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03/09/2019 | FRANCE | N°17/06604

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 03 septembre 2019, 17/06604


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 03 SEPTEMBRE 2019

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06604 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3IXB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 13/03502





APPELANTE



Madame [E] [X]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Isabelle BENAZETH, a

vocat au barreau de MELUN, toque : A0908





INTIMÉE



SAS CARBONNET ET ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier DESANDRE NAVARRE, avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 03 SEPTEMBRE 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06604 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3IXB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 13/03502

APPELANTE

Madame [E] [X]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Isabelle BENAZETH, avocat au barreau de MELUN, toque : A0908

INTIMÉE

SAS CARBONNET ET ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier DESANDRE NAVARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0187

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Denis ARDISSON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Denis ARDISSON, président

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente

Madame Anne HARTMANN, présidente

Greffier, lors des débats : Mme Caroline GAUTIER

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Denis ARDISSON, président, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil des prud'hommes de Créteil du 30 mars 2017 qui a débouté Mme [E] [X] de ses demandes tendant aux prononcer de la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec la société Carbonnet et Associés et de la nullité de son licenciement, requalifié le licenciement de la salariée pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à verser à la salariée les sommes de 48.733,25 euros à titre d'indemnité de licenciement, 13.954,50 euros à titre d'indemnité de préavi outre 1.395,45 euros pour les congés payés afférents et 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 2 mai 2017 par Mme [E] [X] ;

* *

Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 14 mai 2019 pour Mme [E] [X] afin de voir :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- condamner la société Carbonnet et Associés à verser la somme de 126.500 euros à titre d'indemnités pour nullité du licenciement,

subsidiairement, condamner la société Carbonnet et Associés à verser :

126.500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

48.733,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

13.954,50 euros à titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.395,45 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

une somme de (à parfaire) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

8.303,86 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2012 outre 830,36 au titre des congés payés afférents

9.572,81 euros à titre de rappel des heures supplémentaires pour l'année 2013 outre 957,28 euros au titre des congés payés afférents,

4.458,61 euros à titre de rappel des heures supplémentaires pour l'année 2014 outre 445,86 euros au titre des congés payés afférents,

27.909 euros au titre du travail dissimulé,

5.200 au titre de rappel de prime pour les mois de mai 2014 et juillet 2014, outre 520 euros au titre des congés payés afférents,

520 euros au titre des congés payés y afférents (sic)

215,58 euros au titre de rappel de salaire de la journée du 14 septembre 2012 outre 21,55 euros à titre de congés payés afférents,

3.000 euros au titre de la modification de la répartition de la prévoyance et de la suppression,

de la mutuelle,

5.000 euros à titre d'indemnité pour perte d'une chance d'utiliser le droit au droit individuel à la formation,

- condamner la société Carbonnet et Associés à remettre sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de la signification de la décision à intervenir les documents suivants : bulletins de paies conformes, attestation Pôle emploi, certificat de travail,

- appliquer les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts article 1154 du code civil,

- condamner la société Carbonnet et Associés à payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- exécution provisoire (sic)

- condamner la société Carbonnet et Associés aux dépens ;

Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 16 avril 2019 pour la société Carbonnet et Associés afin de voir, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail :

- déclarer Mme [X] mal fondée en son appel,

- déclarer la société Carbonnet et Associés recevable et bien fondée en son appel,

-infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Carbonnet et Associés à payer les sommes de 48.733,25 € à titre d'indemnité de licenciement, 13.954,50 € à titre d'indemnité de préavis, 1.395,45 € à titre de congés payés sur préavis, 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [X] au paiement d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que Mme [X] a été embauchée le 11 octobre 1982 en qualité d'assistante principale par la société d'expertise comptable Carbonnet et Associés et pour un temps partiel de 28 heures par semaine.

Après que M. [S] ait cédé son entreprise en 2011 à deux nouveaux associés, Mme [X] a, par lettre du 31 juillet 2012, reproché les manquements aux usages de la société par son nouvel employeur qui lui a imputé cinq jours d'absence à ses congés payés, soutenant que ceux-ci devaient venir en compensation de 'toutes les heures complémentaires voire supplémentaires effectuées depuis janvier 2012 et des ponts habituellement donnés (...) et de mon retour anticipé de repos du mois d'avril'. Elle reprochait en outre à l'employeur d'imputer sur sa paye une partie du coût d'une assurance de prévoyance depuis le 1er janvier 2012 alors que le précédent employeur le prenait à sa charge à 100 %. L'employeur a répondu à la salariée le 3 août 2012 que les primes et les ponts avaient pour objet de couvrir les éventuels dépassements d'horaires et lui rappelait que sa situation de 'totale indépendance' ne la dispensait pas de son obligation de rendre compte de son temps de travail et de n'effectuer des heures complémentaires ou supplémentaires qu'avec l'accord préalable de l'employeur. Ce denier indiquait encore que le cabinet n'était affilié à aucune caisse de prévoyance et rappelait enfin à la salariée qu'il était toujours dans l'attente de l'établissement de ses feuilles de temps.

Par lettre d'avocat du 31 juillet 2013, Mme [X] a dénoncé à l'employeur que son attitude relevait du harcèlement moral indiquant qu'à défaut de solution amiable, elle saisirait le conseil de prud'hommes d'une demande de résolution judiciaire de son contrat de travail et de paiement d'une somme de 111.636 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et d'une somme de 15.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Le 6 mai 2014, l'employeur a notifié à Mme [X] un avertissement pour non respect des instructions de faire établir les comptabilités et déclarations fiscales de plusieurs sociétés civiles, puis le 12 juin 2014 Mme s'est vue notifier un deuxième avertissement pour avoir indiqué faussement à un client avoir transmis son bilan à l'administration fiscale. Tandis que Mme [X] n'avait transmis aucune feuille de temps depuis le 28 mai 2014 malgré des relances, l'employeur lui a notifié le 13 juin 2014 un troisième avertissement puis pour le même motif un quatrième avertissement le 4 juillet 2014.

En suite de sa mise à pied et de sa convocation à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 29 juillet 2014, Mme [X] a été licenciée le 1er août pour faute grave dans les termes suivants :

'Depuis le 1er Janvier 2012, nous avons mis en place un système de feuilles de temps pour l'ensemble des collaborateurs du cabinet dans le but d'améliorer la gestion du cabinet, le suivi et le traitement des dossiers des clients. A la différence de l'ensemble de vos collègues, vous avez refusé de suivre ces instructions.

Nous n'avons eu de cesse de vous relancer sur ce point sous diverses formes, sans que vous ne vous exécutiez.

En dépit de nos relances et de deux avertissements vous sanctionnant sur ces fautes, vous êtes restée dans votre attitude de refus puisque ce n'est qu'après la mise en 'uvre de la procédure disciplinaire que vous nous avez transmis le 22 Juillet dernier les feuilles de temps manquantes soit, hormis les journées des 10, 11 et 17 Juillet, la période de six semaines allant du 28 Mai au 18 Juillet 2014.

Au surplus, vos documents ne respectent pas la procédure en vigueur dans le cabinet (saisie quotidienne sur le logiciel CEGID) et se trouvent inexploitables en l'état.

Nous ne pouvons obtenir vos feuilles de temps qu'après des relances systématiques et lorsque nous les obtenons, elles se trouvent peu ou pas utilisables.

Comme vous ne l'ignorez pas, ces documents internes ont pour objet d'assurer un suivi régulier de l'activité, d'établir et de contrôler la facturation, d'évaluer la qualité de votre supervision du travail de vos collaboratrices, d'organiser et suivre la gestion normale du cabinet et pour vous de superviser l'activité de vos collaboratrices.

En outre, lors des contrôles exercés par l'Ordre des Experts Comptables, il nous est demandé de produire les feuilles de temps de nos collaborateurs.

Faute de disposer de ces documents en temps utile, nous avons dû procéder ces derniers jours à un relevé des dossiers des clientsdont vous aviez la charge et avons constaté de graves manquements dans le suivi et le traitement de nombre de ceux-ci

Ces manquements vous ont été exposés lors de l'entretien préalable sans que vos réponses ne nous permettent de modifier notre appréciation sur votre comportement.

Votre équipe, composée de trois personnes dont deux à temps plein gère 43 dossiers et parmi ceux-ci, au 25 Juillet 2014, les anomalies étaient les suivantes :

' 6 dossiers ne sont pas saisis alors que les clients ont fourni les pièces comptables;

' 14 dossiers pour lesquels aucune pièce n'a été demandée aux clients ;

' Les Déclarations Sociales des Indépendants pour l'année 2013 ne sont pas faites dans 13 dossiers, alors qu'elles doivent être déposées au plus tard le 25 juin 2014 ;

' 37 déclarations DAS2 sont en retard sur un total de 53 (BNC inclus) alors qu'elles doivent être traitées en même temps que la production des comptes annuels, soit plus des deux tiers. En sus de l'amende prévue dans le CGI pour défaut de production, cette déclaration est indispensable à chaque contrôle fiscal et chaque contrôle URSSAF.

Plus particulièrement, ces manquements sont patents dans les dossiers suivants :

- Dossier AMBULANCES DE [Localité 3] : vous avez répondu à la demande du liquidateur de cette SARL par courriel en date du 17 Juillet 2014, lui communiquant un montant de chiffre d'affaires pour l'année 2013, engageant de ce fait la responsabilité du Cabinet alors que nous avons interdit à tous les collaborateurs de travailler sur ce dossier depuis sa mise en liquidation judiciaire en période d'observation

Vous avez reconnu cette erreur lors de l'entretien du 29 Juillet, exposant qu'elle n'engageait que votre responsabilité'

- Dossier [Z] : vous avez refusé de traiter la déclaration BNC de Monsieur [Z] pour l'année 2013 ainsi que les déclarations périphériques CA12 et DSI. Ce client a en outre été radié de son Association de Gestion Agréée pour défaut de paiement, les courriers de relance de l'AGA datés des 11 Mars et 27 Mai 2014 reçus au cabinet n'ayant pas été traités par vos soins, au risque pour lui de voir ses revenus non commerciaux taxés pour 125% de leur montant et de perdre une année de prescription fiscale.

Ces dossiers ont dû être régularisés dans l'urgence par d'autres collaborateurs, dont la charge de travail est au moins équivalente à la vôtre.

- Dossier [D] : vous n'avez pas vérifié la transmission à l'association de gestion agréée de Monsieur [D] de ses déclarations de TVA mensuelles pour l'année 2013.

Il vous a fallu attendre la relance de son AGA pour le savoir et y remédier, au risque de faire perdre au client une année de prescription fiscale.

De plus, sur le compte de résultat 2013 de ce client, apparaissent des comptes non affectés qui n'ont pas été purgés par vos soins au moment de l'arrêté des comptes annuels, ce qui est contraire à toute règle de présentation comptable.

- Dossier FCI : le bilan pédagogique de cette société reste en suspens depuis le 24 Juin 2014, date à laquelle la question relative aux recettes vous a été posée par le client sans que vous n'y ayez répondu.

Le client exige son bilan pédagogique complet sans plus attendre, ayant déjà trois mois de retard, et risque de fait, de perdre son agrément d'organisme de formation.

Il a également reçu une mise en demeure du SIE poursa déclaration 1330 qui n'a pas été transmise avec sa liasse fiscale.

- Dossier [U] : vous vous êtes rendue chez ce client le 19 Mai, le 27 Mai et le 10 Juillet et avez omis de vérifier que son tableau récapitulatif d'URSSAF rectifié pour l'année 2013 avait bien été transmis à l'URSSAF; vous n'en avez donc pas intégré une copie à votre dossier de contrôle comme cela devrait être fait. Le remboursement du CICE est subordonné à un envoi conforme de ce tableau à l'URSSAF et se trouve de ce fait bloqué.

- Dossier VISA CERAM : ce dossier vient de subir une taxation d'office de l'URSSAF pour le 2ème trimestre 2014 alors qu'il n'a plus de salarié depuis Mars 2014.

Le bordereau de cotisations correspondant n'a pas été fourni à NEANT comme vous auriez dû vous en assurer.

- Dossier [B] : ces clients vous ont confié leur déclaration ISF 2014, à faire pour le 15 Juin dernier. Vous avez reconnu lors de notre entretien du 29 Juillet ne pas avoir traité ce dossier qui a désormais plus d'un mois de retard.

Le client dépasse le seuil de taxation et sera donc pénalisé, sans espoir de remise gracieuse eu égard à la nature de cet impôt.

- Dossier [R] : la Déclaration d'Echanges de Biens pour le mois de Juin n'a été faite qu'après une relance des Douanes du 15 Juillet 2014. alors qu'elle devait être remise avant le 10 Juillet 2014, le client se trouve exposé à une amende qui ne fait en principe pas l'objet de remise gracieuse.

- Dossier LAB ELYSEES : il a fallu une relance du SIE le 3 Juillet 2014, avec menace d'amende pour que vous procédiez à sa déclaration 2072 ce qui aurait dû être fait pour le 20 Mai 2014. Elle a été rejetée exposant ainsi le client à ladite amende.

- Dossier [K] : le SIE a adressé une mise en demeure le 30 Juin 2014 pour défaut d'envoi de la déclaration 1330, qui aurait dû être fournie en même temps que la liasse fiscale le 16 Mai 2014.

En outre, nous déplorons que la procédure de transfert direct des OD de salaires en comptabilité n'ait jamais été mise en place par vos soins alors que nous vous le demandons depuis des mois; les écritures comptables restent saisies manuellement sur presque tous les dossiers de votre équipe entraînant pertes de temps et risques d'erreurs.

En dernier lieu, dans le cadre du suivi du secrétariat juridique de nos clients, vous n'avez retourné aucun des vingt questionnaires que notre collaboratrice vous a transmis le 26 Mai et relancés le 19 Juin 2014, retardant d'autant la tenue des assemblées générales de vos clients

Votre comportement fautif de refus d'exécution de vos tâches autant que de mauvaise exécution de celles-ci est largement préjudiciable à notre entreprise et rend impossible la poursuite de votre contrat de travail, d'autant que vous n'avez tenu aucune compte des avertissements que nous avons notifiés.'

1. Sur les demandes au titre des heures supplémentaires, en résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et de nullité du licenciement

Pour voir infirmer le jugement qui a rejeté sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ainsi que celle en nullité de son licenciement tirée du chef de harcèlement moral au travail, Mme [X] affirme, en premier, lieu avoir été confrontée à un accroissement important de travail après le départ de deux salariées qui avaient 20 ans d'expérience professionnelle et se prévaut de décomptes d'heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées.

Toutefois, les décomptes de Mme [X] se limitent à comparer son temps de travail hebdomadaire résultant de son contrat de travail avec des heures effectuées par semaine sans aucun détail du temps de travail journalier et alors d'autre part comme cela est retenu ci-dessous au point 2 de l'arrêt, que les avertissements prononcés par l'employeur en raison du refus ou des défauts répétés de la salarié de renseigner ses feuilles de présence sont bien fondés, il ne peut être attachée aucune présomption aux heures complémentaires ou supplémentaires revendiquée par Mme [X] en 2012, 2013 et 2014. Le rejet par les premiers juges de ces demandes à ce titre sera en conséquence confirmé ainsi que l'indemnité au titre du travail dissimulé, comme le tort de l'employeur sur ce grief.

Mme [X] reproche, en deuxième lieu, à l'employeur la remise en cause des usages sans respect des règles de la dénonciation portant, d'une première part, dans la mise en place d'un délai de carence en cas d'arrêt maladie, de deuxième part, dans le non paiement de primes tri-annuelles aux mois de mai et juillet 2014, et de troisième part dans le refus d'attribution de jours de pont.

Néanmoins, l'employeur n'était pas tenu de déroger aux règles légales et conventionnelles applicables en matière de carence ni à celles relatives aux 'ponts', Mme [X] étant de surcroît embauchée à temps partiel. En ce qui concerne les primes dont le principe n'était pas contractuel, l'employeur était fondé à les verser sous conditions de résultats des salariés et alors que Mme [X] avait fait l'objet d'avertissements sur son activité sur la période qu'elle revendique, l'employeur était fondé à refuser de verser cette gratification et à appliquer la retenue de salaire pour la journée du 14 septembre 2012 au titre de la carence de la salariée.

Mme [X] oppose, en troisième lieu, l'obligation qui lui a été faite de remplir des feuilles de temps de travail et les sanctions qu'il lui a infligées pour ne pas remplir celle-ci.

Au demeurant, la pratique du contrôle de l'activité est conforme au droit applicable, de sorte que le moyen sera écarté.

En quatrième lieu, Mme [X] reproche à son employeur d'avoir annulé des rendez-vous qu'elle avait pris en urgence et en dehors de ses heures contractuelles de travail pour être à la disposition des clients de l'entreprise le 2 février et le 27 mars 2013.

Cependant, sauf accord exprès de l'employeur, la salariée ne pouvait disposer de son temps de travail en dehors des jours et des heures fixées à son contrat de travail, de surcroît pour imposer à l'employeur le bénéfice d'heures supplémentaires que celui-ci n'a pas autorisées.

En cinquième lieu, Mme [X] fait grief à l'employeur son refus de lui accorder des congés après un silence de 3 mois, alors qu'elle avait pris ses billets et réservations persuadée que le silence de sa hiérarchie équivalait à son accord dans les mêmes conditions.

Néanmoins et ainsi que cela est relevé ci-dessus, la salariée ne peut se prévaloir de l'usage avec son précédent employeur sur les règles d'organisation du temps de travail.

En sixième lieu, Mme [X] fait grief à l'employeur l'attitude humiliante et vexatoire qui lorsqu'il l'a convoquée le 4 avril 2013 à 9h à Boissy Saint Léger par l'intermédiaire de l'une de ses collègues alors qu'elle devait se rendre à un rendez-vous d'un client à [Localité 4] dans la même matinée et relève enfin le caractère vexatoire des avertissements qui lui ont été infligés.

Toutefois, et alors que ces faits ne sont pas rapportés à des numéros de pièces communiqués ni référencés dans le bordereau de communication de pièces de Mme [X], la cour ne peut se livrer à aucune discussion sauf à relever que la première des affirmations ne caractérise pas un tort de l'employeur et que pour le second grief et ainsi que cela est par ailleurs retenu ci-dessous au point 2 de l'arrêt, les avertissements sont bien fondés.

Il en résulte que les comportements de l'employeur reprochés par Mme [X] n'excédaient pas son pouvoir de direction et qu'aucune faute ne peut lui être imputée. Ces faits ne sont pas davantage de nature à présumer la dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le jugement sera en conséquence aussi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et en nullité de son licenciement.

2. Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave

Pour contester la faute qui lui est reprochée dans son licenciement ainsi que toute cause réelle et sérieuse, Mme [X] soutient, en premier lieu en ce qui concerne ses carences dans les suivis de dossier, soit que l'application logiciel pour saisir les données n'était pas adaptée, soit qu'il s'agit d'erreur de l'employeur sur la situation du dossier, soit que l'alimentation des données dépendait de l'initiative du client. En ce qui concerne le grief sur le défaut de retour des questionnaires devant être adressés aux clients, Mme [X] rétorque les clients n'ont pas répondu et qu'elle n'avait rien à transmettre et qu'elle ne voyait pas de liens entre la tenue des assemblée et le recueil de ces questionnaires.

Au demeurant, et d'une première part, il résulte des pièces versées aux débats la preuve des manquements répétés de Mme [X] dans ses missions auprès des clients du cabinet d'expertise comptable dans les termes rapportés à la lettre de licenciement citée ci-dessus, de sorte que les avertissements notifiés à la salariés pour ces griefs sont bien fondés.

D'autre part, il est établi la preuve de la volonté délibérée de Mme [X] de se soustraire à l'établissement des feuilles de temps de travail et ceci, malgré les demandes et avertissements qui lui ont été donnés à plusieurs reprises depuis le 3 août 2012, et ainsi que cela résulte des termes de la lettre qu'elle a adressée à l'employeur datée du 2 juillet 2014

dans laquelle elle revendique son refus de renseigner son temps de travail, ce qui caractérise une faute grave de la salariée rendant impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a écarté le bien fondé de cette cause de licenciement ainsi que dans les indemnités qu'il a reconnu à la salariée.

Mme [X] sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

3. Sur les dommages et intérêts au titre de la suppression du bénéfice de la mutuelle et la perte de chance d'utiliser le DIF

Mme [X] renouvelle sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte du bénéfice de la mutuelle. Au demeurant, ainsi que cela est retenu ci-dessus, l'employeur justifie que cet avantage n'existait dans le cabinet et que même avant la cession en 2012 il n'était affilié à aucune caisse de prévoyance et que les cotisations de prévoyance figuraient à tort sur les bulletins de paie.

Le rejet de la demande au titre du DIF fondée sur la résiliation judiciaire qui est écartée au point 1 de l'arrêt sera aussi confirmé.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Alors que Mme [X] succombe dans son action, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens. Statuant à nouveau y compris en cause d'appel, il est équitable de laisser à chacune des parties, les frais qu'elle a exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner Mme [X] aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf celles qui ont débouté Mme [X] de ses demandes de résiliation du contrat de travail, en nullité du licenciement et en paiement des heures supplémentaires, primes et dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur les autres chefs de demande,

Dit fondé sur une faute grave, le licenciement de Mme [X] le 1er août 2014 par la société Carbonnet et Associés ;

Déboute Mme [X] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et en dommages et intérêts ;

Laisse à chacune des parties, les frais qu'elle a exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [X] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/06604
Date de la décision : 03/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°17/06604 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-03;17.06604 ?
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