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04/07/2019 | FRANCE | N°18/06729

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 04 juillet 2019, 18/06729


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 04 JUILLET 2019



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/06729 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5M4F



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/09542





APPELANT



COMITE D'ENTREPRISE DE LA SA CUNNINGHAM LINDSEY FRANCEr>
pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Roger KOSKAS de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, avocat au barreau de PARIS, toqu...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 04 JUILLET 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/06729 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5M4F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/09542

APPELANT

COMITE D'ENTREPRISE DE LA SA CUNNINGHAM LINDSEY FRANCE

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Roger KOSKAS de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137, avocat postulant

Représenté par Me Roger KOSKAS et par Me Matthieu BAGHDOYAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMES

SA CUNNINGHAM LINDSEY FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

N° SIRET : 348 220 948

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, avocat postulant

Représentée par Me Mathieu VALETEAU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

MINISTERE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 5]

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant

Monsieur François LEPLAT, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François LEPLAT, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Madame Monique CHAULET, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté par Madame Brigitte CHEMIN, avocat général, qui a fait connaître son avis, par des observations écrites

ARRET :

- réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller faisant fonction de Président, en remplacement de Monsieur François LEPLAT, Président empêché, et par Madame FOULON, Greffier.

************

EXPOSÉ DU LITIGE

La société anonyme Cunningham Lindsey France, ci-après désignée la société CLF, dépendant du groupe Cunningham Lindsey, exerce à l'instar de l'ensemble des entités de ce groupe une activité d'expertise d'assurances de sinistres de particuliers et d'immeubles ainsi que de risques industriels et commerciaux.

Au titre de son exercice 2013, elle employait 973 salariés et réalisait un chiffre d'affaires de l'ordre de 88 millions d'euros. Les résultats de la participation des salariés de la société CLF se calculent suivant la formule ci-après libellée :

Réserve spéciale de participation = [(Bénéfice net fiscal après impôt - 5% des capitaux propres de l'entreprise) x (Salaire de l'entreprise / Valeur ajoutée)] / 2

Le comité d'entreprise de la société anonyme Cunningham Lindsey France a contesté la mise en oeuvre de ce mode de calcul au titre de l'exercice 2013 en arguant d'opérations de gestions qui constitueraient en réalité des situations de fraude fiscale et de montage fiscal abusif qui lui seraient inopposables. Il a ainsi considéré que la société CLF avait fait application de cette formule avec des artifices comptables de baisse artificielle du bénéfice fiscal, cumulés à des artifices comptables de hausse artificielle des capitaux propres et avait de ce fait mis en place :

- des comptes courants débiteurs très élevés :

* dont l'intérêt économique ne serait pas connu, faisant transiter des fonds envers d'autres sociétés du groupe et créant donc des charges financières fictives du fait du versement d'intérêts financiers à des taux nettement supérieurs aux taux des fonds prétendument prêtés, la différence entre ces taux provoquant cette charge financière fictive;

* permettant en plus d'augmenter artificiellement les fonds propres de la société et venant donc directement réduire le montant de la participation ;

- une deuxième charge fictive dénommée Management fees, ne correspondant à aucune prestation concrète et réelle et s'élevant à des sommes totalement disproportionnées.

Suivant une délibération adoptée le 10 juillet 2014, le comité d'entreprise de la société CLF a en conséquence voté le recours à un expert-comptable, confiant l'exercice de cette mesure à la société par actions simplifiée Cabinet Marciano & Associés, ayant son siège [Adresse 3], [Localité 6], avec les missions suivantes:

* Une mission légale sur l'audit des comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2013 et sur le prévisionnel 2014, au visa des articles L.2323-12 et L.2325-35 du code du travail

* Un examen de la réserve spéciale de participation sur les exercices 2011, 2012 et 2013, au visa des articles D.3323-14 et L.2325-35 du code du travail.

Par courrier du 28 août 2014, le Cabinet Marciano & Associés a libellé en conséquence sa lettre de mission dans les termes suivants :

* L'examen des comptes annuels sur l'exercice clos au 31décembre 2013 prévu à l'article L.2325-35 du Code du Travail,

* L'examen des documents prévisionnels initiaux et révisés au 31 décembre 2014 mentionné au deuxième alinéa de l'article L.2325-35 du Code du Travail,

* L'examen du rapport sur la Réserve spéciale de participation pour l'exercice 2013.

Après avoir rempli ses missions, le Cabinet Marciano & Associés a remis le 26 mai 2015 au comité d'entreprise de la société CLF :

- un rapport intitulé Synthèse de Présentation / Examen des Comptes Annuels clos au 31 décembre 2013 et prévisionnels 2014 ;

- un rapport intitulé : "Rapport sur le calcul de la Réserve Spéciale de Participation défini à l'article D.2323-14 sur les exercices 2011, 2012 et 2013.

Considérant en lecture de ces deux rapports d'expertise que certaines opérations de gestion impactaient le résultat fiscal de l'entreprise dans des conditions de fraude fiscale et de montage fiscal abusif et modifiaient en conséquence le calcul de la participation des salariés, le comité d'entreprise de la société CLF a, par acte d'huissier de justice signifié les 10 et 11 mai 2016, fait assigner M. [U] [V], en qualité de Ministre des finances et des comptes publics, et la société CLF devant le tribunal de grande instance de Paris, demandant, par dernières conclusions du 3 mars 2017, de :

- au visa des articles D.3323-14, L.2325-35, L.3322-6, L.3326-1, L.2326-1 et L.2326-9 du code du travail, de l'article 10 de l'accord de participation applicable, de l'article 117 du code de procédure civile, des articles 39-1/3°, 39-12, 111 et 212 du code général des impôts, de l'article L.312-2 du code monétaire et financier et de l'article L.64 du livre des procédures fiscales ;

- dire que :

- les charges financières de l'exercice 2013 issues des comptes courants créanciers ne sont pas déductibles dans la mesure où ils ne proviennent pas d'associés ou d'entreprises liées;

- les charges financières de l'exercice 2013 issues des comptes courants créanciers de la société CLF ainsi que les « management fees » 2013 sont des actes anormaux de gestion ou un montage fiscal abusif ;

- subsidiairement, les charges financières de l'exercice 2013 calculées sur un taux supérieur à 2,79 % par an ne sont pas déductibles ;

- en conséquence :

- dire que l'ensemble des opérations de gestion précédemment mentionnées ne sont pas opposables aux salariés ;

- ordonner une extension de la mission sur la participation des salariés 2013 du Cabinet Marciano & Associés afin que celui-ci établisse un rapport sur la participation des salariés 2013 selon la décision à venir ;

- condamner la société CLF à verser les sommes correspondantes au nouveau montant de la participation rectifiée selon la décision à venir aux salariés et selon les modalités de l'accord de participation, avec les intérêts de retard ;

- en tout état de cause ;

- condamner la société CLF à lui payer une indemnité de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner la société CLF aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement entrepris du 6 mars 2018 le tribunal de grande instance de Paris a :

Débouté le comité d'entreprise de la société anonyme Cunningham Lindsey France de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société anonyme Cunningham Lindsey France ;

Condamné le comité d'entreprise de la société anonyme Cunningham Lindsey France à payer au profit de la société anonyme Cunningham Lindsey France une indemnité de 5.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté le surplus des demandes des parties ;

Condamné le comité d'entreprise de la société anonyme Cunningham Lindsey France aux entiers dépens de l'instance.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 28 mars 2018 par le comité d'entreprise de la société CLF;

Vu les dernières écritures signifiées le 5 avril 2019 par lesquelles le comité d'entreprise de la société CLF demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles D.3323-14, L.2325-35, L.3322-6, L.3326-1, L.2326-1 et L.2326-9 du Code du travail,

Vu les dispositions des articles 39, 1. 3°, 39, 12, 111 et 212 du code général des impôts,

Vu les dispositions de l'article L.312-2 du code monétaire et financier,

Vu les dispositions de l'article L.64 du Livre des procédures fiscales,

Vu les dispositions de l'article 10 de l'accord de participation,

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONFIRMER le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 6 mars 2018 en ce qu'il a déclaré recevable l'action en contestation du le comité d'entreprise de la société CLF ;

INFIRMER le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 6 mars 2018 en ce qu'il a débouté le comité d'entreprise de la société CLF de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence :

DIRE ET JUGER à titre principal que :

- Les charges financières 2013 issues des comptes courants créanciers ne sont pas déductibles car ne provenant pas d'associé ou d'entreprise liée ;

- Les charges financières 2013 issues des comptes courants créanciers de CLF ainsi que les management fees 2013 sont des actes anormaux de gestion, et/ou un montage fiscal abusif;

DIRE ET JUGER à titre subsidiaire que :

- Les charges financières 2013 calculées sur un taux supérieur à 2,79% (par an) ne sont pas déductibles ;

En tout état de cause :

CONSTATER l'absence de l'attestation du commissaire aux comptes prévue par l'article L.3326-1 du Code du travail ;

JUGER que lesdites opérations de gestion ne sont pas opposables aux salariés ;

FIXER la RSP 2013 à 109.673 euros ;

A défaut,

ORDONNER la nomination d'un expert chargé d'évaluer la RSP 2013 de CLF si les charges financières 2013 issues des comptes courants créanciers de CLF ainsi que les management fees 2013 sont jugées non opposables aux salariés ou, à défaut, une extension de la mission sur la participation des salariés 2013 du Cabinet Marciano & Associés afin que celui-ci établisse un rapport sur la participation des salariés 2013 selon la décision à venir ;

CONDAMNER la société CLF à verser les sommes correspondantes au nouveau montant de la participation rectifiée selon la décision à venir aux salariés selon les modalités de l'accord de participation avec les intérêts de retards ;

CONDAMNER la société CLF à payer la somme de 10.000 euros au CE en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

Vu les dernières écritures signifiées le 5 septembre 2018 au terme desquelles la société CLF demande à la cour de :

Vu l'article L.3324-1 du Code du Travail

Vu le 3° du 1 et le 12 de l'article 39 du Code général des impôts ainsi que l'article 212 du même code,

Vu les articles L.511-5 et L.511-7 du Code Monétaire et Financier,

Vu l'article L.64 du Livre des procédures fiscales,

CONFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 6 mars 2018 en ce qu'il a débouté le Comité d'Entreprise de la société Cunningham Lindsey France de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que les demandes formulées à l'encontre de la société Cunningham Lindsey France sont non fondées ;

DÉBOUTER le Comité d'Entreprise de la société Cunningham Lindsey France de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER le Comité d'Entreprise de la société Cunningham Lindsey France à payer à la société Cunningham Lindsey France une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER le Comité d'Entreprise de la société Cunningham Lindsey France aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu la dénonciation de la déclaration d'appel et des conclusions du comité d'entreprise de la société CLF par acte du 6 juin 2018 au ministère de l'action et des comptes publics, qui n'a pas constitué avocat.

Vu les observations du ministère public du 27 mars 2019 qui est d'avis que le jugement entrepris doit être confirmé.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont déposées et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur le calcul de la réserve spéciale de participation :

Selon l'article L.3324-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce: "La réserve spéciale de participation des salariés est constituée comme suit : / 1° Les sommes affectées à cette réserve spéciale sont, après clôture des comptes de l'exercice, calculées sur le bénéfice réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, à [Localité 7] et à [Localité 8], tel qu'il est retenu pour être imposé à l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés prévus au deuxième alinéa et au b du I de l'article 219 du code général des impôts et majoré des bénéfices exonérés en application des dispositions des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 undecies et 208 C du code général des impôts. Ce bénéfice est diminué de l'impôt correspondant qui, pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu, est déterminé dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat (1) ; / 2° Une déduction représentant la rémunération au taux de 5 % des capitaux propres de l'entreprise est opérée sur le bénéfice net ainsi défini ; / 3° Le bénéfice net est augmenté du montant de la provision pour investissement prévue à l'article L.3325-3. Si cette provision est rapportée au bénéfice imposable d'un exercice déterminé, son montant est exclu, pour le calcul de la réserve de participation, du bénéfice net à retenir au titre de l'exercice au cours duquel ce rapport a été opéré ; / 4° La réserve spéciale de participation des salariés est égale à la moitié du chiffre obtenu en appliquant au résultat des opérations effectuées conformément aux dispositions des 1° et 2° le rapport des salaires à la valeur ajoutée de l'entreprise."

Le comité d'entreprise de la société CLF soutient, sur la base des conclusions des rapports confiés au Cabinet Marciano & Associés et remis en mai 2015 au sujet des comptes clos au 31 décembre 2013 et des participations de 2011 à 2013, l'existence d'artifices comptables ayant eu pour objet ou pour effet d'obérer indûment le résultat fiscal de la société CLF en, d'une part, augmentant fictivement les charges financières et donc les fonds propres venant en déduction de la réserve spéciale de participation et, d'autre part, en mettant en place des "managment fees" ne correspondant à aucune prestation concrète et réelle et s'élevant à des sommes disproportionnées.

À titre liminaire, le comité d'entreprise de la société CLF relève l'absence d'attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes, en violation des dispositions de l'article L.3326-1 du code du travail, selon lesquelles : " Le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges nés de l'application du présent titre. (...)".

Il en déduit la possible remise en cause de éléments de calcul de la réserve spéciale de participation. Mais ni la recevabilité de son action, ni sa qualité à agir ou l'étendue de son pouvoir d'ester en justice ne sont contestées par la société CLF.

1.1 - Sur les charges financières :

Le comité d'entreprise de la société CLF affirmant que l'entreprise "se portait bien" en 2013 conteste la rémunération de comptes courants d'associés créditeurs, retraités en "quasi fonds propres" et venant donc, à hauteur de 5%, en déduction du bénéfice net fiscal pour le calcul de la réserve spéciale de participation. Il soutient notamment l'absence de qualité d'associés ou d'entreprises liées de ces titulaires de comptes courants en référence aux dispositions des articles 39/1/3°, 39/12 et 212 du code général des impôts.

Mais au regard de l'organigramme simplifié du Groupe Cunningham Lindsey que la société CLF met au débat et qui n'est pas utilement contesté, le lien d'entreprise entre les titulaires de comptes courant débiteurs au sein de cette dernière ne saurait être remis en cause, pas plus que la licéité des opérations de trésorerie que ces postes comptables révèlent.

Il reproche ensuite un taux d'intérêt servi à hauteur de 8% pour l'avance consentie par la société Cunningham Lindsey Nederland BV, taux supérieur à celui de 2,79%, fixé, pour l'année 2013, par l'article 39/1/3° du code général des impôts.

Mais l'article 212 du code général des impôts, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que : "I.-Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues."

Or il ressort d'une étude de marché, que la société CLF met aux débats, réalisée par Bank of America Merrill Lynch, que le taux moyen des obligations d'entreprises européennes à rendement élevé notées Caa3, libellées en euros était de 8,58% au 31 décembre 2013, ce qu'aucun autre document produit par le comité d'entreprise de la société CLF ne permet d'utilement contester, de sorte que ce taux de 8% n'est nullement critiquable.

Le comité d'entreprise de la société CLF fait encore grief à la société CLF d'avoir, par ses opérations d'avances de fonds à d'autres sociétés, pratiqué des actes anormaux de gestion, opérant ainsi sans utilité, pour aucune des sociétés, autre que celle de provoquer des charges financières. Il demande la compensation des comptes courants débiteurs et créditeurs pour réintégrer la somme de 4.853.000 euros.

Mais le tribunal a exactement retenu que cette critique était insuffisamment étayée par les éléments tirés des rapports du Cabinet Marciano & Associés, en ce sens que, d'une part, les avances de fonds correspondant tant à des prêts octroyés par des sociétés du groupe qu'à des prêts accordés à des sociétés du groupe, qui produisent dès lors, dans cette seconde hypothèse, des intérêts perçus s'ajoutant au revenu imposable de la société CLF et augmentant d'autant le montant de la réserve spéciale de participation des salariés et que, d'autre part, une avance de fonds de trésorerie de la part d'une autre société du groupe n'a aucune incidence sur le volume général des capitaux propres de l'entreprise, dont une proportion de 5% entre en déduction dans la formule de détermination de la réserve spéciale de participation, compte

tenu de l'obligation comptable d'inscription de cette avance tout à la fois dans les éléments d'actifs (entrée de trésorerie) et dans les éléments de passifs (dette) de l'entreprise.

Il s'ensuit que ni le principe, ni le montant de la rémunération de comptes courants ne sont critiquables en l'espèce.

1.2 - Sur l'illicéité alléguée des charges résultant des "managment fees" :

S'agissant des charges de "managment fees" résultant d'une convention à effet du 1er janvier 2009 et de son avenant au 1er janvier 2010, conclus entre la société américaine Cunningham Lindsey Group et la société CLF et ayant pour objet le marketing à l'échelle mondiale, l'assistance client à l'échelle mondiale, l'orientation stratégique, les communications institutionnelles, les services liés à la technologie et aux améliorations opérationnelles à l'échelle mondiale, les services financiers tels que le reporting externe, y compris la comptabilité, les consolidations et l'audit externe au sein de la Société de Management [la société Cunningham Lindsey Group], les services de trésorerie, y compris la gestion de l'endettement, des opérations de change, des taux d'intérêt, de la trésorerie, du risque et des relations bancaires à l'échelle mondiale, les services juridiques, y compris la supervision et la gestion des litiges, les règles et procédures d'entreprise, la communication de l'information d'entreprise, la stratégie fiscale et les services juridiques généraux, le comité d'entreprise de la société CLF en conteste l'exécution et souligne qu'il s'agit de prérogatives usuelles du dirigeant d'une société.

Mais la société CLF produit une facture du 11 juillet 2013 relative aux "managment fees" émanant de la société Cunningham Lindsey Group et aucun élément produit par le comité d'entreprise de la société CLF ne permet de mettre en doute l'exécution de ces prestations, dont la société CLF affirme, sans être contredite, qu'elle a participé à ces charges à hauteur de son chiffre d'affaires au sein du groupe Cunningham Lindsey, qui a été de 14,7% en 2013, montant qui n'est en rien disproportionné, le montant total des "managment fees" pour le Groupe s'étant élevé en 2013 à 1.668.752 euros alors qu'il est constant que le chiffre d'affaires de la seule société CLF était, pour la même année, de 87.321.956 euros.

La cour confirmera donc le jugement sur ce point et, partant, en son entier, aucune mesure d'expertise ne devant être diligentée à titre subsidiaire pour apprécier la non opposabilité de ces charges aux salariés, question de droit qu'il n'appartient pas à l'expert de trancher par application de l'article 238 du code de procédure civile.

2. Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, selon l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne le comité d'entreprise de la société anonyme Cunningham Lindsey France aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/06729
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°18/06729 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;18.06729 ?
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