Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08538 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3SWK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 14/01143
APPELANT
Monsieur [W] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Romain GUICHARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SARL ALDI MARCHE DAMMARTIN
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne MURGIER, avocat au barreau de PARIS
Plaidant Me Nelly MORICE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, et Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre
Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère
Monsieur François MELIN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Anna TCHADJA-ADJE, Greffier présent lors de la mise disposition.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat à durée indéterminée en date du 29 mars 2010, M. [I] a été engagé en qualité d'assistant magasin par la société Aldi marché Dammartin, la convention collective nationale du commerce de gros à prédominance alimentaire étant applicable.
Selon avenant du 27 mai 2011, M. [I] a été promu en qualité de responsable de magasin et affecté à l'établissement du Banc-Mesnil où il devait travailler en lien avec un second responsable de magasin, la répartition des tâches ayant été effectuée le 3 décembre 2012.
M. [I] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 3 mars 2014 pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux le 17 octobre 2014 pour obtenir paiement de diverses sommes ainsi que sa réintégration.
Par jugement en date du 22 mai 2017, le conseil de prud'hommes a :
- dit le licenciement de M. [I] était justifié ;
- condamné la société Aldi marché Dammartin à payer à M. [I] les sommes suivantes:
- 2 157,60 € au titre des heures supplémentaires et 215,76 € au titre des congés payés y afférents pour 2011, 12 044,89 € et 1 201,48 € pour 2012 et 5 201,20 € et 520,12 € pour 2013 ;
- 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Pour statuer ainsi, le conseil a jugé que le licenciement était justifié au motif que M. [I] ne respectait pas l'organisation du magasin ou les planifications prévues, ni les consignes et qu'il avait délaissé ses fonctions d'encadrement et d'exemplarité. Il a prononcé la nullité de convention de forfait en jours et a fait droit à la demande de rappel formée par le salarié au titre des heures supplémentaires.
Le 15 juin 2017, M. [I] a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Selon ses conclusions notifiées le 3 juin 2019, M. [I] conclut à l'infirmation de la décision déférée et sollicite de la cour qu'elle écarte la pièce n°61, qu'elle prononce la nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement moral et qu'elle ordonne sa réintégration dans son emploi de responsable de magasin sans être sous l'autorité de MM. [A], [J] et [L], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, et qu'elle condamne la société Aldi marché Dammartin à lui verser la somme de 139 258,53 € en réparation du préjudice subi.
Subsidiairement, il demande à la cour de juger non valide son licenciement et il sollicite la condamnation de la société Aldi marché Dammartin au paiement des sommes suivantes :
- 41 540,88 € à titre de l'indemnité due en application de l'article L. 1226-15 du code du travail,
- 5 441,84 € à titre d'indemnité spéciale,
- 10 385,22 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 038,52 € bruts au titre des congés payés y afférents.
Plus subsidiairement, il conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et il réclame la condamnation de la société Aldi marché Dammartin à lui payer, outre l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents les sommes de 2 720,92 € à titre d'indemnité de licenciement et 27 693,92 € au titre du préjudice résultant du licenciement.
En tout état de cause, il conclut à la nullité de la convention de forfait en jours et à la condamnation de la société Aldi marché Dammartin à lui payer les sommes suivantes
- 3.889,18 euros à titre de rappels de salaires et de 388,91 euros au titre des congés payés afférents durant la mise à pied à titre conservatoire,
- 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de son obligation de sécurité de résultat,
- 55.937 euros à titre de rappels de salaires pour les heures supplémentaires 5.593,70 euros au titre des congés payés afférents,
- 31.521,60 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée quotidienne maximale du travail,
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire maximale du travail,
- 20.770,44 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de compensation des astreintes,
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il sollicite également la remise sous astreinte d'une attestation Pôle Emploi conforme et d'un bulletin de paie faisant mention des condamnations.
Il sollicite le rejet de l'enquête réalisée par l'employeur à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral dans la mesure où les auditions des salariés sont invoquées par la société Aldi marché Dammartin dans le cadre de la présente instance et ont été utilisées pour monter un dossier contre lui.
Il invoque la nullité de son licenciement en raison des faits de harcèlement moral dont il précise avoir été victime en se fondant sur les éléments suivants :
- la direction a vidé son poste de responsable de son contenu et ses tâches ont été réparties de manière plus favorable au bénéfice d'un autre salarié, M. [A], seules les tâches subalternes lui étant dévolues ;
- il s'est plaint à plusieurs reprises de faits de dénigrement et de menaces de la part de la hiérarchie à son encontre, en l'espèce, M. [A], et il indique avoir été contraint de manifester devant le siège social ;
- il a fait l'objet de pressions constantes de la part de ses autres supérieurs hiérarchiques, notamment M. [J], ce qui a eu pour effet de dégrader sa santé et a entraîné la saisine du CHSCT.
Il soutient que s'il n'a pas respecté certaines tâches, ce que l'employeur ne démontre pas, cela résulte des faits de harcèlement moral dont il était victime, d'où la nullité de son licenciement et sa demande de réintégration et d'indemnisation tenant compte des revenus de remplacement perçus.
A titre subsidiaire, il fait valoir que son licenciement n'est pas valide dans la mesure où les dispositions applicables en matière d'inaptitude ayant une origine professionnelle n'ont pas été respectées. A cet effet, il précise que le 23 janvier 2014, il a été déclaré inapte temporairement et en urgence pour danger immédiat, ce qui a été confirmé par l'inspection du travail le 23 avril 2014 et non contesté par l'employeur. Il précise que cette inaptitude est en lien avec les nombreux braquages dont il a été victime et à la dégradation de ses conditions de travail. Il en déduit que la société Aldi marché Dammartin était informée de son inaptitude et ne pouvait pas le licencier pour un motif autre que celle-ci.
Encore plus subsidiairement, il dénonce l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement au motif que la société Aldi marché Dammartin n'a pris aucune mesure, qu'il n'est pas responsable de la dégradation de la sécurité du magasin du Blanc Mesnil, qu'il ne peut pas lui être reproché une désorganisation du magasin et que de manière générale, les griefs allégués ne sont pas démontrés, y compris d'avoir dénigré M. [A] alors qu'il a déclaré être victime de faits de harcèlement moral de la part de dernier.
Au titre du préjudice subi, il indique avoir travaillé en intérim en 2018 et se trouver actuellement sans emploi.
Il dénonce la violation par la société Aldi marché Dammartin de son obligation de sécurité au regard des six agressions et d'une tentative de braquage dont il a été l'objet de 2011 à 2013, de l'absence de mesures de prévention et destinées à faire cesser ces agressions.
Il invoque également la nullité de la convention de forfait en jours en l'absence de contrôle régulier du temps de travail et précise avoir réalisé des heures supplémentaires depuis sa prise de poste à 7 heures 30, en raison de la réception des commandes, et postérieurement à la fermeture du magasin de sorte qu'il travaillait en moyenne 11 heures par jour, ce qui représente plus de 20 heures supplémentaires par semaine. Il en déduit que la société Aldi marché Dammartin n'a pas respecté la durée maximale hebdomadaire et qu'elle a entendu se soustraire au paiement des salaires en l'absence de moyen fiable pour le décompte du temps de travail.
Enfin, il soutient que durant ses jours de repos, il était à disposition de son employeur puisqu'il devait intervenir en cas de déclenchement de l'alarme.
Selon ses conclusions notifiées le 31 mai 2019, la société Aldi marché Dammartin conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a jugé nulle la convention de forfait en jours et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles, et donc au rejet des prétentions de M. [I].
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de confirmer le jugement s'agissant des heures supplémentaires en cantonnant le rappel aux sommes suivantes :
- du 1 er juin au 31 décembre 2011 : 2.157,60 euros bruts outre 215,76 euros au titre des
congés payés y afférents ;
- pour 2012 : 12.044,89 euros bruts outre 1.204,48 euros au titre des congés payés y afférents,
- du 1 er janvier au 21 mai 2013 : 5.201,20 euros outre 520,12 euros au titre des congés
payés y afférents,
- 11.025 euros bruts au titre de 2012 et 918,75 euros bruts au titre de l'année 2013 pour les éventuels rappels de repos compensateurs.
Elle conclut au rejet du surplus et en tout état de cause à la condamnation de M. [I] au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Aldi marché Dammartin soutient que la procédure de licenciement était déjà engagée lorsque M. [I] a sollicité de son médecin un arrêt de travail antidaté ainsi que le médecin du travail pour obtenir un avis d'inaptitude alors qu'il était déjà mis à pied à titre conservatoire.
Elle conteste la nullité du licenciement et précise qu'il n'a été assisté qu'à une agression et une tentative de braquage, qu'elle a pris des mesures pour assurer la sécurité par le biais de la vidéo-surveillance et la présence de vigiles, et qu'elle a invité l'appelant à prendre contact avec des professionnels en vue de l'aider, qu'il a d'ailleurs été reçu par un psychologue en avril 2012. Elle précise aussi qu'elle a accepté sa demande de mutation.
Elle conteste les faits de harcèlement moral allégués par le salarié en l'absence de preuve quant aux accusations portées à son encontre. Elle précise que son poste n'a pas été vidé de sa substance et nie l'existence de pressions de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Elle indique que M. [I] ne s'est pas présenté à l'audition prévue dans le cadre de l'enquête diligentée à la suite de ses dénonciations.
En revanche, elle fait valoir que le licenciement pour faute grave était bien fondé en raison du comportement inadapté de M. [I] ayant entraîné une dégradation de la sécurité du magasin eu égard à ses provocations permanentes à l'égard des jeunes du quartier, la désorganisation du magasin du fait de ses retards, absences, départs intempestifs quasi quotidiens, son refus de travailler le samedi et le non-respect de la répartition des tâches prévues avec son collègue, M. [A], qu'il dénigrait de manière permanente ainsi que la perte d'un client important compte tenu de son refus d'accepter son règlement. Elle lui reproche également la propagation de fausses accusations visant sa hiérarchie.
Elle s'oppose à la demande de réintégration en l'absence de nullité du licenciement pour harcèlement moral.
Elle soutient que la convention de forfait était valable et faisait l'objet d'un suivi rigoureux s'agissant du contrôle des décomptes du nombre de jours travaillés ainsi que des journées et demi-journées de repos prises ainsi qu'en atteste l'absence de mention dans le cadre des entretiens annuels. Elle conteste en tout état de cause les horaires de travail invoqués par M. [I], soutenant qu'il arrivait fréquemment après 9 heures et repartait avant l'heure de la fermeture. Elle précise que compte tenu des horaires d'ouverture et de fermeture du magasin, il est impossible de travailler au-delà de 9 heures par jour.
Elle conteste également la réalisation d'astreintes, seul le responsable de secteur étant contacté en cas de déclenchement de l'alarme.
Elle constate enfin que M. [I] ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel de l'infraction en matière de travail dissimulé.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.
L'instruction a été déclarée close le 6 juin 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande tendant à voir écarter la pièce n°61
Au soutien de cette demande, M. [I] présente des arguments de fond mais reconnaît que cette pièce lui a bien été communiquée. Dès lors, en l'absence d'atteinte au principe du contradictoire, il n'y a pas lieu d'écarter cette pièce dont le caractère probant ou non sera examiné lors de sa discussion.
Sur la nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement moral et la demande de réintégration
M. [I] soutient qu'il a été licencié au motif qu'il a relaté des faits de harcèlement moral.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, M. [I] invoque les faits qui vont être examinés ci-dessous.
un poste vidé de sa substance
M. [I] soutient que tel a été le cas lors de la reprise de son affectation au sein du magasin du Blanc Mesnil après son arrêt de travail.
A l'appui de ce fait, M. [I] a produit ses propres courriers, deux courriers du secrétaire du CHSCT qui ne fait que reprendre ses propres déclarations, le procès-verbal du CHSCT du 27 janvier 2014 précisant que M. [I] a été entendu et a relaté l'existence d'actes d'intimidation de la part de MM. [A] et [J], les responsables du magasin, un courrier du médecin du travail demandant à la direction de faire cesser les intimidations. Les membres du CHSCT ont décidé de réaliser une enquête.
Ces pièces produites par M. [I] n'établissent en rien que le poste confié à M. [I] a été vidé de sa substance.
M. [I] fait valoir que les tâches étaient partagées entre lui et M. [A], partage qu'il considère comme étant disproportionné à son détriment, et il produit un courrier du 3 décembre 2013 de la société Aldi marché Dammartin précisant qu'il est co-responsable du magasin du Blanc Mesnil avec M. [A] et qu'il assume personnellement responsable les tâches suivantes : fermeture du point de vente lorsqu'il est présent, passation des commandes les jours de présence, organisation de la mise en rayon et des retours de marchandises, réception et pointage précis des camions, ouverture et fermeture du point de vente lors des jours de repos de M. [A] (et réciproquement pour ce dernier), contrôle et imputation des pertes et casses.
La société Aldi marché Dammartin a également précisé les points dont M. [A] était responsable : élaboration des plannings, entretien et installation du matériel, gestion des pièces comptables et administratives ainsi que du système de la caisse, mise en oeuvre de normes, information sur d'éventuels contrôles des administrations, formation et recrutement des collaborateurs.
Dans son courrier, la société Aldi marché Dammartin a précisé que M. [I] devait également réaliser durablement le chiffre d'affaires maximal du magasin, veiller au bon déroulement des ventes, maintenir au plus bas les pertes en stimulant la productivité et les performances du magasin, préparer les inventaires avec M. [A].
M. [I] soutient également qu'il n'avait pas les clés du magasin. Toutefois, la seule attestation produite émane du gérant du café où M. [I] venait tous les matins et qui ne fait que rapporter les propos de l'appelant. L'absence de détention des clés du magasin alors même qu'il devait procéder à son ouverture et sa fermeture n'est donc pas établie.
Il s'en déduit que seul le partage des responsabilités incombant normalement à un seul responsable est établi.
L'existence de menaces de la part de sa hiérarchie
M. [I] soutient que M. [A] l'a menacé à plusieurs reprises. M. [O] a attesté en avril 2014 que M. [A] avait tenu les propos suivants à M. [I] : 'faites attention à vous car je suis quelqu'un de très dangereux'. Il précise avoir été admis au service des urgences en raison de ces menaces. M. [O] ne précise pas les circonstances, ni la date à laquelle il aurait entendu M. [A] prononcer cette phrase. En outre, cette pièce ne démontre pas que des menaces ont été proférées, comme le soutient l'appelant, à plusieurs reprises.
M. [I] soutient avoir fait l'objet de pressions constantes de la part de ses autres supérieurs hiérarchiques, notamment M. [J]. Or, M. [G] n'a pas évoqué dans son attestation de tels faits même s'il s'est plaint personnellement de M. [J].
Le caractère disproportionné de la mise à pied conservatoire
L'appréciation du caractère disproportionné de la mise à pied conservatoire est conditionnée par la détermination du bien-fondé du licenciement.
La dégradation de son état de santé
A l'appui de cet élément, M. [I] produit le résumé de son dossier médical rédigé par le médecin du travail qui évoque, outre les crises d'angoisse de l'intéressé, l'existence de menaces de mort de la part de M. [A], le surmenage professionnel du salarié (pas invoqué par l'appelant dans le cadre de la présente instance) ainsi que ses avis d'inaptitude temporaire et l'avis d'inaptitude de l'inspectrice du travail du 23 avril 2014au poste de responsable du magasin du Blanc Mesnil en raison d'une mésentente avec son collègue responsable de ce magasin et de menaces de représailles.
En conclusion, M. [I] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
La société Aldi marché Dammartin fait valoir qu'à la suite des agressions des 5 septembre 2011 et 24 avril 2012, elle a invité M. [I] à prendre contact avec l'institut national d'aide aux victimes et l'équipe de psychologues et travailleurs sociaux. Elle justifie également avoir accédé à sa demande de changement d'affectation et lui avoir proposé plusieurs postes que M. [I] a refusés (courrier du 20 novembre 2013). Elle indique lui avoir proposé le poste de responsable du magasin du Blanc Mesnil avec un travail en lien avec un second responsable en raison de la probabilité d'une reprise en mi-temps thérapeutique après son arrêt de travail et afin de faciliter sa reprise au travail. Elle a ainsi répondu aux préconisations du médecin du travail en date du 12 novembre 2013, lequel précisait que M. [I] était apte à un essai au sein du magasin du Blanc Mesnil avec un point à réaliser d'ici un mois.
Elle conteste l'existence d'une répartition défavorable des tâches au détriment de M. [I], M. [A] étant délégué syndical et donc très régulièrement absent, ce qui n'est pas contesté par l'appelant. Au surplus, l'examen de la répartition des tâches entre les deux responsables du magasin, dont l'appelant, démontre son caractère équitable, les domaines d'intervention de chacun étant équivalents en terme de responsabilité. Enfin, l'employeur a pris en compte la nécessité d'aménager la reprise de l'intéressé après les agressions dont il avait été victime.
La société Aldi marché Dammartin se fonde également sur l'enquête réalisée pour contester l'existence de menaces de la part de MM. [A] et [J].
En l'espèce, il ressort de cette enquête réalisée le 31 janvier 2014 au sein du magasin du Blanc Mesnil qu'ont été auditionnées neuf personnes mais que M. [I], bien que contacté pour la prise d'un rendez-vous, ne s'est pas présenté à l'audition prévue. Les salariés interrogés ont précisé qu'il n'y avait pas de menaces de mort de la part de la hiérarchie ou de collègues à l'égard de M. [I], ni d'intimidations ou de représailles, qu'ils n'avaient jamais vu de gestes insultants ou menaçant de qui que ce soit à l'encontre de l'appelant. Un seul précise qu'il a assisté à une discussion forte entre M. [I] et M. [A] au sujet de la planification du travail le samedi en raison d'un désaccord, mais qu'il n'y a pas eu de menace. Il a précisé que M. [I] refusait de travailler le samedi et qu'il n'organisait pas ses remplacements lorsqu'il partait du magasin de manière inopinée. A cette occasion, M. [A] a précisé qu'il souffrait du fait que M. [I] le traitait de fainéant et le dénigrait en permanence auprès de l'équipe qui a précisé que M. [I] compliquait l'organisation du magasin en ne respectant pas les plannings prévus et en raison de ses relations tendues avec les jeunes du quartier. La société Aldi marché Dammartin a également produit les entretiens menés avec chacun des salariés de sorte que son caractère probant ne peut être contesté.
Il se déduit des pièces produites que la société Aldi marché Dammartin justifie, au soutien de ses décisions, d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement de sorte qu'aucun harcèlement moral ne peut être retenu.
Dès lors, les demandes tendant à l'indemnisation du préjudice pour harcèlement moral, à la nullité du licenciement, à la réintégration de l'appelant et à l'indemnisation du préjudice en résultant sont rejetées.
Sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.
M. [I] ne peut pas valablement invoquer l'avis d'inaptitude du 23 janvier 2014 dans la mesure où la société Aldi marché Dammartin justifie lui avoir notifié le même jour à 9 heures 18 sa mise à pied à titre conservatoire, soit antérieurement à l'examen réalisé par le médecin du travail. Dès lors, les demandes formées au titre de l'indemnité due en application de l'article L. 1226-15 du code du travail, de l'indemnité spéciale et de l'indemnité compensatrice de préavis à concurrence de 10 385,22 € bruts outre les congés payés afférents sont rejetées.
En conséquence, il y a lieu d'examiner les motifs du licenciement pour faute grave notifié par la société Aldi marché Dammartin en date du 3 mars 2014.
La société Aldi marché Dammartin a ainsi dénoncé plusieurs griefs qui sont examinés ci-dessous.
Un comportement inadapté entraînant une dégradation de la sécurité du magasin
A ce titre, la société Aldi marché Dammartin a précisé, dans la lettre de licenciement, que depuis l'arrivée de M. [I] au magasin du Blanc Mesnil, l'insécurité était grandissante au motif qu'il avait compliqué les relations avec les jeunes du quartier par ses provocations permanentes et que M. [A] avait été contraint de demander l'intervention de la hiérarchie en vue de lui demander de ne pas empirer la situation. Elle a précisé que d'autres salariés se plaignaient également de l'insécurité, que cette situation était également préoccupante puisqu'il avait aussi compliqué les relations avec les forces de l'ordre, que M. [L], responsable de secteur, ayant été obligé de présenter ses excuses à la police compte tenu des propos de M. [I] ayant dit aux policiers qu'ils devaient venir car il payait ses impôts et que sinon, il saisirait l'IGS.
A l'appui de ce grief, la société Aldi marché Dammartin produit le courrier qu'elle a adressé le 22 janvier 2014 à la police nationale pour présenter ses excuses à la suite du comportement inadapté de M. [I], ainsi qu'un message de M. [A] en date du 13 janvier 2014 précisant que lorsque les jeunes du quartier rentraient dans le magasin, M. [I] demandait au vigile de les suivre dans les rayons et que les jeunes avaient menacé de revenir 'mettre le bordel' quand l'agent de sécurité ne serait pas là.
Ce grief est donc établi.
La désorganisation du magasin du fait des retards, absences, départs intempestifs quasi quotidiens et le refus de travailler le samedi
Dans la lettre de licenciement, la société Aldi marché Dammartin a ainsi reproché à M. [I] de quitter le magasin sans avertir qui que ce soit, d'organiser ses rendez-vous personnels sans tenir compte des impératifs du magasin et sans se faire remplacer de sorte que sur une période de huit semaines, il n'a été présent que 28 heures en moyenne par semaine alors que dans le cadre de la convention de forfait jours, il doit réaliser au minimum 35 heures de travail hebdomadaires. Elle a précisé que cela s'était produit le 16 décembre 2013, les 14 et 22 janvier 2013. Elle a indiqué qu'elle a été contrainte d'appeler un autre salarié pour assurer la fermeture du magasin et que le 22 janvier, il a quitté le magasin à 10 heures du matin.
A l'appui de ce grief, la société Aldi marché Dammartin produit plusieurs pièces dont il ressort que le 14 janvier 2014, vers 18 heures 30, M. [I] a quitté le magasin en laissant seul un salarié effectuer la fermeture du magasin, que le salarié s'est plaint et que l'appelant s'est montré menaçant dans ses propos et sa gestuelle (attestation de Mme [K]), que le 15 janvier 2014, il n'était plus présent à 17 heures 05 (mémo de M. [A]). M. [A] a par ailleurs rédigé un courrier le 20 janvier 2014 à l'attention de son supérieur hiérarchique pour relater plusieurs faits : l'absence de respect par M. [I] de la planification, ses départs inopinés du magasin sans se faire remplacer, son refus d'effectuer l'inventaire, le fait de le dénigrer devant l'équipe, auprès du médecin du travail et des autres collègues délégués, son refus de travailler le samedi, la réalisation d'un travail à mi-temps.
Concernant le refus de M. [I] de travailler le samedi, un salarié a effectivement attesté qu'il avait assisté à une discussion entre l'appelant et M. [A] à ce sujet.
Si M. [I] a précisé qu'il avait quitté le magasin pour se rendre à des rendez-vous médicaux, il n'a pas versé aux débats de justificatifs pour toutes ses absences et en tout état de cause, il n'a pas démontré qu'il avait au préalable prévenu son employeur et organisé son remplacement.
Dès lors, ce grief est établi.
L'absence de respect de la répartition des tâches avec M.[A]
Dans la lettre de licenciement, la société Aldi marché Dammartin a précisé que malgré la répartition entre les deux responsables, M. [I] a refusé d'effectuer plusieurs fermetures, dont elle a précisément cité les dates, et qu'il n'a pas non plus effectué l'ouverture du magasin, ni les commandes compte tenu de son arrivée entre 9 heures et 9 heures 30, étant précisé que les commandes doivent être passées avant 9 heures. Elle cite également plusieurs dates. Elle a dénoncé l'absence de réalisation du pointage des livraisons de marchandise alors que cette tâche lui incombait.
Ces faits sont explicités par M. [A] dans le courrier précité ainsi que par d'autres salariés. Ce grief est donc établi.
Le dénigrement permanent de son collègue, M.[A]
Dans la lettre de licenciement, la société Aldi marché Dammartin a précisé qu'elle ne pouvait plus tolérer les remarques déplacées effectuées par M. [I] au sujet de M.[A], que ce comportement a contribué à détériorer l'ambiance de travail.
Cela ressort des propos relatés par M.[A] dans son courrier adressé à l'employeur en janvier 2014 mais également des propos tenus par M. [I] lui-même lors d'un entretien avec M. [L] au cours duquel l'appelant a précisé que l'intéressé 'glandait dans le magasin' et que si le magasin était propre et désormais rempli, c'était uniquement grâce à lui.
Ce grief est donc établi.
La perte d'un client important pour le magasin
Dans la lettre de licenciement, la société Aldi marché Dammartin a reproché à M. [I] la perte d'un client important et régulier, l'association Charismat église catholique à la suite de son refus de lui vendre des articles commandés, soit une perte de 2 871,27 €, en date des 7 et 14 décembre 2013.
M. [I] reconnaît qu'il n'a pas accepté le règlement par chèque de la part de cette association au motif que les règlements par chèque d'un montant de plus de 100 € ne sont pas acceptés (pièce n° 45 relative aux règles de base en matière d'encaissement).
Dès lors, ce grief n'est pas retenu.
En conséquence, les griefs sont tous établis à l'exception du dernier et ils constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. En effet, la société Aldi marché Dammartin a démontré qu'en raison de son comportement, M. [I] n'assumait pas les responsabilités d'un responsable de magasin et qu'il avait perturbé de manière importante son fonctionnement. Le jugement est donc confirmé.
Sur la nullité de la convention de forfait en jours
Il résulte des articles L. 3121-38 et suivants du code du travail que la convention de forfait est une stipulation contractuelle par laquelle l'employeur et le salarié s'entendent sur le versement d'une rémunération globale pour l'accomplissement d'un nombre de jours ou d'heures de travail déterminés, ce forfait pouvant être établi sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle.
L'article L.3121-46 du code du travail dispose qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours qui porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération.
En l'espèce, il n'existe aucun accord d'entreprise applicable au sein de la société Aldi marché Dammartin de sorte qu'il convient de se référer à la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire dont il est constant que les dispositions de l'article 5-7-2, qui dans le cas de forfait en jours se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. Il en résulte que la convention de forfait en jours était inopposable à M. [I].
La société Aldi marché Dammartin ne peut pas valablement soutenir la conformité de cette convention depuis la modification intervenue le 17 septembre 2015, le contrat de travail de M. [I] ayant été rompu antérieurement, soit à la date du 3 mars 2014.
Dès lors, il y a lieu de procéder à l'examen de la demande formée par M. [I] au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur dans la mesure où l'intéressé est fondé à se prévaloir de l'application de la durée légale du travail de 35 heures par semaine.
Sur les heures supplémentaires et le repos compensateur
Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires et mettre l'employeur en mesure de discuter la demande.
La demande de M. [I] est étayée au regard du tableau précisant ses horaires d'arrivée, soit systématiquement 7 heures 30, et de départ de l'entreprise, soit systématiquement entre 20 heures et 20 heures 30 y compris les samedis, avec une pause méridienne de 45 minutes.
Toutefois, les témoignages recueillis dans le cadre du licenciement et rappelés ci-dessus établissent que M. [I] ne respectaient pas ses horaires de travail, quittait parfois l'entreprise en pleine journée et sans prévenir, qu'il refusait de travailler le samedi de sorte que le rappel de salaire sollicité ne peut pas être équivalent à la somme de 55 937 € sollicitée par l'appelant.
En revanche, les éléments versés aux débats par les parties permettent à la cour d'accorder à M. [I] les sommes telles qu'elles ont été fixées en première instance ainsi que la somme de 11.025 euros bruts pour 2012 et celle de 918,75 euros bruts pour 2013 au titre de la contrepartie obligatoire en repos en raison du nombre d'heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel.
Sur le non-respect de la durée quotidienne et hebdomadaire de travail
A l'appui de sa demande d'indemnisation formée au motif qu'il effectuait des journées de travail d'une amplitude journalière supérieure à 10 heures ainsi que des semaines de travail pouvant dépasser 48 heures, M. [I] n'invoque aucun préjudice et n'a pas motivé sa demande de sorte que celle-ci ne peut être que rejetée.
Sur le travail dissimulé
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il omet sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, l'examen des pièces versées aux débats par les parties ne démontre pas que M. [I] a formulé une demande auprès de son employeur au titre du paiement des heures supplémentaires pendant l'exécution de son contrat de travail, ni que la société Aldi marché Dammartin s'est volontairement soustraite à l'obligation de régler les heures supplémentaires. L'intention de l'employeur faisant défaut, la demande d'indemnité forfaitaire est rejetée.
Sur la violation de l'obligation de sécurité
L'article L. 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que ces mesures comprennent des actions de préventions des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, qu'il veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés le contraignant à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés et protéger tant leur santé physique que mentale.
A l'appui de ses prétentions, M. [I] invoque les six agressions subies entre le 16 septembre 2011 et le 17 avril 2013, une tentative de vol à main armée et l'absence de mesure sérieuse pour les prévenir et les faire cesser ainsi que le refus opposé par la société Aldi marché Dammartin à sa demande de changement de magasin, outre la dégradation de son état de santé en lien avec les manquements de son employeur devant entraîner la réparation de son préjudice d'anxiété.
Il est constant que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il s'en déduit que l'indemnisation allouée par la juridiction prud'homale est donc circonscrite aux conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail.
Or, il a été jugé ci-dessus que la rupture du contrat de travail n'était pas abusive, ni illicite. En conséquence, la présente demande ne relève pas de la compétence de la juridiction prud'homale.
Sur la contrepartie aux astreintes
L'article L. 3121-5 du code du travail dispose qu'une période d'astreinte est celle pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise, et que la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
L'article L. 3121-7 du code du travail, dans sa version applicable aux faits, précise que les astreintes sont mises en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d'entreprise ou d'établissement, qui en fixe le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu, qu'à défaut de conclusion d'une convention ou d'un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail.
Il est constant que dans le cas où les astreintes ne sont prévues ni conventionnellement, ni contractuellement, il revient aux juges d'évaluer la contrepartie revenant au salarié.
Pour attester de l'existence d'astreintes, M. [I] se fonde sur l'attestation de M. [Y] fort peu circonstanciée et détaillée, celle de Mme [V], salariée de janvier 2009 à septembre 2010, et précisant seulement que le responsable de magasin peut être contraint de répondre aux appels du responsable de secteur en cas de déclenchement de l'alarme. Toutefois, elle n'affirme pas qu'il a été demandé à M. [I] d'effectuer des astreintes ou qu'il a effectivement réalisé des astreintes. Enfin, l'attestation de Mme [T] qui indique que les responsables du magasin du Blanc Mesnil peuvent être appelés la nuit en cas de déclenchement de l'alarme est contestée par la société chargée de la sécurité qui affirme clairement qu'il n'y a pas d'astreinte, ce dont attestent plusieurs responsables de magasins, et que seul un message téléphonique est laissé sur le répondeur du personnel.
En conséquence, cette demande est rejetée en l'absence d'élément attestant de l'existence d'astreintes réalisées par M. [I] au cours de la relation contractuelle.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Rejette la demande tendant à voir écarter des débats la pièce n°61 produite par la société Aldi marché Dammartin ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf :
- en ce qu'il a rejeté totalement la demande formée par M. [I] au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;
- à préciser que la demande formée par M. [I] au titre du préjudice résultant de la violation de l'obligation de sécurité ne relève pas de la juridiction prud'homale ;
Et statuant à nouveau,
Condamne la société Aldi marché Dammartin à payer à M. [I] les sommes suivantes :
- 11.025 euros bruts au titre de 2012 et 918,75 euros bruts au titre au titre de la contrepartie obligatoire en repos avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur par le conseil de prud'hommes ;
- 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Aldi marché Dammartin au paiement des dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT