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04/07/2019 | FRANCE | N°18/14198

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 04 juillet 2019, 18/14198


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 Juillet 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/14198 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67OH



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° F 18/03947





APPELANTE DU CHEF DE LA COMPETENCE

Mme [U] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]
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représentée par Me Stéphanie ROUBINE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1100, substitu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 Juillet 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/14198 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67OH

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section industrie - RG n° F 18/03947

APPELANTE DU CHEF DE LA COMPETENCE

Mme [U] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant

représentée par Me Stéphanie ROUBINE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1100, substituée par Me Rinah SASPORTES COHEN

INTIMEE DU CHEF DE LA COMPETENCE

SARL LE DEBITANT DE TABAC

N° SIRET : 348 878 349

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136, substitué par Me Julien-alexandre DUBOIS, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mai 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Monique CHAULET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Mariella LUXARDO, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Madame Monique CHAULET, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Mariella LUXARDO, Président et par Madame FOULON, Greffier.

Vu le jugement du 5 décembre 2018 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent au profit du conseil de commerce de Paris et a réservé les dépens,

Vu l'appel formé par Mme [U] [T] le 20 décembre 2018,

Vu l'ordonnance rendue par délégation du premier président de la cour d'appel de Paris le 16 janvier 2019 autorisant Mme [T] à assigner à jour fixe,

Vu l'assignation délivrée par acte d'huissier du 25 janvier 2019 à la SARL Le Débitant de Tabac, intimée, et les conclusions jointes à la déclaration d'appel signifiées à la SARL le 15 février 2019 par lesquelles Mme [T] demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes qui s'est déclaré matériellement incompétent,

- dire que le conseil de prud'hommes de Paris est compétent,

- dire que la relation ayant lié Mme [T] à la société Le Débitant de Tabac doit s'analyser comme étant une relation salariée,

statuant à nouveau,

- dire que les relations professionnelles entre la société Le Débitant de Tabac et Mme [T] s'analysent comme un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein eu égard au lien de subordination qui les liait,

- renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes de Paris afin qu'il soit statué sur les demandes,

- condamner la société Le Débitant de Tabac au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Le Débitant de Tabac aux dépens,

Vu les conclusions signifiées le 3 mai 2019 par la SARL Le Débitant de Tabac qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, première instance et appel,

-condamner Mme [T] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL OBP Avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

EXPOSE DU LITIGE

La société Le Débitant de Tabac, détenue à 100% par la chambre syndicale IDF de la Confédération des buralistes de France, a pour activité l'édition du magazine mensuel de la Fédération des chambres syndicales de [Localité 4], de l'[Localité 3] et de la [Localité 5] intitulée « Buralistes », qui est son activité principale, l'organisation d'un événement « Les Trophées » et l'animation d'une page professionnelle facebook.

A compter de juin 2011, la SARL Le Débitant de Tabac a fait appel à Mme [T] en qualité de photographe.

A compter de janvier 2012, Mme [T] a été déclarée comme auto-entrepreneur.

Les relations professionnelles se sont poursuivies jusqu'à ce que, par courrier du 22 décembre 2017, la SARL Le Débitant de Tabac informe Mme [T] de la cessation des relations professionnelles à compter du 31 janvier 2018.

Le 30 mai 2018, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir qualifier les relations professionnelles de contrat de travail à durée indéterminée et de voir la SARL Le Débitant de Tabac condamnée à lui payer diverses sommes notamment à titre de rappel de salaires, au titre des indemnités de licenciement et à titre de dommages et intérêts.

La SARL Le Débitant de Tabac a soulevé in limine litis l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal de commerce.

Le premier juge, se fondant sur une présomption de non-salariat, sur le fait que la SARL Le Débitant de Tabac est détenue à 100% par la chambre syndicale des buralistes IDF et que la fédération des chambres syndicales de [Localité 4], de l'[Localité 3] et de la [Localité 5] n'est pas une entreprise de presse, qu'enfin le lien de subordination n'est pas établi, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

Motifs de la décision

Sur la compétence du conseil de prud'hommes et le moyen relatif à l'existence d'un contrat de travail

Mme [T] fait valoir, au soutien de l'existence d'un travail dissimulé entre juin et décembre 2011, qu'il n'est pas contesté par la SARL que les relations de travail ont débuté en juin 2011 et qu'elle ne s'est inscrite aux AGESA en tant qu'indépendante qu'à compter de décembre 2011 alors qu'elle percevait dès le mois de juin 2011 un salaire initial de 1 500 euros par mois, qu'elle est en conséquence fondée à se prévaloir, au visa des dispositions de l'article L.1242-12 du code du travail, d'un contrat de travail à durée indéterminée puisque ce contrat de travail n'a jamais été résilié; elle fait également valoir que le premier juge a omis de statuer sur ce moyen; elle soutient en outre que la SARL Le Débitant de Tabac l'a contrainte à créer son statut d'auto-entrepreneur pour pouvoir continuer à travailler pour elle, qu'il s'agit en l'espèce d'un recours abusif au statut d'auto-entrepreneur, qu'elle n'avait aucun autre client et qu'elle a demandé sa radiation lorsqu'elle a été informée par la société de la fin de ses relations professionnelles avec elle; elle fait valoir qu'en sa qualité de reporter photographe travaillant pour une entreprise de presse, elle bénéficie d'une présomption de salariat en application des dispositions de l'article L.7111-3 du code du travail; elle soutient enfin qu'il existait un lien de subordination avec la SARL Le Débitant de Tabac, donneur d'ordre unique qui lui fournissait le matériel et les outils pour l'exercice de sa profession, qu'elle était à la disposition de la société et exerçait sa profession conformément à ses directives.

La SARL Le Débitant de Tabac soutient, sur le travail dissimulé au visa de l'article L.8221-6 du code du travail, que Mme [T] a été réglée des facturations et droits d'auteur sur la période de juin à septembre 2011 au demeurant spécifique et durant laquelle il n'existe pas davantage de lien de subordination; elle conteste la présomption de salariat revendiquée par Mme [T] du fait de la qualité de journaliste professionnel au motif qu'elle n'a aucune indépendance éditoriale; elle soutient en outre qu'il existe une présomption de non-salariat établie par les dispositions de l'article L. 8221-6 du code du travail qui s'applique aux auto-entrepreneurs pour la période postérieure à décembre 2011 et conteste l'existence d'un lien de subordination et la fourniture de moyens.

Aux termes des dispositions de l'article L.1242-12 du code du travail,le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Le contrat de travail n'étant défini par aucun texte, il est communément admis qu'il est constitué par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par le pouvoir qu'a employeur de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son salarié.

La SARL Le Débitant de Tabac reconnaît que Mme [T] a commencé à travailler pour elle en qualité de photographe à compter du mois de juin 2011 et Mme [T] produit la copie des chèques établis par la SARL Le Débitant de Tabac à son profit, le 30 juin 2011 pour un montant de 1 000 euros et les 27 juillet 2011, 29 août 2011, 27septembre 2011, 26 octobre 2011, 25 novembre 2011 et 22 décembre 2011 pour un montant de 1 500 euros chacun.

Durant cette période, Mme [T] exerçait sa profession de photographe pour le compte de SARL Le Débitant de Tabac sans être déclarée en qualité d'auto-entrepreneur.

Sur la présomption de salariat du fait de la qualité de journaliste professionnel, il résulte des dispositions de l'article L. 7111-3 du code du travail qu'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel ne peut être retenue que si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale, la SARL Le Débitant de Tabac contestant être une entreprise de presse et disposer d'une indépendance éditoriale.

Il est établi que la SARL Le Débitant de Tabac est détenue à 100% par la chambre syndicale des buralistes IDF et a pour activité principale l'édition du magazine mensuel de la Fédération des chambres syndicales de [Localité 4], de l'[Localité 3] et de la [Localité 5] intitulée « Buralistes ».

La SARL Le Débitant de Tabac n'est donc pas un organisme de presse et ne dispose pas d'une indépendance éditoriale.

En conséquence, Mme [T] n'est donc pas fondée à se prévaloir de la présomption de salariat liée au statut de journaliste professionnel.

Pour la période de juillet à décembre 2011, la présomption d'absence de contrat de travail prévue par les dispositions de l'article L. 8221-6 du code du travail entre le donneur d'ordre et les personnes physiques immatriculées notamment au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers ne peut s'appliquer mais il appartient néanmoins à Mme [T] de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail pour cette période.

La seule perception de sommes, en l'absence d'autres éléments tels des bulletins de paie, de nature à justifier de l'apparence d'un contrat de travail, ne suffit pas à démontrer l'existence d'un contrat de travail et il appartient à Mme [T] de démontrer l'existence d'un lien de subordination, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce puisqu'elle ne produit aucun pièce de nature à établir l'existence de ce lien de subordination pour les mois de juin à décembre 2011.

A compter de janvier 2012, Mme [T] a exercé son activité pour la SARL Le Débitant de Tabac en étant déclarée en tant qu'auto-entrepreneur et la société lui réglait des factures.

Aux termes des dispositions de l'article L.8221-6 du code du travail, sont présumées ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Au soutien du fait qu'elle aurait été contrainte par la SARL Le Débitant de Tabac de se déclarer comme auto-entrepreneur, Mme [T] produit une attestation non conforme aux dispositions du code de procédure civile établie par Mme [S] dont elle ne conteste pas qu'il s'agit de sa belle-mère et qui n'a donc pas de caractère probant.

Cet élément n'est donc pas établi.

Il est établi que Mme [T] était rémunérée par factures établies par la SARL Le Débitant de Tabac et il lui appartient de rapporter le preuve qu'elle était dans un lien de subordination dans l'exercice de son travail de photographe pour le compte de la SARL Le Débitant de Tabac.

Mme [T] soutient qu'elle exécutait son travail conformément aux directives et au contrôle de la société mais sans l'étayer et sans produire aucune pièce.

Elle soutient également qu'elle respectait un planning quotidien bien précis sans produire aucune pièce à l'appui de cette allégation.

Pour établir l'existence d'un lien de subordination, elle verse au débat des courriels que lui a adressés la société en 2016, au nombre de 2, et en 2017, au nombre de 30, pour l'informer des dates de ses missions.

Aucun élément dans ces courriels ne permet cependant d'établir que Mme [T] ne pouvait pas refuser ces dates ou ces missions, le fait qu'elle n'ait effectué de prestations que pour la SARL Le Débitant de Tabac durant cette période ne suffisant pas à établir qu'elle ne pouvait pas en effectuer pour le compte d'autres personnes, M. [B] et de Mme [E] attestant du contraire.

Par ailleurs il n'est pas démontré que la SARL Le Débitant de Tabac donnait des directives à Mme [T] dans le cadre de l'exercice de son activité de photographe ni qu'elle disposait d'un pouvoir de sanction à son encontre.

En conséquence, à défaut pour Mme [T] de démontrer l'existence d'un lien de subordination, il convient de confirmer le jugement du 5 décembre 2018 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Compte-tenu de la nature du litige, il convient de condamner Mme [T] à payer à la SARL Le Débitant de Tabac la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés en première instance et appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du 5 décembre 2018 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris,

Condamne Mme [T] à payer à la SARL Le Débitant de Tabac la somme de

2 000 euros au titre des frais engagés en première instance et en appel,

Condamne Mme [T] à payer les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL OBP Avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/14198
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°18/14198 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;18.14198 ?
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