Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRÊT DU 28 JUIN 2019
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/27755 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B64K3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017064386
APPELANTE
SA SADE - COMPAGNIE GÉNÉRALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 1]
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 562 077 503
représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant
assistée de Me François BILLEBEAU de la SCP BILLEBEAU - MARINACCE, avocat au barreau de PARIS, toque : R043, avocat plaidant
INTIMÉE
SA ORANGE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 1]
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 380 129 866
représentée par Me Louis FAUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1093
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre
Madame Françoise BEL, présidente de chambre
Madame Agnès COCHET-MARCADE, conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE.
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Michèle LIS SCHAAL, présidente et par Madame Saoussen HAKIRI, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
****************
Faits procédure prétentions et moyens des parties :
La société Orange est un opérateur de réseau téléphonique.
La société Sade - Compagnie Générale de Travaux d'Hydraulique, ci-après Sade est spécialisée dans la construction, la réhabilitation et l'entretien des réseaux et ouvrages associés (eau, télécom, énergie, génie civil).
En octobre 2016, la société Sade a effectué des travaux dans une rue de [Localité 2]. Alléguant des plaintes de ses abonnés, la société Orange a indiqué avoir constaté le 17 octobre 2016 des dommages à son réseau situé un mètre sous la chaussée, provoqués par des excavations. La société Sade, estimant que la société Orange ne rapportait pas la preuve de ces dommages a refusé de l'indemniser.
La société Orange a obtenu, sur requête au président du tribunal de commerce de Paris en date du 22 août 2017, une ordonnance d'injonction de payer du 31 août 2017 pour 6 171,80 euros en principal, 4,44 euros en frais et accessoires et 75 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
Signifiée le 12 septembre 2017, l'ordonnance a fait l'objet d'une opposition du 11 Octobre 2017 et l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de commerce de Paris.
Le délégué du président a retenu au visa de l'article 1408 du code de procédure civile que la société Orange estimait compétent le tribunal de Paris, puisqu'elle avait signifié une injonction valant demande en paiement ordonnée par ce dernier.
La société Sade a soulevé in limine litis l'incompétence du tribunal de commerce au visa de la loi de pluviose donnant compétence aux tribunaux administratifs en matière de dommage de travaux publics, sauf lorsqu'ils sont causés par des véhicules terrestres à moteur.
Par jugement du 28 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a mis à néant l'ordonnance, retenu sa compétence et renvoyé l'affaire à la mise en état.
Le tribunal a jugé que la charge de la preuve de l'intervention d'un véhicule terrestre à moteur permettant d'écarter la compétence de la justice administrative reposait sur la société Sade. Il a retenu que la société Sade ne rapportait pas la preuve qu'aucune pelleteuse n'était responsable du dommage causé à un mètre sous le sol.
La société Sade relevé appel de la décision le 12 décembre 2018 et déposé des conclusions d'incompétence ce même jour.
Vu la requête du 13 décembre 2018 aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe,
Vu l'ordonnance du le 23 janvier 2019 autorisant à assigner à jour fixe pour le 16 mai 2019,
Vu l'assignation à jour fixe signifiée par acte extrajudiciaire avec une copie de la déclaration d'appel, de la requête, de l'ordonnance, des conclusions et du bordereau de pièces le 1er février 2019,
Vu le depôt au greffe le 7 février 2019 de l' assignation ;
Vu les conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2019 par la société Sade aux fins de voir la cour :
Vu la Loi du 28 Pluviôse an VIII,
Vu la Loi des 16-24 août 1790,
Vu la jurisprudence du tribunal des Conflits, du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation,
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 28 novembre 2018 en toutes ses dispositions,
Juger le tribunal de commerce de Paris incompétent matériellement pour connaître des demandes de la société ORANGE tendant à la réparation d'un dommage de travaux publics,
Renvoyer la société ORANGE à se mieux pourvoir devant le tribunal administratif, de Paris, siège de la SADE à défaut, si l'on considère la localisation du sinistre, celui de [Localité 3],
Rejeter toute demande de la société ORANGE.
Condamner la société ORANGE à payer à la société SADE la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
La société Sade soutient principalement l'incompétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître d'une action au titre d'un prétendu dommage de travaux publics, relevant du juge administratif et fait valoir qu'il appartient à la société Orange de faire la preuve du bien fondé de l'exception tenant à l'intervention causale d'un véhicule.
Elle conteste le recours à l'ordonnance portant injonction de payer par la société Orange.
Sur le premier moyen:
Sur la compétence du juge administratif :
Elle argue de ce que s'agissant d'un dommage de travaux publics, les ouvrages sur lesquels portent les travaux étant des ouvrages publics en l'espèce des canalisations d'eau potable, la compétence, d'ordre public, est celle du juge administratif.
Elle conteste avoir quitté les lieux dans la mesure où elle exécutait des travaux jusqu'à mi-novembre, et argue de ce que la société Orange a rempli un constat non-contradictoire et sans même se rendre sur place, de sorte que la société Sade n'a pu remplir le constat après avoir déclaré le sinistre.
Elle conteste que l'absence de production de sa part des documents relatifs à son intervention sur le chantier est notamment destiné à dissimuler l'existence d'un engin de chantier ayant endommagé le câble.
Le tribunal devait faire application de l'article 16 du Code de procédure civile et relever d'office l'incompétence, et non retenir que la société Sade ne faisait pas la preuve d'une telle incompétence.
Le tribunal devait renvoyer la société ORANGE à se mieux pourvoir devant le Juge administratif, sauf dérogation aux règles d'ordre public, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Sur l'exception à la compétence du juge administratif:
Elle ajoute que, pour prétendre mettre en oeuvre l'exception à la compétence administrative, fondée sur la loi du 31 décembre 1957, il appartenait à la société Orange de rapporter la preuve de l'intervention d'un véhicule terrestre à moteur, effectivement conduit par un préposé de la société Sade, qui serait entré en contact avec l'ouvrage et qui serait la cause déterminante du dommage, pour justifier de l'exception au principe de la compétence d'ordre public du juge administratif.
Elle excipe qu'il résulte de la jurisprudence unanime du Tribunal des conflits, de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, que les conditions d' application ne sont pas réunies s'il n'est pas rapporté la preuve que le préjudice invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action du véhicule et non dans la conception, l'organisation ou les conditions d'exécution de l'opération de travaux publics prise dans son ensemble, dans ce dernier cas le juge administratif demeurant compétent.
Elle observe que la société Orange ne rapporte pas cette preuve et elle fait valoir que le premier juge ne pouvait lui imposer la charge de la preuve de l'intervention d'un véhicule terrestre à moteur.
Sur le deuxième moyen :
La société Sade fait valoir que la procédure d'injonction de payer, réservée aux actions contractuelles, a été dévoyée, aucun contrat n'existant entre les parties, ce qui doit conduire à infirmer le jugement en ce qu'il dit que la décision se substitue à l'injonction de payer.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 29 avril 2019 par la société Orange tendant à voir la cour :
Vu l'article 1405 du code de procédure civile,
Déclarer la S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE irrecevable en son exception.
Vu les lois de 19-24 août 1790, ensemble l'article 1 de la Loi n°57-1424 du 31 décembre 1957,
Débouter la S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE de l'ensemble de ses prétentions.
Confirmer le jugement entrepris,
Condamner la S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE à payer à la S.A. ORANGE la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
La société Orange soutient
- sur la recevabilité : que la société SADE est irrecevable en son exception tirée de l'article 1405 du Code de procédure civile, faute de l'avoir soulevée in limine litis ;
- sur la compétence: au visa de la loi 57-1424 du 31 décembre 1957 qui dispose que par dérogation à la loi des 16-24 août 1790, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents sur les dommages causés par un véhicule quelconque et qu'en l'espèce il s'excipe du constat du 7 octobre 2016 que les dommages ont été créés par terrassement mécanique
- sur l'imputabilité à la société Sade, que cette dernière n'a jamais contesté lors de 6 relances son implication et qu'elle est à l'origine de la déclaration de sinistre auprès de SOS CABLE. Elle soutient encore qu'il n'appartient pas à la société Orange, qui ne conduisait pas le chantier, de rapporter la preuve des méthodes utilisées mais bien à la société SADE de collaborer à l'établissement de la vérité judiciaire.
- que la société SADE ne rapporte aucune preuve des méthodes manuelles de terasssement qu'elle prétend avoir utilisées, ne fournit aucun dossier de chantier, fait preuve de mauvaise foi et d'abstention fautive dans l'administration de la preuve, et doit être sanctionnée de ce fait.
MOTIFS
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées
Sur l'irrecevabilité de l'exception tirée de l'article 1405 du Code de procédure civile, faute de l'avoir soulevée in limine litis :
Aux termes de l'article 73 du Code de procédure civile, 'Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.'
La société Orange n'établit pas que le moyen tiré de l'inapplicabilité au litige de l'article 1405 du Code de procédure civile est une exception qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Le moyen en cause , qui tend à faire rejeter comme non-justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire, constituant un moyen de défense au fond conformément à l'article 71 du Code de procédure civile , est recevable de sorte que la prétention est rejetée.
Sur la compétence :
Au delà du moyen soutenu tenant à la compétence du juge administratif en matière de dommages de travaux publics, la société Orange soutient à bon droit, en l'absence de toute production en ce sens par la société Sade, que l'appelante ne fait pas la preuve du caractère de 'travaux publics' des travaux au cours desquels a pu survenir le dommage dont réparation est demandée par la société Orange.
En revanche la société Orange sollicite à juste titre pour fonder son action en indemnisation l'application de l'article 1 de la Loi du 31 décembre 1957, lequel dispose que : « Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cetteactionserajugéeconformémentauxrèglesdudroitcivil,laresponsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions. La présente disposition ne s'applique pas aux dommages occasionnés au domaine public. »
La société Orange justifie la réalisation de travaux par la société Sade selon une déclaration d'intention de travaux publics (DICT) à compter du 26 septembre 2016, au cours desquels lequel un câble du réseau dont elle est propriétaire exploitant a été endommagé le 6 octobre 2016.
En effet, le récépissé de la DT /DICT délivré le 30 août 2016 comportant les plans en annexe, mentionne la présence d'au moins un réseau concerné 'TL', exploité par Orange.
La société intimée établit la réalité du dommage en cause, laquelle résulte d'une déclaration de sinistre faite par la société appelante elle-même le 6 octobre 2016 à 12h16, le sinistre portant sur un câble enterré cuivre, ce qui établit la matérialité des faits à l'adresse des travaux, et au jour du sinistre.
L'implication de la société Sade résulte notamment et suffisamment de la déclaration de sinistre effectuée par cette société et peut lui être opposée.
La caractéristique de travaux réalisés en sous-sol (alimentation en eau potable selon mention apportée à la DICT) au cours desquels les dommages ont été occasionnés à un câble enterré à une profondeur d'un mètre, au moyen de techniques mentionnées à la DICT, soit la mise en oeuvre de divers engins par la société Sade, sont suffisantes à faire la preuve de l'implication d'un véhicule utilisé par la société Sade lors de la survenance du dommage, en l'absence de démonstration contraire par cette société qui conteste l'implication d'un véhicule de type engin de chantier.
Il en résulte qu'il est établi suffisamment que le dommage en cause trouve sa cause déterminante dans l'action d'un véhicule utilisé par la société Sade lors de la réalisation du dommage, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a déclaré compétent le tribunal de commerce de Paris.
Les moyens tenant à la méconnaissance des règles d'ordre public et au renversement de la charge de la preuve par le premier juge, sont écartés.
Sur le recours à l'ordonnance portant injonction de payer :
L'appelante argue que la cause du litige n'est pas contractuelle et que le tribunal ne pouvait juger que la décision se substituait à l' ordonnance portant injonction de payer rendue le 31 août 2017.
Elle fait valoir au soutien de son argumentaire un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation 11-22917 du 30 octobre 2012, lequel, selon elle, rappellerait que la liste du 2° de l'article 1405 du Code de procédure civile est limitative.
Or l'arrêt susdit n'énonce en aucun cas ce que soutient la société appelante de sorte la référence à cet arrêt est dépourvue de pertinence.
L'article 1405 du Code de procédure civile réserve la procédure rapide de l'injonction de payer au recouvrement d'une créance dont la cause est contractuelle ou résulte d'une obligation de caractère statutaire et s'élève à un montant déterminé.
Toutefois, il résulte de l'article 1420 du Code de procédure civile que 'Le jugement du tribunal se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer'.
Le jugement substitué par l'effet de droit sus-énoncé, n'est pas une ordonnance portant injonction de payer confirmée par le tribunal mais un jugement prononcé à l'issu d'un débat contradictoire.
La circonstance que les parties ne sont pas liées par un contrat est dès lors indifférente dans la mesure où, à la suite de l'opposition formée par la société Sade, le tribunal de commerce de Paris a été saisi du litige opposant les parties et que les parties en ont contradictoirement débattu.
Il s'ensuit que le moyen est écarté.
C'est ensuite à bon droit que le premier juge a fait droit à l'action en payement formée par la société Orange.
Le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
REJETTE la prétention tendant à voir déclarer la S.A. SADE - COMPAGNIE GÉNÉRALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE irrecevable en son exception fondée sur l'article 1405 du Code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la S.A. SADE - COMPAGNIE GÉNÉRALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE à payer à la société Orange la somme de 3000 euros ;
CONDAMNE la S.A. SADE - COMPAGNIE GÉNÉRALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE aux entiers dépens.
Le greffier Le président
RG 18-27755 SADE / ORANGE (coll. 16 mai 2019 / dél. 28 juin
Faits procédure prétentions et moyens des parties :
La société Orange est un opérateur de réseau téléphonique.
La société Sade - Compagnie Générale de Travaux d'Hydraulique, ci-après Sade est spécialisée dans la construction, la réhabilitation et l'entretien des réseaux et ouvrages associés ( eau, télécom, énergie, génie civil).
En octobre 2016, la société Sade a effectué des travaux dans une rue de [Localité 2]. Alléguant des plaintes de ses abonnés, la société Orange a indiqué avoir constaté le 17 octobre 2016 des dommages à son réseau situé un mètre sous la chaussée, provoqués par des excavations. La société Sade, estimant que la société Orange ne rapportait pas la preuve de ces dommages a refusé de l'indemniser.
La société Orange a obtenu, sur requête au président du tribunal de commerce de Paris en date du 22 août 2017, une ordonnance d'injonction de payer du 31 août 2017 pour 6 171,80 euros en principal, 4,44 euros en frais et accessoires et 75 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
Signifiée le 12 septembre 2017, l'ordonnance a fait l'objet d'une opposition du 11 Octobre 2017 et l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de commerce de Paris.
Le délégué du président a retenu au visa de l'article 1408 du code de procédure civile que la société Orange estimait compétent le tribunal de Paris, puisqu'elle avait signifié une injonction valant demande en paiement ordonnée par ce dernier.
La société Sade a soulevé in limine litis l'incompétence du tribunal de commerce au visa de la loi de pluviose donnant compétence aux tribunaux administratifs en matière de dommage de travaux publics, sauf lorsqu'ils sont causés par des véhicules terrestres à moteur.
Par jugement du 28 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a mis à néant l'ordonnance, retenu sa compétence et renvoyé l'affaire à la mise en état.
Le tribunal a jugé que la charge de la preuve de l'intervention d'un véhicule terrestre à moteur permettant d'écarter la compétence de la justice administrative reposait sur la société Sade Il a retenu que la société Sade ne rapportait pas la preuve qu'aucune pelleteuse n'était responsable du dommage causé à un mètre sous le sol.
La société Sade relevé appel de la décision le 12 décembre 2018 et déposé des conclusions d'incompétence ce même jour.
Vu la requête du 13 décembre 2018 aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe,
Vu l'ordonnance du le 23 janvier 2019 autorisant à assigner à jour fixe pour le 16 mai 2019,
Vu l'assignation à jour fixe signifiée par acte extrajudiciaire avec une copie de la déclaration d'appel, de la requête, de l'ordonnance, des conclusions et du bordereau de pièces le 1er février 2019,
Vu le depôt au greffe le 7 février 2019 de l' assignation;
Vu les conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2019 par la société Sade aux fins de voir la cour :
Vu la Loi du 28 Pluviôse an VIII,
Vu la Loi des 16-24 août 1790,
Vu la jurisprudence du tribunal des Conflits, du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation,
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 28 novembre 2018 en toutes ses dispositions,
Juger le tribunal de commerce de Paris incompétent matériellement pour connaître des demandes de la société ORANGE tendant à la réparation d'un dommage de travaux publics,
Renvoyer la société ORANGE à se mieux pourvoir devant le tribunal administratif, de Paris, siège de la SADE à défaut, si l'on considère la localisation du sinistre, celui de [Localité 3],
Rejeter toute demande de la société ORANGE.
Condamner la société ORANGE à payer à la société SADE la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
La société Sade soutient principalement l'incompétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître d'une action au titre d'un prétendu dommage de travaux publics, relevant du juge administratif et fait valoir qu'il appartient à lasociété Orange de faire la preuve du bien fondé de l'exception tenant à l'intervention causale d'un véhicule.
Elle conteste le recours à l'ordonnance portant injonction de payer par la société Orange.
Sur le premier moyen:
Sur la compétence du juge administratif:
Elle argue de ce que s'agissant d'un dommage de travaux publics, les ouvrages sur lesquels portent les travaux étant des ouvrages publics en l'espèce des canalisations d'eau potable, la compétence, d'ordre public, est celle du juge administratif.
Elle conteste avoir quitté les lieux dans la mesure où elle exécutait des travaux jusqu'à mi-novembre , et argue de ce que la société Orange a rempli un constat non-contradictoire et sans même se rendre sur place, de sorte que la société Sade n'a pu remplir le constat après avoir déclaré le sinistre.
Elle conteste que l'absence de production de sa part des documents relatifs à son intervention sur le chantier est notamment destiné à dissimuler l'existence d'un engin de chantier ayant endommagé le câble.
Le tribunal devait faire application de l'article 16 du Code de procédure civile et relever d'office l'incompétence, et non retenir que la société Sade ne faisait pas la preuve d'une telle incompétence.
Le tribunal devait renvoyer la société ORANGE à se mieux pourvoir devant le Juge administratif, sauf dérogation aux règles d'ordre public, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Sur l'exception à la compétence du juge administratif:
Elle ajoute que, pour prétendre mettre en oeuvre l'exception à la compétence administrative, fondée sur la loi du 31 décembre 1957 , il appartenait à la société Orange de rapporter la preuve de l'intervention d'un véhicule terrestre à moteur, effectivement conduit par un préposé de la société Sade, qui serait entré en contact avec l'ouvrage et qui serait la cause déterminante du dommage, pour justifier de l'exception au principe de la compétence d'ordre public du juge administratif.
Elle excipe qu'il résulte de la jurisprudence unanime du Tribunal des conflits, de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, que les conditions d' application ne sont pas réunies s'il n'est pas rapporté la preuve que le préjudice invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action du véhicule et non dans la conception, l'organisation ou les conditions d'exécution de l'opération de travaux publics prise dans son ensemble, dans ce dernier cas le juge administratif demeurant compétent.
Elle observe que la société Orange ne rapporte pas cette preuve et elle fait valoir que le premier juge ne pouvait lui imposer la charge de la preuve de l'intervention d'un véhicule terrestre à moteur.
Sur le deuxième moyen:
La société Sade fait valoir que la procédure d'injonction de payer, réservée aux actions contractuelles, a été dévoyée, aucun contrat n'existant entre les parties, ce qui doit conduire à infirmer le jugement en ce qu'il dit que la décision se substitue à l'injonction de payer.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 29 avril 2019 par la société Orange tendant à voir la cour:
Vu l'article 1405 du code de procédure civile,
Déclarer la S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE irrecevable en son exception.
Vu les lois de 19-24 août 1790, ensemble l'article 1 de la Loi n°57-1424 du 31 décembre 1957,
Débouter la S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE de l'ensemble de ses prétentions.
Confirmer le jugement entrepris,
Condamner la S.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE à payer à la S.A. ORANGE la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
La société Orange soutient
- sur la recevabilité : que la société SADE est irrecevable en son exception tirée de l'article 1405 du Code de procédure civile, faute de l'avoir soulevée in limine litis;
- sur la compétence: au visa de la loi 57-1424 du 31 décembre 1957 qui dispose que par dérogation à la loi des 16-24 août 1790, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents sur les dommages causés par un véhicule quelconque et qu'en l'espèce il s'excipe du constat du 7 octobre 2016 que les dommages ont été créés par terrassement mécanique
- sur l'imputabilité à la société Sade , que cette dernière n'a jamais contesté lors de 6 relances son implication et qu'elle est à l'origine de la déclaration de sinistre auprès de SOS CABLE. Elle soutient encore qu'il n'appartient pas à la société Orange, qui ne conduisait pas le chantier, de rapporter la preuve des méthodes utilisées mais bien à la société SADE de collaborer à l'établissement de la vérité judiciaire.
- que la société SADE ne rapporte aucune preuve des méthodes manuelles de terasssement qu'elle prétend avoir utilisées, ne fournit aucun dossier de chantier, fait preuve de mauvaise foi et d'abstention fautive dans l'administration de la preuve, et doit être sanctionnée de ce fait.
Motifs
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées
Sur l'irrecevabilité de l'exception tirée de l'article 1405 du Code de procédure civile, faute de l'avoir soulevée in limine litis:
Aux termes de l'article 73 du Code de procédure civile, 'Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.'
La société Orange n'établit pas que le moyen tiré de l'inapplicabilité au litige de l'article 1405 du Code de procédure civile est une exception qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Le moyen en cause , qui tend à faire rejeter comme non-justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire, constituant un moyen de défense au fond conformément à l'article 71 du Code de procédure civile , est recevable de sorte que la prétention est rejetée.
Sur la compétence :
Au delà du moyen soutenu tenant à la compétence du juge administratif en matière de dommages de travaux publics, la société Orange soutient à bon droit, en l'absence de toute production en ce sens par la société Sade, que l'appelante ne fait pas la preuve du caractère de 'travaux publics' des travaux au cours desquels a pu survenir le dommage dont réparation est demandée par la société Orange.
En revanche la société Orange sollicite à juste titre pour fonder son action en indemnisation l'application de l'article 1 de la Loi du 31 décembre 1957, lequel dispose que : « Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cetteactionserajugéeconformémentauxrèglesdudroitcivil,laresponsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions. La présente disposition ne s'applique pas aux dommages occasionnés au domaine public. »
La société Orange justifie la réalisation de travaux par la société Sade selon une déclaration d'intention de travaux publics ( DICT) à compter du 26 septembre 2016, au cours desquels lequel un câble du réseau dont elle est propriétaire exploitant a été endommagé le 6 octobre 2016.
En effet, le récépissé de la DT /DICT délivré le 30 août 2016 comportant les plans en annexe, mentionne la présence d'au moins un réseau concerné 'TL', exploité par Orange.
La société intimée établit la réalité du dommage en cause, laquelle résulte d'une déclaration de sinistre faite par la société appelante elle-même le 6 octobre 2016 à 12h16, le sinistre portant sur un câble enterré cuivre, ce qui établit la matérialité des faits à l'adresse des travaux, et au jour du sinistre.
L'implication de la société Sade résulte notamment et suffisamment de la déclaration de sinistre effectuée par cette société et peut lui être opposée.
La caractéristique de travaux réalisés en sous-sol ( alimentation en eau potable selon mention apportée à la DICT) au cours desquels les dommages ont été occasionnés à un câble enterré à une profondeur d'un mètre, au moyen de techniques mentionnées à la DICT, soit la mise en oeuvre de divers engins par la société Sade, sont suffisantes à faire la preuve de l'implication d'un véhicule utilisé par la société Sade lors de la survenance du dommage, en l'absence de démonstration contraire par cette société qui conteste l'implication d'un véhicule de type engin de chantier.
Il en résulte qu'il est établi suffisamment que le dommage en cause trouve sa cause déterminante dans l'action d'un véhicule utilisé par la société Sade lors de la réalisation du dommage, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a déclaré compétent le tribunal de commerce de Paris.
Les moyens tenant à la méconnaissance des règles d'ordre public et au renversement de la charge de la preuve par le premier juge, sont écartés.
Sur le recours à l'ordonnance portant injonction de payer :
L'appelante argue que la cause du litige n'est pas contractuelle et que le tribunal ne pouvait juger que la décision se substituait à l' ordonnance portant injonction de payer rendue le 31 août 2017.
Elle fait valoir au soutien de son argumentaire un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation 11-22917 du 30 octobre 2012, lequel, selon elle, rappellerait que la liste du 2° de l'article 1405 du Code de procédure civile est limitative.
Or l'arrêt susdit n'énonce en aucun cas ce que soutient la société appelante de sorte la référence à cet arrêt est dépourvue de pertinence.
L'article 1405 du Code de procédure civile réserve la procédure rapide de l'injonction de payer au recouvrement d'une créance dont la cause est contractuelle ou résulte d'une obligation de caractère statutaire et s'élève à un montant déterminé.
Toutefois, il résulte de l'article 1420 du Code de procédure civile que 'Le jugement du tribunal se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer'.
Le jugement substitué par l'effet de droit sus-énoncé, n'est pas une ordonnance portant injonction de payer confirmée par le tribunal mais un jugement prononcé à l'issu d'un débat contradictoire.
La circonstance que les parties ne sont pas liées par un contrat est dès lors indifférente dans la mesure où, à la suite de l'opposition formée par la société Sade, le tribunal de commerce de Paris a été saisi du litige opposant les parties et que les parties en ont contradictoirement débattu.
Il s'ensuit que le moyen est écarté.
C'est ensuite à bon droit que le premier juge a fait droit à l'action en payement formée par la société Orange.
Le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions.
Par ces motifs
La Cour,
Rejette la prétention tendant à voir déclarer la S.A. SADE - COMPAGNIE GÉNÉRALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE irrecevable en son exception fondée sur l'article 1405 du Code de procédure civile;
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la S.A. SADE - COMPAGNIE GÉNÉRALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE à payer à la société Orange la somme de 3000 euros;
Condamne la S.A. SADE - COMPAGNIE GÉNÉRALE DE TRAVAUX D'HYDRAULIQUE aux entiers dépens.
Le greffier Le président