Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2019
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10121 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3LMH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2017 -Tribunal de Commerce de de Bobigny - RG n° 2016F00188
APPELANTE
SARL GAM
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 531 919 215
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : A139
INTIMÉE
SAS AIR CARGO SERVICES
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 331 258 855
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jean-Baptiste PAYET GODEL de la SCP SCP d'Avocats PREEL, HECQUET, PAYET-GODEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R282
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 mai 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Madame Christine SOUDRY, Conseillère
Madame Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l'audience par Madame Estelle MOREAU dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Galerie Agnès Monplaisir est une galerie d'art moderne spécialisée dans les oeuvres d'artistes Sud-Américains et notamment brésiliens.
La société Air Cargo Service exerce l'activité de transitaire, de commissionnaire de transport et de location de véhicules industriels pour le transport routier de marchandises avec conducteur.
La société Galerie Agnès Monplaisir a participé, en qualité d'exposant, à l'exposition dite SP-Arte, à [Localité 3], au cours du mois d'avril 2014.
En mars 2014, elle a confié à la société Air Cargo Services le transport de plusieurs oeuvres d'art de l'artiste [M] [G], au départ de France et à destination du Brésil.
Le 15 avril 2014, à l'issue de l'exposition, le rapatriement des oeuvres invendues a été confié à la société Log Solutions, qui s'est substituée à la compagnie Tam Linhas Aereas. La société Air Cargo Services a été désignée comme réceptionnaire, puis s'est vue confier l'entreposage de ces oeuvres transportées par voie aérienne le 13 mai 2014, dans l'attente de prochaines expositions.
Au mois de mars 2015, la Galerie Agnès Monplaisir a demandé à la société Air Cargo Services de préparer le transport d'un ensemble d'oeuvres en vue d'une future exposition d'art, parmi lesquelles la tapisserie 'Roca'.
La société Air Cargo Services n'a pas été en mesure de retrouver la tapisserie 'Roca', malgré une lettre de mise en demeure du 3 août 2015 et les recherches du cabinet [S] missionné par la Galerie Agnès Monplaisir.
C'est dans ces circonstances que la société Galerie Agnès Monplaisir a, par acte du 19 janvier 2016, assigné la société Air Cargo Services devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins d'obtenir la réparation de son préjudice.
Par jugement rendu le 18 avril 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a :
- débouté Galerie Agnès Monplaisir de sa demande d'indemnisation,
- condamné Galerie Agnès Monplaisir à verser à Air Cargo Services la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,
- condamné Galerie Agnès Monplaisir aux dépens,
- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 82,44 euros TTC (dont TVA 13,74 euros).
Par acte du 19 mai 2017, la société Galerie Agnès Monplaisir a interjeté appel à l'encontre de cette décision.
***
Prétentions et moyens des parties :
Par dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2017, la société Galerie Agnès Monplaisir, appelante, demande à la cour de :
- la dire et déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- réformer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Air Cargo Serves à lui payer les sommes, sauf à parfaire, de :
- 275.000 U$D, ou son équivalent en euros, outre intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure du mois d'août 2015, ces intérêts devant être capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil,
- 10.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'expertise à hauteur de la somme de 1.980 euros,
- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations ordonnées, dans l'hypothèse où l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier de justice en application du décret n°2007-774 du 10 mai 2007, portant modification du décret n°96/1080 du 12 décembre 1986, sur le tarif des huissiers devront être supportés par le débiteur en supplément de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Galerie Agnès Monplaisir soutient qu'il résulte de la facturation de la société Air Cargo Services que l'ensemble des opérations de transport de ses oeuvres d'art entre la France et le Brésil, ainsi que les prestations accessoires, ont été confiées à ladite société, et pas seulement les opérations en douane. Elle considère que la société Air Cargo Services, qui apparaît en qualité de destinataire sur la lettre de transport aérien et qui a eu la responsabilité des opérations douanières et de déchargement, est intervenue en qualité de commissionnaire de transport, ou encore de transitaire pour réceptionner les marchandises à l'issue de leur acheminement retour, avec un mandat douanier et surtout une mission d'entreposage.
S'agissant des opérations en douane, elle relève que la société Air Cargo Services a personnellement établi au retour le document douanier (DAU) sur lequel sont reprises les spécificités du transport pour une importation temporaire des oeuvres restant sous douane. Elle soutient que le commissionnaire en douane, qui effectue une déclaration documentaire à transmettre au services des douanes, qui est personnellement responsable et tenu d'une obligation de garantie et qui facture une caution à son commettant, ne peut sérieusement prétendre qu'il n'a pas à ouvrir les caisses faute de déplacement des douaniers, alors qu'il lui appartient d'opérer les vérifications matérielles et d'ouvrir les caisses dont il déclare le contenu. Elle relève, en outre, que la société Air Cargo Services lui a facturé des frais d'ouverture et de destruction de caisses.
Elle fait valoir la responsabilité de la société Air Cargo Services en sa qualité d'entrepositaire.
Elle rappelle que pèse sur l'entrepositaire une présomption de faute en cas d'avarie ou de perte subie par la marchandise dont la garde lui est confiée, en application des articles 1927, 1932 et 1933 du code civil. Elle soutient que la responsabilité de l'entrepositaire, tenu à une obligation de moyens renforcée, est automatiquement engagée dès la constatation des dommages ou de la perte de la chose, sauf à démontrer un vice propre de celle-ci, la force majeure ou la faute du déposant, ce que la société Air Cargo Services échoue à établir.
Elle indique qu'au contraire, la perte de l'oeuvre a été rendue possible en raison de la négligence fautive de la société Air Cargo Services, qui a réceptionné les quatre caisses dont l'une contenant l'oeuvre 'La Roca' et n'a formé aucune protestation ni réserve à l'encontre du transporteur aérien ou ses préposés, alors qu'étant mentionnée comme de destinataire des marchandises acheminées dans la lettre de transport, la société Air Cargo Services devait prendre livraison de celles-ci. Elle ajoute qu'en sa qualité de transitaire, et donc de mandataire, la société Air Cargo Services devait opérer comme si la marchandise lui appartenait en propre et en prendre livraison de façon documentaire et matérielle, en vérifiant la nature, l'état, la quantité ou le poids de la marchandise avant d'en donner décharge au transporteur.
Elle considère que le fait que la société Air Cargo Services ait ouvert les caisses contenant l'oeuvre et procédé à leur destruction, ainsi qu'elle l'a facturé, établit qu'elle a pris possession de l'oeuvre litigieuse.
Elle indique que le défaut de restitution par la société Air Cargo Services de l'oeuvre dont l'entreposage lui a été confié engage automatiquement la responsabilité de ladite société, même sans faute. Elle ajoute que l'oeuvre 'Roca', en dépit de sa grande valeur, a été assimilée à de la marchandise ordinaire et entreposée dans des conditions hasardeuses, dans des cellules de stockage ouvertes ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise amiable de M. [S], ce qui caractérise une grande négligence de la part de l'intimée.
Rappelant que le dépositaire a droit à la réparation intégrale de son préjudice sans que puisse lui être opposée une quelconque limite de responsabilité, elle sollicite la condamnation de la société Air Cargo Services à lui payer la somme de 275.000 dollars, valeur de l'oeuvre figurant dans les catalogues de vente au public édités par la galerie. Elle explique que le préjudice au titre de la perte de l'oeuvre peut être évalué en tenant compte de la valeur projetée dans l'hypothèse d'une vente future. Elle relève que l'artiste est de renommée internationale et que la valeur déclarée de l'oeuvre était connue de la société Air Cargo Services, ce même montant figurant dans les documents douaniers.
Elle soutient que les limites de responsabilité figurant dans les conditions générales de la Fédération des entreprises de transport et logistiques en France ne lui sont pas opposables dès lors que lesdites conditions n'ont pas été portées à sa connaissance ni acceptées de façon expresse par ses soins préalablement aux opérations d'entreposage. Elle ajoute que ces conditions, applicables dans le seul cas de représentation en douane, n'ont pas vocation à s'appliquer dans le cadre d'un contrat de dépôt distinct, ni en cas de faute du dépositaire.
Par dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2019, la société Air Cargo Services, intimée, par demande à la cour, au visa des articles 1927, 1931 et 1932 du code civil, de :
À titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 avril 2017 par le tribunal de commerce de Bobigny,
À titre subsidiaire,
- limiter le montant de la condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre à la somme de 861 euros,
En tout état de cause,
- condamner la société Galerie Agnès Monplaisir à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
- condamner la société Galerie Agnès Monplaisir aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Payet-Godel conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait tout d'abord valoir que le rapport amiable de M. [S], intervenant 'comme représentant les intérêts de Galerie Agnès Montplaisir', est nécessairement partial et dénué de force probante, lui est inopposable et doit être écarté des débats.
A titre principal, elle conteste toute faute de sa part.
Elle rappelle que le dépositaire est seulement tenu à une obligation de moyens renforcée et qu'il peut s'exonérer de sa responsabilité en cas de détérioration ou de perte de la chose en prouvant que celle-ci existait avec sa mise en dépôt, ou en démontrant son absence de faute, tenant à la mise en oeuvre des moyens nécessaires pour conserver la chose qui lui a été confiée.
Elle explique qu'elle a reçu en dépôt quatre caisses contenant diverses oeuvres appartenant à l'appelante, qu'elle a stockées en l'état dans son entrepôt sans en vérifier le contenu, dès lors qu'en l'absence des douaniers, elle n'a pas eu à ouvrir lesdites caisses.
Elle considère que la disparition de l'oeuvre est seule imputable au transporteur, la société Log Solutions, qui a procédé à la composition des caisses qui lui ont été remises fermées à l'aéroport d'arrivée, sans contenir l'oeuvre litigieuse.
Elle précise que les prestations de 'destruction des caisses et mise au stock des oeuvres' qu'elle a facturées ne présentaient qu'un caractère éventuel, car elles dépendaient de la venue des douaniers. Elle ajoute que ces prestations étaient inclues dans un ensemble de prestations et qu'elles ont été facturées bien que n'ayant pas été accomplies, car elle a dû dépêcher du personnel et du matériel au cas où les douaniers se seraient présentés. Elle soutient qu'il ne saurait dès lors être déduit de sa facturation qu'elle a procédé à l'ouverture des caisses et au stockage individuel des oeuvres.
Elle considère qu'il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir ouvert les caisses à réception, une telle obligation ne pesant pas sur le dépositaire, qui est au contraire tenu à une obligation de discrétion en application des dispositions de l'article 1931 du code civil.
Elle ajoute qu'elle n'est pas intervenue en qualité de transitaire, lequel est chargé d'accomplir les opérations juridiques et matérielles nécessaires au transit de marchandises entre deux phases d'un transport unique, dès lors qu'il n'y avait pas de transport unique.
Elle indique qu'en sa qualité de dépositaire, elle a mis en oeuvre les moyens de protection suffisants, son entrepôt étant placé sous vidéo-surveillance et ses salariés disposant d'un badge d'accès aux aéroports octroyé après enquête de police ou de gendarmerie garantissant leur probité. Elle en déduit qu'aucune faute de surveillance de sa part n'est caractérisée et que sa responsabilité ne peut donc être engagée.
A titre subsidiaire, elle conteste l'évaluation du préjudice allégué par l'appelante.
Elle estime opposables à la société Galerie Agnès Montplaisir les conditions générales du mandat général de présentation directe, lesquelles prévoient une clause limitative de responsabilité en cas de perte de la chose confiée. Elle soutient à ce titre que les relations entre les parties s'inscrivaient, en l'absence de contrat de dépôt spécifique, dans le cadre du mandat de représentation directe qu'elles avaient conclu et dans lequel il est stipulé que le mandant accepte l'applicabilité des conditions générales de vente de la Fédération des entreprises de transport et logistique de France dont il a eu connaissance. Elle relève que cet acte porte sur la représentation en douane, mais aussi sur 'tous les actes y afférents', ce qui inclut nécessairement la réalisation de prestations d'entreposage.
Elle considère que le poids de la tapisserie devant être estimé à 60 kg, le plafond prévu sur la base de 40 euros le kilo s'élève à la somme de 861 euros.
Elle ajoute que l'appelante échoue à rapporter la preuve du préjudice allégué à hauteur de 275.000 dollars, celle-ci se basant sur des documents constitués par elle-même sans qu'aucune estimation objective de l'oeuvre n'ait été réalisée par un expert.
Elle en déduit que le préjudice ne peut être évalué que sur la base de la valeur réelle de l'oeuvre sur le marché, dont l'appelante ne justifie pas faute de produire aux débats la facture d'achat de l'oeuvre dont elle est propriétaire.
MOTIFS
Sur la mission confiée à la société Air Cargo Services :
Selon l'article L.1411-1 du code des transports, les commissionnaires 'organisent et font exécuter, sous leur responsabilité et en leur propre nom, un transport de marchandises selon les modes de leur choix pour le compte d'un commettant'.
Le transitaire est un agent de liaison dont la mission essentielle consiste à assurer la continuité entre deux transports distincts, dans le cadre strict des instructions reçues, en accomplissant les opérations juridiques et matérielles nécessaires au passage d'un mode de transport à un autre.
Le commissionnaire en douane a pour mission d'accomplir, dans le cadre de la représentation directe, soit au nom et pour le compte de son client, ou dans le cadre de la représentation indirecte, soit en son nom, mais pour le compte de son client, des formalités de douane concernant la déclaration en détail des marchandises.
Il résulte des pièces produites aux débats que la marchandise de la Galerie Agnès Montplaisir a fait l'objet de deux transports.
En mars 2014, la Galerie Agnès Montplaisir a en effet confié à la société Air Cargo Services le transport de plusieurs oeuvres d'art de l'artiste [M] [G], au départ de France et à destination du Brésil. La liste de colisage, établie par la société Air Cargo Services le 7 mars 2014, mentionne six cartons d'un poids total de 851 kilogrammes, dont le carton 'E' contenant l'oeuvre 'Roca' et pesant 93 kilogrammes. La lettre de transport aérien de l'aéroport [Établissement 1] (France) jusqu'à l'aéroport de [Localité 4] (Brésil), établie le 6 mars 2014, mentionne six caisses d'un poids total de 851 kilogrammes.
Au titre de ce transport, la société Air Cargo Services a facturé, 18 mars 2014, à la Galerie Agnès Montplaisir une somme de 6.852,60 euros portant sur les prestations suivantes : enlèvement à la galerie des oeuvres, confection des six caisses export, protection et emballage, douane export temporaire, douane re export, packing list SP Arte, livraison [Établissement 1], taxe aéroport, taxe export, fret aérien sur [Localité 5].
Il ressort de ces éléments que la société Air Cargo Services, qui a pris en charge la marchandise auprès de la Galérie Agnès Montplaisir, a confectionné les caisses, a effectué les formalités douanières, s'est acquittée des taxes et s'est occupée de l'acheminement de la marchandise à l'aéroport [Établissement 1] puis de son transport aérien à [Localité 5], et qui s'est donc chargée de l'exécution du transport par des moyens qu'elle a choisis, a agi, au titre du transport des oeuvres à l'aller, en qualité de commissionnaire de transport.
Le 15 avril 2014, à l'issue de l'exposition, le rapatriement des oeuvres invendues a été confié à la société Log Solutions, qui s'est substituée à la compagnie Tam Linhas Aereas. La liste de colisage de retour établie par la société Log Solutions mentionne que l'oeuvre 'Roca' est contenue dans la 4ème et dernière caisse intitulée 'E', l'ensemble des caisses pesant 483 kilogrammes.
L''air waybill' n°549 à l'entête de la compagnie Tam Linhas Aereas émis le 15 avril 2014 fait état du transport, depuis l'aéroport de [Localité 4] (Brésil) vers l'aéroport [Établissement 1] (France), de quatre caisses, d'un poids total de 483 kilogrammes, et mentionne la société Air Cargo Services en qualité de destinataire de la marchandise.
La marchandise a été transportée par voie aérienne le 13 mai 2014 et a été réceptionnée sans réserve par la société Air Cargo Services. L'imprimé de la déclaration douanière IMA du 16 mai 2014 effectuée par la société Air Cargo Services en sa qualité de déclarant mentionne quatre caisses d'un poids total de 483 kilos contenant huit tableaux de [M] [G], dont l'oeuvre 'Roca'.
Le 21 mai 2014, la société Air Cargo Services a facturé à la Galerie Agnès Montplaisir, au titre du transport des oeuvres au retour de [Localité 3], une somme de 6.655,94 euros pour les prestations suivantes : transfert sous douane [Établissement 1] à [Localité 2], prise en charge NSTI, mise en magasin douane, formalité douane import retour, formalité douane import temporaire, caution import temporaire, destruction des caisses et mise au stock des oeuvres, mise à disposition de personnel pour sortie réception des oeuvres et pour sortie des oeuvres selon la liste adressée par la Galerie Air Cargo Services ([Localité 6]) le 20 mai 2014.Cette facture mentionne la réception de quatre colis en retour, d'un poids de 483 kilogrammes.
Il ressort de cette facture que la société Air Cargo Services a réceptionné les oeuvres, accompli les formalités douanières et l'entreposage de la marchandise.
Pour ce transport retour, la société Air Cargo Services n'a pas agi en qualité de commissionnaire, dès lors qu'elle ne s'est pas chargée de l'organisation et de l'exécution de ce transport.
Elle n'a pas non plus agi en qualité de transitaire, celle-ci ayant réceptionné la marchandise en provenance du seul vol depuis l'aéroport de [Localité 4] (Brésil) sans qu'un second transport de celles-ci ne soit prévu, ni avoir eu la charge d'organiser les formalités nécessaires y afférentes.
La société Air Cargo Services s'étant chargée des formalités douanières en qualité de représentant de la Galerie Agnès Montplaisir a agi en qualité de commissionnaire en douane.
Au delà du mandat de commissionnaire en douane, la société Air Cargo Services a également été chargée de réceptionner et de stocker la marchandise.
La mission confiée à la société Air Cargo Services, désignée comme destinataire de la marchandise, est donc double, en ce qu'elle contient un mandat douanier et des prestations de réception et d'entreposage de la marchandise. La société Air Cargo Services est donc intervenue en qualité de dépositaire des oeuvres dont le dédouanement lui était confié.
Sur la responsabilité de la société Air Cargo Services :
Selon l'article 1915 du code civil, 'Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature'.
L'article 1927 du même code préciser que 'Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent'.
L'article 1928 du même code énonce que 'La disposition de l'article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur : 1° si le dépositaire s'est offert lui-même pour recevoir le dép^pt ; 2° s'il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt ; 3° si le dépôt a été fait uniquement pour l'intérêt du dépositaire ; 4° s'il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute'.
Selon l'article 1933 du même code, 'Le dépositaire n'est tenu de rendre la chose déposée que dans l'état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait, sont à la charge du déposant'.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le dépositaire est tenu d'une obligation de moyens, il lui appartient, en cas de perte ou de détérioration de la chose déposée, de prouver qu'il y est étranger, en établissant qu'il a donné à cette chose les mêmes soins qu'il aurait apportés à la garde de choses lui appartenant ou que les détériorations constatées existaient avant la mise en dépôt des objets litigieux.
La société Air Cargo Services ayant facturé la destruction des caisses et la mise au stock des oeuvres invoque vainement ne pas avoir ouvert les caisses ni contrôlé leur contenu, avant de n'entreposer les oeuvres. Ses explications quant à la facturation de telles opérations compte tenu de la présence de son personnel dans l'attente de l'éventuelle venue des douaniers ne sont pas pertinentes, lesdites opérations étant facturées en sus de la mise à disposition de son personnel.
Dès lors que la société Air Cargo Services a réceptionné, sans former de réserves, la marchandise en provenance de l'aéroport de [Localité 4] (Brésil), dont l' 'air waybill' n°549 afférent mentionne quatre caisses d'un poids total de 483 kilogrammes, qu'elle a fait la déclaration douanière mentionnant également quatre caisses d'un poids total de 483 kilos contenant huit tableaux de [M] [G], dont l'oeuvre 'Roca', qu'elle a détruit les caisses et mis individuellement au stock les oeuvres qui y étaient contenues, effectuant ainsi nécessairement un contrôle du contenu des caisses, et qu'elle n'a pas signalé à la Galerie Agnès Montplaisir l'absence de l'oeuvre litigieuse, il y a lieu de considérer que ladite oeuvre lui a bien été remise en dépôt.
La société Air Cargo Services, qui a reçu l'oeuvre 'Roca' en dépôt, échoue à établir, ainsi qu'il lui incombe, qu'elle est étrangère à la disparition de cette oeuvre.
Le rapport d'expertise amiable contradictoire rendu par M. [V] [S], en sa qualité d''agent privé de recherches, représentant les intérêts de la Galerie Agnès Montplaisir', n'a pas de force probante en ce que cette intervention de M. [S], dans les seuls intérêts de l'appelante, est de nature à remettre en cause la partialité du contenu du rapport.
Cependant, la société Air Cargo Services ne précise pas dans quelles conditions elle a effectivement entreposé les oeuvres prises individuellement, se bornant à faire valoir que ses entrepôts bénéficiaient d'un système de vidéosurveillance et d'un accès par badge.
Elle ne démontre pas avoir pris des dispositions particulières relatives à l'entreposage des oeuvres et en particulier de l'oeuvre 'Roca', déclarée pour un montant de 275.000 dollars, alors qu'un tel montant, dont elle avait connaissance, nécessitait la prise de précautions particulières et adaptées s'agissant de l'entreposage de la tapisserie.
L'intimée n'établissant pas qu'elle a apporté à l'oeuvre litigieuse des moyens de protection suffisants et adaptés à la marchandise reçue en dépôt, engage donc sa responsabilité en qualité de dépositaire du fait de la disparition de cette oeuvre.
Sur le préjudice :
Ainsi que l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, la mission d'entreposage des oeuvres n'a fait l'objet d'aucun document contractuel entre les parties. Si celles-ci ont conclu, le 19 juin 2013, un mandat de représentation auprès de l'administration des douanes contenant une clause limitative de responsabilité, celui-ci est circonscrit à l'accomplissement, par la société Air Cargo Services, des seules formalités douanières.
Ce document est donc sans portée quant à la mission d'entreposage confiée à la société Air Cargo Services. La clause limitative de responsabilité invoquée par ladite société est dès lors inapplicable s'agissant de la mise en oeuvre de sa responsabilité en sa qualité de dépositaire de l'oeuvre.
La Galerie Agnès Montplaisir justifie de son préjudice par la production aux débats de la valeur déclarée en douane de l'oeuvre litigieuse, pour un montant de 275.000 dollars, peu important qu'elle ne verse pas la facture d'acquisition de la tapisserie, et que la valeur des oeuvres de l'artiste soit variable.
Il convient, en conséquence, de condamner la société Air Cargo Services à payer à la Galerie Agnès Montplaisir une somme de 275.000 dollars, ou son équivalent en euros, en réparation de son préjudice, le jugement devant être infirmé de ce chef.
Il y a lieu d'assortir cette condamnation, qui revêt un caractère indemnitaire, des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement de première instance, et d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions des articles 1153-1 et 1154 du code civil dans leur version applicable aux faits de l'espèce.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement entrepris, relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, seront infirmées.
La société Air Cargo Services, échouant, sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.
L'équité commande de la condamner, en outre, à payer à la Galerie Agnès Montplaisir une indemnité de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme n'incluant pas le coût du rapport de M. [V] [S] dénué de force probante.
Il n'y a pas lieu, en l'absence de difficultés d'exécution avérées de la décision, d'accueillir la demande de la société Galerie Agnès Montplaisir dans l'hypothèse où l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 18 avril 2017 dans toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
CONDAMNE la société Air Cargo Services à payer à la société GAM une somme de 275.000 dollars, ou son équivalent en euros, en réparation de son préjudice,
DIT que cette condamnation produira intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2017,
ORDONNE la capitalisation des intérêts,
CONDAMNE la société Air Cargo Services à payer à la GAM une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la société GAM du surplus de ses demandes,
CONDAMNE la société Air Cargo Services aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.
La Greffière Le Président
Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU