RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 28 Juin 2019
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07841 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY6TZ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Avril 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de [Localité 1] RG n° 14-01895
APPELANT
Monsieur [Q] [R]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2] (PORTUGAL)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Carole YTURBIDE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB 131
INTIMÉES
CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 1])
[Adresse 2]
Service contentieux
[Localité 4]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
Société FACE ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095 substitué par Me Florence BOURGOIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 95
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 4]
[Localité 6]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère
M. Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [Q] [R] d'un jugement rendu le 18 avril 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY dans un litige l'opposant à la société FACE ILE DE FRANCE et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis, ci-après 'la caisse'.
L'affaire est enregistrée sous le numéro RG 16/07841, les parties ont comparu à l'audience du 3 avril 2019 et la décision est mise à disposition à la date du 28 juin 2019.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
Il suffit de rappeler que M. [R], employé en qualité d'ouvrier du bâtiment par la société FACE ILE DE FRANCE, a été victime le 31 août 2004 d'un accident du travail. Alors qu'il était en train de fixer des filets de protection à la périphérie du bâtiment à une hauteur d'environ 12 mètres, la nacelle élévatrice sur laquelle il se trouvait s'est renversée. Souffrant suite à sa chute de multiples fractures, il a été hospitalisé.
Son état a été déclaré consolidé le 30 juin 2007, et une rente lui a été attribuée sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 71%.
M. [R] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY par requête enregistrée le 10 septembre 2014 aux fins de voir juger que l'accident du travail avait pour origine la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 18 avril 2016 ce tribunal a :
- dit que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur concernant l'accident du 31 août 2014 n'était pas prescrite et qu'elle était recevable,
- dit que la société FACE ILE DE FRANCE n'a commis aucune faute inexcusable dans la survenance de cet accident,
- débouté M. [R] de l'intégralité de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ni à exécution provisoire.
M. [R] a interjeté appel de ce jugement par déclaration faite au greffe le 2 juin 2016.
M. [R] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour :
- à confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son action non prescrite et ses demandes recevables,
- sur le fond, à infirmer le jugement
-à dire et juger que l'accident du travail est la conséquence de la faute inexcusable de la société FACE ILE DE FRANCE,
-à débouter l'employeur de toutes ses demandes,
-à fixer à son maximum la majoration de sa rente augmentée des intérêts légaux depuis la date de la conciliation,
- à ordonner une expertise médicale conformément à la nomenclature Dinthillac pour déterminer ses préjudices professionnels,
- à lui allouer une provision de 8.000€,
- à ordonner l'exécution provisoire et à condamner l'organisme de sécurité sociale aux dépens.
La société FACE ILE DE FRANCE fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour :
- à titre principal, à infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable et sa demande de mise en cause de la société LOXAM ACCESS, et à déclarer M. [R] irrecevable en son recours,
- à titre subsidiaire, à ordonner la mise en cause de la société LOXAM ACCESS et la réouverture des débats, au visa de l'article 331 du code de procédure civile,
- sur le fond, à juger qu'elle n'a pas commis de faute inexcusable,
-à débouter M. [R] de ses demandes d'expertise suivant la 'mission Dinthillac' et de provision,
- à juger qu'en tout état de cause la caisse avancera les sommes allouées à la victime,
- à condamner M. [R] à lui verser la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions par lesquelles elle invite la cour :
- à titre principal à infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [R] recevable en ses demandes, et le déclarer irrecevable en son recours pour prescription,
- à titre subsidiaire, elle s'en remet à justice sur l'existence de la faute inexcusable de l'employeur, et dans le cas où cette faute serait retenue demande à la cour de rappeler que les intérêts légaux ne pourront courir qu'à compter de l'arrêt à intervenir, de limiter la mission d'expertise aux seuls postes de préjudice indemnisables et d'en exclure la perte de chance de promotion professionnelle, de ramener la provision à de plus justes proportions, et de rappeler qu'elle fera l'avance des sommes allouées à M. [R] et en obtiendra ensuite le remboursement pas l'employeur, y compris les frais d'expertise,
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE,
En application de l'article L 452 - 1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident, ou la maladie professionnelle, est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
- Sur la recevabilité de l'action de M. [R] :
La société FACE ILE DE FRANCE comme la caisse soutiennent que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de M. [R] est prescrite.
L'article L 431-2 du code de la sécurité sociale dispose :
'Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :
1° du jour de l'accident ou de la cessation de paiement de l'indemnité journalière,...
Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, le prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.'
En l'espèce, l'accident du travail est survenu le 31 août 2004, et une action pénale a été engagée pour des faits d'infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité du travail et de blessures involontaires ayant causé une incapacité de plus de trois mois, devant le tribunal correctionnel de PONTOISE, contre la société HOULOTTE GROUP et son président M. [V], qui avaient mis sur le marché la nacelle élévatrice impliquée dans la survenance de l'accident.
Cette procédure pénale a été ouverte sur citation à la requête du procureur de la République remise à personne, et suivie d'une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 2 janvier 2008.
A cette date, il ne s'était pas écoulé deux années depuis la fin du versement des indemnités journalières à M. [R].
Contrairement à ce que soutient la société employeur FACE ILE DE FRANCE, cette action pénale, bien que n'étant pas engagée contre elle, était de nature à interrompre la prescription biennale de l'action de M. [R] en recherche de la faute inexcusable de son employeur, en application du texte précité. Il s'agissait bien des mêmes faits et la condamnation éventuelle de ce fournisseur d'équipement avait certainement un impact sur la recherche de la faute de la société FACE ILE DE FRANCE.
Par jugement du 4 juin 2008, le tribunal correctionnel de PONTOISE a prononcé la relaxe des prévenus, a déclaré recevable en la forme la constitution de partie civile de
M. [R] mais l'a débouté de ses demandes compte tenu des relaxes prononcées.
Ni les prévenus ni le ministère public n'ont interjeté appel de ce jugement, et en application de l'article 498 du code de procédure pénale ses dispositions pénales sont devenues définitives 10 jours plus tard, soit le 14 juin 2008.
M. [R], partie civile, a interjeté appel de ce jugement le 16 juin 2008. En application de l'article 497 du code de procédure pénale, la faculté d'appel appartient à la partie civile sur intérêts civiles seulement.
Par arrêt du 3 septembre 2009, la cour d'appel de VERSAILLES a reçu l'appel de
M. [R], mais a dit irrecevable sa demande d'application de l'article
470-1 du code de procédure pénale formée à titre principal pour la première fois en cause d'appel. Dans les motifs de son arrêt, la cour a souligné que dans ce cas de figure 'le prévenu est définitivement mis hors de cause en ce qui concerne l'action publique et la cour ne saurait dès lors prononcer la relaxe ni par voie de conséquence se prononcer par application des règles de droit civil à l'encontre du prévenu.'
Il résulte clairement des règles de la procédure pénale et de l'arrêt précité que l'appel interjeté par M. [R] était sans effet sur l'action pénale qui avait été engagée, et que c'est bien la date du 14 juin 2008, et non celle du 3 septembre 2009, qui doit être retenue comme point de départ de la prescription de deux années qui a recommencé à courir après son interruption.
M. [R] avait donc jusqu'au 14 juin 2010 pour saisir la caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
En saisissant la caisse aux fins de tentative de conciliation par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2011, M. [R] a engagé tardivement une action qui était depuis plus d'un an prescrite.
Par ce seul motif, il y a lieu d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et de déclarer irrecevables les demandes de M. [R].
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant qui succombe aura la charge du paiement des dépens d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare M. [Q] [R] irrecevable en ses demandes.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que M. [Q] [R] aura la charge des dépens d'appel.
La Greffière,La Présidente,