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10/09/2019 | FRANCE | N°17/10703

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 10 septembre 2019, 17/10703


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2019

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10703 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B362E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/12591



APPELANTE

Association LES PLATEAUX SAUVAGES

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représe

ntée par Me Laurence DEPOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C0233



INTIMÉES

Madame [M] [F] épouse [R]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

née le [Date anniversaire 1] 195...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10703 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B362E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/12591

APPELANTE

Association LES PLATEAUX SAUVAGES

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence DEPOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C0233

INTIMÉES

Madame [M] [F] épouse [R]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

née le [Date anniversaire 1] 1958 à [Localité 1]

Représentée par Me [C] [B] de la SELARL FBC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806

Association LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT-FÉDÉRATION DE PARIS

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée par Me Antoine FRAYSSINHES de la SCP BENCHETRIT FRAYSSINHES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0239

PARTIE INTERVENANTE

Association COMPAGNIE NARCISSE THEATRE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Juin 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre

Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente

M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Caroline GAUTIER

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

L'association la Ligue de l'enseignement a employé Mme [M] [F] épouse [R], née en [Date anniversaire 2], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 janvier 2009 en qualité d'hôtesse d'accueil.

La délégation de service public permettant à la ligue de l'enseignement d'utiliser le bâtiment où travaillait Mme [R] a pris fin le 31 juillet 2016. La ville de [Localité 2] a donc organisé un appel à projet en décembre 2015 en précisant que « Le contrat entre la Ville de [Localité 2] et l'occupant n'aura ni la nature d'une délégation de service public, ni d'un marché public. L'occupant exploitera l'équipement dans son propre intérêt et ne répondra pas à une demande de la Ville de [Localité 2]. ». Le projet de Mme [V] a été retenu, porté par l'association Compagnie Narcisse théâtre. L'association Les Plateaux Sauvages a ensuite été créée pour reprendre ce projet.

Par courrier du 8 juillet 2016, la ligue de l'enseignement a transmis à Mme [V] la liste du personnel du centre d'animation des Amandiers en poste à cette date. Par courrier du 22 juillet 2016, la Fédération de Paris de la Ligue de l'Enseignement informait Mme [R] du transfert de son contrat de travail auprès de Mme [V] à compter du 1er août 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'animation.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [R] s'élevait à la somme de 1.998 €.

Au 7 juin 2017, date de la résiliation judiciaire retenue par le conseil de prud'hommes, Mme [R] avait une ancienneté de huit ans, cinq mois.

La ligue de l'enseignement occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, outre des rappels de salaires, Mme [R] a saisi le 21 décembre 2016 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 7 juin 2017 a :

- fixé la moyenne du salaire mensuel à la somme de 1.998,00 € ;

- dit que le contrat de travail s'est poursuivi à compter du 01 août 2016 ;

- condamné l'association Les Plateaux Sauvages venant aux droits de la compagnie Narcisse théâtre à payer à Mme [R] :

* 19.980,00 € à titre de rappel de salaire du 1/8/2016 au 31 mai 2017

* 1.998,00 € à titre de congés payés afférents

* 466,20 € à titre de salaire du 1er juin 2017 au 7juin 2017

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'association

Les Plateaux Sauvages venant aux droits de la compagnie Narcisse théâtre à la date du 7juin 2017;

Produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- condamné l'association Les Plateaux Sauvages venant aux droits de la compagnie Narcisse théâtre à payer a Mme [R] :

* 3.996,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 399,60 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

* 4.204,12 € à titre d'indemnité de licenciement

* 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

Avec intérêt au taux légal à compter de la réception par les parties défenderesses de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent jugement pour les autres créances ;

- ordonné la remise de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et bulletins de paie du 1 août 2016 au 7 juin 2017, conformes, sous astreinte de 50 par jour de retard et par document, à compter d'un mois de la notification du jugement, le Conseil se réservant le droit de liquider cette astreinte ;

* 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du Code de procédure civile;

- débouté Mme [R] du surplus de ses demandes ;

- débouté les parties défenderesses de leurs demandes reconventionnelles ;

- condamné l'association Les Plateaux Sauvages venant aux droits de la compagnie Narcisse théâtre aux dépens.

Par déclaration du 27 juillet 2017, l'association Les Plateaux Sauvages a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 27 octobre 2017, l'association Les Plateaux Sauvages demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 7 juin 2017 , et statuant à nouveau,

préalablement,

- donner acte à l'association Les Plateaux Sauvages de ce qu'elle a repris toutes les activités de la Compagnie Narcisse théâtre concernant l'équipement culturel du [Adresse 1] et vient donc aux droits et obligations de la Compagnie Narcisse théâtre en lien avec cet équipement culturel,

- en conséquence, dire et juger que la Compagnie Narcisse théâtre devra être mise hors de cause, et sera substituée par l'association Les Plateaux Sauvages dans tous les droits et obligations à l'égard de Mme [R] et de la Ligue de l'enseignement ' Fédération de Paris pouvant découler de la décision à intervenir dans la présente procédure,

Sur le fond,

- Dire et juger n'y avoir lieu à application de l'article L.1224-1 du code du travail, et partant que ni la Compagnie Narcisse théâtre, ni l'association Les Plateaux Sauvages, ne sont devenues l'employeur de Mme [R].

- En conséquence, débouter celle-ci de toutes ses demandes, fins et conclusions à leur encontre

- Statuer ce que de droit sur les demandes de Mme [R] formées à l'encontre de la Ligue de l'enseignement ' Fédération de Paris.

- Condamnera la Ligue de l'enseignement ' Fédération de Paris à payer à l'association Les Plateaux Sauvages la somme de 3.000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 29 novembre 2017, la ligue de l'enseignement demande à la cour de :

- confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris du 7 juin 2017 en ce qu'elle a dit que le contrat de travail devait se poursuivre à compter du 1er août 2016 avec l'association Compagnie Narcisse théâtre, puis l'association Les Plateaux Sauvages.

- la réformer en ce qu'elle a débouté la Ligue de l'enseignement - Fédération de Paris de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner in solidum l'association Compagnie Narcisse théâtre et l'association Les Plateaux Sauvages aux dépens.

- condamner in solidum l'association Compagnie Narcisse théâtre et l'association Les Plateaux Sauvages à payer à la Ligue de l'enseignement - Fédération de Paris la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 22 décembre 2017, Mme [R] demande à la cour de :

A titre principal de :

- Infirmer le jugement intervenu en ce qu'il a considéré que le contrat de travail de Mme [R] a été transféré en application de l'article L 1224-1 du Code du travail, à l'association Compagnie Narcisse théâtre aux droits de laquelle se trouve l'association Les Plateaux Sauvages,

- Confirmer le jugement pour le surplus, sauf en ce qu'il a limité le quantum des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice subi par Mme [R] à la somme de 34.000 €,

En conséquence,

- Juger que le contrat de travail de Mme [R] n'a pas été transféré et s'est poursuivi au sein de la Ligue de l'enseignement de la Fédération de Paris jusqu'au 7 juin 2017, date du prononcé de la résiliation judiciaire,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur sauf à déclarer cette rupture exclusivement imputable à la Fédération de Paris de la Ligue de l'enseignement,

- Confirmer le jugement intervenu en ce qu'il a jugé que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la Fédération de Paris de la Ligue de l'enseignement à payer :

* 20.912,40 € au titre des salaires dus à Mme [R] entre le 1er août 2016 et le 7 juin 2017

* 2.091,24 € au titre des congés payés y afférents

* 3.996 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 399,60 € au titre des congés payés y afférents,

* 4.204,12 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 24.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- Juger que la Fédération de Paris de La Ligue de l'enseignement versera ces sommes entre les mains de l'association Les Plateaux Sauvages dans la limite des sommes payées par cette dernière à Mme [R] dans le cadre de l'exécution provisoire dont le jugement du 7 juin 2017 était assorti,

- Juger que la Fédération de Paris de La Ligue de l'enseignement versera à Mme [R] le surplus des sommes qui lui seront allouées par l'arrêt à intervenir,

- A tout le moins condamner la Fédération de Paris de La ligue de l'enseignement à relever et garantir Mme [R] de toute condamnation prononcée à son encontre,

- Ordonner à la Fédération de Paris de La ligue de l'enseignement de remettre à la salariée des bulletins de salaires depuis le 1er août 2016 jusqu'à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du 9ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir,

- Condamner la Fédération de Paris de la Ligue de l'enseignement à payer à Mme [R] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Fédération de Paris de la Ligue de l'enseignement aux entiers dépens, et autoriser, pour ceux la concernant, la SELARL FBC avocats, prise en la personne de Me [C] [B], à en poursuivre le recouvrement direct, sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure Civile,

A titre subsidiaire,

- Débouter la Compagnie Narcisse Théâtre de sa demande de mise hors de cause,

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a limité le prononcé de ses condamnations à l'encontre de l'association Les Plateaux Sauvages et le quantum des dommages et intérêts alloués à la somme de 15.000 €,

- Confirmer le jugement intervenu en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'association Les Plateaux Sauvages et en ce qu'il a jugé que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Condamner solidairement la Compagnie Narcisse Théâtre et l'association Les Plateaux Sauvages à payer à Mme [R] les sommes de :

*20.912,40 € au titre des salaires dus entre le 1er Août 2016 et le 7 juin 2017,

* 2.091,24 € au titre des congés payés y afférents,

* 3.996 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 366,60 € au titre des congés payés y afférents,

*4.204,12 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 24.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à l'association Les Plateaux Sauvages de remettre à la salariée des bulletins de salaires depuis le 1er août 2016 jusqu'à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du 9ème jour suivant la notification du jugement à intervenir,

- Condamner solidairement la Compagnie Narcisse Théâtre et l'association Les Plateaux Sauvages à payer à Mme [R] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement la Compagnie Narcisse Théâtre et l'association Les Plateaux Sauvages aux entiers dépens de l'instance, et autoriser, pour ceux la concernant, la SELARL FBC avocats, prise en la personne de Me [C] [B], à en poursuivre le recouvrement direct, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions communiquées par les parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2019 et l'affaire plaidée le 06 juin 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le transfert du contrat de travail

A l'appui d'une infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 7 juin 2017, l'association Les Plateaux Sauvages, la compagnie Narcisse Théâtre et Mme [R] soutiennent que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas réunies et que le contrat de travail de Mme [R] avec la Ligue de l'enseignement n'a donc jamais été transféré à la Compagnie Narcisse Théâtre ou à l'association Les Plateaux Sauvages.

Demandant la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes, la Ligue de l'enseignement fait valoir au contraire que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient réunies puisque Mme [R] travaillait exclusivement sur le site du centre d'animation des amandiers, que l'équipement mobilier et immobilier était indispensable à l'exercice de son activité par le centre d'animation comme par Mme [V] et les associations qui lui ont succédé et que le financement de ces activités est assuré par la puissance publique; qu'ainsi, il s'agissait d'une entité économique autonome. La ligue de l'enseignement ajoute que les ateliers organisés par Mme [V] sont similaires à ceux qui étaient organisés par le centre d'animation et qu'elle a repris la convention d'occupation du domaine public et les prestataires de service.

L'article L. 1224-1 du code du travail pose le principe du transfert des contrats de travail dès lors qu'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur. C'est ainsi que lorsque se produit une cession, fusion-absorption ou tout autre événement tel qu'une externalisation ou reprise d'activité, ceci entraîne un transfert d'entreprise au sens de l'article L.1224-1 du code du travail.

Ce texte étant d'ordre public, le transfert s'opère de plein droit et s'impose aux salariés comme au chef d'entreprise lorsque ses conditions d'application sont remplies, à savoir : le transfert d'une entité économique autonome, c'est à dire un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Si les conditions d'application ne sont pas réunies, les salariés restent au service de leur employeur initial qui peut leur proposer un nouvel emploi ou les licencier et l'autre société n'a aucune obligation légale envers ces salariés.

En l'espèce, la cour relève qu'à l'exception du bâtiment, aucun moyen d'exploitation corporel n'a été transmis entre la Ligue de l'enseignement et Les Plateaux Sauvages. Les éléments incorporels comme la clientèle n'ont pas non plus fait l'objet d'un transfert. De plus, les seuls personnels qui n'ont pas été reclassés par la Ligue de l'enseignement sont des personnels supports. Il n'y a donc pas eu transfert d'une entité économique autonome.

La cour note aussi l'existence de différences substantielles entre les activités anciennement proposées par la Ligue de l'enseignement et celles proposées par l'association Les Plateaux Sauvages. Cette dernière ne propose que des activités liées à la pratique du théâtre, à l'exclusion des cours de musique, de langue ou de soutien scolaire anciennement proposés par la Ligue de l'enseignement (pièce n°4 Ligue de l'enseignement, pièce n°17 Mme [R]). La ligue de l'enseignement a une activité d'animation tandis que l'activité principale de l'association Les Plateaux Sauvages concerne la création artistique. Il n'y a donc pas eu poursuite ou reprise de l'activité.

Il en résulte qu'il n'y a pas eu d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

En conséquence, le contrat de travail de Mme [R] s'est poursuivi au sein de la Ligue de l'enseignement après l'appel à projet de décembre 2015 et la compagnie Narcisse théâtre comme l'association Les Plateaux Sauvages doivent être mises hors de cause.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé sur ce point.

Sur la résiliation judiciaire du contrat

En application des dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquement de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

En l'espèce, Mme [R] fait valoir à l'appui de sa demande qu'elle s'est tenue à la disposition de son employeur mais ne s'est vue fournir aucun travail ni salaire à compter du 1er août 2016.

Ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] aux torts de son employeur la Ligue de l'enseignement, la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C'est à bon droit que les premiers juges ont fixé la date de résiliation judiciaire au 7 juin 2017. Le jugement doit en revanche être infirmé en ce qu'il a dirigé les condamnations vers l'association Les Plateaux Sauvages et non vers la Ligue de l'enseignement.

Sur les condamnations pécuniaires

Sur le rappel de salaires pour la période du 1er août 2016 au 7 juin 2017

Mme [R] sollicite le paiement de son salaire à compter du 1er août 2016, date à laquelle l'employeur a cessé de le lui verser, au 7 juin 2017, date d'effet de la résiliation judiciaire.

Il résulte des bulletins de salaire produits aux débats que le salaire de base mensuel brut de Mme [R] s'élevait à 1.998 €

Il lui sera donc alloué 20.912,40 € à titre de rappel de salaires du 1er août 2016 au 31 mai 2017, outre 2.091,24 € de congés payés afférents, et 466,20 € à titre de rappel de salaire du 1er au 7 juin 2017, outre 46,62 € de congés payés.

Sur les sommes dues au titre de la rupture du contrat

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conformément à l'article L. 1234-1 du code du travail, Mme [R] justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans, elle a droit à un préavis d'une durée de deux mois et il sera fait droit à sa demande d'une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3.996 €, outre 399,60 € de congés payés afférents.

Conformément à l'article R. 1234-2 du code du travail, Mme [R] a droit à une indemnité de licenciement à hauteur de 4.204,12 €.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, supérieur à 10 salariés, des circonstances de la rupture, résiliation judiciaire pour des manquements notamment au versement de la rémunération, du montant de la rémunération de Mme [R], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, en particulier, d'une absence de ressources pendant 10 mois et de l'absence d'emploi retrouvé, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités.

Sur la demande de compensation entre les sommes versées par l'association les Plateaux Sauvages et celles dues par l'association Ligue de l'Enseignement au titre du présent arrêt

Mme [R] sollicite qu'il soit effectué une compensation entre les sommes versées par l'association Les Plateaux Sauvages au titre des condamnations issues du jugement entrepris et celles à venir dues par la Ligue de l'Enseignement.

En l'espèce, aucune créance n'existant entre les deux entités morales, il n'y a pas lieu d'ordonner une telle compensation.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il y a lieu d'ordonner la remise à Mme [R] de bulletins de salaire à compter du 1er août 2016, d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte et de l'attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt. Cette remise devra avoir lieu au plus tard dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans que la mesure d'astreinte ne soit en l'état justifiée.

Il y a lieu de condamner la Ligue de l'enseignement, partie perdante, à verser la somme de 1.500 € à Mme [R], 1.000 € à la compagnie Narcisse théâtre et 1.000 € à l'association Les Plateaux Sauvages au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus des dépens d'instance et d'appel.

Il y a aussi lieu d'autoriser, pour ceux la concernant, la SELARL FBC avocats, prise en la personne de Me [C] [B], à en poursuivre le recouvrement direct sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

et, statuant à nouveau,

MET HORS DE CAUSE l'association les Plateaux Sauvages venant aux droits de l'association La compagnie Narcisse Théâtre.

DIT que le contrat de travail de Mme [M] [F] épouse [R] n'a pas été transféré en application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail entre Mme [M] [F] épouse [R] et la Ligue de l'enseignement à compter du 7 juin 2017,

DIT que cette résiliation emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la Ligue de l'enseignement à payer à Mme [M] [F] épouse [R] les sommes suivantes:

* 21.378,60 € au titre de rappel de salaire du 1er août 2016 au 7 juin 2017,

* 2.137,86 € au titre de congés payés afférents,

*3.996 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 399,60 € au titre de congés payés afférents,

* 4.204,12 € au titre d' indemnité de licenciement,

* 20.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu d'ordonner une compensation entre les sommes versées par l'association les Plateaux Sauvages et celles dues par la Ligue de l'Enseignement au titre du présent arrêt,

CONDAMNE l'association Ligue de l'enseignement à payer à l'association Les Plateaux Sauvages et à l'association la compagnie Narcisse Théâtre la somme de 1.000 €, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUTORISE, pour ceux la concernant, la SELARL FBC Avocats, prise en la personne de Me [C] [B], à en poursuivre le recouvrement direct, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,

ORDONNE la remise par l'association Ligue de l'Enseignement des documents de rupture (certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle Emploi) dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,

ORDONNE le remboursement par l'association Ligue de l'Enseignement à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités.

REJETTE les autres demandes des parties.

CONDAMNE l'association Ligue de l'enseignement aux dépens d'instance et d'appel,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/10703
Date de la décision : 10/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-10;17.10703 ?
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