Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 31 JUILLET 2019
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/20102 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4L3C (dossier joint : RG n° 17/20408)
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016018363
APPELANTS
- Monsieur [F] [L]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5] (64)
Demeurant : [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Grégory DE MOULINS BEAUFORT de l'AARPI RICHELIEU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0502
Appelant dans le dossier 17/20102
- SELARL [U] & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL PRIMADERA (N° SIRET : 527 647 887 - BAYONNE), désignée en cette qualité par jugement du Tribunal de commerce de BAYONNE en date du 07 mars 2016
Exerçant ses fonctions : [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
Ayant pour avocat plaidant : Me Davy LABARTHETTE de la SELARL PICOT VIELLE & Associés, avocat au barreau de BAYONNE, toque : 83
Appelante dans le dossier 17/20408 et intimée dans le dossier 17/20102
INTIMÉS
- SELARL [U] & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL PRIMADERA (N° SIRET : 527 647 887 - BAYONNE), désignée en cette qualité par jugement du Tribunal de commerce de BAYONNE en date du 07 mars 2016
Exerçant ses fonctions : [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
Ayant pour avocat plaidant : Me Davy LABARTHETTE de la SELARL PICOT VIELLE & Associés, avocat au barreau de BAYONNE, toque : 83
Intimée dans le dossier 17/20102 et appelante dans le dossier 17/20408
- SNC DISTRIBUTION LEADER PRICE SNC, dont le sigle est D.L.P.
Ayant son siège social : [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
N° SIRET : 384 846 432 (MELUN)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant : Me Xavier CLEDAT de la SELAS LPA-CGR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0238
Intimée dans les 2 dossiers
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée, rédacteur,
Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du code de l'organisation judiciaire
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Laure COMTE dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Laurent BEDOUET, conseiller faisant fonction de Président, et par Cécile PENG, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Distribution Leader Price, ci-après Leader Price, commercialise des produits d'alimentation et non alimentaires de consommation courante sous la marque « Leader Price » proposés à la vente par des magasins intégrés et indépendants, exploités sous l'enseigne « Leader Price ».
La société Leader Price a conclu le 18 octobre 2010 un contrat de licence de marque, d'exploitation de l'enseigne « Leader Price » et d'approvisionnement exclusif, d'une durée de cinq ans, avec la société Primadera pour l'exploitation d'un point de vente à usage de supermarché sous l'enseigne « Leader Price » situé à [Localité 4]. La société Primadera avait pour dirigeant M. [F] [L].
Le 9 avril 2015, la société Primadera a pris acte de la cessation du contrat à son terme, soit le 12 octobre 2015.
Des pourparlers ont ensuite été entamés entre les parties afin d'envisager la suite de la collaboration entre les sociétés Primadera et Leader Price.
Le 21 décembre 2015, la société Leader Price a adressé à la société Primadera pour signature un avenant au contrat pour une durée limitée de six mois afin d'encadrer les livraisons pendant la période des discussions, et lui rappelait sa situation débitrice pour un montant de 210.000 euros et la nécessité de l'apurer rapidement.
Par courriel du 6 janvier 2016, la société Primadera a fait valoir une créance à l'encontre de la société Leader Price et menaçait de cesser les règlements à venir.
A cette même date, la société Leader Price cessait les approvisionnements à destination de la société Primadera.
Le 15 janvier 2016, la société Leader Price a adressé à nouveau à la société Primadera une mise en demeure d'avoir à payer les factures d'approvisionnement dans un délai de 24 heures.
Par courrier du 15 janvier 2016, la société Primadera a contesté l'arrêt des approvisionnements et par courriel du 16 janvier 2016, elle a fait parvenir l'avenant signé à la société Leader Price, et l'a mise en demeure de reprendre sans délai les approvisionnements.
Un échange de courriers s'en est suivi entre les parties afin de trouver une solution amiable à leur différent, sans succès.
Par courrier du 9 février 2016, la société Primadera a informé la société Leader Price de la cessation de ses activités et de sa volonté d'engager une action judiciaire fondée sur une rupture brutale des relations commerciales établies.
En réponse, la société Leader Price, par courrier du 19 février 2016, contestait les griefs qui lui étaient faits et réitérait sa mise en demeure de payer la somme de 619.270,34 euros ou à défaut de lui transmettre une proposition d'apurement de cette somme. Cette mise en demeure est restée sans suite.
Par acte du 4 mars 2016, la société Primadera a assigné la société Leader Price devant le tribunal de commerce de Paris.
Parallèlement, le tribunal de commerce de Bayonne a, par jugement du 7 mars 2016, prononcé la liquidation judiciaire de la société Primadera et désigné Me [P] [U] en qualité de liquidateur.
Me [U] est alors intervenu volontairement à la procédure devant le tribunal de commerce de Paris, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Primadera.
M. [F] [L], est également intervenu cette instance, sollicitant la réparation par la société Leader Price d'un préjudice personnel à un montant de 7.698.000 euros.
Par jugement du 2 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a:
- pris acte de l'intervention volontaire de M. [F] [L],
- débouté Me [P] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Primadera et M. [F] [L] de leurs demandes au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,
- débouté M. [F] [L] de ses demandes au titre de rupture fautive de la relation commerciale ainsi que de sa demande d'expertise,
- condamné solidairement Me [P] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Primadera et M. [F] [L] à payer à la société Distribution Leader Price la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société Distribution Leader Price du surplus de sa demande à ce titre,
- rejeté comme inopérantes ou mal fondées toutes conclusions plus amples ou contraires au présent jugement et en a débouté respectivement les parties,
- condamné solidairement Me [P] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Primadera, et M. [F] [L] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105, 84 euros dont 17,42 euros de TVA.
M. [F] [L] a formé appel devant la présente cour par déclaration au greffe du 31 octobre 2017 et Me [P] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Primadera, a formé appel devant la présente cour par déclaration au greffe du 6 novembre 2017.
La jonction entre les deux appels a été ordonnée le 23 janvier 2018.
La clôture a été ordonnée le 14 mai 2019.
Vu les conclusions du 3 mai 2019 par lesquelles M. [F] [L] invite la cour, au visa des articles 73, 74, 138 à 142, 143 et suivants, 326, 329, 300, 367 du code de procédure civile, L. 442-6, I, 4° et 5° du code de commerce, 1134, et 1382 anciens du code civil, à :
in limine litis,
- rejeter comme étant irrecevable l'éventuelle demande de sursis à statuer de la société Leader Price,
sur le fond,
- infirmer le jugement du 2 octobre 2017 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté Me [U], ès-qualités, et lui de toutes leurs demandes, et en ce qu'il les a condamnés à payer à la société Distribution Leader Price la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le juger recevable en ses interventions à titre principal et à titre accessoire,
- juger que la société Distribution Leader Price a rompu fautivement en janvier 2016 ses approvisionnements sans lesquels la société Primadera ne pouvait exercer son activité, ses relations contractuelles (avenant en cours) et commerciales, au détriment de la société Primadera et de lui,
- juger que les prétendues créances (encours de dettes) invoquées par la société Distribution Leader Price pour motiver la rupture unilatérale des relations avec la société Primadera ont été fixées par le tribunal de commerce de Bayonne à la somme de 48.417,60 euros, et sont insuffisantes pour justifier la rupture sans préavis des approvisionnements de marchandises et de leurs relations contractuelles et commerciales,
- prendre acte de ce que M. [L] se réserve tout moyen pour obtenir la preuve du traitement discriminatoire de ses franchisés par la société Distribution Leader Price,
- faire droit aux demandes indemnitaires formées par Me [U], ès-qualités,
- condamner la société Distribution Leader Price à payer à M. [L] tout ou fraction des montants suivants:
* la somme de 2.100.000 euros au titre de la perte de son actif constitué par l'EURL Primadera,
* la somme de 1.271.771,88 euros au titre de la perte de son compte courant,
* la somme de 3.592.154,61 euros au titre des pertes nettes et sèches des loyers versés chaque mois par la société Primadera à la SCI,
* une fraction de la somme de 535.005 euros au titre de la perte de chance de percevoir les loyers versés chaque mois par la SCI au bailleur,
* la somme de 150.000 euros au titre de sa perte de revenus,
* la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation et à son image,
- rejeter toutes les demandes de la société Distribution Leader Price envers lui,
- condamner la société Distribution Leader Price à lui payer la somme de 13.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- ordonner la publication de la totalité ou d'extraits des motifs et du dispositif de l'arrêt à intervenir dans trois journaux régionaux ou locaux distribués à [Localité 4] et ses environs aux frais de la société Distribution Leader Price dans la limite de 5.000 euros par publication';
Vu les conclusions du 3 mai 2019 par lesquelles Me [U], ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société Primadera, invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du code de commerce, 1382 et 1383 anciens du code civil, à :
- déclarer l'appel interjeté par la société Primadera et la SELARL [U] & Associées régulier en la force et recevable sur le fond,
y faisant droit,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la 13ème chambre du tribunal de commerce de Paris le 2 octobre 2017,
statuant à nouveau,
- constater la rupture abusive, brutale et sans préavis de la relation commerciale établie entre la société Primadera et la société Distribution Leader Price, du fait de cette dernière,
- fixer à vingt-quatre mois la durée du préavis qui aurait dû être respecté par la société Distribution Leader Price,
en conséquence,
- condamner la société Distribution Leader Price à lui verser, en réparation du préjudice issu de l'irrespect du délai de préavis, la somme de 2.069.256 euros,
- condamner la société Distribution Leader Price à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de la réparation du préjudice d'image subi par la société Primadera du fait de la rupture brutale,
- condamner la société Distribution Leader Price à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral et commercial subi par la société Primadera du fait de la rupture abusive,
- condamner la société Distribution Leader Price à lui verser la somme de 1.501.597,83 euros au titre du préjudice tiré du coût pour la société Primadera de la procédure collective intempestive provoquée par la rupture brutale et abusive de la relation commerciale établie, du fait de la société Distribution Leader Price,
- dire que l'ensemble des sommes sus évoquées porteront intérêt au taux légal à compter du 28 janvier 2016, date de la rupture des relations contractuelles,
- condamner la société Distribution Leader Price à lui verser la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- autoriser la publication jugement à intervenu par extraits dans deux journaux ou revues au choix de la société Primadera et aux frais de la société Distribution Leader Price, dans la limite de 3.500 euros hors taxes par insertion ;
Vu les conclusions du 6 mai 2019 par lesquelles la société Distribution Leader Price demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du code de commerce, 9, 695 et suivants, 910-4 du code de procédure civile, 1104, 1217 et 1241 du code civil, de :
- déclarer irrecevable la demande de Me [U], ès-qualités, tendant à la voir condamner à lui verser la somme de 1.501.597,83 euros au titre du préjudice tiré du coût pour la société Primadera de la procédure collective,
- dire que la société Distribution Leader Price n'est pas à origine de la rupture de ses relations commerciales avec la société Primadera, celle-ci ayant de sa propre initiative mis fin au contrat qui la liait à la société Distribution Leader Price,
- dire que les relations qu'ont entretenues les sociétés Primadera et elle après l'expiration du contrat d'approvisionnement n'étaient que provisoires, dans l'éventualité de la conclusion d'un nouvel accord, et ne caractérisent donc pas des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,
- dire que la société Primadera a failli à son obligation de payer les marchandises achetées auprès de la société Distribution Leader Price,
- dire qu'en conséquence, la société Distribution Leader Price était bien fondée à interrompre les approvisionnements de marchandises, faute de recevoir un quelconque règlement ou une quelconque assurance quant au règlement des factures impayées,
- dire que la société Distribution Leader Price n'a commis aucune faute vis à vis de la société Primadera,
- subsidiairement, dire que Me [U], ès qualités, et Monsieur [L] ne justifient ni de la réalité ni du quantum du prétendu préjudice dont ils sollicitent l'indemnisation,
en conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 avril 2017, en toutes ses dispositions,
- débouter Me [U], ès-qualités, et M. [L] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre reconventionnel,
- dire qu'il serait manifestement inéquitable de laisser à la société Distribution Leader Price la charge des importants frais qu'elle a dû engager dans le cadre de la présente instance pour défendre ses intérêts légitimes,
en conséquence,
- condamner solidairement Me [U], ès-qualités, et M. [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de Me [V] [Y], avocat au barreau de Paris,
- condamner solidairement Maître [U], ès-qualités, et M. [L] à lui payer la somme de 30.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la condamnation déjà prononcée sur ce fondement par les premiers juges ;
SUR CE, LA COUR,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
A titre liminaire, la cour constate que Me [U], ès-qualités, ne fonde ses demandes que sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, reprochant à la société Leader Price une rupture brutale et abusive au sens de cet article.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Me [U], ès-qualités, soutient que c'est à tort que le tribunal de commerce qui a fixé au 6 janvier 2016 la date de cessation de la relation entre les parties en a tiré la conséquence qu'à cette date aucun contrat n'unissait plus les parties. Il affirme au contraire que le courant d'affaires entre les deux sociétés s'est poursuivi, sans interruption, à l'expiration du premier contrat, a minima jusqu'au 6 janvier 2016, voire jusqu'au 27 janvier 2016, date de la dernière livraison de la société Leader Price. Il en conclut que la société Primadera a été entretenue dans l'espérance de la poursuite des relations commerciales avec la société Leader Price, croyance légitime qui caractérise une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, relation qui doit être prise en compte dans sa globalité à savoir de 2010 à 2016. Il soutient que l'avenant au premier contrat signé par les parties prévoyait que « l'ensemble des stipulations qui ne sont pas modifiées par l'article 1 du présent avenant demeurent inchangées », la rupture des relations contractuelles ne pouvait donc intervenir que « huit jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au cessionnaire », tel que cela était prévu par l'article 13.1 du contrat initial. Il fait valoir que la société Leader Price a rompu de manière unilatérale, brutale et abusive la relation commerciale établie entre les parties depuis plus de cinq ans, en violation notamment des dispositions précitées, la société Leader Price ayant cessé d'approvisionner sans la moindre justification ni préavis écrit la société Primadera.
M. [L] soutient que le contrat était en cours jusqu'au 11 juillet 2016 par effet de l'avenant signé entre les parties le 11 janvier 2016 et que donc il existait en janvier 2016 des relations contractuelles entre les parties. Il explique que par son courrier d'avril 2015, il n'a aucunement refusé le renouvellement du contrat, ni rompu les relations avec la société Leader Price mais a seulement mis en 'uvre l'article 3 dudit contrat. Il relève que ce courrier visait à acter les négociations en cours et à affirmer sa volonté de poursuivre les négociations en vue de la conclusion d'un nouveau contrat, dont les termes ne seraient pas identiques au précédent.
La société Leader Price réplique que postérieurement à l'expiration du contrat, la société Leader Price a continué d'approvisionner la société Primadera afin de permettre les discussions relatives à la conclusion éventuelle d'un nouveau contrat. Elle ajoute que les relations postérieures à l'expiration du contrat, revêtaient un caractère provisoire, le temps de rechercher si un nouvel accord était possible, de sorte qu'elles échappent à l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. Elle précise que l'avenant proposé était d'une durée limitée (initialement trois mois puis six mois), et que cet avenant n'a été renvoyé par la société Primadera que tardivement, dans le seul but de la contraindre à reprendre les livraisons. En tout état de cause, elle relève que la poursuite des relations commerciales était conditionnée au règlement par la société Primadera de sa dette envers elle, laquelle n'a jamais fait la moindre proposition afin d'apurer sa dette. Elle en déduit que le courant d'affaires qu'entretenaient les parties postérieurement au 12 octobre 2015 ne pouvait présager de la conclusion d'un nouveau contrat, hypothèse qui demeurait donc incertaine compte tenu du comportement de M. [L]. Elle en conclut qu'il n'existait pas de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, 5° du code de commerce le jour où elle a cessé de fournir les marchandises à la société Primadera. Elle fait en outre valoir que l'arrêt des approvisionnements, étant survenu postérieurement à l'expiration du contrat litigieux, ne peut s'analyser comme une rupture brutale des relations commerciales établies, d'autant que cet arrêt était justifié par l'absence répétée de règlement des factures par la société Primadera. Elle indique que la société Primadera a fait le choix de ne pas reconduire le contrat les liant, qu'elle est seule à l'origine de la cessation de ses relations d'affaires avec elle. Elle expose en ce sens que par courrier du 9 avril 2015 elle lui a formellement confirmé la non-reconduction du contrat.
***
Aux termes de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (') de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».
Une relation commerciale « établie » présente un caractère « suivi, stable et habituel » et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.
En l'espèce, il est constant que :
- les sociétés Leader Price et Primadera ont été liées par un contrat à durée déterminée de cinq années non reconductible,
- six mois avant l'expiration du contrat la société Primadera a fait part à la société Leader Price qu'en l'état, la reconduction du contrat n'était pas envisageable,
- le contrat a expiré le 12 octobre 2015,
- le flux d'affaires a continué entre les parties, alors que des négociations perduraient entre elles,
- un contrat à durée déterminée de 6 mois a été conclu par les parties et daté au 11 janvier 2015.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Primadera ne pouvait raisonnablement espérer un flux d'affaires postérieurement au terme du contrat, n'ayant été liée à la société Leader Price que par un contrat à durée déterminée de 5 années non reconductible puis par un autre contrat à durée déterminée de 6 mois, le temps pour les parties de trouver un accord le cas échéant, de sorte que les relations commerciales liant les parties ne peuvent être qualifiées d'établies.
Il y a donc lieu de rejeter les demandes formées par Me [U], ès-qualités, et M. [L] sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies, au sens de l'article L 442-6, I, 5° sus mentionné.
Sur la rupture fautive par la société Leader Price
M. [L] fait grief à la société Leader Price d'avoir fait montre de mauvaise foi et de déloyauté envers son partenaire la société Primadera et s'être ainsi rendue coupable d'une rupture fautive des relations commerciales. M. [L] reproche d'abord à la société Leader Price d'avoir méconnu les termes de l'accord conclu le 14 septembre 2014 en vertu duquel, cette dernière reconnaissant devoir un minimum de 290.000 euros à la société Primadera, somme qui pouvait aisément se compenser avec la créance de la société Leader Price et permettre ainsi la continuité des relations commerciales. Il prétend ensuite que la société Leader Price aurait tenté d'abuser de la situation de dépendance économique de la société Primadera, qui résultait des clauses d'exclusivité et de non concurrence stipulées dans le contrat, en lui imposant des conditions commerciales déséquilibrées. Il ajoute encore que la rupture des relations commerciales aurait été motivée par la volonté de la société Leader Price de prendre le contrôle de la société Primadera.
La société Leader Price réplique que ces griefs sont infondés. Elle explique d'une part qu'il n'a jamais existé d'accord en vertu duquel la société Leader Price se serait engagée à verser ou à rembourser une quelconque somme à la société Primadera, laquelle ne justifie pas de l'existence du prétendu accord du 14 septembre 2014. Elle ajoute ensuite que la société Primadera, ayant mis un terme au contrat conclu avec elle, ne saurait arguer d'une situation de dépendance économique. En tout état de cause, elle explique que la preuve d'une tentative de pression de sa part fondée sur la clause de non-réaffiliation n'est pas démontrée. Elle rejette également l'argument de M. [L] selon lequel la société Leader Price aurait rompu les relations commerciales litigieuses dans le but de prendre le contrôle de son partenaire. Elle relève en effet que si une prise de participation à hauteur de 26% de la société Leader Price dans une société dont la création avait été envisagée par les parties aux fins d'apurement de la dette a été discuté, cette prospection n'a jamais été examinée par la société Primadera. De même, elle indique que l'offre de reprise du fonds de commerce de la société Primadera dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ne démontre pas non plus une intention d'en prendre le contrôle.
***
La cour relève d'abord que la société Leader Price ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour, l'irrecevabilité des demandes de M. [L] qui est développée dans le corps de ses conclusions en page 34, de sorte que la cour n'est pas saisie de ce point.
M. [L] reproche d'abord à la société Leader Price d'avoir irrégulièrement et abusivement rompu sa relation contractuelle avec la société Primadera, dont il était le gérant, en n'ayant pas envoyé de mise en demeure en application des dispositions de l'article 13.1 du contrat. Il date la cessation des approvisionnements par la société Leader Price au 6 janvier 2016 (page 5 de ses conclusions), étant relevé que ceux-ci ont été repris pendant deux jours, les 25 et 27 janvier 2016.
M. [L] ne peut utilement invoquer les différents éléments de la négociation entre les sociétés Primadera et Leader Price et notamment la prise en charge financière de certaines sommes, ces éléments faisant l'objet des pourparlers entre les sociétés, conditionnés par la signature d'un nouveau contrat. A défaut, ces propositions de la société leader Price ne peuvent être considérées comme étant des engagements autonomes de celles-ci.
En l'espèce, l'instruction du dossier démontre que :
- le contrat du 18 octobre 2010 a pris fin le 12 octobre 2015,
- des négociations sont engagées par les sociétés Leader Price et Primadera autour des nouvelles conditions à définir d'un contrat de distribution,
- par courrier du 21 décembre 2015, la société Leader Price envoie un avenant prolongeant de 6 mois les relations commerciales entre elles dans les mêmes conditions qu'antérieurement, et rappelle le montant des factures impayées, qui à défaut de paiement rapide l'obligera à mettre en place un paiement d'avance,
- par courriel du 6 janvier 2016, la société Leader Price relance la société Primadera au sujet du paiement des factures qui est rejeté pour le motif « compte débiteur », pour la somme de 130.740,94 euros, lui fait savoir que compte-tenu du solde des impayés pour cause de rejet des prélèvements de 347.845,47 euros, elle doit payer les sommes dues dans les 24 heures et dans l'attente du règlement les livraisons sont suspendues,
- l'avenant a été signé et daté au 11 janvier 2016 par les parties,
- par courriel du 12 janvier 2016, la société Leader Price fait savoir à la société Primadera que sa proposition est toujours valable, mais que l'avenant comme le paiement des sommes dues doivent être d'abord régularisés par elle,
- par courriel du 15 janvier 2016, intitulé « dernière relance avant mise en demeure » la société Leader Price relance la société Primadera suite à un nouveau rejet de paiement de factures au motif « refus débiteur » et lui demande de régulariser les paiements,
- par courrier du 15 janvier 2016, la société Primadera reproche à la société Leader Price d'avoir cessé les approvisionnements, indiquant que la question de son encourt était autonome et ne pouvait justifier un arrêt des approvisionnements.
Les parties ont ensuite échangé différents courriers démontrant leurs différents et leurs désaccords sur les faits.
Les différents échanges entre les parties démontrent qu'elles ont appliqué les conditions contractuelles du contrat les ayant liées précédemment, de sorte que les dispositions de l'article 13.1 relatives aux conditions de la résiliation s'appliquaient entre les parties le 6 janvier 2016, lors de l'arrêt par la société Leader Price des approvisionnements auprès de la société Primadera.
L'article 13.1 dudit contrat dispose que « si bon semble au concédant, huit jours après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception adressé au concessionnaire, à la suite du non-paiement à une seule de ses échéances d'une somme due à raison de commandes passées et de fournitures livrées par le concédant et/ou centrales associées, du non-respect de la politique commerciale du réseau(') » le contrat sera résilié.
La société Leader Price ne démontre pas avoir mis en demeure la société Primadera de payer les sommes dues, de sorte que les dispositions de l'article 13.1 précité n'ont pas été appliquées par la société Leader Price, ce qui est constitutif d'une faute contractuelle de sa part.
Par ailleurs, M. [L] fait grief à la société Leader Price d'avoir été de mauvaise foi et déloyale avec la société Primadera, en abusant de sa situation de dépendance, pour lui imposer des conditions désavantageuses, en voulant prendre le contrôle de la société Primadera et en la mettant dans la croyance légitime de la poursuite de leur relation commerciale pour 5 années. Or, la cour relève que M. [L] ne démontre pas que la société Leader Price a commis un abus de dépendance à l'égard de la société Primadera, négociant avec elle et lui accordant un certain nombre de délais de paiement concernant les sommes demandées et non contestées dans le cadre de ces échanges. Le caractère déséquilibré des relations contractuelles antérieures, à le supposer établi, ne peut être utilement invoqué en l'espèce.
En effet, la société Primadera indique, dans un courrier du 26 janvier 2016 adressé à la société Leader Price, que le rejet bancaire du 27 décembre 2015 a été décidé par elle, tout comme celui des 27 janvier et 27 février 2016. Cette circonstance justifie ainsi l'arrêt des livraisons par la société Leader Price, contrairement à ce que soutiennent la société Primadera et M. [L]. La chronologie des faits démontre que le refus d'approvisionnement par la société Leader Price fait suite à des blocages de prélèvements décidés par la société Primadera.
En outre, M. [L] ne démontre pas que la société Leader Price a essayé d'imposer à la société Primadera des conditions disproportionnées, puisqu'au contraire la société Leader Price a fait des propositions financières à la société Primadera dans le cadre des négociations entre elles.
Enfin, le grief relatif à la tentative de prise de contrôle est inopérant, en ce qu'il s'agit de propositions formulées dans le cadre des négociations et que cette proposition n'apparaît pas fautive en soit.
En conclusion, la seule faute contractuelle établie à l'encontre de la société Leader Price est le non respect du formalisme posé par l'article 13.1 précité, selon lequel celui qui entend résilier le contrat doit envoyer une lettre de mise en demeure à son cocontractant, alors que les conditions de sa mise en 'uvre étaient réunies en l'espèce et auraient conduit à la résiliation du contrat, les parties ayant échangé à de nombreuses reprises avec la société Primadera en lui demandant de payer sous 24 heures les échéances impayées.
M. [L] demande la réparation de préjudices suivants :
- la perte de son actif constitué par l'EURL Primadera,
- la perte de son compte courant,
- les pertes nettes et sèches des loyers versés chaque mois par la société Primadera à la SCI,
- la perte de chance de percevoir les loyers versés chaque mois par la SCI au bailleur,
- la perte de revenus,
- son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation et à son image.
Or, M. [L] ne démontre pas le lien de causalité entre la faute de la société Leader Price de ne pas avoir strictement respecté le formalisme contractuel de résiliation alors que les conditions étaient réunies et que la société Primadera avait été relancée à de nombreuses reprises pour payer rapidement les sommes dues, conditions nécessaires à la signature d'un nouveau contrat, et les préjudices invoqués, liés à la liquidation judiciaire de la société Primadera dont il était le gérant.
Dans ces conditions, il y a lieu de débouter M. [L] de ses demandes de ce chef.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Me [U], ès-qualités, et M. [L] doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer in solidum à la société Leader Price la somme supplémentaire de 30.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par Me [U], ès-qualités, et M. [L].
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE in solidum Me [U], ès-qualités, et M. [L] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer in solidum à la société Leader Price la somme supplémentaire de 30.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';
REJETTE toute autre demande.
Le Greffier Le Président
Cécile PENG Laurent BEDOUET