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03/07/2019 | FRANCE | N°18/05301

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 03 juillet 2019, 18/05301


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 03 Juillet 2019

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05301 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5P2N



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 12/00751





APPELANT

Monsieur [C] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date anniversaire 1] 1966

à [Localité 1] (99020)

représenté par Me Jean JUNIK, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 107





INTIMEE

SARL VICTOR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 408 831 022 ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 03 Juillet 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05301 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5P2N

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 12/00751

APPELANT

Monsieur [C] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date anniversaire 1] 1966 à [Localité 1] (99020)

représenté par Me Jean JUNIK, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 107

INTIMEE

SARL VICTOR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 408 831 022 00020

représentée par Me Baptiste LAMPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1705 substitué par Me Julia CANCELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0667

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Fabienne ROUGE, Présidente de Chambre et par Madame Sylvie FARHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [C] [I], engagé, à compter du 26 octobre 1995 par la société KITHIRA puis par la société VICTOR, le 26 décembre 2007 avec reprise d'ancienneté, a occupé comme dernières fonctions celles de directeur de restaurant, au salaire mensuel brut de 2831,04 euros.

Il a été licencié par un courrier du 28 octobre 2011. La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants :

' Nous vous avons reçu le lundi 21 novembre 2011 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Nous avons décidé de vous licencier.

Ainsi que nous vous 1'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

Vous nous avez rendu un plan d'actions en date du 23/06/11 suite à un certain nombre de dysfonctionnements que nous avions constatés au sein du restaurant dont vous avez la charge en tant que Directeur. Nous avons validé ce plan avec vous. Il convenait donc de le mettre en oeuvre sans délai.

Depuis lors, vous n 'avez à aucun moment pris l'initiative de nous rendre compte de l'état d'avancement de ce plan d'actions, aussi nous vous avons convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 26/09/2011 à un entretien professionnel se déroulant en date du 13/10/11 pour nous rendre compte de l'état d'avancement et du suivi de ce plan d'actions. Dans cette convocation, nous vous avions expressément demandé « de nous fournir un suivi de plan d'actions détaillé, documenté et précis sur support papier ou informatique selon votre préférence''.

M [E] [B] a pris part à cet entretien professionnel en tant que Directeur Administratif et Financier de la société Dacs Services, la holding qui détient le capital de la société Victor.

Vous nous avez rendu un suivi du plan d"actions en date du 13/10/11 (cf copie jointe). A l'exception des dates des formations auxquelles les managers ont été inscrits, le suivi que vous avez rendu ne comporte aucun élément (date, note de service, tableau de suivi, chiffres, pourcentage...) permettant d'évaluer de manière objective la mise en 'uvre ou le résultat des actions que vous nous aviez présentées le 23/06/11.

Vous n 'avez également fourni aucun document complémentaire de nature à démontrer la mise en 'uvre et le suivi du plan.

Vous nous aviez pourtant, au cours d'un entretien informel en date du 14/09/11, laissé entendre que la plupart des actions étaient bien en cours et que vous les suiviez.

Vous avez reconnu lors de l'entretien du 13/10/11 n 'avoir toujours pas eu de réunion avec votre équipe de managers pour présenter le plan d'actions. A ce sujet, vous avez ajouté que vous aviez pris l'initiative d'organiser une réunion l'après-midi même du jour de notre entretien. Cette réunion avait en réalité été provoquée à l'initiative de la Directrice de Marché.

Nous vous avons, au cours de l 'entretien du 13/10/11, fait part de notre plus vif mécontentement.

Nous vous avons expliqué que votre suivi était parfaitement insatisfaisant et que nous ne pouvions l 'accepter en l 'état.

Nous vous avons, alors, demandé de nous rendre compte oralement de l 'état d 'avancement du plan d'actions. Vous n'avez pas non plus été en mesure de nous fournir des éléments objectifs d'appréciation.

Nous vous avons donc signifié que nous considérions que vous n 'aviez pas effectué le suivi du plan d'action requis.

Nous attendions, au minimum, de votre part que vous nous démontriez la mise en 'uvre de moyens de nature à remédier aux dysfonctionnements constatés ainsi que l'existence d 'un suivi permettant de mesurer leur efficacité dans le temps.

Depuis l 'entretien du 13/10/11, vous n 'avez pas jugé utile de vous rapprocher de nous par quelque moyen que ce soit pour remédier à ce manquement. Vous n 'avez pris aucune initiative en ce sens. Nous ne sommes, à ce jour, en possession d'aucun document de nature à démontrer objectivement la mise en 'uvre du plan d 'actions remis le 23/06/11 ou encore d'indicateur permettant de suivre et d 'évaluer l'efficacité des actions intentées et ce malgré notre demande expresse.

Nous vous avons demandé de ne pas vous rendre sur votre lieu de travail depuis le 29/10/11 jusqu'à ce jour afin d 'évaluer la mise en 'uvre et le suivi du plan d'actions en votre absence. Il est ressorti de cette période d'observation qu'aucun des membres du personnel n'est en possession de documents ou de consignes de travail particulières lui permettant de mettre en 'uvre, de suivre ou d 'évaluer l'efficacité du plan d'actions.

Vous avez, par ailleurs, reconnu, lors d'un entretien informel du 14/09/11, ne pas avoir conservé de copie du plan d'actions remis le 23/06/11. Nous avons dû vous fournir une copie de ce plan dans notre convocation du 26/09/11.

Par conséquent, nous constatons, d'une part, que le suivi de votre plan d'actions n'a pas été réalisé puisqu'il ne permet pas d'évaluer l'état d'avancement des actions. Vous avez simplement repris les points figurant dans le plan d'actions sans nous donner les moyens d'en apprécier objectivement l'état d'avancement. Nous avions, pourtant, demandé un suivi de plan (actions détaillées, documenté et précis)(cf convocation du 26/09/11). Vous n'avez, donc, pas exécuté le travail que nous vous demandions.

D'autre part et à l'exception de l'inscription aux formations des managers, vous n 'avez pas démontré avoir mis en 'uvre, même partiellement, les actions citées dans le plan, ce que vous avez reconnu. Vous n'avez pas sensibilisé votre équipe de managers à cette tâche. Vous n'avez pas mis en 'uvre les moyens nécessaires à la réalisation du plan d'actions. De ce fait vous n'avez pas exécuté le travail que nous vous demandions.

Vous disposiez pourtant de plus de 3 mois pour débuter la mise en 'uvre de ce plan.

Vous avez déclaré, lors de l'entretien préalable du 21/11/2011, que vous étiez débordé. Vous n'avez pourtant jamais évoqué cette situation depuis le 23/06/2011. Vous ne nous avez à aucun moment fait part de difficultés concernant la mise en 'uvre de ce plan ni sollicité au sujet d'un quelconque manque de moyen.

A fortiori, vous auriez du, le cas échéant, nous demander des moyens supplémentaires ou, au moins, nous informer de votre incapacité à mettre le plan d'actions en oeuvre.

Ces faits constituent une insubordination.

Par ailleurs, vous aviez déjà été sanctionné par un avertissement daté du 07/06/11 ayant pour motif une insubordination : vous vous étiez présenté à un entretien professionnel auquel vous aviez été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en n'ayant pas préparé le travail demandé, en l'occurrence le plan d'actions évoqué ci-dessus.

Pour ces faits, qui constituent une faute grave, nous avons décidé de vous licencier.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave privative d'indemnités...'

Monsieur [I] a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud'hommes.

Par jugement du 18 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Créteil a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement cause réelle et sérieuse et condamné la société au paiement de:

' 2006,51 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied et les congés payés afférents,

' 8952,13 euros à titre d'indemnité de préavis et les congés payés y afférents,

' 500 euros au titre du DIF,

' 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil et les dépens.

Il a débouté les parties pour le surplus.

Monsieur [I] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions visées au greffe le 10 avril 2019, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [I] considérant que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse demande à la Cour la condamnation de la société au paiement de :

' 35'808,50 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause,

' 2006,51 euros à titre de rappel de salaire sur congés payés,

' 8952,13 euros titre d'indemnité de préavis et les congés payés afférents,

' 12'000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

' 6000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée,

' 39'841,20 euros à titre d'heures supplémentaires et les congés payés afférents,

' 20'655 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos,

' 20'914, 32 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

' 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour le DIF non mentionné,

' 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par conclusions visées au greffe le 10 avril 2019, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, la société VICTOR sollicite le rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [I]. À titre infiniment subsidiaire, elle demande la réduction du montant des heures supplémentaires et des repos compensateurs la réformation du jugement dans son intégralité et la condamnation de Monsieur [I] à 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

La société fait grief à Monsieur [I] des faits d'insubordination pour n'avoir pas transmis de plan d'action conforme à ses attentes et qui puisse permettre de mettre fin aux dysfonctionnements qu'elle a constaté dans la gestion effectuée par son salarié, directeur de restaurant.

Il résulte de l'ensemble des pièces transmis par les parties que Monsieur [I] a bien remis à son employeur un plan d'action.

Ce document succinct est critiqué par la société qui toutefois ne transmet aucun élément objectif permettant de définir les attentes auxquelles elle aspirait et au regard desquelles le salarié aurait été défaillant.

La société invoque « des dysfonctionnements » à régler au travers de ce plan d'action mais dans aucun des courriers qu'elle transmet, la société ne détaille précisément leur nature et les objectifs assignés au salarié sur ce point.

Ainsi la lettre de licenciement qui s'appuie sur ce seul fait pour reprocher une insubordination à Monsieur [I] s'avère imprécis.

En outre, l'employeur soutient que l'attitude du salarié est constitutif d'une faute grave.

Les défauts du plan d'action dont aucun document réglementaire ou conventionnel ne permet d'identifier la teneur, ne sauraient constituer une faute grave et l'employeur ne justifie pas que ce document ait dans l'exécution du contrat de travail de Monsieur [I] une importance telle qu'elle rende impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Ce d'autant qu'au vu de l'inspection menée par le franchiseur, la qualité de la prestation réalisée par Monsieur [I] au sein de son restaurant est apparu globalement satisfaisante.

Au vu de l'ensemble de ces motifs, il y a lieu de considérer que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et il convient de faire droit à la demande du salarié concernant les dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Sur le harcèlement moral et les sanctions injustifiées

Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

À l'appui de sa demande Monsieur [I] indique qu'il a subi depuis 2010 une succession de sanctions disciplinaires injustifiées à l'origine d'une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à sa santé physique ou mentale.

S'il n'est pas contesté que le salarié ait fait l'objet de trois avertissements et d'un rappel à l'ordre entre 2010 et 2011, l'employeur produit les divers courriers et convocations relatifs à ces procédures qui justifient que ces sanctions disciplinaires reposent sur des faits précis et n'ont fait l'objet d'aucune contestation durant l'exécution du contrat de travail. Rien dans les éléments transmis par le salarié ne démontre que ces sanctions aient été injustifiées.

Par ailleurs, aucun élément, certificat médical ou témoignage, ne vient établir comme le prétend le salarié qu'il y ait eu une dégradation de ses conditions de travail et une atteinte à sa santé physique ou morale.

Au vu de l'ensemble des éléments transmis par les parties, la Cour constate que les faits de harcèlement ne sont pas établis.

Elle relève également que le salarié qui conteste les sanctions ne démontre pas qu'elles étaient injustifiées et la demande de dommages-intérêts pour sanction injustifiée devra également être rejetée.

Sur la convention de forfait en jours et la demande d'heures supplémentaires

Les conventions individuelles de forfait établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle doivent nécessairement être passées par écrit. La clause doit être rédigée avec précision sans se contenter de renvoyer à un accord collectif. L'absence de convention individuelle rend le forfait jours inopposable au salarié. La convention individuelle de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés, sauf à être privée d'effet. La charge de la preuve nombre de jours travaillés dans l'année répond au même régime probatoire de l'article L. 3171-4 du code du travail.

Monsieur [I] soutient que la convention de forfait en jours est caduque en raison de l'absence de contrôle du temps de travail inséré dans la convention collective de la restauration rapide.

Au vu des évolutions conventionnelles, la convention de forfait dont relève Monsieur [I] est prévue par les dispositions de l'article 33.5 de l'avenant n°37 du 26 juin 2004 étendu par arrêté du 22 octobre 2004 de la Convention collective de la Retauration rapide du 18 mars 1988.

Ce texte ne fixe aucune modalité de contrôle du temps de travail du salarié cadre.

L'avenant parle d'une durée de travail « incontrôlable », « d'un effort conjoint d'organisation» sans pour autant fixer de modalités de contrôle ou des dispositions relatives au personnel d'encadrement. Il renvoie les entreprises à réfléchir à l'organisation des établissements et de leur fonctionnement afin de permettre un allégement de la charge de travail du personnel d'encadrement.

Il y a lieu d'ajouter que dans ce la situation spécifique de Monsieur [I], aucune disposition particulière au niveau de l'entreprise n'a été mise en place pour permettre de contrôler et d'adapter et le temps de travail du salarié.

En conséquence, en l'absence de toute modalité de contrôle du temps de travail cette convention au regard des impératifs de santé et de sécurité des salariés soumis au forfait en jours est nulle et inopposable au salarié.

Dans ces conditions la demande au titre des heures supplémentaires formée par Monsieur [I] apparaît fondée.

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Monsieur [I] transmet ses plannings officiels de répartition du temps de travail. L'employeur relève à juste titre plusieurs erreurs notamment la nécessité d'intégrer les 30 minutes de pause méridienne, l'évolution du taux horaire entre 2007 et 2011, le bulletin de salaire de septembre 2011 qui établit que le salarié se trouvait bien en congés alors qu'il déclare un planning travaillé sur l'ensemble du mois.

Ainsi au vu de l'ensemble des calculs effectués par les parties il y a lieu de se rattacher aux chiffres produits par la société et de fixer le montant des heures supplémentaires à la somme de 22'370,33 euros outre les congés payés afférents.

Il convient également de retenir le calcul effectué par la société concernant la contrepartie obligatoire en repos dans la mesure où le nombre d'heures supplémentaires à hauteur de 206,23 heures est bien justifié. Il sera donc alloué à Monsieur [I] à ce titre la somme de 6812,54 euros.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

En vertu de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, Monsieur [I] n'a jamais attiré l'attention de son employeur sur l'accomplissement de ses heures supplémentaires et n'a jamais dénoncé la Convention de forfait avant la rupture. Il n'est donc pas établi qu'il y ait eu une intention frauduleuse de la part de l'employeur dans les déclarations salariales et la demande doit être rejetée.

Sur la demande relative au rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire.

Au vu du bulletin de salaire correspondant à la période de mise à pied entre le 8 novembre 2011 et le 21 novembre 2011, il apparaît qu'aucune retenue de salaire n'a été effectuée par l'employeur et ce dernier donc bien fondé à considérer qu'il n'y a pas lieu à rappel de salaire.

Sur l'indemnité de préavis et de congés payés afférents

La Cour constate que cette demande contestée au fond, n'est pas contestée dans son montant. La décision des premiers juges sur ce point sera donc confirmée.

Sur la demande dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au regard des bulletins de salaire et l'attestation Pôle Emploi produite, il y a lieu de retenir un salaire de référence à hauteur de 2831,04 euros. Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que Monsieur [I] a plus de 5 ans d'ancienneté et que la société occupait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 24000 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

Sur l'information sur le DIF

S'il est constant que l'information sur le droit du salarié au titre du DIF n'a jamais été délivrée à Monsieur [I], ce dernier ne justifie d'aucun préjudice consécutif à cette défaillance et en conséquence, la demande sera rejetée.

Sur les remboursements des indemnités chômage

En application de l'article L 1235 ' 4 du code du travail il convient d'ordonner d'office le remboursement des allocations chômage du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 6 mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement, sauf en sa disposition ayant alloué au salarié la somme de 8952,13 euros à titre de d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 895,21 à titre de des congés payés y afférents et la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Et statuant à nouveau

DECLARE le licenciement de Monsieur [I] sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que la convention de forfait en jours est sans effet ;

CONDAMNE la société VICTOR à payer à Monsieur [I] la somme de :

-24000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-22370,33 euros à titre de rappel de salaire sur les d'heures supplémentaires et 2237 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 6812,54 euros au titre du repos compensateur ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

ORDONNE la remise par la société VICTOR à Monsieur [I] de documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt, de bulletins de paye, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail rectifiés conformes au présent arrêt

VU l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société VICTOR à payer à Monsieur [I] en cause d'appel la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne le remboursement par la société VICTOR à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de Monsieur [I] dans la limite de six mois ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

CONDAMNE la société VICTOR aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 18/05301
Date de la décision : 03/07/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°18/05301 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-03;18.05301 ?
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