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12/09/2019 | FRANCE | N°17/00779

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9, 12 septembre 2019, 17/00779


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9



ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00779 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2MBA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 novembre 2016 - Tribunal d'Instance de PARIS (10ème)- RG n° 11-15-000333





APPELANTE



SARL [1] agissant poursuites et diligences en la pe

rsonne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00779 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2MBA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 novembre 2016 - Tribunal d'Instance de PARIS (10ème)- RG n° 11-15-000333

APPELANTE

SARL [1] agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIMÉE

Association [2]

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 2]

Espace Interprofessionnel Alésia

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA - VIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme [professionnel I] [professionnel K], conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. [professionnel B] [professionnel G], Président

Mme [professionnel M] [professionnel D], Conseiller

Mme [professionnel I] [professionnel K], Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme [professionnel F] [professionnel X]

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. [professionnel B] [professionnel G], Président et par Mme [professionnel Z] [professionnel O], Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 2 août 2013, le juge de proximité de FLERS déclarait incompatibles avec l'article 1 du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CSDH) du 30 mars 1952, tel qu'amendé par le protocole n° 11, les arrêtés des 31 mars 2008 et 16 septembre 2008 pris par l'autorité administrative selon délégation ministérielle, étendant à des personnes non adhérentes aux organisations professionnelles membres de l'association [2], l'obligation de payer des cotisations dites volontaires obligatoires (CVO).

Par arrêt en date du 15 mai 2015, la cour d'appel de Caen infirmait l'arrêt rendu par le juge de proximité de FLERS, en considérant que les cotisations litigieuses constituent des contributions qui ne relèvent pas de la réglementation de l'usage des biens mais de celle visant à garantir le paiement d'autres contributions, pour laquelle la justification de l'intérêt général poursuivi n'est pas exigée par l'alinéa 2 de l'article 1er du protocole additionnel à la CEDH. Que le premier juge avait donc, à tort, jugé que l'absence de justification d'un tel intérêt rendait les arrêtés d'extension litigieux, incompatibles avec le protocole additionnel. La cour a conclu que les règles posées par l'article en question, n'imposent pas à l'organisme interprofessionnel reconnu, en l'occurrence VAL'HOR, de faire la preuve de la conformité à l'intérêt général de l'usage des cotisations qu'elle perçoit, lorsqu'elle poursuit les membres des professions la constituant en paiement de ces cotisations.

Par arrêt en date du 30 novembre 2016, la Cour de cassation cassait et annulait en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Caen, remettait en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt et les renvoyait devant la cour d'appel de Rouen.

Par acte du 13 avril 2015, l'association [2] assignait la société [1], devant le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de PARIS, aux fins d'obtenir le paiement des sommes de 2 392 euros au titre des cotisations interprofessionnelles majorées, dues pour les années 2009 et 2010, de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association [2] indiquait que les cotisations étaient dues sur le fondement de l'article L. 632-6 du code rural et que cette association était reconnue en qualité d'organisation interprofessionnelle par arrêté du 13 août 1998. Elle indiquait que la société [1] avait été mise en demeure de payer les cotisations en janvier et en février 2015, avec majoration des cotisations.

La société [1] soulevait la prescription de l'action et faisait valoir que les cotisations de 2008 et 2009 n'avaient été demandées qu'en 2015. Elle sollicitait la condamnation de l'association [2] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour action agressive.

Par jugement contradictoire en date du 23 novembre 2016, le tribunal d'instance du 10ème arrondissement de PARIS :

- condamnait la société [1] à payer à l'association [2], la somme de 2 392 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 février 2015, ainsi que des dommages et intérêts à hauteur de 400 euros,

- ordonnait la publication du jugement, aux frais de la société [1], dans l'hebdomadaire « la lettre du végétal » et le mensuel « informations fleuristes ».

Le tribunal jugeait que la société [1], professionnelle, ne pouvait être considérée comme un consommateur et que la prescription quinquennale ne s'applique pas lorsque la créance dépend d'éléments non connus du créancier, de sorte qu'en l'espèce l'action n'était pas prescrite.

Le tribunal relevait que la société [1] ne contestait pas le calcul des cotisations réclamées, mais surtout, il fondait sa décision sur une décision du 19 février 2015 rendu par le président du tribunal de grande instance de PARIS, selon laquelle « les Etats peuvent adopter les textes nécessaires pour assurer le paiement de contributions, sans avoir à justifier de la poursuite d'un intérêt général, justification qui n'est requise par le texte que pour la première possibilité, lorsqu'il s'agit pour les Etats de réglementer l'usage des biens, alors qu'en l'occurrence le paiement de cotisations relève du simple paiement de contributions », et qu'ainsi, le paiement des cotisations professionnelles entre dans la catégorie des contributions et non de l'usage d'un bien, de sorte que les cotisations litigieuses avaient bien une base légale, justifiant la condamnation de la défenderesse.

Par déclaration en date du 9 janvier 2017, la société [1] a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 avril 2017, la société [1] demande à la cour de :

- retenir la compétence de la cour à connaître du litige né de l'incompatibilité d'actes administratifs unilatéraux avec la loi européenne,

- accueillir la SARL [1] en ses demandes et moyens et y faire droit,

- relever que l'Association [2] n'allègue ni ne démontre avoir assumé aucune mission ni engagé la moindre action d'intérêt général ou d'utilité publique qui auraient fait ou pu faire l'objet d'une procédure d'extension justifiant la perception de cotisations volontaires obligatoires (CVO) pour leur financement,

- juger que les cotisations volontaires obligatoires réclamées à l'appelant par l'association [2] ne peuvent être assimilées aux "autres contributions" visées à l'alinéa 2 de l'article 1 du protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du 20 mars 1952 tel qu'amendé par le protocole n°11,

- juger qu'aucun acte public ou privé portant atteinte au droit de propriété ne peut être pris sans référence à une cause d'utilité publique ou d'intérêt général,

- juger les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche des 16 septembre 2008, 27 mai 2010 et 3 octobre 2011, incompatibles avec l'article 1 du protocole additionnel n°1 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du 20 mars 1952 tel qu'amendé par le protocole n°11,

- juger que les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche des 16 septembre 2008, 27 mai 2010 et 3 octobre 2011 étant incompatibles avec la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, les actions engagées par l'Association [2] contre la SARL [1] contraires à la loi européenne qui s'impose au droit des Etats, ne peuvent être poursuivies, et les annuler,

- vu l'annulation de l'arrêt de la Cour de Caen du 15 mai 2016 et le rétablissement de la cause et des parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt, constater que le jugement de la Juridiction de proximité de Flers retrouve définitivement l'autorité de la chose jugée qu'il avait acquise au jour de son prononcé le 13 août 2013,

- juger que ce jugement rendu en dernier ressort à force de chose jugée avec toutes les conséquences de droit,

- à titre subsidiaire, juger avec toutes conséquences de droit que l'intimé n'a pas qualité à agir contre l'appelant et que l'appelant n'a pas qualité à défendre contre l'action de l'intimé,

- en conséquence et en tout état de cause, débouter l'association [2] de toutes ses prétentions et demandes,

- juger l'action intentée par l'association [2], sans fondement légal, abusive et vexatoire,

- vu l'article 1382 du Code civil, juger que la SARL [1] subit un dommage matériel et moral du fait de cette action agressive perpétrée à son encontre, et condamner l'association [2] à payer à la SARL [1] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qui en résulte avec capitalisation des intérêts moratoires aux conditions de l'article 1154 du Code civil,

- allouer à la SARL [1] la somme de 4 000 euros en couverture de ses frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, l'appelante fait valoir qu'à la décision du juge de proximité de FLERS rendue le 2 août 2013 en dernier ressort, doit être attachée l'autorité de la chose jugée, puisque par la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Caen, la cause et les parties sont remises dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt.

La société [1] fait valoir que la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CSDH) garantit le droit au respect des biens qui est assimilé au droit de propriété et qu'il en résulte que ce droit fondamental s'applique à toute personne privée ou publique, sauf exception prévue par la loi pour cause d'utilité publique, et aussi à l'Etat qui garde le droit d'y porter atteinte par la loi pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. L'appelante expose ainsi que le terme "contributions" désigne les contributions publiques prélevées par l'Etat comme par exemple la CSG ou autres contributions de solidarité, de sorte que l'objection faite par l'association [2] suivant laquelle les CVO entreraient dans la catégorie des "impôts ou d'autres contributions ou des amendes" visées au paragraphe 2 de l'article 1, est erronée.

La société [1] fait valoir que le mécanisme qui sous-tend l'application de l'article L. 632-6 du code rural n'est pas de nature contractuelle puisque l'assujetti n'est lié par aucun contrat avec l'association [2] et n'a aucun lien juridique avec ses membres puisqu'il n'est adhérent à aucun des syndicats membres de l'association [2]. Il ne pourrait donc qu'être constaté que ce dispositif a consisté à créer un rapport d'obligation entre deux personnes privées, sans qu'elles ne soient liées par aucun lien contractuel ou quasi délictuel ou de responsabilité, de sorte que le rapport d'obligation ainsi créé ne peut qu'être qualifié de singulier mais demeure légal, sous la réserve qu'il soit justifié par un motif d'intérêt général ou pour une cause d'utilité publique. L'appelante soutient qu'en l'espèce, l'association [2] n'allègue ni ne démontre avoir assumé aucune mission ni engagé la moindre action d'intérêt général ou d'utilité publique qui auraient fait l'objet d'une procédure d'extension, justifiant la perception de CVO pour leur financement.

L'appelante soutient encore qu'en aucun cas l'intérêt général ne peut être généré par un seul intérêt particulier ou catégoriel et que c'est en ce sens que le juge de proximité de FLERS a, à juste titre, considéré qu'il y avait antinomie entre l'intérêt catégoriel des professions horticoles et l'intérêt général de l'ensemble de la population.

L'appelante expose qu'en cassant et annulant l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, la Cour de cassation a mis définitivement fin au débat autour de l'interprétation erronée du terme « contribution » adopté par les juridictions judiciaires. De plus elle expose qu'il résulte de cette constatation que le jugement de FLERS, confirmé par la Cour de Cassation, est devenu définitif et que les cotisations appelées et recouvrées par l'association [2] pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011 au visa des arrêtés d'extension correspondants jugés incompatibles avec le Protocole additionnel à la CESDH du 20 mars 1952, devront être restituées à tous les fleuristes, horticulteurs et autres agents économiques poursuivis avec toutes conséquences de droit.

L'appelante soutient l'absence de qualité à défendre de l'appelant et la prescription de la demande de l'association [2].

L'appelante sollicite le versement la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif qu'elle subirait un dommage matériel et moral du fait de l'action agressive quasi délictueuse perpétrée à son encontre par l'association [2].

Par ordonnance d'incident en date du 4 juillet 2017, le conseiller de la mise en état a déclaré l'association [2] irrecevable à conclure.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2019.

SUR CE,

Sur la prescription de la demande en paiement des cotisations :

L'appelante se fonde sur les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation, prévoyant une prescription biennale en matière de prestation de services, pour soutenir que les CVO réclamées pour les années 2008 et 2009, contenues dans l'assignation du 13 avril 2015, ne peuvent plus être poursuivies en paiement, l'action étant prescrite depuis le 1er janvier 2010 pour l'année 2008 et depuis le 1er janvier 2011 pour l'année 2009.

Elle ajoute que subsidiairement, la prescription de droit commun quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil, est acquise depuis le 1er janvier 2013 pour la somme concernant l'année 2008 et depuis le 1er janvier 2014 pour la demande visant l'année 2009.

Cependant, l'appelante ne sollicite pas le prononcé de la prescription, parce qu'elle demande essentiellement à la cour de statuer sur les moyens de fond.

En tout état de cause, la société [1] ne peut soulever les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation, puisqu'elle est une professionnelle exerçant une activité commerciale, notamment d'achat et de vente de végétaux, pas plus que la prescription quinquennale puisque celle-ci ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier, en particulier lorsqu'ils résultent de déclarations que le débiteur était tenu de faire, et n'a pas fait en l'occurrence s'agissant de la société [1], puisque l'association [2] appelle en paiement des cotisations procédant d'une évaluation d'office, justifiée par la violation par la débitrice de ses obligations déclaratives, en ce qu'elle a systématiquement refusé de retourner ses bordereaux de déclaration annuelle, cotisations qui n'ont pu par conséquent être appelées que le 17 février 2015, ainsi qu'il en est justifié, de sorte que la prescription quinquennale n'a pas pu courir avant cette date.

Il s'ensuit que le jugement sera donc confirmé sur cette question.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement des cotisations :

L'article 1er, relatif à la protection de la propriété, du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, du 20 mars 1952 tel qu'amendé par le protocole n°11, dispose que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

Par jugement du 2 août 2013, le juge de proximité de FLERS a déclaré que les arrêtés des 31 mars 2008 et 16 septembre 2008, pris par l'autorité administrative par délégation ministérielle, étendant à des personnes non adhérentes aux organisations professionnelles membres de l'association [2], l'obligation de payer des cotisations dites volontaires obligatoires, sont incompatibles avec l'article 1er de la CSDH.

En effet, les objectifs énumérés par les statuts de l'association [2] et par les accords interprofessionnels étendus ne seraient « susceptibles de profiter qu'à un groupe professionnel déterminé, en l'espèce les horticulteurs, et non pas à l'ensemble de la population » et que « on ne peut déduire un intérêt général de la simple utilité d'un objectif catégoriel », un intérêt catégoriel tel que l'intérêt de la filière horticole ne pouvant être assimilé à l'intérêt général. Le juge en a déduit que les arrêtés d'extension étant contraires à l'article 1er du protocole additionnel, les poursuites exercées par l'association ne pouvaient « se fonder sur aucune base légale ».

Par arrêt du 15 mai 2015, la cour d'appel de CAEN a considéré que les cotisations litigieuses constituent des contributions au sens de l'alinéa 2 de l'article 1er du protocole, que par conséquent : « elles ne relèvent pas de la réglementation de l'usage des biens mais de celle visant à garantir le paiement « d'autres contributions » pour laquelle la justification de l'intérêt général poursuivi n'est pas exigée par l'alinéa 2 de l'article 1er du protocole additionnel à la CEDH. C'est donc à tort que le premier juge a jugé que l'absence de justification d'un tel intérêt rendait les arrêtés d'extension litigieux incompatibles avec le protocole additionnel à la CEDH. Ces arrêtés sont compatibles... il en est de même de l'article L. 632-6 du code rural qui habilite les organisations interprofessionnelles reconnues à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, les cotisations résultant des accords étendus par ces arrêtés. Sauf à ajouter aux règles posées par l'article 1er du protocole additionnel à la CEDH elles n'imposent pas à l'organisme interprofessionnel reconnu, en l'occurrence VAL'HOR, de faire la preuve de la conformité à l'intérêt général de l'usage des cotisations qu'elle perçoit lorsqu'elle poursuit les membres des professions la constituant en paiement de ses cotisations ».

La cour a donc considéré qu'il y a légitimité pour l'association à poursuivre en paiement de cotisations les membres des professions qui la constituent, alors que le juge de proximité a estimé que les arrêtés des 31 mars 2008 et 16 septembre 2008, pris par l'autorité administrative par délégation ministérielle, qui étendent à des personnes non adhérentes aux organisations professionnelles membres de l'association [2], l'obligation de payer des cotisations dites volontaires obligatoires, sont précisément incompatibles avec l'article 1er de la CSDH.

Le jugement contesté du 23 novembre 2016, a été rendu avant l'arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre suivant, selon lequel : « attendu que, pour condamner M. [X] à payer à l'association [2] le montant des cotisations dues au titre des années 2007 à 2010, l'arrêt retient que, tel qu'il est rédigé, le second alinéa de l'article 1er du protocole n°1 exige la justification de l'intérêt général poursuivi que pour la réglementation de l'usage des biens et que M. [X] ne conteste pas que les cotisations litigieuses constituent des contributions, au sens du même alinéa, pour lesquelles cette disposition n'exige pas que les lois jugées nécessaires pour en assurer le paiement répondent à une exigence d'intérêt général ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

La Cour de cassation fait donc grief à la cour d'appel de CAEN d'avoir considéré que le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes, visé par l'alinéa 2 de l'article premier, n'a pas à répondre à une exigence d'intérêt général.

Par conséquent, il ne serait pas « manifestement dépourvu de base raisonnable » de considérer que les objectifs financés par les accords interprofessionnels étendus, par-delà l'intérêt des seuls professionnels de la filière horticole, participent de l'intérêt général.

Cependant, cette analyse effectivement largement reprise par nombre de décisions, se heurte désormais à la jurisprudence de la Cour de cassation.

L'association [2] assume ne pas se prévaloir d'un intérêt général au soutien de la procédure d'extension justifiant la perception des CVO, pour financer ses actions.

Par conséquent, et compte tenu de ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné en paiement la société [1], l'association [2] ne pouvant poursuivre en paiement des cotisations, une société non adhérente aux organisations professionnelles membres de l'association, dès lors que l'intérêt général n'est pas soutenu.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

L'appelante fonde sa demande de dommages et intérêts sur un préjudice matériel et moral qu'elle subit du fait de « l'action agressive quasi délictueuse » perpétrée à son encontre par l'intimée et ses membres, les syndicats professionnels, qui eux, ne paieraient aucune cotisation à l'association, précisant que cette action vise tous les fleuristes de France pris individuellement et peut avoir des conséquences dramatiques pour certains, voir la faillite et le suicide.

Elle ajoute qu'un syndicat de fleuristes représentant quelques dizaines de personnes est entré dans l'association [2] le 22 juillet 2008 pour signer le jour même de son entrée, un accord interprofessionnel marquant le départ de « la gigantesque entreprise d'extorsion de fonds sur les 14 000 fleuristes de France excepté les quelques adhérents privilégiés du syndicat de son promoteur, qui ne payent même pas de cotisations à l'association ».

Cependant, l'obligation de payer les cotisations interprofessionnelles résulte bien des articles L. 632-1 et suivants du code rural, et des actes réglementaires adoptés par les ministres de l'économie et de l'agriculture, et a été confirmée par de nombreuses décisions de justice, même si un changement d'analyse apparaît depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2016.

Par conséquent, l'appelante sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sa résistance n'apparaissant pas abusive, l'intimée sera également déboutée de sa propre demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

L'association [2] qui succombe à hauteur d'appel, sera condamnée aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par Maître FERTIER, avocat.

En équité, il ne convient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Déboute la société [1] de sa demande de dommages et intérêts,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'association [2] aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par Maître FERTIER, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/00779
Date de la décision : 12/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G9, arrêt n°17/00779 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;17.00779 ?
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