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02/07/2019 | FRANCE | N°17/18215

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 02 juillet 2019, 17/18215


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 02 JUILLET 2019



(n° 289, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/18215 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FES



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01189





APPELANT



L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT pris en la personne de son r

eprésentant légal y domicilié

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté et plaidant par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709





INTI...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 02 JUILLET 2019

(n° 289, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/18215 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FES

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01189

APPELANT

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT pris en la personne de son représentant légal y domicilié

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et plaidant par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709

INTIMES

Monsieur [P] [C]

Chez Maître Stéphane BONIFASSI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date anniversaire 1] 1948 en [Localité 1] (Etats-Unis)

Madame [Y] [V] épouse [P]

Chez Maître Stéphane BONIFASSI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date anniversaire 2] 1954 en [Localité 1] (Etats-Unis)

Représentés et plaidant par Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS, toque : R189

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme [B] [J], Conseillère

Mme Anne DE LACAUSSADE, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [B] [J] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présente lors du prononcé.

*****

Le 19 février 2004, la société ardennaise Atelier Thome Genot (ATG) qui fabriquait des pôles d'alternateurs pour automobiles sur trois sites à [Localité 2], Iton et [Localité 3] et employait environ 400 personnes, a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Charleville-Mézières. Le passif était estimé à 11 730 000 euros.

La société Catalina, dirigée par M. [C] et Mme [V] de nationalité américaine, a fait une offre consistant à reprendre le passif de l'entreprise, à maintenir la totalité des emplois et à apporter en trésorerie trois millions d'euros, via un fonds de pensions américain Lighyear.

Par jugement du 14 octobre 2004, le tribunal de commerce [Localité 4] a retenu l'offre de la société Catalina, M. [C] assumant seul la reprise de la société ATG, sans recourir au fonds Lighyear.

Le 4 juillet 2006, le commissaire aux comptes a déclenché son droit d'alerte à propos de la trésorerie, de la baisse du chiffre d'affaires et des pertes évaluées à 4,3 millions d'euros pour l'exercice 2005 .

Le 19 octobre 2006, la société ATG a déposé une déclaration de cessation de paiements au greffe du tribunal de commerce de Charleville-Mézières. Un mandataire ad hoc a été désigné.

Par jugement du 24 octobre 2006, le tribunal de commerce de Charleville-Mézières a constaté l'état de cessation des paiements de la société ATG, prononcé la résolution du plan de continuation et ouvert une procédure de liquidation judiciaire.

Une information judiciaire a été ouverte au tribunal de grande instance de Charleville-Mézières en décembre 2006 des chefs d'abus de biens sociaux, banqueroute par détournement ou dissimulation d'actifs et emploi de moyens ruineux, complicité et recel d'abus de biens sociaux et banqueroute au préjudice de la société ATG ; un mandat d'arrêt été décerné à l'encontre de M. [C] et Mme [V] qui ont été mis en examen les 27 juin et 23 octobre 2007.

Par jugement du 8 septembre 2009, rendu par défaut, le tribunal correctionnel de Reims les a déclarés coupables, les a condamnés chacun à la peine de cinq ans d'emprisonnement, avec mandat d'arrêt et au plan civil à payer les sommes de 11 227 318,17 euros à titre de dommages et intérêts à la société ATG, de 2 675 000 euros au conseil général des Ardennes et de 825 080 euros à la communauté d'agglomération [Localité 4].

La signification du jugement a été faite à parquet le 5 octobre 2009 et a été notifié à M. [C] et Mme [V], par l'intermédiaire du département de la justice américaine, le 11 juin 2014. Le 24 juillet 2014, ceux-ci ont formé opposition contre le jugement du 8 septembre 2009.

Par jugement du 6 février 2015, le tribunal correctionnel a :

- ordonné un supplément d'information aux fins de poursuite des investigations sur le territoire américain,

- donné acte au conseil des prévenus du dépôt de conclusions de nullité de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et a ordonné le sursis à statuer sur lesdites conclusions et sur le fond,

- renvoyé l'affaire au 4 décembre 2015,

- dit n'y avoir lieu à lever les mandats d'arrêt.

M. [C] et Mme [V] ont interjeté appel de la décision.

Par arrêt du 17 novembre 2015, la cour d'appel de Reims a confirmé la décision du tribunal correctionnel.

Le 20 janvier 2016, M. [C] et Mme [V] ont assigné l'Etat en responsabilité pour

fonctionnement défectueux du service public de la justice, contestant l'utilité et l'opportunité du supplément d'information ordonné par le tribunal correctionnel de Reims par décision du 6 février 2015 ainsi que la durée de la procédure pénale qu'ils ont jugée déraisonnable.

Par jugement en date du 4 septembre 2017, le tribunal a retenu la responsabilité de l'Etat aux motifs que les adresses de M. [C] et Mme [V] étaient connues des enquêteurs et du juge d'instruction et qu'ils n'ont jamais été informés de la procédure ouverte à leur encontre, qu'ils ont ainsi été privés de la possibilité de s'expliquer devant le juge d'instruction et devant le tribunal correctionnel et qu'ils ont été informés tardivement de la teneur du jugement.

Le 2 octobre 2017, l'agent judiciaire de l'Etat a interjeté appel du jugement.

Par jugement du 10 novembre 2017, le tribunal correctionnel de Reims a condamné

M. [C] et Mme [V] chacun à 4 ans d'emprisonnement, 200 000 euros d'amende et 5 années d'interdiction de gérer et a décerné mandat d'arrêt. M. [C] et Mme [V] ont formé appel.

Dans ses dernières écritures du 4 juin 2018, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour :

- d'annuler le jugement dont appel en ce qu'il méconnaît les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamné à verser à M. [C] et à Mme [V] chacun une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ensemble une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ,

- statuant de nouveau, de débouter M. [C] et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans leurs dernières écritures du 19 mars 2018, M. [C] et Mme [V] demandent à la cour de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 septembre 2017 et de condamner l'agent judiciaire de l'Etat à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 et aux dépens.

Le parquet général, qui a été avisé de cette procédure par le greffe, n'a pas adressé d'avis à la cour.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur la demande d'annulation du jugement :

L'agent judiciaire de l'Etat fait valoir que le jugement du 4 septembre 2017 ne comporte pas de visa des conclusions de l'Etat et n'expose pas les moyens soulevés par celui-ci ; qu'il doit donc être annulé pour défaut d'énoncé des moyens en droit et en fait de l'Etat. Il ajoute qu'il doit également être censuré pour défaut de réponse à ses conclusions sur le grief tiré du défaut de convocation des parties par le juge d'instruction alors qu'il avait soutenu que la convocation par lettre recommandée n'était pas un préalable nécessaire à la délivrance d'un mandat d'arrêt pour une personne en fuite ou résidant hors du territoire français. L'AJE sollicite également l'annulation en raison d'un défaut de motif constitué par un motif dubitatif .

M. [C] et Mme [V] s'opposent à la demande d'annulation du jugement lequel se réfère aux dernières conclusions de l'Etat qui sont visées et reprend à divers endroits les arguments qu'il a développés. S'agissant de l'absence de réponse à ses conclusions, ils estiment au contraire que le tribunal, qui n'était pas saisi de la validité des mandats, a apporté une réponse en retenant que le défaut de convocation leur avait causé un grief. Enfin ils considèrent que le motif retenu par le tribunal n'était pas dubitatif et qu'il était au surplus largement explicité par les autres termes de la décision.

Il y a lieu de constater que le jugement du 4 septembre 2017 vise les dernières conclusions de l'AJE en précisant la date du 26 décembre 2016 de sorte que les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile sur ce point ont été respectées.

Néanmoins dans ces conclusions, pour répondre au grief relatif à l'information de M. [C] et Mme [V] sur la procédure pénale, l'AJE invoquait les articles 131 et 134 du code de procédure pénale qui ne font pas de la convocation préalable une condition de délivrance du mandat d'arrêt lorsque la personne concernée est en fuite ou réside hors du territoire français et il en concluait que le fait d'avoir décerné mandat d'arrêt sans avoir notamment convoqué Mme [V], ne pouvait constituer une faute lourde.

Le jugement retient que l'adresse des intéressés aux Etats unis était connue puisque confirmée par le mandataire judiciaire à l'officier de police et que cependant le mandat d'arrêt a été délivré avec la mention sans adresse connue et sans que M. [C] et Mme [V] aient été informés de la procédure pénale diligentée à leur encontre.

Le jugement n'avait pas à se prononcer sur la validité du mandat d'arrêt au regard de l'article 131 du code de procédure pénale, néanmoins, pour apprécier si la délivrance de celui-ci sans qu'une tentative de convocation ait été réalisée pour Mme [V], était ou non constitutif d'une faute lourde, il eut été nécessaire de répondre au moyen soulevé par l'AJE. Or il y a lieu de constater que le jugement qui ne qualifie pas la faute commise, se contente de relever la connaissance de l'adresse des intéressés et leur défaut d'information sur la procédure pénale sans rechercher si celle-ci était en outre imposée par la loi, ce qui était de nature à aggraver le dysfonctionnement reproché au service de la justice.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande d'annulation du jugement et d'examiner l'affaire en raison de l'effet dévolutif de l'appel.

- sur le fond :

L'AJE soutient que le tribunal a violé l'article L141-1 du code de l'organisation judiciaire et méconnu l'article 131 du code de procédure pénale en se contentant de relever l'existence d'une faute simple ; que le juge d'instruction avait faite une exacte application de l'article 131 du code de procédure pénale et n'avait pas commis de faute en ne convoquant pas les intéressés résidant à l'étranger par un autre moyen qu'un mandat d'arrêt ; que l'application de la loi ne peut être constitutive d'une faute. Ils ajoutent que les mentions portées sur les mandats d'arrêt n'étaient pas de nature à remettre en cause leur caractère légal. Ils font également valoir que les consorts [C]-[V] ne peuvent reprocher à l'Etat une situation qu'ils ont eux même créée en prenant la fuite dès l'ouverture de la procédure collective, ce qui a rendu nécessaire la désignation immédiate d'un mandataire ad'hoc ; il relève en outre que M. [C] a été convoqué par lettre recommandée internationale le 20 novembre 2006, convocation à laquelle il n'a pas déféré ; il conclut que le juge d'instruction n'a pas privé les intéressés de la possibilité de s'expliquer devant lui ainsi qu'il ressort des termes du jugement du tribunal correctionnel de Reims du 10 novembre 2017.

S'agissant du reproche fait au parquet de ne pas avoir notifié avec célérité le jugement rendu par défaut le 8 septembre 2009, l'AJE relève également que le tribunal ne qualifie pas de lourde la faute qu'il retient. L'appelant écarte l'application de l'article 32 du code de procédure pénale et constate qu'il n'existe pas d'obligation légale de notifier rapidement une décision rendue par défaut. Il ajoute que l'absence de notification avec célérité d'un jugement par défaut ne peut pas faire grief aux parties puisqu'une telle décision n'acquiert pas autorité de chose jugée et n'est pas portée sur le casier judiciaire tant qu'elle n'est pas notifiée; qu'enfin, les parties ne peuvent subir de préjudice du fait de cette procédure tant qu'ils n'en ont pas connaissance et qu'une fois informés, ils ont pu faire usage de leurs droits.

L'AJE conteste également la réalité du préjudice retenu par le tribunal par un motif dubitatif. Ils ajoutent que M. [C] et Mme [V] se sont placés volontairement dans l'impossibilité de collaborer avec les autorités judiciaires françaises et sont pleinement responsables à l'origine de la durée de la procédure en prenant la fuite. Il ajoute que le délai de notification du jugement rendu par défaut ne les a pas privés de la possibilité d'exercer leurs droits alors que le tribunal correctionnel, statuant sur leur opposition, a répondu aux moyens qu'ils ont développés dans leurs conclusions. L'AJE relève en outre que l'Etat français ne peut se voir reprocher les délais des autorités américaines saisies d'une demande d'entraide alors qu'il ne dispose d'aucun moyen de contrôle ni de contrainte. Il conclut ainsi à l'absence de préjudice en lien avec un dsyfonctionnement du service public de la justice.

S'agissant des deux autres griefs formulés en 1ère instance et écartés par le tribunal, l'AJE reprend la motivation du jugement et en demande confirmation.

M. [C] et Mme [V] répliquent, s'agissant de l'absence de toute convocation alors que leur adresse était connue, que l'agent judiciaire de l'Etat ne rapporte pas la preuve qu'ils avaient effectivement connaissance de la procédure correctionnelle ouverte à leur égard en France avant 2014 ; qu'il ne justifie pas que M. [C] a eu connaissance de la lettre de convocation ; que Mme [V] n'a pas fait l'objet d'une convocation par courrier. Ils contestent avoir fui aux Etats-Unis et déclarent que la désignation d'un mandataire ad'hoc est sans lien avec leur absence du territoire français. Ils exposent qu'ils ne se sont pas présentés à l'audience correctionnelle en octobre 2017 car, sans garanties de représentation en France, ils ne voulaient pas faire l'objet d'une mesure de détention provisoire. Ils ajoutent que le juge d'instruction a commis une faute lourde en attendant la fin de l'information judiciaire pour émettre les mandats d'arrêt et en s'abstenant d'entrer en contact avec eux, ce qui les a privés de la recherche de la vérité en temps utile.

S'agissant du grief formulé à l'encontre du parquet en raison du caractère tardif de la notification du jugement, M. [C] et Mme [V] relèvent que celui-ci n'a missionné un traducteur assermenté aux fins de traduction de la décision correctionnelle qu'à partir de 2014 et n'a effectué aucun acte entre 2009 et 2014, manquant ainsi à son obligation de célérité et allongeant de façon disproportionnée le traitement du dossier. Ils estiment qu'ils ont ainsi été privés du droit de voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, et se sont trouvés pendant un trop long délai sous le coup d'une accusation qui minait la présomption d'innocence. Ils considèrent que le point de départ du délai raisonnable commence au jour où une personne se trouve accusée ; qu'en l'espèce, ils ont été jugés pour la première fois de manière contradictoire le 6 octobre 2017 alors que l'information judiciaire avait été ouverte en décembre 2006 ; ils font valoir que ce délai les a privés d'une défense effective. Pour caractériser leur préjudice, ils invoquent les termes du jugement entrepris, les accusations répétées du parquet à leur égard dans plusieurs médias qui ont terni leurs réputations, entraîné des pertes de clientèles et a gravement atteint leur honneur ; ils mentionnent également une usurpation de l'identité de M.[C] et un détournement de ses actifs américains.

Il y a lieu de constater que M. [C] et Mme [V] sollicitant la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions, ne remettent pas en cause le jugement en ce qu'il a écarté les griefs tenant à l'inutilité du supplément d'information et celui relatif au maintien des mandats d'arrêt et ne reprennent pas ces deux griefs. En l'absence de motivation les concernant, ceux-ci seront donc écartés.

S'agissant du grief tenant à leur absence de convocation au cours de la procédure pénale, il n'est pas contesté que, bien que l'adresse personnelle des deux intimés aux Etats unis ait été connue des autorités judiciaires, il ne leur a pas été adressé de convocation à ces endroits, M.[C] ayant seulement fait l'objet d'une convocation au siège de la société Catalina qu'il dirigeait.

Par ailleurs, il n'est pas soutenu par M. [C] et Mme [V] que la délivrance des mandats d'arrêt à leur encontre ait été contraire à la loi mais il est reproché au juge d'instruction de les avoir délivrés à la fin de l'information de telle sorte que les intimés n'ont pas été informés de la procédure pénale pendant tout son déroulement.

Néanmoins, le dossier pénal n'est pas versé aux débats de sorte que la cour ne dispose d'aucun élément lui permettant de retenir que la délivrance de mandats d'arrêt ait été tardive alors que celle-ci ne pouvait intervenir qu'après que les commissions rogatoires eurent révélé ou vérifié des faits susceptibles de constituer des infractions pénales à l'encontre des intéressés.

S'agissant de leur absence de convocation préalable, il n'est pas soutenu qu'elle affectait la validité des mandats d'arrêt. Néanmoins il y a lieu d'admettre que dès lors que les adresses de M. [C] et Mme [V] étaient connues, il était opportun de les y convoquer afin de leur offrir la possibilité de fournir leurs explications sur ce qui pouvait leur être reproché.

La question reste de savoir si cette absence de convocation présente les caractères d'une faute lourde, ce qui doit être apprécié en tenant compte des circonstances propres à l'espèce.

Il n'est pas contesté que les intimés ont quitté la France après que la société Thomé Genot eut fait l'objet d'une seconde procédure collective et qu'ils n'ont pas collaboré à celle-ci. Leur absence pendant cette phase si importante pour l'entreprise qu'ils avaient dirigée, pouvait légitimement amener les autorités judiciaires à considérer que leur départ pour les Etats-Unis s'analysait en une fuite afin d'échapper à toute mesure de contrainte liée à l'existence d'une procédure pénale dont le risque leur était connu à la suite du mémorandum du cabinet Franklin du 10 novembre 2006.

Il convient d'ailleurs de constater que la volonté de M. [C] et Mme [V] d'échapper à toute mesure coercitive en ne se rendant pas sur le territoire français, s'est trouvée confirmée par leur absence lors de l'audience du tribunal correctionnel de Reims saisi sur leur opposition.

Ainsi dans un contexte qui permettait de retenir que M. [C] et Mme [V] ne souhaitaient pas s'exposer à un risque de détention provisoire, en se rendant sur le territoire français, l'absence de toute convocation à l'adresse personnelle des intéressés aux Etats-Unis ne constitue pas une faute lourde susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.

S'agissant de la notification tardive du jugement rendu par défaut, il y a lieu de constater que cette formalité n'est pas soumise à des délais particuliers imposés par la loi autre que le délai de la prescription de la peine et que la personne condamnée par défaut ne subit en principe pas de préjudice en raison d'un retard dans la réalisation de cet acte puisque tant que la notification n'est pas effectuée, la décision n'aura pas d'effet à son égard.

Il n'est par ailleurs invoqué aucune circonstance particulière caractérisant une négligence avérée ou une intention de compromettre la défense des intéressés, susceptible de caractériser une faute lourde. Aussi celle-ci doit- elle être écartée.

Il convient néanmoins d'examiner le délai écoulé au regard du déni de justice qui sanctionne tout manquement de l'Etat à son devoir de permettre à tout personne d'accéder à une juridiction pour faire valoir ses droits dans un délai raisonnable alors que le jugement a été rendu le 8 septembre 2009, la signification à parquet effectuée le 5 octobre 2009 et la remise par les autorités américaines réalisée le 27 juin 2014, le jugement ayant été traduit le 20 mai 2014.

Cependant l'énumération de ces seules circonstances ne permet pas d'expliquer le temps écoulé entre la signification à parquet et la remise effective de l'acte aux intéressés par les autorités américaines presque cinq ans plus tard de sorte que la durée excessive mise à la réalisation de cette formalité ne peut être imputée de façon certaine aux autorités judiciaires françaises.

Par ailleurs, le déni de justice s'apprécie en tenant compte du comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure. Or ainsi qu'il a été retenu ci-dessus, la notification de la décision selon des voies diplomatiques n'a été rendue nécessaire qu'en raison du refus des intéressés de se présenter devant les juridictions françaises, ce qui retarde nécessairement le processus judiciaire qui en définitive permet à M. [C] et Mme [V] de se défendre devant les dites juridictions par l'intermédiaire de leur conseil.

Il n'y a donc pas lieu d'imputer au service public de la justice un déni de justice et M. [C] et Mme [V] doivent être déboutés de leur demande en dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS :

Annule le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 septembre 2017,

Statuant par l'effet dévolutif de l'appel,

Déboute M. [C] et Mme [V] de leurs demandes,

Les condamne aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/18215
Date de la décision : 02/07/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/18215 : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-02;17.18215 ?
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