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04/07/2019 | FRANCE | N°18/00529

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 04 juillet 2019, 18/00529


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 04 JUILLET 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00529 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4X5A



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2017 - Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2015005787





APPELANT :



Monsieur [C] [E]

Demeurant [Adresse 9]

[Local

ité 4]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 6] ([Localité 6])



Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de P...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 04 JUILLET 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00529 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4X5A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2017 - Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2015005787

APPELANT :

Monsieur [C] [E]

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 4]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 6] ([Localité 6])

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

INTIMÉS :

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 5]

SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [L] [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société EDITIONS FABERT

Immatriculé au RCS de [Localité 5] sous le numéro 440 672 509

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Valerie DUTREUILH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479

COMPOSITION DE LA COUR :

    En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2019, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère et Madame Aline DELIERE, Conseillère.

           Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Elodie RUFFIER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Par jugement du 26 janvier 2012, le tribunal de commerce de Paris sur saisie d'une déclaration de cessation de paiement a ouvert une procédure de redressement judiciaire avec période d'observation de 4 mois à l'égard de la Sas Editions Fabert. Le tribunal a désigné Maître [P] administrateur et la Selafa MJA en la personne de Maître [K] mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 16 janvier 2012.

Par jugement du 30 août 2012, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de cession de la Sas Editions Fabert au profit de la société School and Business.

Par jugement du 27 septembre 2012, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la conversion du redressement judiciaire de la Sas Editions Fabert en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 4 février 2013, le juge commissaire a nommé M. [T] [W] expert, afin d'identifier d'éventuels griefs pouvant justifier de l'application des dispositions de l'article L. 651 2 et suivants du code de commerce et d'examiner les flux comptables et financiers entre la société Sas Editions Fabert et les sociétés détenues en tout ou partie, directement ou indirectement par Monsieur [C] [E], et les qualifier le cas échéant.

Le 23 janvier 2015 le tribunal a été saisi par assignation de la Selafa MJA, prise en la personne de Me [K], conformément aux dispositions des articles L651 2, L653 1, L225 248 du code de commerce..

Par jugement en date du 5 décembre 2017 le tribunal de commerce de Paris a condamné Monsieur [E] au paiement de la somme de 605.345 euros au titre de l'insuffisance d'actif et à une mesure de faillite personnelle d'une durée de douze ans.

Monsieur [E] a interjeté appel de cette décision le 22 décembre 2017.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 avril 2019 Monsieur [E] demande à la cour d'appel de :

Vu les dispositions des articles L. 651-2 et suivants, L. 653-1 et suivants du Code de Commerce, L. 225-248 et suivants du même Code,

Il est demandé à la Cour de Céans de,

- Constater que Monsieur [C] [E] n'a commis aucune faute de gestion dans le cadre de ses fonctions de dirigeant de droit de la Société Editions Fabert,

- Constater que Monsieur [C] [E] n'a commis acte dans un intérêt personnel ou contraire à l'intérêt social de la société Editions Fabert,

Subsidiairement :

- Constater que Monsieur [C] [E] offre de rembourser la somme de 7.100 € au titre

des loyers versés à la Sci Les Capucins,

En conséquence,

- Rejeter l'ensemble des demandes de condamnation à l'encontre de Monsieur [C] [E] formulées par la Selafa MJA ès qualités

- Dire qu'il n'y pas lieu de condamner Monsieur [C] [E] à la sanction de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer.

- Subsidiairement condamner Monsieur [C] [E] au paiement de la somme de 7.100€ en comblement de passif.

- Rejeter la demande de condamnation de faillite personnelle et d'interdiction de gérer.

En toutes hypothèses,

- Condamner la Selafa MJA ès-qualités à payer à Monsieur [C] [E] la somme de

6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la Selafa MJA ès qualités aux entiers dépens de l'instance et de ses suites dont

distraction au profit de la Scp Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du CPC.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 juin 2018 la Selafa MJA demande à la cour d'appel de :

Vu les dispositions des articles L. 651-2 et suivants, L. 653-1 et suivants du Code de Commerce, L. 225-248 et suivants du même Code,

Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 5 décembre 2017,

Vu les pièces produites,

- Recevoir la Selafa MJA, ès qualités, en la personne de Maître [L] [K] en ses conclusions, et demandes,

- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 5 décembre 2017 en ce qu'il a condamné Monsieur [C] [E] à payer à la Selafa MJA, ès-qualités, la somme principale de 605.345,24 €, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, en application des dispositions de l'article L. 651-2 du Code de Commerce ;

- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 5 décembre 2017 en ce qu'il a prononcé la faillite personnelle de Monsieur [C] [E] et fixé cette mesure à une durée de 12 ans ;

- Débouter Monsieur [C] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 5 décembre 2017 en ce qu'il a condamné Monsieur [C] [E] à payer à la Selafa MJA, ès qualités, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner Monsieur [C] [E] à payer à la Selafa MJA ès-qualités la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Valérie Dutreuilh, Avocat au Barreau de Paris.

***

Le ministère public a conclu oralement à l'audience demandant de prononcer une faillite personnelle de 8 ans à l'encontre de Monsieur [E] et de tenir compte de ses facultés contributives et du fait qu'il était caution de sa société pour le montant de la condamnation à l'insuffisance d'actif.

SUR CE

Sur l'action en insuffisance d'actif

Aux termes de l'article L. 651-2 du Code de Commerce dispose que :

« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif.

La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés. »

La Selafa MJA expose que l'insuffisance d'actif de la société Editions Fabert s'élève à 605.345, 24 euros après déduction des créances contestées définitivement rejetées, du passif à échoir et de l'actif recouvré.

Cependant Monsieur [E] établit, sans être contredit, qu'à la suite d'une transaction avec le Crédit Lyonnais il a payé à titre de caution la somme de 10.000 euros ce qui a eu pour effet d'éteindre la créance de la banque envers la société qui s'élevait à 114.000 euros. La créance de la banque avait été admise au passif pour la somme de 75.000 euros environ.

L'insuffisance d'actif s'élève donc désormais à environ 530.000 euros.

Sur le règlement des charges sociales et fiscales

Monsieur [E] fait valoir qu'il avait obtenu de l'Urssaf et de Pôle Emploi en 2010 des moratoires de paiement, et qu'il n'était donc pas en état de cessation des paiements. Puis il a procédé au licenciement de 11 salariés ce qui a augmenté ses charges sociales. La date de cessation des paiements a été fixée au 16 janvier 2012. On ne peut donc lui reprocher ses défauts de paiement antérieurs à cette date.

La liquidatrice expose que le montant des créances fiscales et sociales de la société qui s'élève à 308.791 euros représente 45% du passif total.

La cour relève que Monsieur [E] a obtenu un échéancier de l'Urssaf en 2010 et qu'il a également obtenu de Pôle Emploi le paiement en 2 règlements de sa créance. Il apparaît cependant qu'il n'a payé que trois échéances à l'Urssaf, rendant ainsi la créance immédiatement exigible dès le troisième trimestre 2010.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que Monsieur [E] avait financé et maintenu son activité en ne payant pas les créanciers sociaux et avait ainsi retardé la déclaration de cessation des paiements et augmenté le passif de la société.

Ce grief sera donc retenu.

Sur la poursuite d'une activité déficitaire

Monsieur [E] conteste avoir poursuivi une activité déficitaire et affirme avoir pris toutes les décisions nécessaires, dont des licenciements pour réduire ses charges.

La Selafa MJA soutient que la société Editions Fabert est déficitaire depuis 2010 et que Monsieur [E] ne pouvait l'ignorer puisque l'assemblée générale d'approbation des comptes 2010 montre que les capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social. Elle ajoute que la société School and Business cessionnaire de la société Fabert est dirigée en fait pas Monsieur [E] et que ce faisant il continue l'activité déficitaire de la société Fabert.

La cour relève que lors de l'assemblée générale devant approuver les comptes 2010 il a été acté que le montant des capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social à la suite de l'affectation des pertes aux réserves. C'est ainsi que le commissaire aux comptes a déclenché une procédure d'alerte qui n'a eu aucun effet puisque les associés, principalement Monsieur [E] qui détient 99, 7% des parts sociales, ont décidé de poursuivre l'activité. La perte constatée en juin 2011 était augmentée de 108.000 euros. Enfin en septembre 2011 Madame [E] a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir désigner un administrateur judiciaire chargé d'apprécier l'opportunité d'une déclaration de cessation des paiements.

La procédure d'alerte, les décisions prises par Monsieur [E], associé majoritaire, les échéanciers demandés et obtenus et la connaissance qu'avait Madame [E] de la situation financière de la société alors qu'elle n'en était pas la dirigeante montrent que Monsieur [E] ne pouvait ignorer la situation financière de la société et son état de cessation des paiements. Monsieur [E] a donc continué son exploitation déficitaire en toute connaissance de cause.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point également.

Sur la société School and Business, les pièces produites par la liquidatrice semblent montrer que Monsieur [E] en est bien le dirigeant de fait. Cependant, la situation financière de cette société est inconnue et ce grief ne sera donc pas retenu.

Sur l'usage des biens de la société à des fins personnelles

- le paiement des loyers pour d'autres sociétés.

La Selafa MJA soutient que Monsieur [E] a fait payer par la société Fabert les loyers des sociétés Cognita et Au Kiosque de l'Education à la Sci [Adresse 9], société où il a des intérêts.

Monsieur [E] ne conteste pas ces griefs mais expose qu'aucun reproche ne lui a été fait de la part du commissaire aux comptes ou de l'administration fiscale. Il soutient que les versements étaient justifiés et qu'en tout état de cause ces paiements s'élèvent à 4.700 euros, soit une somme dérisoire en considération du passif de 605.345 euros et qu'elle ne peut être à l'origine de la cessation des paiements.

La cour relève que Monsieur [E] est associé et dirigeant de la société Sci des Capucins. Il ressort du rapport d'expertise que les loyers payés par les sociétés Cognita et Kiosque de l'Education ont été financés par la société Fabert en novembre 2010, en décembre 2010 et en mars 2011. Quant à la société Cognita l'expert précise que son activité a servi principalement à payer les travaux de réfection du local de la Sci des Capucins, à régler le salaire d'une vendeuse, à régler une partie du loyer et à payer la redevance de Monsieur [E].

Peu importe qu'au final les sommes versées n'étaient pas si importantes. Elles ont néanmoins aggravé le passif et le grief sera retenu.

- les apports de trésorerie de la société Fabert à la société Cognita

La Selafa MJA soutient que bien que les société Cognita et Editions Fabert n'avaient aucun lien capitalistique avant le 30 avril 2011 la société Fabert a effectué des apports de trésorerie au profit de la société Cognita.

Monsieur [E], qui regrette de ne pas avoir filialisé ces sociétés fait état du fait que le lien entre ces sociétés était le fait qu'il en était associé et que leurs activités étaient connexes.

La cour relève que le rapport de l'expert indique que le financement de la société Cognita s'est réalisé grâce à des apports en compte courant de Monsieur [E], un emprunt bancaire de 30.000 euros en 2009 et des apports en trésorerie de la société Fabert pour un total de 72.500 euros. Le fait pour Monsieur [E] d'être associé de ces sociétés ne justifie pas ces flux de trésorie

La cour retiendra donc ce grief qui est établi.

- les apports de trésorerie de la société Fabert à la société Kiosque de l'Education

La Selafa MJA reproche encore à Monsieur [E] des apports en trésorerie par la société Fabert, déficitaire, à la société Kiosque de l'Education pour un montant de 220.000 euros et alors que ces sociétés n'avaient aucun lien et qu'il n'existait pas de convention entre elles.

Monsieur [E] fait valoir qu'il y avait une convention de trésorerie entre ces deux sociétés signée en décembre 2000.

La cour relève à la lecture de la convention de trésorerie du 5 décembre 2000 que la société Royalties Services pouvait mettre à disposition des sociétés Editions Fabert et Kiosque de l'Education la trésorerie excédentaire dont elle dispose et que, parallèlement, ces deux dernières sociétés pouvaient si leur trésorerie le permettait mettre à disposition de la société Royalties Services leur trésorerie. Aucune disposition de cette convention ne prévoyait que la société Editions Fabert pouvait mettre sa trésorerie à disposition de la société Kiosque de l'Education.

Le grief sera donc retenu.

- la prise de participation par la société Fabert de la société Cognita

La Selafa MJA reproche à Monsieur [E] d'avoir fait acquérir par la société Editions Fabert 50% du capital de la société Cognita le 30 avril 2011 moyennant le prix de 7.500 euros.

Monsieur [E] fait valoir qu'il a en fait régularisé la situation capitalistique du groupe. Le prix payé était conforme à la valeur vénale de la société et cette cession a été faite selon les conseils et en accord avec l'expert comptable.

La cour relève que l'expert précise dans son rapport que la société Cognita n'a jamais eu de réelle activité, que l'opération n'a pas été enregistrée dans les comptes de la société Fabert alors que cette dernière a payé les 7.500 euros à Monsieur [E] pour des titres sans valeur.

Le grief sera donc retenu.

- le fonctionnement du compte courant de Monsieur [E]

La Selafa MJA reproche à Monsieur [E] un compte courant débiteur.

Monsieur [E] expose qu'il régularisait chaque année son compte courant et que l'administration fiscale n'a formulé aucune remarque sur ce mode opératoire. De plus il n'a perçu que 19.000 euros sur l'exercice 2011, soit une somme très modique.

Il ressort du rapport de l'expert que le compte courant de Monsieur [E] était débiteur pendant toute l'année et qu'à la fin de l'exercice il régularisait la situation en créditant son compte courant des ses salaires et indemnités kilométriques. Ce faisant Monsieur [E] se payait une rémunération ( 58.000 euros en 2010) alors qu'il ne payait déjà plus ses charges sociales et fiscales.

Le grief d'usage des biens de la société à des fins personnelles sera donc retenu.

- le bail conclu avec la Sci Les Capucins

La Selafa MJA reproche à Monsieur [E] d'avoir augmenté le loyer payé par la société Fabert à la Sci des Capucins ce qui aurait augmenté le passif de la société Fabert

Ici encore Monsieur [E] estime que la modicité de l'augmentation, 200 euros par mois, ne peut être à l'origine de l'état de cessation des paiements. De plus il a dès le mois de mai 2011 mis un terme au paiement du loyer du local situé à [Localité 7] ce qui a engendré une économie.

La cour constate que bien que l'augmentation ait été modeste elle a néanmoins contribué à, augmenter le passif de la société Fabert au bénéfice de la Sci et donc de Monsieur [E].

- la distribution de dividendes fictifs

La société MJA reproche à Monsieur [E] d'avoir perçu des dividendes de la part de la société Au Kiosque de l'Education alors que cette société n'était bénéficiaire qu'en raison d'une créance à risque sur la société Editions Fabert .

Monsieur [E] explique que la comptabilisation de la provision pour risque était de la responsabilité de son expert comptable.

Il ressort du rapport de l'expert que la société Au Kiosque de l'Education, dont le chiffre d'affaires était réalisé en totalité par la société Fabert, disposait d'un compte courant sur la société Fabert d'un montant de 72.619, 28 euros. Si cette somme avait été comptabilisée en provision pour risque le résultat distribuable de la société Au Kiosque de l'Education aurait été négatif et n'aurait pas permis la distribution de dividendes. Or la somme de 42.000 euros a été distribuée pour l'exercice 2010. Le grief est donc bien établi.

Sur les investissements ruineux et non rentables

La Selafa MJA reproche à Monsieur [E] des investissements ruineux et inadaptés en créant une revue éducative et en ouvrant un établissement à [Localité 8].

Monsieur [E] explique avoir tenté de diversifier l'activité des Editions faberts, ce qui ne peut lui être reproché.

La cour, de même que les premiers juges, considère qu'il ne peut être reproché à Monsieur [E] d'avoir tenté de diversifier l'activité de son entreprise quand bien même les résultats de cette diversification ont été désastreux.

Ce grief ne sera donc pas retenu.

Sur l'absence de mesures propres à redresser l'entreprise

La Selafa MJA reproche à Monsieur [E] de ne pas avoir réduit ses charges et de n'avoir rien fait pour reconstituer ses fonds propres.

Monsieur [E] fait valoir qu'il a procédé à des licenciements en 2011, qu'il a résilié le bail des bureaux situés à [Localité 7], qu'il a arrêté le magazine Education Magazine et qu'il a licencié Madame [E], dont les agissements étaient néfastes. Sur la reconstitution des fonds propres il explique que les capitaux propres ne peuvent être reconstitués que grâce à une exercice bénéficiaire ou une augmentation de capital. Or il n'a pas trouvé de financements bancaires pour ce faire et c'est pourquoi il a choisi de déclarer la cessation des paiements de la société.

La cour relève que l'expert a exposé dans son rapport que la masse salariale avait augmenté entre les exercices clos le 30 juin 2009 et le 30 juin 2011 de 26% à 46%. Les licenciements ont été effectués pendant la période d'observation du redressement judiciaire. De plus l'expert a relevé que si les produits d'exploitation avaient baissé entre le 30 juin 2010 et le 30 juin 2011 en revanche les charges d'exploitation n'avaient pas baissé et avaient même augmenté entre ces deux dates. Il en est ainsi du coût de la sous-traitance, des loyers en augmentation, des honoraires payés à un agent de voyages à l'étranger et à un avocat spécialisé dans le secteur de l'édition et une masse salariale plus importante. Les loyers de [Localité 7] n'ont été arrêtés que fin mai 2011.

Monsieur [E] a également omis délibérément de reconstituer les capitaux propres de la société alors qu'il savait qu'il ne trouverait pas les financements bancaires nécessaires eu égard à la situation de la société et qu'il savait également qu'il ne pourrait lui même amener des financements à la société. Il a tardé à prendre en compte la situation de la société eu égard à ses fonds propres et a continué l'exploitation malgré cela.

Il résulte des ces éléments que Monsieur [E] n'a pas u prendre des mesures d'économie en temps utile, a aggravé les charges d'exploitation de la société et a aggravé ce faisant sa situation financière.

Le grief sera donc retenu.

Sur la contribution au passif

Le liquidateur fait valoir que l'insuffisance d'actif de la Société Editions Fabert s'élève à ce jour à la somme de 605.345 €.

La cour, prenant en compte la transaction avec le Crédit Lyonnais, retient une insuffisance d'actif de 530.000 euros.

Monsieur [E] fait valoir qu'il s'est porté caution de la société et que la cour devra tenir compte de sa situation financière. Il a 69 ans et il ne pourra plus travailler. Son seul revenu est sa pension de retraite qui s'élève à 2.000 euros par mois environ. Son patrimoine s'élève à 30.000 euros.

Compte tenu des griefs retenus à l'encontre de monsieur [E] et des facultés contributives de ce dernier la cour le condamnera à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 400.000 euros.

Sur la faillite personnelle

Sur la poursuite abusive d'une activité déficitaire

Dans le cadre de la responsabilité de Monsieur [E] au titre de l'insuffisance d'actif la cour a déjà retenu le grief de poursuite d'activité déficitaire et d'usage des biens de la société dans un intérêt contraire à celle ci à des fins personnelles.

La cour au regard de ces griefs et de la situation personnelle de Monsieur [E] le condamnera à une faillite personnelle d'une durée de huit ans

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Selafa MJA, ès qualités, les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il lui sera allouée à ce titre la somme de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5 décembre 2017 en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur [C] [E] dans l'insuffisance d'actif de la société Editions Fabert et en ce qu'il l'a condamné à une mesure de faillite personnelle,

L'INFIRME sur le montant de la condamnation à l'insuffisance d'actif et sur la durée de la faillite personnelle,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE Monsieur [C] [E] à payer à la Selafa MJA, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Editions Fabert, la somme d e 400.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

CONDAMNE Monsieur [C] [E] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de huit ans,

CONDAMNE Monsieur [C] [E] à payer à la Selafa MJA, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Editions Fabert, la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNE Monsieur [C] [E] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/00529
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°18/00529 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;18.00529 ?
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