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03/07/2019 | FRANCE | N°17/06284

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 03 juillet 2019, 17/06284


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 03 JUILLET 2019



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06284 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3HKE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 14/15383





APPELANTE



Madame [T] [B]

[Adresse 1]

née le [D

ate naissance 1] 1950 à [Localité 1]

Représentée par Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1060





INTIMEE



Fondation INSTITUT CURIE

[Adresse 2]

N° SIRET : 784 257 164

...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 03 JUILLET 2019

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06284 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3HKE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 14/15383

APPELANTE

Madame [T] [B]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

Représentée par Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1060

INTIMEE

Fondation INSTITUT CURIE

[Adresse 2]

N° SIRET : 784 257 164

Représentée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Madame [B] a été embauchée par le centre [J] [I] de lutte contre le cancer, qui a fusionné avec la Fondation Institut Curie, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er janvier 2000, en qualité de faisant fonction de médecin spécialiste en statistiques médicales des centres de lutte contre le cancer (CLCC) à temps partiel.

Par avenant en date du 1er juin 2007, avec effet au 01 octobre 2006, Mme [B] bénéficiait de la qualification de 'médecin des CLCC' et la durée de son temps de travail était portée à 211 jours par année civile, soit un exercice à temps plein.

Un accord collectif majoritaire en date du 28 novembre 2014, signé par l'unanimité des syndicats et validé par décision de la DIRECCTE le 31 décembre 2014, portait sur le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la pondération, le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emplois, les catégories professionnelles concernées, les modalités de mise en 'uvre de mesures de formation, d'adaptation et de reclassement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 janvier 2015 la Fondation Institut Curie notifiait à Mme [B] son licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement. Le 6 février 2015 Mme [B] refusait d'adhérer au congé de reclassement proposé par l'institut Curie.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 février 2015 Mme [B] demandait à l'employeur de lui préciser les critères d'ordre de son licenciement. L'institut Curie lui répondait le 13 février 2015.

Le 1er décembre 2014, Mme [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris en résiliation judiciaire de son contrat de travail puis, ultérieurement et subsidiairement, en contestation de son bien-fondé, encore plus subsidiairement en contestation des critères d'ordre. Elle sollicitait également le paiement de diverses créances salariales et indemnitaires.

Par décision en date du 21 mars 2017, le Conseil de Prud'hommes a condamné la Fondation Institut Curie à payer à Mme [B] les sommes suivantes :

- 2000 € à titre d'indemnité pour inobservation des critères d'ordre des licenciements,

- 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Il a débouté Mme [B] de ses autres demandes.

Le 20 avril 2017, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 28 novembre 2018, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [B] conclut à l'annulation du jugement entrepris. Elle demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et subsidiairement conteste le bien fondé de son licenciement, elle conclut à la nullité de la convention de forfait jours ou à son absence d'effet et forme dés lors les demandes en paiement des sommes suivantes à l'encontre de la Fondation Institut Curie :

- 244 896 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, subsidiairement, au titre du non respect des critères d'ordre des licenciements,

- 85'051 euros ou subsidiairement 59'494,40 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires,

- 8505 euros ou subsidiairement 5549,40 euros au titre des congés payés afférents,

- 15'000 €à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait jours,

- 40'816 €à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-115'233,49 euros ou subsidiairement 77'896,96 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 15'000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en raison de la modification unilatérale de son ancienneté,

- 20'408 € à titre de dommages intérêts pour violation de la priorité de réembauche,

- 3660 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande à ce que les intérêts courent au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance avec capitalisation des intérêts année par année. Elle demande la condamnation de l'institut Curie à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation destinée à pôle emploi rectifiés dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard, le tout avec exécution provisoire.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 2 janvier 2019, auxquelles il est expressément fait référence, la Fondation Institut Curie demande la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a condamnée pour non-respect des critères d'ordre du licenciement. Elle conclut au débouté total de Mme [B] et à sa condamnation à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. À titre subsidiaire elle demande de limiter le montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 42'816,02 euros et le montant des dommages intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche à la somme de 13'605,34 €.

La clôture de la procédure a été prononcée le 7 janvier 2019.

MOTIVATION

* Sur l'annulation du jugement entrepris :

Madame [B] fait reproche au premier juge ne pas avoir répondu à l'intégralité de son argumentation. Ce moyen n'est pas de nature à justifier l'annulation du jugement entrepris, motivé en fait et en droit, il est simplement de nature à entraîner son éventuelle infirmation.

* Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Il n'est pas contesté que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour un motif survenu au cours de la poursuite du contrat le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée.

Le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Mme [B] invoque l'exécution déloyale par l'employeur de la convention de forfait jours, le non paiement de ses heures supplémentaires, un travail dissimulé, la modification unilatérale et déloyale de son ancienneté.

Madame [B] fonde sa contestation de la validité, et subsidiairement de l'opposabilité, de la convention de forfait en jours prévue par l'avenant du 1er juin 2007 sur la violation par la Fondation institut Curie des dispositions de l'article L3121-46 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, qui imposait à l'employeur l'obligation d'organiser un entretien annuel avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours, entretien portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

Or, l'employeur verse aux débats les compte-rendus d'entretien annuel d'appréciation effectués le 30 août 2013, le 27 juin 2014, pour les années 2012 et 2013, qui démontrent que la question de l'organisation du travail était abordée, en termes d'organisation et de répartition de la charge de travail et en termes d'articulation entre vie professionnelle et vie privée, dans la rubrique numéro 5. La salariée n'a fait valoir à ce titre aucune observation. Contrairement à ce que soutient Madame [B] la loi n'impose pas à l'employeur d'organiser un entretien portant sur la charge de travail du salarié dans le cadre de la convention de forfait jours indépendamment de l'entretien annuel d'évaluation.

L'inobservation par l'employeur des dispositions de l'article L3121-46 du code du travail, qui n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de forfait jours et la prive simplement des faits, n'est pas établie pour les années 2012, 2013 et 2014. L'employeur justifie avoir respecté ses obligations légales en la matière.

En revanche, le compte-rendu d'entretien versé aux débats pour l'année 2011, qui s'est tenu le 11 avril 2012 n'aborde pas l'adéquation entre la charge de travail de Mme [B] et son forfait en jours. Pour la période du mois de décembre 2011 l'employeur ne justifie pas avoir rempli son obligation légale.

Aucun autre moyen de nullité de la convention de forfait en jours n'étant soutenu par la salariée, celle-ci s'impose pour les années 2012 à 2014, et, en application de l'article L 3121-48 du même code Madame [B] ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents pour ces années. En revanche, il ya lieu de dire que la convention de forfait jours est sans effet pour l'année 2011 et donc pour le mois de décembre 2011.

Le décompte de la durée du travail de Mme [B] doit s'effectuer, pour le mois de décembre 2011 selon le droit commun.

Il résulte des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

Mme [B] ne fournit aucun tableau, aucun décompte spécifiant les semaines pendant lesquelles elle aurait effectué des heures supplémentaires ; de façon paradoxale, elle allègue un dépassement du nombre de jours stipulés par la convention dont elle demande l'annulation ou l'inopposabilité, dépassement contesté par l'employeur. De façon théorique elle calcule des heures supplémentaires, étant observé que les agendas produits ne concernent pas l'année 2011 et qu'en tout état de cause aucune corrélation n'est faite entre le produit d'un nombre d'heures et d'un nombre de semaines annuels et la réalité du temps de travail effectif. Ce faisant elle n'étaie pas suffisamment sa demande et ne met pas l'employeur en mesure de lui répondre. Dès lors il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents et de sa demande subséquente en paiement d'indemnité pour travail dissimulé.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ces chefs de demande ainsi que ses demandes subséquentes en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de tenir un entretien annuel et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Enfin aucune déloyauté de l'employeur dans l'exécution de la convention de forfait en jours n'est démontrée et la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [B] de ce chef.

Mme [B] prétend que son ancienneté remonte au 01 octobre 1974 et que frauduleusement l'employeur a retenu jusqu'en septembre 2007 une ancienneté remontant au 01 avril 1986 puis à compter de cette date au 1 avril 1996.

Les derniers bulletins de salaire de la salariée retiennent une ancienneté remontant au 11 avril 1996.

Deux bulletins de salaire émis par le centre [J] [I] en juin 2007 et janvier 2001font état d'une date d'entrée dans le centre remontant au 11 avril 1996 et d'une date d'ancienneté remontant au 1 janvier 1986.

Madame [B] produit également un bulletin de paye pour 20 vacations pour la période du 1er au 10 avril 1996, établi par l'Association de Recherches contre le cancer, et un bulletin établi le 28 octobre 1992 par l'Association d'Aide à la recherche cancérologique de [Localité 2] et deux bulletins de salaire émis par le centre [J] [I] aux mois de décembre 1978 et de février 1979, mentionnant sa qualité de médecin vacataire pour le premier et de médecin attaché pour le second.

Ces éléments disparates et anciens ne permettent nullement de conclure à une déloyauté de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail de nature à empêcher la poursuite de l'exécution de celui- ci, étant observé que la prime d'expérience prévue par l'article 2.5.3.4 de la convention collective des CLCC est versée au personnel cadre non praticien, et ne concernait donc pas Mme [B].

Dès lors, c'est à bon droit et par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge a rejeté la demande de Madame [B] en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

* Sur le bien-fondé du licenciement :

Aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Il convient de se référer au jugement entrepris pour l'exposé précis de la teneur de la lettre de licenciement, la Fondation institut Curie a considéré indispensable pour la sauvegarde de la pérennité de la Fondation qu'elle mette en 'uvre une évolution de son organisation concernant essentiellement la section médicale, mais également le centre de recherche, afin que le résultat structurel de l'ensemble hospitalier retourne à l'équilibre en 2015, ce qui impliquait des suppressions de postes dont celui de Madame [B].

Mme [B] prétend que les difficultés économiques de la Fondation Institut Curie ont été anticipées de façon exagérée, qu'elles n'étaient pas réelles au jour du licenciement et que la situation résulte de la faute de gestion ou de la légèreté blâmable de l'employeur.

L'institut Curie justifie que par lettre en date du 9 juillet 2014 l'agence régionale de santé Île-de-France a rejeté le plan global de financement pluriannuel 2014-2018 de l'ensemble hospitalier Curie, tout en saluant les efforts engagés dans le cadre d'une gouvernance renouvelée de projet d'entreprise ambitieuse et réaliste, elle notait que les équilibres bilanciels présentés sur la période ne permettaient pas à l'ensemble hospitalier de recouvrer l'ensemble de ses marges de man'uvre et estimait qu'une restructuration plus ambitieuse était désormais nécessaire.

S'il est exact que la Cour des Comptes a rendu un rapport concernant l'institut Curie pour les exercices 2009 à 2013 en émettant une réserve sur l'imputation d'une partie de la rémunération du directeur de l'ensemble hospitalier de l'Institut sur les fonds issus de la générosité publique, ce rapport conclut à la conformité de l'emploi des ressources de l'Institut issues de la générosité publique aux objectifs poursuivis par l'appel aux dons au cours des exercices 2009 à 2013 et à la conformité entre les objectifs de l'Institut et les dépenses financées par les dons ouvrant droit à avantage fiscal au cours des exercices 2010 à 2013.C'est à juste titre que l'employeur rappelle que les dons des particuliers, n'ont pas vocation à combler le déficit de la structure hospitalière dès lors que le donateur spécifie une affectation distincte, cette dernière devant être respectée.

Le rapport de la Cour des Comptes de février 2015 ne permet pas de conclure que les difficultés économiques de la Fondation sont dues à la légèreté blâmable de l'employeur.

Si le cabinet APEX, en sa qualité d'expert-comptable désigné par le comité central d'entreprise de l'Institut Curie pour l'assister dans le cadre du projet de licenciement collectif et de plan de sauvegarde de l'emploi, invoque dans son rapport des problèmes endogènes, telle l'instabilité des orientations stratégiques, il souligne également que l'ensemble hospitalier est soumis à de forts aléas et incertitudes, les dotations pour les missions d'intérêt général ayant connu une baisse sensible en 2013 puis en 2014, ce à quoi s'ajoute l'imposition à la taxe transport rendant l'équilibre économique plus complexe en 2014.

Malgré les mesures d'économies réalisées en 2014, conduites avec les services de l'agence régionale de santé Île-de-France, un déficit structurel à hauteur de 4,6 millions d'euros était projeté en 2014, sachant qu'il s'élevait en début d'année 2014 à hauteur de 10 millions d'euros.

Madame [B] ne démontre pas que ce dernier soit imputable à la légèreté blâmable de l'employeur. Ce moyen de contestation du licenciement ne sera pas retenu.

Dans ces conditions l'argument de Mme [B] tiré du caractère non nécessaire de l'élaboration d'un PSE et du défaut de recours à des mesures alternatives est inopérant, l'employeur restant seul maître du choix de la solution qui lui apparaît la meilleure pour assurer la sauvegarde ou enrayer les difficultés de son entreprise.

Enfin il résulte du projet d'évolution de l'organisation de l'institut Curie de septembre 2014 suite à un projet de diversification mise en 'uvre à partir de 2011 l'institut a procédé à des recrutements le conseil d'administration dès le mois d'avril 2013 a demandé un plan d'économies à la section médicale dont 1 million porté sur les frais de personnel et des mesures telle la diminution de l'emploi précaire, la réduction des heures supplémentaires et complémentaires le gel de postes sur certains départs ont contenu l'évolution de la masse salariale qui a vu sa progression diminuer. Le projet ' les recettes et dépenses de 2014" qui prévoyait donc un déficit structurel de 4,619 millions d'euros a été suivi d'un second plan d'économies avec notamment le recours à des contrats à durée déterminée sur les postes devenus vacants. La légèreté de l'employeur n'est pas davantage établie à cet égard, ce moyen ne sera pas retenu.

C'est donc par une juste appréciation des éléments de la cause et des pièces comptables communiquées que le premier juge a considéré que le motif économique invoqué par la Fondation Institut Curie était établi. Ce moyen de contestation du bien fondé du licenciement ne sera pas retenu.

Mme [B] conteste le respect par l'employeur de son obligation de reclassement. Elle invoque l'embauche de plusieurs praticiens.

Mme [B] praticien des CLCC était affectée au département de santé publique, elle occupait le poste de responsable des bases de données.

Il n'est pas contesté qu'aucun poste de reclassement individualisé ne lui a été proposé. La salariée invoque le recrutement de plusieurs praticiens et d'un cadre de santé.

Le poste de cadre de santé, qui n'est pas un poste médical, a été proposé à Mme [F], cadre de santé relevant de la même catégorie professionnelle que le poste disponible, l'employeur n'était pas tenu de le proposer à Mme [B] dès lors qu'il ne correspondait pas à sa qualification.

Par ailleurs le docteur [L], a été recrutée le 1er octobre 2014 selon promesse d'embauche signée le 25 juin 2014, la Fondation institut Curie justifie qu'elle est titulaire de trois diplômes universitaires la spécialisant en matière de traitement de la douleur, de soins palliatifs et de tabac écologie ce qui correspond à une longue formation, Mme [B] non titulaire de ces spécialités ne pouvait occuper son poste.

Les recrutements en contrat de travail à durée indéterminée et déterminée de Mmes [M] et [P] sont antérieurs de six mois à la procédure de licenciement, au surplus l'une est spécialisée en soins palliatifs l'autre en dermatologie. Le professeur [C] recruté en contrat à durée déterminée le 01 décembre 2014, pour occuper un poste dans le département de radiothérapie, est diplômé en urologie, spécialiste en curiethérapie de la prostate, le docteur [V] recruté en contrat de travail à durée déterminée du 7 juillet 2014 poursuivait des recherches sur le mélanome de la choroïde, le docteur [K] recrutée en contrat de travail à durée indéterminée le 17 décembre 2014 est quant à elle spécialisée en pneumologie, titulaire d'un DES acquis au bout de 4 ans d'études.

En conséquence, au regard des pièces produites par l'employeur, des justificatifs des mouvements dans l'entreprise et des contrats de travail des médecins embauchés produits, l'employeur justifie qu'il était dans l'impossibilité de procéder au reclassement de Mme [B].

En conséquence c'est à bon droit que le premier juge a dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de sa demande subséquente.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

* Sur le non respect des critères d'ordre de licenciement :

L'ordre des licenciements se définit par catégorie professionnelle.

Le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) définit les catégories professionnelles et retient comme critères d'ordre des licenciements les charges de famille, l'ancienneté, les caractéristiques sociales et les qualités professionnelles, avec une attribution de points prévue par un tableau inclus à l'article 1. 4. 1 du PSE.

C'est à tort que Mme [B] prétend que l'employeur l'a exclue de la définition de l'ordre des licenciements en raison de son emploi à temps partiel.

Mme [B] relevait d'un temps de travail fixé par forfait à 211 jours par année civile soit un temps plein. Et l'employeur justifie lui avoir attribué 10 points. Cette attribution n'est pas discutée.

Le plan de sauvegarde de l'emploi retient s'agissant du personnel médical concerné par les suppressions de poste neuf catégories, dont les praticiens en santé publique, au nombre de quatre dont Mme [B]. Cette définition des catégories professionnelles retenue par l'accord validé par la DIRRECTE ne fait l'objet d'aucune contestation.

L'employeur fournit le tableau d'attribution des points suivant les critères retenus par le PSE duquel il résulte que les docteurs [J], [W] et [X] ont obtenus 11,5 ; 11 et 10,5 points. Cette dernière, âgée de 48ans, a obtenu 2 points pour enfants à charge, 1,5 point au titre de son ancienneté, 2 points en raison de son âge. Madame [B] n'a pas obtenu de points au titre des charges de famille, elle a obtenu 2 points au niveau de l'ancienneté (montant maximal) et trois points en raison de son âge 64 ans, conformément au PSE les deux salariées ayant obtenu 5 points au titre des qualités professionnelles.

Mme [B] ne discute pas l'attribution de ces points à Mme [X].

Dès lors il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la Fondation institut Curie n'avait pas respecté les critères d'ordre des licenciements, et de débouter Madame [B] de cette demande.

* Sur le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement :

Mme [B] se prévaut d'une ancienneté remontant au 01 octobre 1974, alors que son indemnité a été calculée en retenant une ancienneté débutant au 11 avril 1996.

Le contrat de travail de Mme [B] en date du 01 janvier 2000 ne stipule aucune reprise d'ancienneté.

Les bulletins de salaire de Mme [B] depuis le mois de janvier 2013 mentionnent comme date d'ancienneté le 11 avril 1996, les bulletins antérieurs, jusqu'au mois de septembre 2007 inclus, portaient quant à eux mention de cette date comme 'date d'entrée' et celle du 01 avril 1996 comme date d'ancienneté.

Madame [B] produit les bulletins de salaire, du mois de janvier 2001, et du mois de juin 2007 qui font état d'une date d'entrée au 11 avril 1996 et d'une date d'ancienneté au 1er janvier 1986.

Elle produit également un document intitulé 'attestation'signé par le trésorier du centre [J] [I] le 24 mars 1992 qui 'certifie que Madame [B] [T] exerce dans notre établissement depuis le 1er octobre 1974 en qualité de médecin attaché'.

Cependant, outre le fait que ces documents sont contradictoires entre eux, Mme [B] verse aux débats un bulletin de salaire émis par l'Association de Recherches contre le cancer, pour la période du 1er avril au 10 avril 1996, et un bulletin de salaire établi au mois d'octobre 1992 par l'Association d'Aide à la recherche cancérologique de [Localité 2], ces deux associations ayant le même numéro de SIRET, distinct de celui du centre [J] [I], elle a donc travaillé à ces périodes pour un autre employeur que le centre [J] [I] aux droits duquel vient la Fondation institut Curie.

Ainsi, les pièces versées aux débats ne démontre pas que Madame [B] était salariée du centre [J] [I] entre les mois d'avril 1992 et le 11 avril 1996.

La seule mention sur les bulletins de salaire des mois de janvier 2001 et juin 2007 d'une date d'ancienneté remontant au 1er janvier 1986, en l'absence de production de contrats de travail, de bulletins de salaire ( la pièce numéro 35correspond à une capture d'écran listant des années et intitulée scans fiches de paie, ne permet pas de lire ces fichiers et donc d'identifier l'employeur, le disque versé aux débats en pièce 26 est vide), et en l'absence de toute mention de reprise d'ancienneté dans le contrat de travail liant les parties ne permet pas de retenir une ancienneté remontant au 1er janvier 1986 ni a fortiori au 1er octobre 1974.

Étant au surplus observé qu'aucune disposition légale n'impose la prise en compte de l'ancienneté acquise antérieurement dans le cadre de contrats à durée déterminée dès lors qu'il y a eu une interruption de la relation contractuelle.

Enfin, c'est à juste titre que la Fondation institut Curie fait valoir que Madame [B] ne peut davantage invoquer l'avis d'interprétation du 2 décembre 1998 qui précise que 'pour l'établissement de l'expérience professionnelle dans la convention collective de 1999 (des centres de lutte contre le cancer) il sera tenu compte de l'ancienneté acquise dans la convention collective de 1971, y compris les périodes de reprise d'ancienneté. Cette ancienneté est calculée à partir du premier jour d'entrée dans le centre mais ne prend pas en compte les jours de suspension du contrat de travail supérieurs à un an.'

Ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer pour définir l'ancienneté à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, elles concernent le calcul de la rémunération des personnels non praticiens des centres de lutte contre le cancer dont la rémunération inclut une part liée à l'expérience professionnelle acquise.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en son rejet de ces chefs.

* Sur le non respect de la priorité de réembauche :

Madame [B] a demandé à bénéficier de la priorité de réembauche prévue par l'article L 1233-45 du code du travail pendant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat par lettre datée du 06 avril 2015. Aux termes de celui-ci l'employeur doit informer le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.

Il a déjà été observé que le docteur [R] n'a pas fait l'objet d'un recrutement externe, le poste qui lui a été confié au terme de sa mobilité internationale n'était pas disponible

Par ailleurs la Fondation Curie justifie que Monsieur [Q] a été recruté par contrat de travail à durée déterminée en date du 15 mai 2015 renouvelé jusqu'au 4 décembre 2015, pour pourvoir au remplacement d'un praticien spécialiste en congé maternité puis en congés payés, et qu'il était spécialisé en médecine nucléaire, titulaire d'un DES de cette spécialité. Ce poste n'était donc pas disponible et compatible avec la qualification de Madame [B] qui ne détenait pas la spécialité requise. Il en va de même du recrutement en contrat à durée déterminée à temps partiel (20%) du docteur [O] spécialisé en médecine nucléaire et affecté à ce service.

Mme [N] recrutée par contrat à durée indéterminée le 02 octobre 2015 en qualité de praticien assistant spécialiste est titulaire d'un DES en médecine nucléaire, de diplômes en tumeurs endocrines et en imagerie médicale en pathologie ostéo-articulaire, Ms [Y] et [T] et Madame [E] recrutés le 1 septembre 2015 et le 1er mars 2016 sont chirurgiens spécialistes. Le docteur [L] a été embauchée selon promesse d'embauche du mois de juin 2014, elle est titulaire de diplômes universitaires en soins palliatifs et douleur, elle a été recrutée avant le départ du délai de la priorité de réembauche. Le docteur [H], recrutée le 20 avril 2015, est spécialisée en chirurgie viscérale et plus précisément des sarcomes des tissus mous. Tous ces postes, spécialisés, ne pouvaient être proposés au Docteur [B] qui n'avait pas les qualifications nécessaires.

Madame [B] verse aux débats un document aux termes duquel l'institut Curie soutient l'ouverture d'un poste de chef d'équipe dans le département de bio informatique et biologie du système du cancer attaché à l'unité de biostatistique du groupe hospitalier.

Cependant, outre le fait que ce document n'est pas daté l'examen du registre unique du personnel, versé aux débats par la Fondation institut Curie, démontre qu'aucun praticien ou chef d'équipe spécialisé en biostatistique n'a été recruté pendant le délai de priorité de réembauche de Madame [B].

Ainsi, l'examen du registre du personnel démontre que l'employeur a principalement procédé pendant la période considérée au recrutement d'infirmiers, d'internes en formation et de personnel non médical, les seuls praticiens recrutés l'ont été sur des postes requérant des spécialités non détenues par la salariée.

En conséquence il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [B] de ce chef de demande.

* Sur les autres demandes

Madame [B] qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel et sera condamnée aux dépens de la procédure.

L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Fondation institut Curie.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

REJETTE la demande en annulation de la décision entreprise,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne la condamnation de la Fondation institut Curie à payer à Madame [B] des dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant de nouveau

DÉBOUTE Mme [B] de l'intégralité de ses demandes,

Y joutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [B] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/06284
Date de la décision : 03/07/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/06284 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-03;17.06284 ?
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