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12/09/2019 | FRANCE | N°17/02280

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 12 septembre 2019, 17/02280


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2019



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02280 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2RTP



Décision déférée à la cour : Jugement du 02 Décembre 2016 - Tribunal de commerce de PARIS 04 - RG n° 2013050261





APPELANTES :



La société TUNSTALL HEALTHCARE GROUP LIMITED, soc

iété de droit anglais, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]





La sociét...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2019

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02280 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2RTP

Décision déférée à la cour : Jugement du 02 Décembre 2016 - Tribunal de commerce de PARIS 04 - RG n° 2013050261

APPELANTES :

La société TUNSTALL HEALTHCARE GROUP LIMITED, société de droit anglais, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

La société TUNSTALL GROUP ACQUISITIONS LIMITED, société de droit anglais, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistées de Me Noémie DE GALEMBERT de la SELEURL GALEMBERT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0561

INTIMÉES :

SARL LOC-INFOR DEVELOPPEMENT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 500 489 927

[Adresse 1]

[Localité 1]

SAS JOFFRE CAPITAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sousle numéro 499 773 661

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentées par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Représentées par Me Laurent COTRET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2019, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère, et Madame Aline DELIÈRE, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [O] [U] dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, et par Hanane AKARKACH , greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Loc-Infor Développement a été constituée en 2007 à l'effet d'acquérir l'intégralité des titres de la société Loc-Infor.

Cette dernière société exerce différentes activités dans trois branches d'activités dont une activité de télésurveillance, de téléassistance, d'information, d'aide et de conseil pour les activités de services à la personne à domicile, notamment aux personnes âgées, sur laquelle intervenait alors essentiellement sa filiale, la société Serenitis, aujourd'hui dénommée Joffre Capital, qu'elle détenait à 100'%.

La valeur de cette dernière branche d'activité s'évaluait principalement au nombre d'abonnements souscrits, ci-après dénommés «'connexions'». Ces connexions sont le support nécessaire de l'activité de téléassistance et de télésurveillance car elles permettent aux clients des sociétés Loc-Infor et Serenitis d'appeler, à partir de transmetteurs de téléassistance installés chez eux, le centre d'écoute pour obtenir l'assistance demandée.

Par la suite et afin de simplifier le groupe, la société Loc-Infor a été dissoute par transmission universelle de patrimoine au profit de la société Loc-Infor Développement.

En 2012, la société Loc-Infor Développement, qui connaissait d'importantes difficultés financières, a décidé de céder une grande partie de ses actifs.

Des négociations ont alors été engagées au début de l'été 2012 pour la cession de cette activité de télésurveillance et de téléassistance avec le groupe anglais Tunstall, spécialisé dans les solutions de téléassistance, de téléprotection et de télémédecine et en particulier avec sa filiale française, la société Vitaris, spécialisée dans la téléassistance auprès des personnes âgées.

Une première lettre d'intention a été adressée par la société Tunstall Healthcare Group Limited à la société Loc-Infor le 26 septembre 2012 visant un seuil de 23.180 connexions.

Après deux avenants en date des 18 et 29 octobre 2012 venant modifier cette première offre, la société Tunstall Healthcare Group Limited a adressé une lettre d'intention définitive à la société Loc-Infor le 29 janvier 2013 qui a été contresignée par cette dernière le 31 janvier 2013. Cette lettre d'intention visait un minimum de 19.000 connexions.

Le contrat de cession des titres de la société Serenitis a ensuite été conclu le 2 avril 2013 entre la société Tunstall Group Acquisition Limited et la société Loc-Infor. Ce contrat prévoyait une formule de calcul du prix de cession en contrepartie d'un nombre de 19.000 connexions minimum.

Le contrat de cession était en outre subordonné à la levée de plusieurs conditions suspensives avant le 1er mai 2013 dont :

- l'achèvement de la restructuration permettant de centraliser la branche d'activité au sein de la société Serenetis sous la forme d'un apport partiel d'actifs soumis au régime des fusions,

- l'obtention de toutes les autorisations écrites et inconditionnelles des co-contractants des sociétés Serenitis et Loc-Infor pour les contrats listés en annexe du contrat de cession qui contenaient une clause de changement de contrôle ou une obligation d'informer l'autre partie du transfert ou de la cession du contrat à un tiers,

- un nombre de connexions EDF permettant que le produit de leur nombre et du prix fixe de 331.395 euros, puisse au moins être égal à 755.452 euros soit au minimum 2.280 connexions EDF,

- un nombre de connexions sous-traitées à la société Europ Assistance inférieur ou égal à 380,

- l'exactitude et la conformité des déclarations et garanties de la société Loc-Infor à la date du contrat de cession et à la date de réalisation de la cession,

- l'absence de survenance d'un événement significatif défavorable et,

- l'obtention de l'autorisation inconditionnelle des prêteurs du groupe Tunstall au contrat de cession.

La date de réalisation de la vente, initialement fixée au 3 mai 2013, a finalement été reportée d'un commun accord au 24 mai 2013 puis au 7 juin 2013, la date de levée des conditions suspensives ayant été pareillement reportée au 6 juin 2013.

Les discussions entre les parties se sont poursuivies encore quelques semaines après ces échéances, puis elles se sont interrompues au début du mois d'août 2013.

La cession des titres n'aboutira finalement pas et le fonds de commerce sera cédé en 2016 à une autre société.

En outre, les sociétés du groupe Loc-Infor bénéficieront par la suite d'une procédure de sauvegarde dont l'ouverture a été prononcée par le tribunal de commerce de Nanterre et dont les plans ont été arrêtés le 4 juillet 2014.

C'est dans ces conditions, que par actes des 12 et 14 août 2013, les sociétés Loc Infor et Serenitis ont assigné les sociétés Tunstall Healthcare Group Limited, Tunstal Group Acquisitions Limited et Vitaris aux fins principalement de voir réparer le préjudice résultant de l'exécution de mauvaise foi de l'acte de cession de titres.

Par jugement du 2 décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes formulées à l'encontre de la société Vitaris et plus généralement pour connaître de l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre des sociétés Tunstall Healthcare Group Limited, Tunstall Group Acquisition Limited et Vitaris, et a':

- débouté les sociétés Tunstall Healthcare Group Limited, Tunstall Group Acquisition Limited et Vitaris de leur demande de mise hors de cause de la société Tunstall Healthcare Group Limited,

- condamné la société Tunstall Healthcare Group Limited à verser la somme de 5.355 euros à la société Loc-Infor et la somme de 1.312.689 euros à la société Serenitis,

- débouté la société Tunstall Group Acquisition Limited de sa demande reconventionnelle,

- condamné in solidum les sociétés Tunstall Healthcare Group Limited et Tunstall Group Acquisition Limited à verser à la société Loc-Infor la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés Tunstall Healthcare Group Limited et Tunstall Group Acquisition Limited à verser à la société Serenitis la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires et,

- condamné in solidum les sociétés Tunstall Healthcare Group Limited et Tunstall Group Acquisition Limited aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 191,64 euros dont 31,72 € de TVA.

Les sociétés Tunstall Healthcare Group Limited et Tunstall Group Acquisition Limited, ci-après dénommées les «'Appelantes'» ont interjeté appel de ce jugement le 27 janvier 2017.

Par ordonnance du 24 mai 2017, le Premier Président de la cour d'appel de Paris a débouté les appelantes de leur demande d'arrêt d'exécution provisoire attachée au jugement du 2 décembre 2016.

***

Par dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 4 octobre 2018 auxquelles il est expressément référé, les sociétés Tunstall Healthcare Group Limited et Tunstall Group Acquisition Limited demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1168 et 1240 du code civil et des articles 564 et suivants du code de procédure civile :

- de réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 2 décembre 2016 et, statuant à nouveau,

A titre préalable, de':

- prononcer la mise hors de cause de la société Tunstall Healthcare Group Limited,

Sur le surplus et à titre principal :

- dire que la société Loc-Infor Développement n'a pas été en mesure de respecter les engagements pris au titre du contrat de cession,

En conséquence, de':

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Tunstall Group Acquisitions Limited à payer la somme de 5.355 euros à la société Loc-Infor Développement et la somme de 1.312.689 euros à la société Serenitis,

A titre subsidiaire, de':

- constater que la demande de la société Loc-Infor tendant à voir condamner la société Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisitions Limited à verser la somme de 3.237.000 euros pour désintéresser ses créanciers est nouvelle en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile et en tout état de cause la société Loc-Infor n'a pas un intérêt personnel à cette demande et par conséquent,

- en conséquence dire irrecevable la demande de la société Loc-Infor,

S'agissant des autres chefs de demande indemnitaire,

- constater que les sociétés Loc-Infor et Serenitis ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'elles allèguent et en conséquence, de':

- rejeter leurs demandes indemnitaires.

A titre reconventionnel, de':

- dire que la société Loc-Infor a commis au préjudice de la société Tunstall Group Acquisition Limited des actes constitutifs de comportements déloyaux dans l'exécution du contrat de cession,

- condamner la société Loc-Infor à verser à la société Tunstall Group Acquisition Limited la somme de 1.379.033,39 euros,

En toute hypothèse, de :

- condamner solidairement les sociétés Loc-Infor et Serenitis à verser aux sociétés Tunstall Healthcare Group Limited et Tunstall Group Acquisition Limited la somme de 50.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés Loc-Infor et Serenitis aux dépens.

***

Par dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 10 octobre 2018 auxquelles il est expressément référé, les sociétés Loc-Infor Développement et Joffre Capital, ci-après dénommées les «'intimées'» demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1182 du code civil, de':

- dire que les sociétés Loc-Infor Développement et Joffre Capital sont bien fondées et recevables dans leurs demandes,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 2 décembre 2016, condamnant la société Tunstall Group Acquisition Limited à verser à la société Joffre Capital la somme de 1.379.033,39 euros.

Et statuant à nouveau :

S'agissant de l'exécution parfaite du contrat de cession des titres de la société Joffre Capital, de :

- dire que la société Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisition Limited ont demandé que le contrat de cession des titres de la société Joffre Capital soit exécuté, alors que les conditions suspensives n'étaient pas encore levées,

- dire que la société Tunstall Group Acquisition Limited a pris possession de certains actifs de la société Joffre Capital avant la réalisation du closing devant se tenir le 7 juin 2013 et reporté au 14 juin 2013,

- dire que les conditions stipulées dans le contrat de cession des titres de la société Joffre Capital ont toutes été levées,

Et si par extraordinaire certaines conditions n'avaient pas été levées,

- dire que la société Tunstall Group Acquisition Limited y a renoncé en prenant possession des actifs de la société Joffre Capital et en reportant le closing devant se tenir le 7 juin 2013 au 14 juin 2013.

En conséquence, de :

- dire que le contrat de cession des titres de la société Joffre Capital a reçu un commencement d'exécution au profit de la société Tunstall Group Acquisition Limited,

- dire que la cession des titres de la société Joffre Capital était parfaite.

S'agissant des fautes de la société Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisition Limited, de':

- dire que la société Tunstall Healthcare Group Limited et que la société Tunstall Group Acquisition Limited se sont opposées à la formation du contrat de cession des titres de la société Joffre Capital en retardant la levée des conditions suspensives ou en exigeant de la société Loc-Infor et de la société Joffre Capital la réalisation de conditions nouvelles,

- dire que la société Tunstall Group Acquisition Limited a refusé d'exécuter le contrat de cession des titres de la société Joffre Capital conclu avec la société Loc-Infor Développement le 2 avril 2013,

- dire que la société Tunstall Healthcare Group Limited et que la société Tunstall Group Acquisition Limited ont commis, au préjudice de la société Joffre Capital, des actes constitutifs de concurrence déloyale,

En conséquence, de':

- dire que la société Tunstall Healthcare Group Limited et que la société Tunstall Group Acquisition Limited ont commis des fautes en empêchant l'exécution du contrat de cession des titres de la société Joffre Capital.

S'agissant des préjudices de la société Joffre Capital et de la société Loc-Infor Développement, de :

- dire que la société Tunstall Healthcare Group Limited et de la société Tunstall Group Acquisition Limited ont imposé à la société Loc-Infor et à la société Joffre Capital une réorganisation aux termes de laquelle la société Loc Infor apportait une branche complète d'activité au profit de la société Joffre Capital, qui s'est révélée inutile,

- dire que les agissements de la société Tunstall Healthcare Group Limited et de la société Tunstall Group Acquisition Limited ont désorganisé la société Joffre Capital, entrainant une perte de valeur de ses actifs,

- dire que les agissements de la société Tunstall Healthcare Group Limited et de la société Tunstall Group Acquisition Limited ont empêché la société Loc-Infor Développement de désintéresser, dans le cadre de la procédure de conciliation ouverte devant le tribunal de commerce de Nanterre, le remboursement anticipé de la somme 4.776.000 euros à ses partenaires financiers, justifiant pour ces derniers une perte de 3.237.000 euros, en exécution du plan de sauvegarde adopté au profit de la société Loc-Infor Développement.

En conséquence, de :

- condamner solidairement la société Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisition Limited, ou à toute fin in solidum, à verser à la société Joffre Capital la somme de 300.000 euros, sauf à parfaire, en réparation des préjudices que lui a causé l'inexécution de mauvaise foi du contrat de cession des titres de la société Joffre Capital, conclu avec la société Loc-Infor le 2 avril 2013, correspondant à la perte de marge liée aux contrats non-conclus à cause des sociétés Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisition Limited,

- condamner solidairement la société Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisition Limited, ou à toute fin in solidum, à verser à la société Loc-Infor Développement, venant aux droits de la société Loc-Infor Développement la somme de 400.000 euros, sauf à parfaire, en réparation des préjudices que lui a causé l'inexécution de mauvaise foi du contrat de cession des titres de la société Joffre Capital, conclu avec la société Loc-Infor le 2 avril 2013, correspondant aux coûts engendrés par l'apport partiel d'actifs et aux frais de conseils juridiques et financiers intervenus, que ce soit lors de la négociation de l'acte de cession et sa mise en 'uvre, où ces conséquences, notamment à travers l'ouverture d'une Joffre Capital,

- condamner solidairement la société Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisition Limited, ou à toute fin in solidum, à verser à la société Joffre Capital la somme de 1.600.000 euros résultant de la perte de valeur de ses actifs à la suite de la désorganisation subie par l'inexécution du contrat de cession (soit 220.966,61 euros venant en complément de la condamnation de première instance obligeant la société Tunstall Group Acquisition Limited à verser la somme de 1.379.033,39 euros à la société Joffre Capital),

- condamner solidairement la société Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisition Limited, ou à toute fin in solidum, à verser à la société Loc-Infor Développement la somme de 3.237.000 euros, afin de lui permettre, conformément aux termes du plan de sauvegarde adopté par le tribunal de commerce de Nanterre, de désintéresser ses partenaires financiers, en raison de la clause de retour à meilleure fortune,

- condamner solidairement la société Tunstall Healthcare Group Limited et la société Tunstall Group Acquisition Limited, ou à toute fin in solidum, à verser aux sociétés Loc-Infor Développement et Joffre Capital la somme de 75.000 euros chacune aux titres des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qui seront recouvrés par la SCP August & Debouzy et Associés, représentée par Me Laurent Cotret dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la mise hors de cause de la société Tunstall Healthcare Group Limited

Les sociétés Tunstall Healthcare Group Limited et Tunstall Group Acquisition Limited soutiennent que la société Tunstall Healthcare Group Limited doit être mise hors de cause en ce qu'elle a été assignée alors qu'elle n'était pas signataire du contrat de cession et n'était pas non plus visée dans l'assignation comme ayant participé aux actes de concurrence déloyale allégués. Elles font en outre valoir que le simple fait que son dirigeant ait participé aux négociations relatives aux contrat de cession ne peut suffire à l'attraire à la cause puisque les fautes reprochées par les sociétés Loc-Infor et Serenitis à Tunstall Healthcare Group Limited ont trait uniquement à l'exécution de mauvaise foi du contrat de cession sur le fondement d'une action en responsabilité contractuelle ne pouvant être engagée à l'encontre d'une société tiers au contrat de cession. Elles ajoutent qu'en tout état de cause, ce dirigeant était aussi celui de la société Tunstall Group Acquisition Limited et que c'est sous ce second mandat qu'il avait agi lors des négociations.

Les intimées soutiennent que la société Tunstall Healthcare Group Limited doit être mise dans la cause car elle a initié et dirigé les négociations pour le compte de sa filiale, la société Tunstall Group Acquisition Limited qui n'est qu'un véhicule d'investissement comme en attestent les offres présentées par la société Tunstall Healthcare Group Limited.

La cour relève que l'action engagée par les sociétés intimées est une action fondée sur la responsabilité contractuelle trouvant son origine dans le contrat de cession conclu entre la société Loc-Infor et la société Tunstall Group Acquisitions Limited le 2 avril 2013. Il est exact, comme le soutiennent les intimées, que les négociations ont été menées par la société Tunstall Healthcare Group Ltd, société mère de la société cessionnaire, et notamment par Monsieur [E], en sa qualité de CEO de Tunstall Healthcare Group et non de Tunstall Group Acquisitions. Cependant les fautes reprochées ne sont pas celles qui auraient été commises à l'occasion des négociations mais des fautes trouvant leur fondement dans le contrat de cession. La société Tunstall Healthcare sera donc mise hors de cause en ce qui concerne sa responsabilité contractuelle.

Pour ce qui est de sa responsabilité délictuelle relative à des actes de concurrence déloyale, la cour constate que seule la responsabilité de la société Tunstall Group Acquisition et de Vitaris est recherchée. La société Tunstall Healthcare Group sera donc mise également hors de cause sur ce chef de demande.

La société Tunstall Healthcare Group sera donc mise hors de cause et le jugement infirmé sur ce point.

Sur la conclusion du contrat

Les sociétés Tunstall soutiennent qu'en considérant qu'il manquait 1,46'% des 19.000 connexions qui «auraient pu faire l'objet d'un ajustement de prix», les premiers juges ont non seulement dénaturé les termes pourtant clairs et précis du contrat qui prévoyait la fourniture d'au moins 19.000 connexions mais sont allés plus loin en ajoutant une clause d'ajustement de prix qui n'existait pas et que les parties n'auraient pas manqué de prévoir si elles l'avaient souhaité. Elles rappellent que la sécurité juridique et la sauvegarde de l'économie du contrat rendent impossible la sanction d'un créancier qui demande l'exécution de sa créance, sauf à porter atteinte à la substance des droits et obligations légalement convenus entre les parties et qu'il est parfaitement contestable de constater que le résultat était presqu'atteint pour considérer l'obligation acquise.

Elles soutiennent que la question du nombre de connexions a été au coeur des discussions dès la signature des lettres d'intention à l'automne 2012 et que le seuil de 19.000 connexions constituait une obligation essentielle du contrat de cession, les connexions représentant la valeur commerciale de l'entreprise et les titres de la société, objet de la cession, n'étant que le support de cette valeur. Elles soutiennent que ce nombre de connexions avait d'abord été fixé à 23.180 pour être ensuite ramené au nombre de 19.000 et que les stipulations du contrat de cession ne souffrent d'aucune ambiguïté à ce sujet puisque ce nombre est rappelé tant dans les stipulations relatives au prix de cession que dans la définition qui en est donnée en introduction du contrat.

Elles contestent l'allégation selon laquelle une clause d'ajustement de prix aurait été prévue à l'article 3.2 du contrat, l'objet de celui-ci étant simplement de prévoir un mécanisme d'ajustement simplifié du besoin en fonds de roulement de la société Serenitis à la date de réalisation de la vente. Elles font donc valoir que cet ajustement n'avait d'autre finalité que de neutraliser tout effet de valeur qui aurait pu provenir du décalage temporel de comptabilisation dans les livres comptables de la société Serenitis entre d'une part, les créances et les dettes d'exploitation et, d'autre part, les flux positifs ou négatifs de trésorerie y afférents et qu'ainsi, la société Loc-Infor aurait été fondée à demander le paiement au cessionnaire de la quote-part de toute créance d'exploitation échue pour la période antérieure à la date de closing et comptabilisée dans les livres comptables de la société Serenitis à la date du closing.

Elles contestent en outre les arguments avancés selon lequel un contrat de mai 2013 avec la ville de [Localité 2] n'aurait pas été comptabilisé alors que le décompte invoqué, dressé en juin 2013, l'a nécessairement pris en compte.

Les intimées soutiennent en revanche que les 19.000 connexions n'étaient qu'un objectif et un référentiel pour la détermination du prix et qu'un ajustement est expressément stipulé dans le contrat. Par conséquent, elles font valoir que l'obtention d'un nombre de connexions inférieur à ce nombre ne peut constituer un obstacle à la réalisation de la cession des titres de la société Serenitis et cela d'autant plus que l'objectif des 19.000 connexion avait été atteint par la société Loc-Infor grâce à de nouveaux contrats permettant la comptabilisation de 19.412 connexions dès le 13 mai 2013.

Aux termes des dispositions de l'article 1134 du code civil alors applicable 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

(...) Elles doivent être exécutées de bonne foi.'

Il appartient aux juges, lorsque les clauses du contrat ne sont pas claires et précises de rechercher la réelle volonté des parties.

En l'espèce, le contrat de cession mentionne le nombre de 19.000 connexions dans son article 3.2 relatif au prix d'acquisition. Cet article dispose que 'En contrepartie des dix-neuf mille (19.000) Connexions Actives (à l'exclusion des Connexions Actives EDF) l'Acquéreur paiera au Vendeur à la Date de Closing , (...)'.

La suite des dispositions relatives au prix ne fait aucune mention à une possibilité d'ajustement du prix selon le nombre de connexions. Contrairement à ce qu'affirment les intimées la clause de correction du prix n'est pas liée au nombre de connexions mais aux comptes clients courus et aux comptes fournisseurs courus, c'est à dire au montant des dettes dues par le vendeur et des dettes dues au vendeur. Un ajustement du prix est certes prévu à l'article 3.3 mais il ne concerne que le nombre de connexions EDF, connexions exclues du nombre de 19.000 connexions contrepartie du prix de cession mentionnées à l'article 3.2.

Le nombre de 19.000 connexions a été plusieurs fois discuté lors des négociations et il a été modifié, passant de 23.180 connexions dans la lettre d'intention du 26 septembre 2012 à 19.000 par la suite, notamment dans l'avenant du 29 janvier 2013 où il est mentionné comme nombre minimum de connexions.

Il ressort de ces éléments que le nombre de 19.000 connexions mentionné au contrat est bien la contrepartie du prix ainsi que le stipule l'article 3.2 précité du contrat et qu'il n'existe aucune clause d'ajustement du prix selon que le nombre de connexions est inférieur ou supérieur à 19000.

Dès lors il convient d'examiner si le nombre de 19000 connexions était atteint au moment du closing.

Selon le contrat une 'qualifiyng connection' ou connexion active dont le nombre doit atteindre 19000 'désigne une connexion qui est (i) une connexion principale (soit, à l'exclusion d'une connexion secondaire) (ii) en bon fonctionnement et générant des revenus et (iii) capable d'être transférée techniquement vers l'une des plates-formes de l'Acquéreur'.

Il ressort d'un courriel du 23 avril 2013 adressé par Monsieur [T] de la société Tunstall à son conseil que Monsieur [J], dirigeant de Loc-Infor lui a dit avoir 'à ce jour 21000 connexions se décomposant en :

'1000 avec téléassisteurs CDTS,

- 2800 EDF signées (téléassisteur Santé-Service)

- 6674 Ville de [Localité 5],

- 4000 dans les 21 collectivités locales (autres que VDP)

- 6526 Particuliers.'

Selon le contrat de cession seules 17200 connexions répondent à la définition de l'article 3.2 du contrat de cession et, comme le soutient Tunstall, même en ajoutant à ce chiffre le nombre de connexions sous traitées CDTS le chiffre de 19000 n'était pas atteint.

Dans un courriel daté du 13 mai 2013 le conseil des cédants demandait au conseil des cessionnaires s'ils voulaient bien comptabiliser 754 connexions résultant d'un contrat nouvellement conclu à [Localité 2]. Le conseil de l'acquéreur confirmait par courriel du même jour que son client acceptait de comptabiliser les 754 connexions.

Cependant ces connexions n'ont pas suffi puisque qu'il ressort d' un courriel adressé le 5 juin par Monsieur [J] à Monsieur [E] qu'il y a 'environ 19000" connexions et d'un autre courriel du 6 juin qu'il n'y a que 18722 connexions et qu'il accepte donc une réduction du prix de cession. Enfin, un courriel du conseil de Tunstall envoyé le 7 juin 2013, date du closing, précise qu'il a été constaté lors d'une réunion dans les locaux de Loc-Infor que 'le nombre de connexions susceptible d'être valablement apportées par Serenitis demeurait toujours inférieur à 19000, minimum requis par le SPA comme objet de la vente, en raison de différents sujets liés au consentement des autorités locales;'.

La société Loc-Infor ne produit aucune pièce qui établirait que le nombre de 19000 connexions était atteint avant le closing et les courriels qu'elle a adressé à Tunstall montrent à l'inverse que le chiffre de 19000 connexions n'était pas atteint à la date du closing prévu le 7 juin 2013.

Dès lors la cour constate que la société Loc-Infor, en ne fournissant pas les 19000 connexions n'a pas rempli ses obligations résultant du contrat de cession.

Cependant les négociations ont continué jusqu'au début du mois d'août, date à laquelle Loc-Infor a rompu les discussions en assignant Tunstall devant les tribunaux. Cette rupture était motivée par les demandes de Tunstall relatives à la fourniture de documents comptables de Serenitis.

Il résulte de ces éléments que, bien que ce ne soit pas Tunstall qui ait rompu le contrat de cession mais Loc-Infor, il n'en demeure pas moins que l'objet du contrat, l'obligation relative à un minimum de 19000 connexions, n'a pas été remplie par Loc-Infor.

Sur la réalisation des conditions suspensives

Les sociétés Tunstall soutiennent en outre que la majorité des conditions suspensives n'étaient pas levées à la date prévue par le contrat, à savoir au 1er mai 2013, que cette absence de réalisation est imputable aux intimées alors qu'elles n'ont eu de cesse de leur rappeler que la réalisation de ces conditions était indispensable à la réalisation de la transaction. Elles ajoutent que ces conditions n'ont pas non plus été levées malgré les reports de dates de closing accordées par la société Tunstall Group Acquisitions Limited justement pour laisser une chance à la cession de se faire.

Elles rappellent que les conditions sont soumises au principe d'indivisibilité ce qui signifie qu'une condition n'est réputée accomplie que si elle l'est intégralement, qu'à l'inverse, un accomplissement partiel de la condition équivaut à une défaillance et qu'il y a défaillance de toutes les conditions dès lors que toutes ne sont pas accomplies lorsque l'obligation est contractée sous plusieurs conditions suspensives. Elles ajoutent qu'il ne peut leur être reproché, en tant que bénéficiaire des conditions, de ne pas procéder à la réalisation du contrat si ces dernières n'ont pas été levées. Elles soutiennent donc que la société Tunstall Group Acquisitions Limited ne pouvait voir sa responsabilité contractuelle engagée, à défaut de réalisation de ces conditions.

Précisément sur l'absence de levée des conditions, elles font tout d'abord valoir que l'accomplissement de la restructuration n'a été finalisée qu'au 23 mai 2013, date d'approbation de l'apport partiel d'actif par l'assemblée générale de la société Loc-Infor et que cette opération a été réalisée sur la base d'un état comptable irrégulier en violation des dispositions applicables à ce type d'opérations. Elles ajoutent que les collectivités territoriales cocontractantes qui devaient donner leur autorisation inconditionnelle à l'opération ne l'ont pas fait, pour au moins dix d'entre elles selon le tableau communiqué par les intimées daté du 5 juin 2013, faute pour la société Loc-Infor de les avoir suffisamment et précisément informées sur la nature et les caractéristiques de l'opération. Elles ajoutent que la société Loc-Infor n'a jamais remis de documents permettant de vérifier le nombre de connexions EDF nécessaire à la fixation du complément du prix dix jours avant la réalisation de la vente comme il était prévu au contrat de cession et permettant de s'assurer que le nombre de connexions sous-traités à la société Europ Assistance était bien inférieur à 380 alors que ce nombre varierait entre 564 et 580 et que la pièce communiquée faisant état d'un transfert de connexions qui aurait eu lieu le 13 mai 2013 est inopérante, celle-ci ne faisant pas état du nombre de connections transférées, seul ce nombre permettant de savoir si la condition était ou non satisfaite à cette date. Elles ajoutent enfin que le projet de cession par la société Loc-Infor de son activité de location, matérialisé par un contrat de cession le 14 juin 2013, a constitué un événement qui a entraîné un changement significativement défavorable sur l'activité, les opérations, les bénéfices, les actifs et les conditions financières de la société matérialisant ainsi un défaut de réalisation de la dernière condition suspensive stipulée au contrat.

Les intimées rappellent que la société Tunstall Group Acquisition Limited a formulée de nouvelles demandes en juin 2013, en particulier des audits, qui démontrent qu'elle avait renoncé aux conditions suspensives sinon elle aurait mis un terme à l'opération depuis mai 2013 si ces conditions n'étaient pas remplies. Elles ajoutent que le transfert de propriété et le paiement du prix ne sont plus retardés même en présence de conditions suspensives dès lors que le bénéficiaire exécute volontairement le contrat. Elles soutiennent par conséquent que la caducité normalement attachée à la non-réalisation des conditions suspensives doit être écartée et que le contrat doit s'appliquer selon les conditions initiales.

Elles soutiennent que dans un courriel du 7 juin 2013, la société Tunstall Group Acquisition Limited considérait que seules trois conditions stipulées dans le contrat de cession, dont la condition relative aux 19.000 connexions qui n'est en réalité pas une condition suspensive mais une condition de détermination du prix, n'étaient pas réalisées et qu'a contrario, les autres étaient donc levées. S'agissant de la condition relative aux accords des cocontractants, elles soutiennent que la société Loc-Infor s'était engagée à obtenir l'accord de 22 collectivités représentant un total de 10.381 connexions et que, si des difficultés rédactionnelles de la première lettre sont apparues, un second envoi dont les termes permettaient de satisfaire à cette condition a été adressé par la suite qui a permis d'obtenir l'accord écrit ou verbal de la majorité des collectivités. Elles ajoutent que seules 337 connexions de la mairie de [Localité 3] n'ont pas pu bénéficier d'un accord du fait que le contrat avec cette mairie était en cours de renouvellement et qu'il avait donc été décidé de signer un avenant afin de traiter ce cas spécifique.

S'agissant de la condition relative au nombre de connexions sous-traitées, elles soutiennent que cette condition n'a pas été réalisée en raison de l'absence de coopération de la société Tunstall Group Acquisition Limited pour reprogrammer ces connexions.

Quant aux autres conditions qui n'auraient pas été réalisées selon les appelantes, les intimées rappellent que la restructuration a été réalisée au 24 mai 2013, c'est-à-dire avant la date de closing arrêtée au 7 juin 2013 et que si cette date est postérieure au premier délai de réalisation des conditions prévu, ce retard ne peut leur être imputé mais est uniquement dû aux demandes supplémentaires de la société Tunstall Group Acquisition Limited.

L'article 4 du contrat de cession prévoit sept conditions suspensives. Selon Tunstall les conditions figurant à l'article 4.1(b), 4.1(c) , 4.1(d), 4.1(e) et 4.1 (f) n'ont pas été remplies.

- Article 4.1(b). Cette condition est un engagement de Serenitis à obtenir avant le closing l'autorisation inconditionnelle de chaque client ou collectivité territoriale. Il ressort des tableaux produits par Serenitis que tous les accords n'étaient pas obtenus au 6 juin 2013 puisqu'il manquait l'accord de 10 collectivités sur 22. L'argument de Loc-Infor selon lequel les accords écrits des municipalités manquantes n'étaient pas nécessaires sera écarté puisque c'est Loc-Infor lui même qui a communiqué le tableau sur lequel il est apparaît que les accords ne sont pas tous finalisés. De même elle produit un avenant au contrat de cession relatif à cette condition mais n'établit pas que cet avenant aurait été approuvé et signé.

- Article 4.1(c) : condition selon laquelle le produit du nombre de connexions EDF et du prix contractuel devait être supérieur à 755.452 euros. Loc-Infor n'a pas remis à Tunstall les documents lui permettant de vérifier le nombre de connexions EDF, rendant ainsi impossible la vérification de cette condition. Loc-Infor ne répond pas sur ce point. La cour considère en conséquence que cette condition n'était pas levée.

- Article 4.1(d): condition selon laquelle le nombre de connexions sous-traitées à Europ Assistance devait être inférieur ou égal à 380. Loc-Infor admet que la condition n'a pas été remplie et peu importe que la solution alternative qu'elle a proposé n'ait pas été acceptée par Tunstall avant le 11 juin 2013.

- Article 4.1(e) : condition relative à l'exactitude et à la sincérité des déclarations et garanties du vendeur. Tunstall considère que cette condition n'était pas remplie car elle n'avait pas la certitude que l'apport avait été réalisé sur la foi d'un état comptable établi selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel. La cour note que Tunstall n'établit pas que les déclarations et garanties fournies par Loc-Infor n'étaient pas exactes ou sincères. Dès lors la cour ne retiendra pas la non réalisation de cette condition.

- Article 4.1(f) : condition selon laquelle il ne devait pas y avoir un 'changement défavorable significatif', ces termes étant définis dans le contrat. Le projet de cession par Loc-Infor de son activité de location, matérialisé par un contrat de cession du 14 juin 2013, constituerait selon Tunstall un tel événements. Cependant Tunstall n'explique pas en quoi cette cession entre dans la définition de l'article 4.1 (f). La violation de cette condition ne sera donc pas retenue.

Loc-Infor, qui fait valoir que Tunstall avait renoncé aux conditions suspensives hormis celles relatives au nombre de 19000 connexions, à l'accord des municipalités et au nombre de connexions sous-traitées à Europ Assistance , n'a pas respecté les conditions figurant aux articles 4.1(b), 4.1(c) et 4.1(d). Quant au nombre de 19000 connexions la cour a déjà établi qu'il ne s'agissait pas d'une condition.

Cependant elle soutient encore que Tunstall en prenant possession du fonds de commerce de Joffre capital a renoncé par son comportement aux conditions suspensives.

Sur le commencement d'exécution du contrat

Les intimées soutiennent, qu'en prenant possession des actifs de la société Serenitis bien avant la réalisation de la cession, les appelantes avaient commencé à exécuter le contrat. A cette fin, elles rappellent que le 10 juin 2013 la société Vitaris recevait les premiers appels des clients de la société Serenitis à la suite du transfert des connexions en date du 4 juin 2013. Elles soutiennent que ce transfert s'est opéré en deux temps, tout d'abord par le transfert des logiciels permettant la totale opérabilité des transmetteurs de téléassistance à partir du plateau d'écoute le 16 mai 2013 puis par le transfert de la base de données de la société Serenitis, c'est-à-dire des fichiers clients, remise le 4 juin 2013. Elles ajoutent que, parallèlement, la société Tunstall Group Acquisition Limited s'est présentée deux jours plus tard comme le nouvel employeur des salariés de la société Serenitis et a organisé le transfert des salariés vers leur nouveau lieu de travail.

Les appelantes soutiennent n'y avoir eu commencement d'exécution du contrat de cession et donc renonciation à la levée des conditions suspensives, les connexions n'ayant jamais été transférées au cessionnaire, pas plus que cette dernière ne s'étant comportée comme l'employeur des salariés de la société Serenitis. Elles font valoir, en tout état de cause, qu'une renonciation aux conditions suspensives aurait nécessité un acte non équivoque caractérisé soit par une volonté expresse, soit par la réalisation d'actes positifs et que la société Tunstall Group Acquisition Limited n'a jamais manifesté, ni expressément, ni tacitement, la volonté de renoncer à la réalisation des conditions suspensives.

Elles soutiennent en effet que si un représentant de la société Tunstall Group Acquisition Limited est bien allé à la rencontre des salariés de la société Serenitis le 6 juin 2013 pour les informer de la cession projetée, celui-ci, qui employait le conditionnel et rappelait l'existence de nombreuses conditions suspensives, ne pouvait légitimement savoir que la cession ne se ferait finalement pas le lendemain. Elles ajoutent que la réponse faite à la question d'un salarié inquiet d'un éventuel changement de lieu de travail ne peut permettre à elle seule de caractériser une exécution du contrat.

Elles soutiennent en outre que le transfert des fichiers clients et des logiciels ne correspondait pas au transfert des connexions et donc à l'exploitation de l'activité de la société Serenitis. Selon elles le transfert de ces fichiers avait pour simple objectif de s'assurer qu'ils ne seraient pas détruits ou dégradés au moment où la société Tunstall Group Acquisition Limited en prendrait possession et que ces fichiers seraient précisément détruits dans l'hypothèse où le closing ne se ferait pas. Quant à l'installation des logiciels, elles soutiennent que celle-ci était indispensable pour permettre la réception des connexions au jour du closing car la cession de l'activité de la société Serenitis impliquait nécessairement, ce qui est d'ailleurs couramment effectué dans ce type d'opérations, des actes préparatifs préalables à la cession pour que le transfert puisse effectivement avoir lieu le jour du closing. Elles rappellent enfin que si elles ont bien reçu des appels téléphoniques de clients peu avant le closing, ceux-ci n'avaient qu'un caractère administratif et ne pouvaient caractériser le transfert des connexions de téléassistance, la ligne téléphonique administrative étant différente de celle consacrée à la téléassistance. Elles ajoutent sur ce point que lorsque la société Tunstall Group Acquisitions Limited s'est rendue compte qu'elle recevait d'ores et déjà des appels de clients de la société Serenitis, elle a redirigé ces appels vers cette dernière et l'en informa immédiatement pour qu'elle y remédie.

Il est constant que la société Tunstall a réceptionné le 16 mai 2013 un serveur Cloud contenant l'intégralité des logiciels de Loc-Infor et le 4 juin 2013 la base de données de Joffre Capital, c'est à dire les fichiers clients. Il est également constant que le 6 juin 2013 Monsieur [T], représentant de Tunstall, a été présenté à sa demande aux salariés et leur a indiqué qu'ils seraient intégrés aux équipes Tunstall le 10 juin.

Cependant, la cour relève que, compte tenu de l'activité cédée, la téléassistance aux personnes âgées, il était nécessaire pour Tunstall et sa filiale Vitaris, de vérifier le fonctionnement des logiciels et d'avoir immédiatement la base de données afin d'éliminer tout délai de latence entre la cession et le début de la prise en charge par le cessionnaire afin que les connexions puissent être réceptionnées immédiatement, dès le closing, par la nouvelle société.

Il n'est pas établi que la base de données ait été utilisée par Tunstall ou sa filiale Vitaris. Il résulte d'un courrier adressé par Tunstall à Serenitis le 10 juin 2013 que Vitaris avait reçu 4 appels téléphoniques de clients de Serenitis qui étaient des appels administratifs et non des connexions de téléasssistance de clients. Il n'est ni établi ni soutenu que Vitaris aurait reçu des connexions de téléassistance. Au demeurant il ne pouvait techniquement y avoir de connexions puisque celles ci étaient hébergées jusqu'au closing dans un serveur 'Be Cloud' dont la mise en service avait été confiée à la société In Quarto, ainsi qu'il résulte d'une pièce communiquée par Tunstall.

Dès lors, le transfert des logiciels sur le fichier Cloud et la transmission de la base de données ne peuvent être analysées comme étant un commencement d'exécution mais seulement un acte préparatoire à l'exécution de la cession.

Il en est de même de la présentation de Monsieur [T] au personnel de Joffre Capital qui fait partie de la préparation du transfert en douceur du personnel d'une société vers l'autre. La cour discerne mal quel aurait été le but de cette présentation si Tunstall n'avait finalement pas l'intention de finaliser le Share Purchase Agreement.

La cour considère en conséquence qu'il n'y a pas eu commencement d'exécution du contrat de cession valant renonciation aux conditions suspensives.

Sur la concurrence déloyale

Les sociétés appelantes font valoir qu'en demandant à Loc Infor de lui transmettre les connexions avant la réalisation du closing, Tunstall et sa filiale Vitaris ont détourné les actifs de Joffre Capital . Elles s'appuient sur un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 26 juin 2014, sur un paragraphe du SPA, et sur un courrier de Monsieur [F] d'avril 2015.

La cour relève que le jugement du 26 juin 2014 est relatif à des actes de concurrence déloyale commis indirectement en 2012, soit bien avant les transferts de fichiers, au profit de Vitaris, qui n'est pas dans la cause. Le paragraphe 5.13 du SPA qui est relatif au désistement d'actions en justice n'établit pas les actes de concurrence déloyale et enfin n'apparaît pas , en 2012, soit bien avant le transfert des fichiers. Quant aux courriers de Monsieur [F], il en ressort qu'il a été démarché par un certain Monsieur [P] qui lui a fait signer un nouveau contrat au profit de Vitaris. Outre le fait qu'il s'agit d'un seul cas, isolé, la cour relève que la société Vitraris n'est pas dans la cause d'une part et que le statut de Monsieur [P] n'est pas connu de la cour.

Ces allégations sont insuffisantes à établir des actes de concurrence déloyales de la part de la société Tunstall.

La cour déboutera en conséquence la société Loc Infor de sa demande fondée sur la concurrence déloyale.

Sur le préjudice

La cour n'examinera pas les demandes de la société Loc Infor et de la société Joffre Capital, aucune faute n'ayant été retenue à l'encontre de la société Tunstrall.

Sur le comportement déloyal de Loc Infor

La société Tunstall Group acquisition Limited soutient que la société Loc-Infor a fait preuve d'une profonde déloyauté, que les multiples carences auxquelles il convient d'ajouter la répétition de comportements déloyaux voire dolosifs, ont empêché la réalisation de la cession et que la société Loc-Infor doit donc supporter l'entière responsabilité de l'échec de l'opération et réparer le préjudice subi par la société Tunstall Group Acquisition Limited. A cette fin, elle soutient qu'elle n'avait pas réalisé l'apport partiel d'actifs dans les délais convenus, qu'elle n'a pas remis les documents nécessaires aux dates convenus, qu'elle a sciemment retardé le processus de cession et la date du closing, qu'elle a mal informé les collectivités territoriales de l'opération envisagée et qu'elle a cédé en parallèle sa deuxième branche d'activité de location de matériels informatiques ce qui avait pour effet de vider de toute substance la garantie qu'elle leur avait octroyée au titre du contrat de cession. Enfin, elles font valoir que la société Loc-Infor n'a jamais cessé de laisser croire à la société Tunstall Group Acquisition Limited que la réalisation de la cession serait possible. Ces comportements ont entraîné des frais considérables pour la société Tunstall Group Acquisition Limited et notamment 75.860 euros au titre des frais d'audit, 53.333,34 euros au titre des frais de conseil et 225.546,80 euros en frais de conseil juridique soit la somme totale de 354.740,14 euros. Elle se prévaut également d'une perte de chance de pouvoir réaliser l'acquisition qui peut être évaluée, a minima et compte tenu du caractère avancé du processus d'acquisition, à 75'% de l'EBITA de la société Serenitis, soit la somme de 797.250 euros et ce, sans même tenir compte des économies d'échelle et autres synergies attendues de l'opération. Enfin, pensant légitimement que la cession allait se réaliser, la société Tunstall Group Acquisition Limited a en outre engagé des frais importants dans le cadre de travaux d'extension destinés à accueillir l'infrastructure et le personnel de la société Serenitis dont le montant s'élève à la somme de 27.043,25 euros. Elles ont consacré des ressources humaines importantes en dédiant plusieurs de ses salariés quasiment à plein temps sur ce dossier et que ce poste de préjudice peut être forfaitairement estimé à 200.000 euros.

Les intimées soutiennent ne pas être responsables des retards qui lui sont imputées par les appelantes ou de la non réalisation des titres de la société Serenitis. Elles reprochent au contraire aux appelantes d'avoir empêché la réalisation du closing par leurs demandes nouvelles et par leur refus de signer le contrat arguant de l'absence de dette de la nouvelle structure résultant de l'opération d'apports partiels d'actif qui avait justement été spécialement conçue à cette fin.

La cour relève en premier lieu que la société Tunstall ne rapporte pas la preuve de comportements déloyaux ou dolosifs de la part de la société Loc Infor ou de la société Joffre Capital dans le processus de cession. Il apparaît en effet à la lecture des courriers envoyés que les sociétés cédantes avaient compris le nombre de 19000 connexions comme étant un but à atteindre avec possibilité d'ajustement du prix s'il n'était pas atteint alors que les cessionnaires les considéraient comme l'objet de la cession. De même la définition des connexions a fait l'objet de plusieurs courriers montrant la différence de compréhension entre les parties.

Dès lors si l'échec de la cession est principalement imputable à la société Loc Infor, il n'est cependant pas établi qu'elle a commis des actes de déloyauté ou des actes dolosifs.

La cour relève également que les négociations ont duré très longtemps et que la date de closing a été reportée à de nombreuses reprises, parfois du fait de la société Loc Infor qui n'avait pas transmis les éléments nécessaires mais aussi parfois du fait de la société Tunstall qui a sollicité, tardivement, de nouveaux documents. Ainsi, et alors qu'il apparaissait que la société Loc Infor n'avait pas les 190000 connexions et que les conditions du contrat n'étaient pas toutes remplies, la société Tunstall a nommé un cabinet d'audit et a sollicité des documents comptables. La société Tunstall aurait pu arrêter les négociations bien plus tôt au regard des manquements de la société Loc Infor et éviter des frais dont elle réclame aujourd'hui le remboursement.

Au regard de ces considérations il sera allouée à la société Tunstall Ecquisition Group à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de l'échec de la cession la somme de 50.000 euros.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Tunstall Group Acquisition la charge des frais qu'elle a du exposer et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il lui sera allouée la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 2 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris,

Statuant à nouveau,

MET la société Tunstall Healthcare Groupe Limited hors de cause,

DÉBOUTE la société Loc Infor Développement et la société Joffre Capital de leurs demandes,

CONDAMNE solidairement la société Loc Infor Développement et la société Joffre Capital à payer à la société Tunstall Group Acquisition Limited la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de leur responsabilité dans l'échec de la cession,

CONDAMNE solidairement la société Loc Infor Développement et la société Joffre Capital à payer à la société Tunstall Group Acquisition Limited la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement la société Loc Infor Développement et la société Joffre Capital aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/02280
Date de la décision : 12/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°17/02280 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;17.02280 ?
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