Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 27 JUIN 2019
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03901 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B247F
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 14/01031
APPELANT
Monsieur [L] [G]
Demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Isabelle WASSELIN, avocat au barreau de MELUN
INTIMEE
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES
Sise [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Philippe FROGET, avocat au barreau de MELUN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jacques RAYNAUD, Président de chambre
M. Stéphane MEYER, conseiller
Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Marine BRUNIE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jacques RAYNAUD, Président de chambre et par Marine BRUNIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [L] [G] a été engagé en qualité d'ouvrier-pépiniériste, pour une durée indéterminée à compter du 1er septembre 1993 par l'EARL VIEUX CHAMPAGNES PAYSAGES, aux droits de laquelle la SARL VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES se trouve actuellement. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe-contremaître.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises du paysage.
Par lettre du 6 octobre 2014, Monsieur [G] était convoqué pour le 21 octobre à un entretien préalable à son licenciement et était mis à pied à titre conservatoire. Son licenciement lui a été notifié le 28 octobre suivant pour faute grave, caractérisée par divers griefs.
Le 16 décembre 2014, Monsieur [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun et formé des demandes à la rupture et à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 20 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Melun a débouté Monsieur [G] de ses demandes et l'a condamné à payer à la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
A l'encontre de ce jugement notifié le 2 mars 2017, Monsieur [G] a interjeté appel le 16 mars 2017.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 avril 2019, Monsieur [G] demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES à lui payer les sommes suivantes :
- rappel de salaire conventionnel octobre et décembre 2011 : 480 euros ;
- congés payés afférents : 48 euros ;
- rappel de salaire conventionnel janvier et février 2012 : 320 euros ;
- congés payés afférents : 32 euros ;
- rappel de salaire conventionnel mars à décembre 2012 : 915 euros ;
- congés payés afférents : 91,50 euros ;
- rappel de salaire conventionnel janvier à décembre 2013 : 1 224 euros ;
- congés payés afférents : 122,40 euros ;
- rappel de salaire conventionnel janvier à septembre 2014 : 1 067,85 euros ;
- congés payés afférents : 106,78 euros ;
- rappel de primes de responsabilité d'octobre 2011 à septembre 2014 : 508,56 euros ;
- congés payés afférents : 50,85 euros ;
- indemnité compensatrice de préavis : 5 160,54 euros ;
- congés payés afférents : 516,05 euros ;
- rappel de salaire de mise à pied : 1 624,17 euros ;
- congés payés afférents : 162,41 euros ;
- indemnité conventionnelle de licenciement :14 836,36 euros ;
- dommages et intérêts pour rupture abusive : 46 444,86 euros ;
- dommages et intérêts pour conditions vexatoires du licenciement : 10 000 euros ;
- solde des heures supplémentaires dues année 2012 : 4 257,64 euros ;
- congés payés afférents : 425,76 euros ;
- rappel d'heures supplémentaires année 2013 : 3 531,46 euros ;
- congés payés afférents : 353,14 euros ;
- rappel d'heures supplémentaires année 2014 : 1 283,63 euros ;
- congés payés afférents : 128,33 euros ;
- dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris au-delà du contingent légal :
* année 2012 : 1 857,24 euros ;
* année 2013 : 1 802,57 euros ;
* année 2014 : 855,17 euros ;
- indemnité pour travail dissimulé : 15 481,62 euros ;
- indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros ;
- les intérêts au taux légal avec capitalisation ;
- Monsieur [G] demande également que soit ordonnée la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, avec réserve de liquidation d'astreinte.
Au soutien de ses demandes, Monsieur [G] expose que :
- il a perçu des salaires inférieurs aux minima prévus par la convention collective et correspondant aux fonctions qu'il exerçait réellement ;
- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité un licenciement économique déguisé ;
- il rapporte la preuve du préjudice causé par le licenciement ;
- il a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées ;
- l'employeur s'est ainsi rendu coupable de travail dissimulé.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 avril 2019, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [G] à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Elle fait valoir que :
- les tâches effectuées par Monsieur [G] ne correspondaient pas à la qualification qu'il revendique ;
- le licenciement pour faute grave est justifié par les différents manquements commis par Monsieur [G], dont elle rapporte la preuve ;
- les demandes formées au titre des heures supplémentaires ne sont pas fondées ;
- il en est de même de la demande d'indemnité pour travail dissimulé.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rappel de salaires au titre des minima conventionnels
Il est de règle que le salarié doit percevoir un salaire au moins égal au salaire minimal prévu par la convention collective applicable et correspondant à la nature de l'emploi effectivement occupé par lui et à la qualification qu'il requiert.
En l'espèce Monsieur [G] fait valoir qu'il aurait dû percevoir un salaire correspondant à la catégorie des techniciens agents de maîtrise de niveau TAM4 tel que prévu par la convention collective nationale des entreprises du paysage et décrite ainsi :
« Responsabilité : Assure la coordination des équipes internes et externes. Organise les moyens en fonction des objectifs financiers et des délais.
Autonomie : représente l'entreprise dans le cadre d'instructions. Est occasionnellement capable de gérer les projets confiés sans instruction précise.
Technicité : expertise des techniques de l'ensemble du métier. Bonne connaissance des techniques connexes. Acquiert des savoirs faire dans de nouveaux champs d'intervention.
Formation/expérience : forte expérience acquise au niveau inférieur ».
L'avenant au contrat de travail de Monsieur [G] du 1er septembre 2004 définissait ainsi ses fonctions de 'chef d'équipe-contremaître - position IV' :
« - exercer le commandement sous les directives de l'employeur sur le personnel mis à sa disposition pour la réalisation des travaux à effectuer ;
- interpréter les plans et documents d'exécution ;
- transmettre les besoins journaliers ;
- élaborer les documents analytiques de chantiers (rapports journaliers) et effectuer leur saisie informatique ;
- participer à l'exécution des travaux ;
- être autonome dans l'organisation des tâches ».
Ses bulletins de paie mentionnaient également la qualification de 'contremaître - position IV'.
Monsieur [G] expose qu'il 'gérait' notamment deux salariés sur la pépinière et quatre ou cinq salariés en permanence sur les paysages, qu'il prenait des initiatives en tant que chef de chantier et qu'il a dû, en outre, assumer la gestion commerciale et organisationnelle de la société sur le terrain, notamment durant l'absence pour maladie du gérant de février 2013 à janvier 2014, ainsi que durant les week-ends.
Il produit les attestations de salariés de l'entreprise (Messieurs [O], [B], Madame [N]), de clients (Madame [Z], Monsieur et Madame [H], Messieurs [I] et [K]) et de voisins (Monsieur [V], Mesdames [D], [Y]) établissant la réalité de ses allégations et ce, malgré les dénégations de la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES.
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES fait valoir que les stipulations du contrat de travail relatives à la classification n'étaient que la reprise à l'époque de la convention collective des entreprises du paysage datant du 23 mars 1999 qui ne prévoyait pas de classification pour les techniciens et agents de maîtrise.
Cependant, elle n'explique pas pour quelle raisons, jusqu'à la rupture du contrat de travail, les fiches de paie de Monsieur [G] mentionnaient a qualification de 'contremaître - position IV'.
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES fait valoir que, pendant la maladie du gérant, c'est son épouse, détentrice d'une délégation de pouvoir, qui le remplaçait et produit en ce sens une attestation de Monsieur [E], comptable, ainsi que du beau-père du gérant, Monsieur [S], de Madame [M], compagne de ce dernier, de Monsieur [R], juriste social et de Madame [X], conseillère technique.
Cependant, ces témoignages ne contredisent pas les allégations étayées de Monsieur [G] selon lesquelles il a assuré la gestion de l'entreprise 'sur le terrain' durant l'absence du gérant.
Il résulte de ces considérations que Monsieur [G] prouve avoir exercé de façon effective des fonctions correspondant à la qualification qu'il revendique.
Il est donc fondé à obtenir, dans la limite du délai de prescription, paiement de rappels de salaires égaux à la différence entre les minima prévus par la convention collective et les salaires qu'il percevait de façon effective, soit la somme de 4 006,85 euros correspondant au total des sommes réclamées et non contestées dans leurs montants, outre la somme de 400,68 euros de congés payés afférents.
Il convient donc de faire droit à cette demande, nouvelle en cause d'appel.
Sur la demande de primes de responsabilité
L'avenant au contrat de travail de Monsieur [G] prévoyait le paiement d'une 'prime de responsabilité correspondant à un mois de salaire '.
Il résulte de l'examen de ses bulletins de paie qu'il ne percevait à ce titre qu'une somme fixe de 169 euros par mois.
Il est donc fondé à percevoir un rappel de prime égale à la différence entre celle due sur la base du salaire conventionnel correspondant à sa qualification et les sommes perçues, soit la somme de 508,56 euros, non contestée en son montant, outre la somme de 50,85 euros de congés payés afférents.
Il convient donc de faire droit à cette demande, nouvelle en cause d'appel.
Sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et les demandes afférentes
Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient donc au salarié de produire au préalable des éléments de nature à étayer sérieusement sa demande.
En l'espèce, Monsieur [G] expose que toutes ses heures supplémentaires ne lui étaient pas rémunérées.
L'horaire collectif de l'entreprise était fixé de 7 heures 30 à 12 heures et de 12 heures 30 à 17 heures du lundi au jeudi outre de 7 heures 30 à 11 heures 30 le vendredi.
Il expose qu'en réalité, il arrivait à 7 heures 15 pour organiser les chantiers et les plannings.
Il ajoute qu'il était amené à effectuer par ailleurs des permanences d'arrosage certains week-ends (pouvant aller jusqu'à 3 heures le samedi et 3 heures le dimanche) mais que ces tâches n'étaient pas complètement rémunérées.
Au soutien de ces allégations, il produit des tableaux et des décomptes, un planning des permanences d'arrosage de l'été 2014, ainsi que des courriels échangés le lundi 9 avril 2012 à 17 heures 54.
Il produit également une attestation de Madame [N], qui déclare que, durant la période où le gérant était absent pour raisons médicales, il a bien souvent travaillé en dehors des journées de travail habituelles, ajoutant qu'elle a pu constater ces faits puisqu'elle-même effectuait des heures supplémentaires, une attestation de Monsieur [K], qui déclare que, lors de ses permanences d'arrosage, il lui est arrivé de faire appel à Monsieur [G] pour résoudre des problèmes techniques et une attestation de Monsieur [O], qui déclare qu'il était présent chaque matin dès 7 heures 15 car il ouvrait le bureau et les portails de l'entreprise au reste du personnel, qu'il faisait le point tous les soirs avec le gérant et ne quittait jamais l'entreprise avant 17 heures 30, qu'il lui arrivait même fréquemment de quitter beaucoup plus tard et que, les week-ends de permanence d'arrosage, si le système tombait en panne, il se rendait disponible pour venir réparer.
Ces éléments sont de nature à étayer sérieusement la demande de Monsieur [G].
De son côté, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit des tableaux récapitulatifs annuels des heures supplémentaires avec mention des heures payées et des heures récupérées et déclare que ces tableaux ont été établis à partir des fiches de rapport de chantier remplies par Monsieur [G], dont elle produit plusieurs, le tableau de 2014 portant la signature de Monsieur [G].
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit également des tableaux récapitulatifs des permanences d'arrosage établis à partir des relevés d'arrosage remplis par les salariés, précisant leurs dates de permanence et le nombre d'heures effectuées.
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit également une attestation de Monsieur [L], collègue de Monsieur [G], qui déclare qu'il arrivait lui-même chaque matin entre 7h20 et 7h25 et que Monsieur [G] arrivait toujours après lui, entre 7h25 et 7h30. Elle produit des attestations dans le même sens de Messieurs [Q], [P] et [A].
Enfin, il résulte des pièces produites et des explications concordantes des parties sur ce point que Monsieur [G] a varié dans ses allégations relatives au nombre heures supplémentaires effectuées entre son décompte produit en première instance et celui produit en cause d'appel, et ce, après que la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES eut communiqué son propre décompte.
Il résulte de ces considérations que la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES justifie les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Par conséquent, Monsieur [G] n'établit pas que cette dernière n'aurait que de façon partielle rémunéré ses heures supplémentaires.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents.
Il doit également être confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formées au titre des repos compensateurs et d'indemnité pour travail dissimulé, qui en sont la conséquence.
Sur le licenciement
Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.
Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 28 octobre 2014, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, reproche en substance à Monsieur [G] les faits suivants :
- avoir commis, à l'encontre d'un collègue mineur, Monsieur [U], 'd'incessantes pressions et brimades pouvant être assimilées à du harcèlement moral' et de s'être abstenu de commander une parka et des chaussures de sécurité pour lui, alors qu'il l'avait fait pour l'ensemble du personnel ;
- avoir, le 2 octobre 2014, demandé à un apprenti de l'entreprise de conduire un camion de 3,5 tonnes de la société pour le rentrer du chantier, sachant qu'il n'était pas titulaire du permis de conduire nécessaire pour conduire ce type de véhicule ;
- avoir, le 2 octobre 2014, sciemment rogné la souche d'un arbre se situant sur un chantier, alors même que la société GRDF GAZ venait clairement et expressément de le lui interdire ;
- avoir les 2 et 3 octobre 2014, fait signer des bons de validation par un salarié non habilité.
' Au soutien du premier grief, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit les lettres que Monsieur [U] et ses parents lui ont adressées le 3 octobre 2014, se plaignant de faits de harcèlement moral, ainsi que le procès verbal de plainte du mineur du 8 octobre suivant, aux termes duquel il exposait que Monsieur [G] ne cessait de le mépriser et de critiquer son travail, que lorsqu'il lui posait des questions concernant le travail, il ne lui répondait jamais, qu'il cherchait tous les prétextes pour le faire licencier, qu'il a refusé de changer ses chaussures de sécurité sous prétexte qu'il n'en avait pas besoin, alors qu'elle étaient trouées ; il ajoutait se trouver en arrêt de travail depuis le 6 octobre pour des douleurs au dos, Monsieur [G] lui ayant demandé de porter une charge lourde, après qu'il lui eut spécifié qu'il avait des problèmes de dos et reçu comme réponse qu'il n'en avait 'rien à faire' et n'avait qu'à rester chez lui.
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit une attestation de Monsieur [U], reprenant les mêmes griefs et les développant : 'Quand on ramassait des feuilles chez un client, il me faisait faire un tas de feuilles à un endroit et quand j'avais fini il me le faisait déplacer pour le mettre quelques mètres plus loin. Sous une pluie battante, alors que lui restait dans le camion, il m'ordonnait de continuer à travailler dehors en me disant que c'était ça la vie d'un ouvrier'.
Cependant, lors de son audition par les services de police, le jeune homme avait déclaré que Monsieur [G] ne lui faisait pas effectuer de tâches inutiles ou dégradantes et s'est donc contredit sur ce dernier point ; sa plainte a d'ailleurs été classée sans suite le 30 mars 2017.
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit l'attestation de Monsieur [P]-[W], ancien salarié, qui déclare avoir, à de nombreuses reprises, constaté que Monsieur [G] avait un comportement irrespectueux et des réflexions humiliantes envers Monsieur [U] et un autre jeune stagiaire, par exemple qu'ils n'étaient bons qu'à balayer la cour et que, le jour où Monsieur [U] a été victime d'un accident du travail, Monsieur [G] lui a dit : 'y a qu'à lui que ça pouvait arriver, tu peux rien confier à ça'. Il ajoute que Monsieur [G] ne faisait faire aux stagiaires que des travaux dévalorisants et refusait systématiquement de leur confier des tâches un peu plus gratifiantes et que ses pratiques envers ces jeunes étaient vicieuse car, il s'arrangeait pour se faire valoriser auprès du gérant en rabaissant les autres et en pratiquant un abus d'autorité sur les plus fragiles.
Cependant, il résulte des pièces produites et des déclarations des parties, que Monsieur [U] a commencé à travailler pour le compte de l'entreprise le 3 septembre 2013, dans le cadre d'un contrat d'apprentissage et que Monsieur [P]-[W] a quitté la société le 30 novembre 2013, ce dont il résulte que ces deux personnes n'ont travaillé ensemble que trois mois au sein de l'entreprise et que le témoignage de Monsieur [P]-[W] porte sur des faits datant d'environ un an avant l'engagement de la procédure de licenciement.
En ce qui concerne les équipements de sécurité, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit la photographie des chaussures de sécurité usagées de Monsieur [U] annexée à son témoignage, un devis établi le 20 septembre 2014 et les attestations de plusieurs jeunes (Messieurs [F], [C], [J], [T], [V]) ayant effectué des stages au sein de l'entreprise, déclarant que, dès leur arrivée, ils bénéficiaient de l'ensemble des équipements de protection individuelle.
De son côté, Monsieur [G] produit les attestations de Messieurs [N] et [O], qui déclarent que la responsabilité de la commande des matériels de sécurité incombait non pas à lui mais au gérant de l'entreprise, déclaration corroborées par l'attestation de Monsieur [G], produite par la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES elle-même.
Concernant l'épisode du port de la charge lourde, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit un procès-verbal de constat établi le 10 septembre 2016 par un huissier de justice, qui constate que le coffre qui lui est présenté pèse 100 kg, les attestations de Messieurs [L] et [A] qui déclarent qu'il n'existait qu'un seul coffre, le compte-rendu d'admission aux urgences de Monsieur [U] du 2 octobre 2014 mentionnant : "Motif d'entrée : dorsalgie depuis 3 jours, s'est fait mal au travail en portant une charge lourde", ainsi que son avis d'arrêt de travail du 6 au 12 octobre.
Cependant, si l'origine professionnelle de l'accident de Monsieur [U] est établie, ces éléments ne permettent pas de prouver la responsabilité de Monsieur [G].
Enfin, Monsieur [G] produit les attestations d'anciens salariés ou partenaires de l'entreprise (Madame [N], Messieurs [O], [E], [K], [I] et [M]), qui déclarent qu'il se montrait respectueux et poli envers les membres du personnel et en particulier envers les stagiaires, qu'il s'occupait bien d'eux, leur donnait des conseils, qu'ils ne l'ont jamais vu faire effectuer des travaux 'rabaissants' par les stagiaires ni observé la moindre brimade ou discrimination envers un membre du personnel et notamment envers Monsieur [U].
Il résulte de ces considérations que la réalité du premier grief n'est pas établie.
' Au soutien du deuxième grief, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit l'attestation de Monsieur [Z] qui déclare que le 2 octobre 2014 Monsieur [G] lui a demandé de conduire le camion 3,5 tonnes pour rentrer au hangar tout seul car il voulait terminer un travail, que suite à son accord Monsieur [G] lui a donné les clés du camion et qu'il a donc traversé tout le village seul au volant du camion. Il ajoute que Monsieur [G] savait qu'il n'était pas titulaire du permis de conduire car ils en avaient déjà parlé. La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit également l'avertissement notifié le 28 octobre à Monsieur [Z] pour ce fait.
Monsieur [G] ne conteste pas avoir demandé à Monsieur [Z] de conduire le camion mais expose qu'il ignorait qu'il n'était pas titulaire du permis de conduire.
Cependant, si à lui seul le témoignage de Monsieur [Z] est insuffisant pour prouver que Monsieur [G] savait qu'il n'était pas titulaire du permis de conduire, il lui appartenait de s'en assurer avant de lui demander de conduire le camion.
Sous cette restriction, la réalité de ce deuxième grief est donc établie.
' Au soutien du troisième grief, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit le compte-rendu de chantier pour la journée du 2 octobre 2014, rempli par Monsieur [G] lui-même, qui fait état du rognage de la souche d'un arbre, ainsi que la lettre adressée à l'entreprise le 3 octobre 2014 par les services de la Mairie de MELUN et ainsi rédigée :
« Nous avons constaté que l'arbre situé à l'angle de l'avenue [Adresse 3]
[Adresse 3] et du square de [Localité 1] avait été abattu et sa souche rognée. Je vous rappelle que cette prestation ne pouvait pas être réalisée sans l'accord explicite de GRDF, Gaz Réseaux Distribution France, du fait de la présence immédiate d'une canalisation de distribution de gaz et plus encore, d'une canalisation de transport gaz sur le trottoir opposé [...] Madame [L] de GRDF avait formellement interdit votre intervention en le signifiant auprès de votre collaborateur, Monsieur [G]. Vous n'êtes pas sans ignorer les conséquences réelles de procéder à ce type d'intervention à proximité de deux réseaux de gaz situés entre des logements collectifs et un groupe scolaire. [...] »
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit également le compte- rendu de réunion préalable du 2 octobre 2014 remis par GRDF à Monsieur [G] le jour des faits et mentionnant : « DICT non valable. Renouvellement effectué hier suite conversation téléphonique avec nos services. Conduite à proximité arbre dans limites emprise - dessouchage interdit pour le moment aujourd'hui la coupe à 10cm du sol. Voir autre rendez-vous pour dessouchage [...] », ainsi qu'une attestation de Madame [L], agent de GRDF, qui déclare avoir, le jour des faits, interdit à Monsieur [G] de procéder au dessouchage, une conduite de gaz passant à proximité mais seulement autorisé de couper la souche à 10 cm du sol.
Cependant, s'il est établi que Monsieur [G] a arasé la souche, au ras du sol et non à 10 cm, il n'a pas procédé à un dessouchage, seule cette opération étant de nature à atteindre les conduites de gaz .
Ce grief n'est donc que partiellement établi.
' Au soutien du quatrième grief, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit le contrat qu'elle avait conclu avec la raffinerie de [Localité 2], prévoyant que 'l'encadrement ainsi que les signataires d'autorisation de travail [doivent] avoir l'habilitation risques pétrochimiques N2" et la possibilité d'une résiliation immédiate en cas de manquement à cette obligation.
La société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit également l'attestation de Monsieur [Q], salarié, qui déclare avoir, sous les ordres de son supérieur hiérarchique Monsieur [G], signé, les 2 et 3 octobre 2014 les bons de validation pour accéder au site de la raffinerie de[Localité 2] afin de tondre les espaces verts alors qu'il n'était pas habilité à signer ces documents ; cette attestation est corroborée par deux bons de validation signés par ce salarié.
Monsieur [G] ne conteste pas ces faits mais explique qu'il était d'usage depuis de nombreuses années au sein de l'entreprise que les salariés de niveaux 1 signent également les bons de validation de niveau 2, le gérant en étant parfaitement informé puisque cela l'arrangeait, étant précisé que seuls lui-même, le gérant et Monsieur [L] étaient titulaires de l'habilitation N2. Au soutien de cette allégation, il produit les attestations de Messieurs [E] et [K], anciens salariés de l'entreprise.
De son côté, la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES produit les attestations de Messieurs [P]-[W], [A] et [L] qui déclarent que le gérant n'a jamais demandé à un salarié n'ayant pas l'habilitation N2 de signer des bons de validation.
Cependant, ces trois attestations ne sont pas de nature à contredire utilement les attestations susvisées produites par Monsieur [G], établissant que le gérant était informé des pratiques reprochées à Monsieur [G].
Or, il n'est ni établi, ni même allégué, qu'antérieurement à la procédure de licenciement de Monsieur [G], la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES ait reproché ce fait à Monsieur [G].
Le quatrième grief n'est donc pas établi.
' En somme, seules sont donc établis les deuxième et troisième grief, sous les réserves qui précèdent.
Compte tenu de l'ancienneté de Monsieur [G] dans l'entreprise (21 ans), de l'absence de toute sanction ou même de mise ne garde antérieure, ces griefs ne présentent pas un degré de gravité suffisant pour justifier son licenciement pour faute grave, ni même pour cause réelle et sérieuse.
Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.
Sur les conséquence du licenciement
En application des dispositions de l'article L. 1332-3 du code du travail, en l'absence de faute grave, la mise à pied à titre conservatoire n'était pas justifiée et Monsieur [G] est donc fondé à percevoir le salaire correspondant, soit la somme de 1 624,17 euros, ainsi que les congés payés afférents, soit 162,41 euros.
A la date de la rupture, Monsieur [G] avait plus de deux années d'ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 4 614 euros, ainsi que les congés payés afférents, soit 461,40 euros, sommes calculées à partir d'un salaire de base mensuel de 2 307 euros, au vu des bulletins de paie et de l'attestation destinée à Pôle Emploi.
Sur la même base, Monsieur [G] a également droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement, telle que prévue par l'article 9 de la convention collective applicable et qui s'élève à 13 265 euros.
L'entreprise ayant moins de onze salariés, Monsieur [G] a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige.
Au moment de la rupture, Monsieur [G], âgé de 53 ans, comptait environ 21 ans d'ancienneté. Il a créé, en février 2015, une entreprise dont les résultats ne lui ont pas permis de percevoir une rémunération et justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'au mois de novembre 2017.
Au vu de cette situation, il convient d'évaluer son préjudice à 40 000 euros.
Monsieur [G] ne rapportant pas la preuve du caractère vexatoire du licenciement, doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard.
Sur les autres demandes
Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.
Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES à payer à Monsieur [G] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 2 500 euros et d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à l'employeur une indemnité sur le même fondement.
Il convient de dire, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2014, date de convocation devant le bureau de conciliation, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du même code et de faire application de celles de l'article 1343-2 .
Sur les dépens
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, qui dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, ceux-ci seront mis à la charge de la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [G] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour absence de repos compensatoires, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les seuls points infirmés,
Condamne la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES à payer à Monsieur [L] [G] les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : 4 614 euros ;
- congés payés afférents :461,40 euros ;
- rappel de salaires correspondant à la mise à pied : 1 624,17 euros ;
- congés payés afférents : 162,41 euros ;
- indemnité conventionnelle de licenciement : 13 265 euros ;
- dommages et intérêts pour rupture abusive : 40 000 euros ;
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification ;
Y ajoutant,
Condamne la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES à payer à Monsieur [L] [G] les sommes suivantes :
- rappel de salaires au titre des minima conventionnels : 4 006,85 euros ;
- congés payés afférents : 400,68 euros ;
- rappel de primes de responsabilité : 508,56 euros ;
- congés payés afférents : 50,85 euros ;
- indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros ;
Dit que les condamnations au paiement des dommages et intérêts pour rupture abusive et de l'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autre condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2014 et dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute Monsieur [L] [G] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES de sa demande d'indemnité formée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société VIEUX CHAMPAGNE PAYSAGES aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT