Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :
à Me Gaëlle DECOUSU
Me Anne WOLFFAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 27 JUIN 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04016 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B25WW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/11328
APPELANTE
Madame [Q] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Gaëlle DECOUSU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1914
INTIMÉE
SA TRANSTELE CANAL FRANCE INTERNATIONAL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Anne WOLFF, avocat au barreau de PARIS, toque : J013
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre
Madame Bérengère DOLBEAU ,Conseillère
Monsieur François MELIN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre et par Anna TCHADJA-ADJE, Greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par un contrat de travail à durée déterminée du 2 novembre au 24 décembre 1999, Mme [Q] [D] a été engagée par la société Transtélé Canal France International (CFI) en qualité d'assistante du directeur régional Afrique.
Un second contrat à durée déterminée a été conclu pour les périodes du 1er juin au 31 juillet 2000, du 1er septembre au 30 septembre 2000 et du 1er octobre au 30 juin 2001 sur un poste d'assistante marketing à la direction du marketing.
A compter du 1er juillet 2001, la relation s'est poursuivie par un contrat à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 2 novembre 1999.
A compter du 1er septembre 2009, Mme [D] a occupé les fonctions de chargée de relations partenaires, statut employé, selon l'accord collectif SOFIRAD.
Par courrier du 25 juin 2015, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 8 juillet 2015.
Par courrier du 20 juillet 2015, la société lui a notifié son licenciement pour motif économique avec proposition d'un congé de reclassement qui a été accepté le 30 juillet 2015. Elle comptait 42 salariés.
Contestant la validité de son licenciement, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 29 septembre 2015 en paiement de diverses sommes.
Le 27 novembre 2015, Mme [D] a signé une convention de congé de reclassement qui a pris fin le 8 juin 2016.
Par jugement en date du 27 février 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a :
débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes ;
débouté la société Transtélé Canal France International de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné Mme [D] aux dépens.
Mme [D] a formé appel par déclaration du 20 mars 2017.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er octobre 2018, Mme [D] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 27 février 2017 et de condamner la société Transtélé Canal France International CFI à lui payer les sommes suivantes:
90 000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement à titre de dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre de licenciement ;
2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Mme [D] fait valoir à titre principal que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la cause économique alléguée n'est pas justifiée, que lorsque la société appartient à un groupe, l'existence des difficultés économiques ou la nécessité de réorganiser l'entreprise s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise sans qu'il n'ait lieu de réduire le groupe aux sociétés situées sur le territoire national.
Elle ajoute qu'à la date de son licenciement, la société Transtélé Canal France International CFI était détenue à 75% par le groupe France Télévisions, et à 25% par la société ARTE; que ces sociétés interviennent dans le même secteur d'activité, contrairement à ce que soutient la société intimée, puisqu'elles exercent des activités de télévision et de radio ; que les destinataires de la banque de programmes sont les mêmes que ceux des programmes vendus par France Télévisions, à savoir des chaînes africaines publiques et privées, peu important le contexte de leur financement (but lucratif ou aide publique au développement).
Concernant la situation économique du groupe, Mme [D] conclut que le groupe France Télévisions regroupe 23 filiales et a un chiffre d'affaire important ; que la situation économique de la société Transtélé Canal France International appréciée au niveau du groupe excluait manifestement l'existence de difficultés sérieuses ; qu'en tout état de cause, la société a commis d'importants manquements qui ont conduit à ses difficultés ; que la cause économique fait nécessairement défaut.
En outre, Mme [D] soutient que la société ne rapporte pas la preuve que son poste a été effectivement supprimé.
Enfin, elle fait valoir que la recherche d'un reclassement a été insuffisante et que la société ne produit aucun élément démontrant la réalité d'une recherche de reclassement en interne à compter du mois d'octobre 2014 ; que le comité d'entreprise a rendu un avis négatif, les obligations de reclassement interne au groupe n'étant pas appliquées ; que des postes vacants auraient pu lui être proposés, notamment des postes au sein de l'activité « expertise » dans laquelle il y a eu des embauches en 2015 et 2016.
Subsidiairement, Mme [D] fait valoir que la société n'a pas appliqué les critères d'ordre de licenciement ; que la catégorie professionnelle à laquelle elle appartient n'était pas limitée à son poste de chargée de relations partenaires mais correspondait à la catégorie des chargés de projets et à celle des responsables de projets ; que l'employeur aurait dû appliquer les critères d'ordre des licenciements au sein de ces catégories.
Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 octobre 2018, la société Transtélé Canal France International demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de déclarer Mme [D] mal fondée et de la condamner au paiement de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir en premier lieu que son activité consiste à dispenser des conseils et du coaching aux professionnels des médias dans les pays en développement et en sortie de crise ; qu'à ce titre, ses missions sont principalement exécutées à l'étranger, et qu'elle a cessé depuis 2003 toute activité de télédiffusion. Elle précise que, dès lors, son activité ne peut pas être englobée dans un secteur comprenant France Télévision, à savoir le secteur « médias », puisque la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée et les réseaux et modes de distribution sont différents selon qu'ils sont mis en 'uvre par la presse écrite ou par internet.
En tout état de cause, la société Transtélé Canal France International soutient qu'en 2014, France Télévisions subissait des difficultés économiques et avait dû mettre en place un plan de départs volontaires.
Concernant sa réorganisation, la société soutient qu'elle est financée quasiment exclusivement par une subvention versée par la Ministère des Affaires Etrangères et ne dispose d'aucune autonomie en termes de perception de ressources ; que cette subvention a baissé, de sorte qu'elle subissait de réelles difficultés économiques puisque l'activité de distribution de programmes était devenue secondaire et sans vocation marchande depuis 2009 ; que l'avis rendu par le comité d'entreprise fait bien état de ces difficultés économiques.
Concernant l'effectivité de la suppression du poste de Mme [D], la société expose que l'arrêt de l'activité de distribution a conduit à la suppression de cinq postes, dont celui de l'appelante ; que les organigrammes et le registre unique du personnel produits démontrent la réalité de la suppression du poste.
S'agissant du respect de l'obligation de reclassement interne, la société conclut qu'à la date du licenciement, les seuls postes à pourvoir étaient des postes d'experts ou des postes de journalistes pour lesquels Mme [D] n'avait pas de compétences ; qu'il y avait effectivement un poste de chargé de projets disponible, mais l'employeur a choisi de privilégier le maintien de Mme [X] qui bénéficiait d'une ancienneté plus importante.
La société ajoute qu'en tout état de cause, Mme [D] n'a pas demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage, et que l'affectation à un poste de responsable de projets aurait nécessité une formation et des compétences spécifiques qu'elle n'avait pas.
Elle soutient ensuite que son obligation de recherche de reclassement au sein de groupe a été respectée et que les diverses entités ont répondu négativement ; qu'elle n'avait pas à étendre ses recherches auprès de ses partenaires avec lesquelles elle n'a aucun lien juridique.
S'agissant du non-respect des critères d'ordre de licenciement, la société intimée soutient que le poste occupé par Mme [D] était unique au sein de l'entreprise et qu'elle ne pouvait pas mettre en place de critères d'ordre ; qu'en tout état de cause, Mme [D] avait une ancienneté comparable à celle des chargées de projets mais n'avait pas de famille à charge, qu'elle ne peut se prévaloir d'une violation des critères d'ordre.
La procédure a été clôturée le 4 octobre 2018.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux écritures visées ci-dessus.
MOTIFS
Sur le licenciement
Le courrier de licenciement du 20 juillet 2015 est rédigé dans les termes suivants :
« Dans le prolongement de notre entretien préalable du 8 juillet 2015, au cours duquel vous vous êtes présentée sans assistance, nous sommes conduits à vous notifier votre licenciement pour motif économique pour les raisons ci-après qui vous ont été exposées lors de cet entretien CFI est un opérateur sous tutelle du MAEDI (Ministère des Affaires Etrangères et du Développement International) pour la mise en oeuvre de la coopération française à destination des médias des pays en développement.
L'essentiel des ressources de CFI est constitué d'une subvention versée par le MAEDI représentant en 2014, 11 938 K€ sur un budget de 14 500 K€ et en 2015, 10 282 K€ sur un budget global de 13 737 KC. Le reste des ressources de CFI provient de contrats aléatoires et non garantis de surcroît conditionnés pour leur financement par des bailleurs externes par le succès d'appels d'offres ouverts à la concurrence.
Cette subvention déjà tendanciellement à la baisse depuis 2009 (34,5 0/0 de baisse cumulée entre 2009 et 2015) va encore s'accentuer dans les trois prochaines années puisque le MAEDI a décidé d'une nouvelle baisse de 40 0/0 sur le prochain triennum 2015-2017 entraînant une réduction en valeur de 1,66 MC par an de la subvention brute, soit 5 MC sur trois ans à partir du ter janvier 2015.
Face à la brutalité de ce changement de périmètre budgétaire, qui réduit ses moyens d'action, puisque la subvention du MAEDI a pour vocation première de couvrir ses coûts fixes, CFI se voit donc dans l'obligation de prendre dès à présent diverses mesures d'adaptation de son organisation en vue d'assurer la pérennité de l'entreprise.
Dans ce contexte difficile et contraint, il a été décidé de diverses mesures d'économies dont l'arrêt de l'activité de distribution de programmes audiovisuels devenue depuis 2009 une activité secondaire pour CFI, qui n'a pas de vocation marchande, et aujourd'hui limitée à la distribution de programmes de stocks ne générant que des recettes marginales. L'arrêt de cette activité, avec arrêt des achats de programmes dès le 30 juin 2015, devrait ainsi générer une économie de 1 510 K€ en année pleine à compter de la deuxième moitié de l'exercice 2017.
L'arrêt de la distribution de programmes audiovisuels entraîne la suppression des 5 postes affectés à cette activité, dont votre poste de chargée des relations partenaires.
Au regard de la situation économique de l'entreprise, de sa taille et de son organisation, aucun poste de reclassement interne n'a pu vous être proposé.
Par ailleurs, les démarches que nous avons entreprises au sein du groupe France Télévisions, auquel CFI est juridiquement rattaché, n'ont pu permettre la concrétisation d'opportunités de postes correspondant à vos compétences dans le contexte de ce groupe lui-même confronté à la mise en oeuvre d'un plan de départs volontaires qui l'engage à rechercher des possibilités de reclassements internes pour ses collaborateurs concernés.
De même, les recherches menées auprès d'Arte France, TV5 Monde, France Média Monde et le Ministère des affaires étrangères et du développement international n'ont pu aboutir à des propositions d'emploi.
C'est dans ces conditions et pour les motifs évoqués ci-dessus, qu'intervient par la présente votre licenciement pour motif économique.
(...) ».
À titre principal, Mme [D] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et développe différents moyens, qu'il convient d'examiner successivement.
En premier lieu, Mme [D] soutient que :
' le périmètre d'examen du motif économique du licenciement comprend non seulement l'employeur mais également le groupe France Télévisions, qui en détient 75 % du capital, et la société Transtélé Canal France International Arte, qui détient 25 % du capital ;
' contrairement à ce que soutient l'intimée, ces deux sociétés interviennent dans le même secteur d'activité que l'employeur, à savoir celui des médias, et ce d'autant plus qu'elle collabore étroitement dans le cadre de leurs activités ;
' si l'employeur a effectivement cessé son activité de télédiffusion en 2003, il a conservé son activité de distribution de programmes jusqu'en 2015. Or, le département « France Télévisions distribution » de la société France Télévisions a précisément pour activité la vente de programmes notamment à des télévisions africaines, ce qui conduisait l'employeur à collaborer avec ce département ;
' l'employeur faisait intervenir des collaborateurs de France Télévisions dans le cadre des formations qu'il organisait ;
' l'employeur fonctionne avec une grille de programmes comme toute chaîne de télévision;
' le fait que l'employeur exerçait ses activités dans le cadre de l'aide publique au développement est inopérant ;
' les mouvements de personnels confirment l'identité du secteur d'activité ;
' ainsi, les activités de l'employeur et celles du groupe France Télévisions relevaient du même secteur d'activité ;
' si la situation de l'employeur avait été appréciée au niveau du groupe à la date du licenciement, il aurait fallu exclure l'existence de difficultés sérieuses nécessitant sa réorganisation, puisque le groupe France Télévisions compte 23 filiales, a plus de 10 000 salariés, et qu'en 2014, son chiffre d'affaires s'est élevé à plus de 3 milliards d'euros, le chiffre d'affaires de la société Arte s'étant quant à lui élevé à la somme de près de 155 millions d'euros ;
' les motifs du licenciement, qui tiennent essentiellement à la baisse des subventions du Ministère des affaires étrangères, ne permettent pas de retenir l'existence de difficultés économiques rendant nécessaire un licenciement collectif pour motif économique, et ce d'autant plus que la simulation du chiffre d'affaires sur trois ans laissait apparaître un chiffre d'affaires très significatifs, qui devait être de 2 210 000 € en 2015, de 2 530 000 € en 2016 et de 2 717 000 € en 2017 ;
l'avis du comité d'entreprise confirme que le résultat net de l'année 2015 projetée par la direction générale devait être encore significatif et que l'arrêt de l'activité de distribution était critiquable. Le comité d'entreprise a en outre considéré que la direction de l'entreprise avait été fautive ;
au regard des éléments qui précèdent, il est évident que d'autres solutions qu'un licenciement collectif pour motif économique aurait pu être mises en 'uvre.
La société Transtélé Canal France International indique quant à elle que le licenciement économique est fondé au regard des éléments suivants :
' elle constitue l'agence de coopération du ministère des affaires étrangères ;
' elle participe à ce titre à l'action de coopération de ce ministère dans le domaine de l'aide au développement des médias dans certains Etats étrangers, en dispensant des conseils et du coaching aux professionnels de ces médias ;
' elle exécute ses missions principalement à l'étranger ;
' depuis 2003, elle a cessé toute activité de télédiffusion et elle a arrêté en dernier lieu son activité de distribution de programmes, ce qui l'a conduit à demander la modification de son code NAF/APE ;
' dans ces conditions, Mme [D] ne peut pas soutenir que l'appréciation des difficultés économiques devrait s'étendre au secteur d'activité englobant France Télévisions car les activités de ce groupe sont différentes de celles de l'employeur et ne sont pas interchangeables, France Télévisions étant un diffuseur de chaînes de télévision avec des missions de service public ;
' en tout état de cause, France Télévisions exerce son activité de distribution dans un but lucratif, alors que l'employeur distribuait des programmes dans le cadre de l'aide publique au développement,
à titre subsidiaire, la société Transtélé Canal France International soutient que si la cour devait considérer qu'elle relevait du même secteur d'activité que France Télévisions, elle devrait estimer que cette dernière subissait, à la même période, des difficultés économiques importantes avec un plan de départs volontaires, avec un plan d'économie de 300 millions d'euros avec un résultat net d'exploitation déficitaire, ce dont il y a lieu de conclure que le motif économique du licenciement est en tout état de cause incontestable.
Au regard des positions opposées des parties, il sera rappelé, de manière générale, que :
si une entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques doivent être appréciées au niveau du secteur d'activité du groupe ;
les difficultés de l'entreprise ne peuvent pas alors suffire à justifier un licenciement économique si le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient n'en connait pas ;
lorsqu'une entreprise appartient à un groupe, des licenciements économiques ne peuvent être justifiés par une mesure de réorganisation qu'à la condition que celle-ci soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise.
En l'espèce, il apparaît que si l'employeur indique être une agence de coopération du Ministère des affaires étrangères, il est constitué en tant que société anonyme, dont le siège social est situé en France, et qu'à l'époque du licenciement de Mme [D], la société Transtélé Canal France International avait deux actionnaires, à savoir France Télévisions à hauteur de 75 % et Arte à hauteur de 25 %.
Pour démontrer la réalité des difficultés économiques qu'il rencontrait, l'employeur produit notamment un rapport de gestion pour l'année 2015, qui renseigne sur sa situation comptable.
Il y a toutefois lieu de déterminer si ces difficultés devaient être appréciées au niveau de l'entreprise ou, le cas échéant, au niveau du secteur d'activité du groupe auquel il appartenait, comme le soutient la salariée.
A cet égard, l'employeur développe deux moyens, l'un à titre principal et l'autre à titre subsidiaire.
A titre principal, l'employeur conteste avoir la même activité que France Télévisions et soutient qu'il a cessé toute activité de télédiffusion et de diffusion de programmes et qu'il intervient uniquement en matière de développement des médias à l'étranger.
Cependant, il ne produit pas les stipulations de ses statuts définissant son objet social, sans d'ailleurs non plus fournir de renseignements précis et juridiques sur l'objet social de ses actionnaires à l'époque. Il fournit essentiellement une reproduction (pièce n° 28), sur support papier, des informations qu'il diffuse sur son site Internet quant à ses activités, éléments qui visent uniquement à informer le public à ce sujet mais qui ne renseignent pas de manière précise sur l'étendue de ses activités. Par ailleurs, l'employeur produit (pièce n° 29) la convention établie par le Ministère des affaires étrangères pour l'année 2015, qui définit les missions de l'entreprise au regard de sa participation à l'action de coopération conduite par le Ministère (art. 1 de la convention). Or, si cette convention prévoit une mission principale d'expertise médias à l'international, elle prévoit également une mission secondaire de distribution de contenus audiovisuels en Afrique subsaharienne (art. 3). Et si la convention indique que cette activité a vocation « à s'interrompre à terme rapproché » (art. 3) dès l'année 2015 (art. 3.2), elle prévoit néanmoins le maintien de la distribution de contenus d'information dans certains Etats africains et que l'employeur est mandaté « pour mettre à disposition son dispositif technique de distribution par fichiers pour transporter le fil vidéo quotidien fourni par l'AFP jusqu'à la date de fin du marché AFP » (art. 3.2). Or, il y a lieu de considérer, au regard de ces éléments, que, ainsi que le soutient la salariée, la société Transtélé Canal France International avait encore, à l'époque du licenciement, des activités en partie communes avec celles de France Télévisions, dont il n'est pas contesté qu'elle avait, notamment, une activité de diffusion de programmes et de contenus. Par conséquent, le licenciement ne pourrait être considéré comme fondé que dans la mesure où il serait établi que les difficultés économiques ne concernaient pas seulement l'employeur mais le secteur d'activité du groupe auquel celui-ci appartenait.
Sur ce point, et à titre subsidiaire, la société Transtélé Canal France International soutient que tel était bien le cas. Pour ce faire, elle se borne toutefois à indiquer que France Télévisions a mis en oeuvre un plan de départ volontaires, en produisant d'ailleurs uniquement à ce sujet deux articles de presse (pièces n° 8 et 9) et un mail de France Télévisions évoquant ce plan (pièce n° 20), et les rapports annuels 2014 et 2015 concernant France Télévisions (pièces n° 31 et 43). Néanmoins, la société ne peut pas sérieusement soutenir que la cour peut déduire de deux simples articles de presse et d'un mail de France Télévisions que le secteur d'activités auquel elle appartenait connaissait des difficultés économiques au sens des dispositions du code du travail relatives aux licenciements économiques. Par ailleurs, si elle fournit les rapports annuels 2014 et 2015 de France Télévisions, la société Transtélé Canal France International ne fournit pas une analyse approfondie de ceux-ci, se bornant à relever que le résultat d'exploitation a été négatif au cours de ces deux exercices et que le résultat net a été négatif en 2014 et de 0 en 2015 (conclusions p. 12). Or, ces rapports annuels concernent le groupe France Télévisions dans son ensemble et présentent des comptes consolidés, de sorte qu'il appartenait à la société Transtélé Canal France International de présenter à la cour les éléments qui auraient pu lui permettre d'apprécier si le secteur d'activités auquel elle appartenait présentait, à l'époque du licenciement de Mme [D], des difficultés économiques. Faute de disposer de ces éléments, la cour retient donc que la preuve de ces difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe n'est pas rapportée, pas plus que celle tenant à la nécessité de sauvegarder la compétitive de ce secteur par une réorganisation conduisant à des licenciements économiques.
Au regard de ce qui précède, le licenciement économique de Mme [D] sera donc jugé sans cause réelle et sérieuse. Il lui sera alloué une somme de 53 700 euros sur la base d'un revenu mensuel moyen de 3 358 euros, compte tenu de l'ancienneté de Mme [D] dans l'entreprise, de son âge et du temps passé pour retrouver un emploi. L'employeur sera par ailleurs condamné à rembourser à Pôle Emploi les allocations versées à la salariée, dans la limite de quatre mois.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
La société Transtélé Canal France International succombant, elle sera condamnée à payer à Mme [D] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande formée à ce titre sera quant à elle rejetée.
Sur les dépens
La société Transtélé Canal France International succombant, elle sera condamnée aux dépens, de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par un arrêt contradictoire, en dernier ressort, mis à disposition,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 27 février 2017, en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique notifié à Mme [D] par la société Transtélé Canal France International ;
Condamne la société Transtélé Canal France International à payer à Mme [D] la somme de 53 700 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter de la mise à disposition de cet arrêt et capitalisation des intérêts ;
Condamne la société Transtélé Canal France International à rembourser à Pôle Emploi les allocations versées à Mme [D], dans la limite de quatre mois ;
Condamne la société Transtélé Canal France International à payer à Mme [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes formées par les parties ;
Condamne la société Transtélé Canal France International à payer les dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE