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12/09/2019 | FRANCE | N°18/15044

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 12 septembre 2019, 18/15044


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2019



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/15044 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B53IY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2018 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2017044729





APPELANT :



Monsieur [V] [I]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Loca

lité 1]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Julien GUIRAMAND de la SELARL SAMARCANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0727





INTIMÉS :



SELARL AXYME, rep...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2019

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/15044 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B53IY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2018 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2017044729

APPELANT :

Monsieur [V] [I]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Julien GUIRAMAND de la SELARL SAMARCANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0727

INTIMÉS :

SELARL AXYME, représentée par son associé et co-gérant Maître [Z] [S], Mandataire Judiciaire,

Agissant en qualité de Mandataire judiciaire Liquidateur de la société RBL,

Venant aux droits de la SELARL EMJ, désignée à ces fonctions par un jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 19 août 2014, et elle-même désignée à ces fonctions par une ordonnance rendue le 20 juillet 2017 par le Président du Tribunal de Commerce de PARIS, désignant la SELARL AXYME en remplacement de la SELARL EMJ.

Immatriculé au RCS de PARIS sous le numéro 830 793 972

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Arnaud ROIRON de la SELARL WTS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0345

MINISTÈRE PUBLIC

[Adresse 3]

[Adresse 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

    En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2019, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère et Madame Aline DELIERE, Conseillère.

           Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL RBL a été créée le 18 avril 2006 en vue d'assurer la gestion d'une résidence de tourisme située à [Localité 2]. Cette résidence était divisée en différentes lots, appartenant à des sociétés et à des particuliers et chaque propriétaire avait conclu un contrat avec la société RBL pour l'exploitation de son lot.

Cet ensemble immobilier touristique comprenait 192 logements et un hôtel de 39 chambres.

Cette société était dirigée par deux cogérants, M. [I] et M. [M].

Le 30 septembre 2011, la société PIERRE &VACANCES a cessé l'exploitation de la résidence de tourisme, et la société RBL a alors recherché un nouvel exploitant, la société MMV. Celle-ci a alors posé des conditions engendrant des coûts importants et un contrat de location gérance a été conclu pour un montant de 153'000 euros par an.

L'accord passé avec le locataire gérant prévoyait la réalisation de travaux et la création d'appartements supplémentaires par la société LMBH, société détenue et gérée par M. [V] [I], les travaux ayant été financés par un prêt bancaire à hauteur d'un million d'euros dont M. [V] [I] s'est porté caution à titre personnel.

Par une lettre du 27 décembre 2013, la société MMV a mis un terme au contrat de location gérance et a annoncé son départ au 1er janvier 2014.

Faute d'exploitant, la société RBL a procédé à une déclaration de cessation des paiements et par jugement du 19 août 2014, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, en fixant la date de cessation des paiements au 25 juillet 2014, soit le jour du dépôt de la déclaration de cessation des paiements, et a désigné la SELARL EMJ ès qualités de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 20 juillet 2017, le Président du tribunal de commerce de Paris a désigné la SELARL AXYME en remplacement de la SELARL EMJ, ès qualités.

Le passif déclaré s'est élevé à 1'180'710 euros, dont 684'000 euros de créances liées à des procédures toujours en cours, tandis que l'actif réalisé s'élève à 73'997,40 euros.

Par requête du 25 février 2017, le ministère public a sollicité le prononcé d'une sanction personnelle à l'égard de M.[I], lui reprochant d'une part d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation de paiements, puisque des pertes importantes ont été enregistrées depuis 2011, et d'autre part, d'avoir fait des biens ou du crédit la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, ou pour favoriser une autre personne morale.

Par jugement du 5 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris a prononcé une interdiction de gérer à l'encontre de M. [V] [I] pour une durée de 15 ans, avec exécution provisoire.

Par déclaration du 14 juin 2018, M. [V] [I] a interjeté appel de ce jugement.

Par une ordonnance du 31 août 2018, le premier Président de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande de suspension de l'exécution provisoire sollicitée par M. [V] [I].

* * *

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 13 mai 2019, M. [V] [I] demande à la cour de:

- rejeter les demandes de la SELARL AXYME ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Subsidiairement :

- ramener la peine à de plus justes proportions ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 14 mars 2019, la SELARL AXYME, représentée par son associé et co-gérant Maître [Z] [S], mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société RBL demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- dire et juger M. [V] [I] mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer en l'ensemble de ses dispositions le jugement du 5 juin 2018 ;

- condamner M. [V] [I] au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL WTS, société d'avocats au Barreau de Paris, représentée par Maître Arnaud Roiron, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'audience, le ministère public a sollicité la confirmation du jugement.

SUR CE

Sur le grief tiré de la poursuite d'une activité déficitaire

Le liquidateur judiciaire fait valoir que M. [V] [I] a poursuivi une activité déficitaire dans un intérêt personnel, puisque pendant les années de déficit, en 2011,2012 et 2013, des pertes importantes ont été enregistrées.

Celui-ci répond que les difficultés financières provenaient des loyers trop élevés et avoir procédé, en avril 2012, à des notifications de révision de loyers auprès des bailleurs, ce qui lui permettait de considérer raisonnablement que les loyers seraient au besoin judiciairement révisés au montant proposé, empêchant ainsi de considérer que l'exploitation ne pouvait que conduire à la cessation des paiements.

Il ajoute que les actes des gérants démontrent avoir réagi au départ la société Pierre &Vacances, qui était particulièrement inattendu, en recherchant un autre exploitant et en trouvant avec celui-ci des conditions nouvelles d'exploitations, et insiste sur le fait qu'il s'est également engagé personnellement en tant que caution d'un prêt à hauteur de 1.000.000 d'euros de la société LMBH, dirigée par lui-même, pour la poursuite de l'exploitation de la société RBL.

Selon l'article L.653-4, 4° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

En l'espèce, il convient de relever que les exercices 2011, 2012 et 2013 ont tous été déficitaires pour des sommes supérieures ou égales au chiffre d'affaires et que l'insuffisance d'actif représente plus de quatre fois le chiffre d'affaires, ce qui est considérable comme l'a relevé le tribunal. C'est ainsi que les pertes ont été en 2011 d'un montant de 21'783, en 2012 de 176'995 euros (pour un chiffre d'affaires de 142'840 euros) et en 2013, de 511'997 euros (pour un chiffre d'affaires de 180'200 euros). C'est en vain que l'appelant fait valoir qu'il a pris des initiatives pour la révision des loyers, qui aurait dû intervenir de façon imminente, alors qu'il ne démontre pas avoir introduit une action judiciaire à cette fin devant le juge des loyers.

Il s'ensuit que cette exploitation déficitaire ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements.

Pendant cette même période, la société débitrice a versé à la société Recovale, dont M. [I] était le dirigeant, les sommes de 32.292 euros le 14 juin 2013, 4.000 euros le 5 décembre 2013, 13.000 euros le 7 janvier 2014, puis 10.000 euros le 15 février 2014, alors que certains loyers n'étaient pas payés depuis 2011.

De la même façon, la société débitrice a versé à la société Jalainco, qui détenait 40% du capital de la société RBL, et dans laquelle M. [I] détient un mandat social, entre le 11 avril 2013 et le 14 juin 2013, une somme de 88'000 euros, correspondant à des remboursements d'apport de compte courant, ce qui caractérise l'intérêt personnel.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu ce grief.

Sur le grief tiré de l'usage contraire des biens ou du crédit de la personne morale

Selon l'article L. 653-4 du code de commerce le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a fait des biens ou du crédit la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

En l'espèce, si M. [V] [I] a poursuivi de façon abusive une exploitation déficitaire, au profit de personne morale dans lequel il avait un intérêt personnel, néanmoins il existait des contreparties de sorte qu'aucun détournement ne peut être caractérisé.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu ce grief.

Sur la sanction

Seul un grief ayant été retenu à l'encontre de M. [I], tenant compte tout à la fois de l'importance du passif généré par l'activité déficitaire, mais également du fait que celui-ci s'est, à titre personnel, porté caution à hauteur d'un million d'euros, il convient de ramener la durée de la mesure d'interdiction de gérer à de plus justes proportions et de la limiter à une durée de sept ans.

Sur les dépens et frais hors dépens

M. [I] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la SELARL AXYME, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société RBL, une somme de 3000 euros pour frais hors dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a retenu le grief de poursuite abusive d'une activité déficitaire, ne pouvant que conduire à la cessation des paiements, dans un intérêt personnel,

L'INFIRME en ce qu'il a retenu le grief consistant à avoir fait des biens ou du crédit la personne morale un usage contraire à celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, n'est pas caractérisé.

CONFIRME le jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [I] une mesure d'interdiction de gérer, diriger, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale,

INFIRME le jugement sur la durée de la sanction et, statuant à nouveau, la FIXE à une durée de sept ans.

CONDAMNE M. [I] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la SELARL AXYME, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société RBL, une somme de 3000 euros pour frais hors dépens.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/15044
Date de la décision : 12/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°18/15044 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;18.15044 ?
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