine S1G (plus coccyalgie) et ne vise pas d'atteinte radiculaire ;
Le colloque médico-administratif du 14 août 2011 vise une hernie discale en L5S1, constatée par IRM.
Or, la caisse ne rapporte pas la preuve de l'atteinte radiculaire de topographie concordante;
Dés lors, la pathologie ne présente pas les conditions médicales réglementaires du tableau n°98 en raison de l'absence d'atteinte radiculaire. M. [K] ayant un taux d'IPP de 20%, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne pouvait pas même être saisi sur le fondement de l'article L.461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale.
La pathologie dont souffre le salarié ne bénéficie donc pas de la présomption d'imputabilité au travail. Dés lors, c'est à bon droit que la société ELIVIE en a contesté le caractère professionnel. Il sera rappelé cependant que la société ne critiquant pas le caractère opposable à son endroit de la décision de prise en charge, l'opposabilité dans les rapports caisse-employeur prononcée par les premiers juges ne peut qu'être confirmée.
En conséquence, en l'absence de preuve du caractère professionnel, M. [K] ne peut rechercher la faute inexcusable de la société ELIVIE, venant aux droits de la société AMS.
Il paraît équitable de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés et de les débouter de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS':
La cour,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [C] [K] et déclaré régulier l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile de France,
Déboute M. [C] [K] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société ELIVIE, venant aux droits de la société AMS,
Laisse à la charge de chaque partie les dépens qu'elle a engagés.
La Greffière,La Présidente,