Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 25 JUIN 2019
(n° 283 , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04407 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7M74
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 18 Décembre 2018 -Cour d'Appel de PARIS - RG n° 17/22211
APPELANTES
MADAME LA GARDE DES SCEAUX MINISTRE DE LA JUSTICE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
MADAME LA DIRECTRICE DU GREFFE DU TGI DE PARIS
Tribunal de Grande Instance
Parvis du Tribunal de Paris
[Adresse 2]
Représentées par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Alain BENSOUSSAN de la SELAS ALAIN BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0241
INTIME
Monsieur [V] [M]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Sébastien MARIEZ de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Christian HOURS, Président de chambre
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
Mme Anne de LACAUSSADE, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christian HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats à l'audience par Madame Sylvie SCHLANGER, Substitut Général, qui a fait connaître son avis par écrit le 13 Mai 2019,
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.
*****
Par lettre du 18 décembre 2016, M. [V] [M] a demandé à Mme [S], directrice des services de greffe judiciaires au tribunal de grande instance de Paris, l'accès aux minutes de la juridiction et le droit de réutiliser les informations publiques qu'elles contiennent.
M. [M] est par ailleurs le dirigeant de la société Forseti, éditrice du site internet Doctrine.fr.
Par lettre du 9 janvier 2017, Mme [S], ès qualités, a répondu à M. [M] qu'il n'était pas possible de donner une suite favorable à sa demande, l'état actuel du service, ainsi que la préparation du déménagement à venir vers le nouveau tribunal ne permettant ni d'accueillir de consultant supplémentaire, ni de dégager le temps et les effectifs nécessaires à une gestion des décisions à extraire du logiciel informatique.
Par requête reçue le 16 juin 2017, M. [M] a sollicité du président du tribunal de grande instance de Paris, au visa des articles 1440 et 1441 du code de procédure civile, que soit enjoint à Mme [S], directrice des services de greffe judiciaires audit tribunal, de lui délivrer copie des minutes civiles, soit au format papier, soit au format numérique (copies non exécutoires) ainsi que le droit de réutiliser les informations publiques contenues dans ces minutes.
Par ordonnance du 16 octobre 2017, le délégué du président du tribunal de grande instance de
Paris a :
- dit n'y avoir lieu de statuer sur l'exception d'illégalité des articles 1440 et 1441 du code de
procédure civile ;
- rejeté la requête précitée et l'ensemble des demandes de M. [M].
M. [M] ayant déposé une déclaration d'appel, le 18 octobre 2017 et le magistrat signataire de l'ordonnance contestée ayant déclaré ne pas se rétracter, le recours a été transmis à la cour d'appel de Paris.
Dans ses écritures du 20 avril 2018, M. [M] a, notamment, demandé à la cour d'appel d'ordonner :
- la communication de l'intégralité du répertoire des affaires civiles, y compris les jugements
du tribunal de grande instance de Paris disponibles sur Winci TGI au format numérique,
- à tout le moins, la communication de l'intégralité des jugements en matière civile du tribunal de grande instance au format papier,
- à tout le moins, la garantie d'un accès physique égalitaire vis-à-vis des tiers institutionnels, y compris aux jugements en matière civile du tribunal de grande instance de Paris.
Après réouverture des débats ordonnée par arrêt avant dire droit du 12 juin 2018 afin de permettre au ministère public de présenter ses observations, la cour d'appel a, par arrêt du 18 décembre 2018, sur avis du ministère public favorable à la requête, annulé la décision du président du tribunal de grande instance de Paris du 6 octobre 2017 et enjoint au directeur des services de greffe judiciaire du tribunal de grande instance de Paris de communiquer à M. [M], sous forme papier ou sous forme numérique, les décisions judiciaires publiques rendues par cette juridiction, à charge pour lui de les anonymiser ou bien de le laisser accéder aux minutes dans les mêmes conditions que les autres opérateurs autorisés afin de scanner les documents publics et les anonymiser, à charge pour lui d'en faire un usage autorisé par la loi.
Le 1er mars 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice et la directrice du greffe du tribunal de grande instance de Paris ont fait assigner M. [M] devant la cour d'appel de Paris en référé-rétractation de l'arrêt du 18 décembre 2018.
Dans leurs dernières conclusions du 17 mai 2019, elles demandent à la cour :
- de les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes ;
- de déclarer M. [V] [M] irrecevable en ses demandes en ce qu'elles sont formées au nom et au profit de la société Forseti, tierce à l'instance ;
- de juger M. [M] mal fondé en l'ensemble de ses demandes et de l'en débouter ;
- d'ordonner la rétractation, dans toutes ses dispositions, de l'arrêt du 18 décembre 2018 rendu par la cour d'appel de Paris sous le numéro RG/1722211 et en conséquence de rejeter toutes les mesures présentées par M. [M] ;
- de condamner M. [M] à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner M. [M] en tous les dépens dont distraction au profit de l'Aarpi Teytaud-Saleh.
Dans ses dernières conclusions du 14 mai 2019 M. [M] demande à la cour :
à titre principal,
- de déclarer irrecevable le recours en référé rétractation à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 décembre 2018, dès lors qu'il ne correspond pas à une ordonnance sur requête au sens des dispositions des article 493 et 812 du code de procédure civile et que les demanderesses ont été entendues,
- de juger que la garde des sceaux n'a ni qualité, ni intérêt à agir ;
- de juger que la directrice du greffe du tribunal de grande instance de Paris n'a pas qualité à agir ;
à titre subsidiaire,
- de juger qu'il ne relève pas du pouvoir du juge de la rétractation de connaître de l'exécution des mesures ordonnées ;
- de débouter les demanderesses de toutes leurs prétentions ;
en tout état de cause,
- de confirmer l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 décembre 2018,
- de condamner in solidum la garde des sceaux et la directrice du greffe du tribunal de grande instance de Paris à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis du 13 mai 2019, le ministère public conclut à la recevabilité et au bien fondé de l'assignation par la garde des sceaux et la directrice de greffe du tribunal de grande instance de Paris de M. [M] en rétractation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 décembre 2018.
SUR CE,
Considérant que M. [M] soulève en premier lieu l'irrecevabilité de la procédure de référé-rétractation ; qu'il fait valoir ce qui suit :
- l'assignation en référé-rétraction est irrecevable puisque, au vu des articles 493, 496 et 812 du code de procédure civile la voie du référé-rétractation n'est pas ouverte à l'encontre de l'arrêt du 18 décembre 2018 qui n'a pas la nature d'une ordonnance sur requête de 'droit commun' ;
- la demande formulée par M. [M] a été instruite en vertu de l'article 1441 du code de procédure civile, prévoyant un régime sui generis de requête qui donne lieu à une décision définitive après que le greffe eut été entendu ou appelé ;
- la nature d'une décision guide nécessairement le régime de recours qui lui est applicable, la décision obtenue sur le fondement de l'article 1441 du code de procédure civile ne peut pas faire l'objet d'une action en référé-rétractation réservée aux ordonnances sur requête de droit commun par l'article 496 du code de procédure civile ;
- il existe deux types de requêtes, de droit commun, donnant lieu à des ordonnances sur requête soumises au régime prévu aux articles 493 et suivants et 812 du code de procédure civile, puis les requêtes sui generis, répondant à leurs propres régimes s'agissant des éventuel recours susceptibles d'être engagés pour tenter de les remettre en cause ; la jurisprudence énoncée par la garde des sceaux est inopérante ;
- la décision doit être provisoire et non contradictoire, conditions cumulatives, dans ce cas un référé-rétractation peut être ouvert à l'encontre de la décision ; la décision litigieuse ne remplit pas les deux conditions ; M. [M] et le greffe ayant été entendus ou appelés, la procédure était contradictoire ;
- à titre subsidiaire, l'objectif du référé-rétractation est de rétablir le contradictoire au bénéficie des tiers intéressés, touchés par la décision qui, par hypothèse, ont été tenus à l'écart de la procédure ayant conduit à l'ordonnance ; les tiers intéressés qui ont été entendus avant que la décision qu'ils contestent ne soit prise ne peuvent pas former une recours en référé-rétractation contre celle-ci ; la directrice du greffe du tribunal de grande instance de Paris et la garde des sceaux ont, toutes les deux, été associées à la procédure, de sorte que leur recours en référé-rétractation n'a pas lieu d'être ;
Considérant que la garde des sceaux, ministre de la justice et la directrice de greffe répliquent que :
- l'article 812 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi ; l'article 1441 constitue ainsi un cas spécifié par la loi de saisine unilatérale du juge par requête ;
- lorsque le requérant voit sa demande accueillie, en première instance ou en appel, tout tiers intéressé peut engager une procédure de référé-rétractation ;
- l'arrêt du 18 décembre 2018 n'a pas été rendu contradictoirement puisque ni la garde des sceaux, ni la directrice des services de greffe judiciaire n'ont été appelées ou entendues en appel ;
- l'arrêt attaqué, rendu comme en matière gracieuse, est dépourvu d'autorité de chose jugée ;
Considérant que le ministère public est également d'avis que la procédure de référé-rétractation est recevable dès lors que la procédure devant la cour d'appel n'était pas contradictoire, le seul avis donné sur la demande de M. [M] étant précisément le sien, le 23 octobre 2018, conformément à l'article 800 du code de procédure civile, en matière gracieuse ;
Considérant que l'article 1441 du code de procédure civile sur lequel M. [M] fondait sa demande expose expressément qu'en cas de refus ou de silence du greffier ou dépositaire de registre ou de répertoire public d'en délivrer copie ou extrait, le président de la juridiction auprès duquel le greffier exerce ses fonctions, saisi par requête, statue ;
Considérant que si cet article précise que le président statue, le demandeur et le greffier ou le dépositaire, entendu ou appelé, cette disposition n'est pas reprise pour la procédure d'appel, le texte disposant seulement que l'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse ;
Considérant qu'en application stricte de ces dispositions, seul le requérant, appelant, a été entendu ;
Considérant que sur arrêt de réouverture des débats, l'avis du ministère public a été recueilli comme il est obligatoire en matière gracieuse, mais la présente procédure démontre que l'avis du ministère public n'est pas nécessairement celui de la garde des sceaux et qu'il peut varier ; que, par ailleurs, la directrice de greffe n'a pas été entendue par la cour, le fait qu'elle l'ait été en première instance étant indifférent à cet égard ;
Considérant qu'en application de l'article 496 et en respect du principe du contradictoire, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision ; qu'il s'ensuit que la procédure de référé-rétractation est recevable en la matière ;
Considérant ensuite que M. [M] conteste la qualité et l'intérêt des demanderesses à la rétractation ; qu'il fait valoir que :
- la garde des sceaux ne justifie pas sa qualité à agir dans la présente procédure ; si la capacité des ministres à représenter l'Etat et à signer les requêtes et les mémoires devant les juridictions administratives est établie en vertu de l'article R77-10-6 du code de justice administrative, leur capacité à le représenter devant les tribunaux judiciaires n'est en revanche pas légalement fondée ;
- s'agissant des instances judiciaire à objet pécuniaire, l'agent judiciaire du Trésor au ministère des finances est la seule autorité compétente pour représenter l'Etat devant les tribunaux judiciaires dans ces litiges, que l'Etat soit demandeur, défendeur ou intervenant ; s'agissant des instances judiciaires n'ayant pas d'objet pécuniaire, seul le préfet peut représenter l'Etat devant les tribunaux judiciaires ;
- aucun texte ne précise que la directrice du greffe du tribunal de grande instance de Paris est chargée de représenter, en qualité de partie, l'institution judiciaire ni leur administration devant les juridictions judiciaires ;
- l'action de la garde des sceaux constitue une immixtion du pouvoir exécutif dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire afin d'empêcher l'exécution d'une décision de justice, contraire aux exigences de séparation des pouvoirs et des garanties au procès équitable ;
Considérant que la garde des sceaux, ministre de la justice et la directrice de greffe répliquent que :
- la directrice générale du greffe judiciaire assure la conservation des minutes et délivre les expéditions ainsi que les copies, ce qui justifie sa qualité à agir ; elle est recevable à faire rétablir le contradictoire devant le juge de la rétractation et à présenter les éléments factuels et juridiques de nature à éclairer le juge sur les mérites des mesures sollicitées ;
- la garde des sceaux assure le bon fonctionnement et l'organisation des juridictions judiciaires et notamment ceux du tribunal de grande instance de Paris ; selon l'article 3 du décret du 9 juillet 2008, la direction des services judiciaires règle l'organisation et le fonctionnement du service public judiciaire ; elle a qualité pour agir ;
- l'intérêt à agir de la garde des sceaux résulte de la désorganisation et de l'atteinte au bon fonctionnement du greffe du tribunal de grande instance de Paris susceptibles d'être occasionnées par les mesures litigieuses ; aucune immixtion de sa part n'est caractérisée ;
Considérant que le ministère public estime recevables l'action de la garde des sceaux en qualité de chef de service chargée d'assurer le bon fonctionnement et l'organisation des juridictions judiciaires, disposant d'un pouvoir réglementaire et celle de la directrice de greffe, dépositaire statutaire des minutes du greffe ;
Considérant que la décision querellée étant susceptible, au delà du tribunal de grande instance de Paris, de concerner la mise à disposition des opérateurs de toutes les décisions rendues par l'ensemble des tribunaux de grande instance sur tout le territoire national, la garde des sceaux qui, comme ministre et chef de service, a la responsabilité de l'organisation et du bon fonctionnement de toutes les juridictions judiciaires, est manifestement intéressée à intervenir dans une procédure, dès lors qu'elle estime que la décision prise sur requête est susceptible de menacer ce fonctionnement sans que puisse être suspectée une ingérence répréhensible, puisqu'elle intervient dans son strict champ de compétence ; que le directeur de greffe, détenteur des décisions du tribunal de grande instance de Paris dont la diffusion est directement sollicitée, a manifestement qualité et intérêt à agir, étant directement concerné par la décision critiquée ;
Considérant dès lors que l'action en rétractation de l'arrêt du 18 décembre 2018 par la garde des sceaux, ministre de la justice et la directrice de greffe du tribunal de grande instance de Paris est recevable ;
Considérant que les demanderesses à la rétractation soutiennent sur le fond que :
- la mesure demandée ne relève pas des articles 1440 et 1441 du code de procédure civile, dispositions qui se limitent à la communication de la copie d'une décision, le requérant ayant déposé en réalité sa requête en application de l'article 812 du code de procédure civile, de sorte que cette mesure ne pouvait être accueillie ;
- aucune des dispositions énoncées dans le visa par la cour d'appel n'est susceptible de fonder juridiquement les mesures prononcées ;
- l'article 1440 du code de procédure civile a un champ d'application infiniment plus modeste que celui que le requérant entend lui donner ; son objet est limité à la délivrance ponctuelle d'une décision identifiée et publique ; le formulaire de demande d'une décision de justice civile, découlant de l'article 1440, est d'une grande précision, permettant l'identification de la décision par le greffe et ne permettant pas d'obtenir l'ensemble des décisions en matière civile ; la délivrance de la décision de justice en vertu de l'article 1440 n'a rien d'automatique ; il existe de nombreuses exceptions d'origine légale, réglementaire et jurisprudentielle à la possibilité de délivrer copie des décisions rendues publiquement, par exemple celles afférentes à une mesure de protection sur un adulte ;
- l'article 1440 du code de procédure civile peut également être mis en 'uvre de manière abusive ; la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice a créé un nouvel article L111-14 du code de l'organisation judiciaire, prévoyant que « les tiers peuvent se faire délivrer copie des décisions de justice par le greffe de la juridiction concernée conformément aux règles applicables en matière civile ou pénale et sous réserve des demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique» ; ainsi la rétractation de l'arrêt du 18 décembre 2018 de la cour d'appel de Paris s'impose dès lors que les mesures litigieuses ne rentrent pas dans le champ d'application matériel de l'article 1440 du code de procédure civile, puisqu'elles ne constituent pas une demande de communication au sens de ce texte et ne respectent pas les conditions d'application de l'article, la demande étant globale et massive, sans identification d'aucune décision ; elles ne permettent pas matériellement au greffe d'opérer la vérification au cas par cas de la licéité de la délivrance au regard des règles de publicité qui s'imposent pourtant à lui et tendent à réaliser une diffusion auprès d'un acteur privé de l'ensemble de la production jurisprudentielle civile du tribunal de grande instance de Paris ;
- l'article L111-13 n'est pas encore applicable, faute de publication de son décret d'application dont le contenu est en cours d'élaboration ;
- l'article 11-3 de la loi du 5 juillet 1972 a vocation à s'appliquer uniquement pour des décisions précisément identifiées ; il n'entretient aucun lien avec la mise à disposition auprès du public de l'ensemble des décisions rendues par les juridictions de l'ordre judiciaire ; il ne permet pas une diffusion massive et privée ;
- les conditions de l'article 18 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 ne sont pas réunies et ne sont pas applicables à M. [M] qui est un ressortissant français, ayant formé sa demande auprès d'une juridiction française ;
- les conditions de saisine de la CADA apparaissent très discutables dès lors que la question de la réutilisation des informations publiques sur laquelle le requérant fonde artificiellement sa saisine n'est pas du ressort du greffe et le refus de communication des décisions de justice n'entre pas dans ses attributions dès lors qu'il ne s'agit pas de documents administratifs;
- l'article 1440 relatif au droit à la communication d'une copie d'une décision de justice ouvert aux tiers n'a jamais été pensé pour fonder la diffusion à grande échelle de la jurisprudence française et n'est pas dimensionné pour une telle finalité ;
- M. [M] a par ailleurs pratiqué le typosquatting, consistant à créer des adresses de courrier électronique, quasiment identiques à celles de cabinet d'avocats ou d'universités et à les utiliser pour solliciter de greffes la délivrance de copies de décisions de justice tel que uni-paris2.fr, au lieu de u-paris2.fr ; 'selon l'afnic, ces adresses ont été déposées par une firme britannique nommée Legal Nemessis Limited ; or, selon le registre du commerce britannique, cette société a quatre actionnaires à son capital, dont [V] [M] ;
- la communication des décisions de justice afin de les diffuser sur une plateforme de recherche juridique constitue une ingérence dans le droit à la vie privée des justiciables concernés et n'est pas conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme ;
- la vie privée, telle que prévue par la Convention européenne des droits de l'homme est une notion large, englobant à la fois l'identité physique et sociale d'un individu mais également d'autres facteurs tels que le nom, l'identité, le développement personnel, les relations avec ses semblables ; il s'agit « d'une zone d'interaction entre l'individu et autrui qui, même dans un contexte public, peut relever de la vie privée » ;
- le Conseil constitutionnel protège le droit au respect de la vie privée, sur le fondement de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de sorte que « la collecte, l'enregistrement, la conversation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en 'uvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » ; la charte des droits fondamentaux de l'Union européene (UE), à son article 7, protège également le respect de la vie privée et familiale ; il en va de même de l'article 8§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, de sorte que la Cour européenne des droits de l'homme juge que cette disposition fait peser sur les Etats une obligation positive de garantir le respect de la vie privée dans les rapports interindividuels en veillant à ménager un juste équilibre entre les intérêts en présence ; en adoptant une conception extensive de la notion, la Cour européenne considère que « le simple fait de mémoriser des données relatives à la vie privée d'un individu constitue une ingérence au sens de l'article 8 de la CEDH » ; l'article 9 du code civil protège également le respect de la vie privée de chacun ; l'article 1 de la loi du 6 janvier 1978 dispose que « l'information doit être au service de chaque citoyen ; elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » ;
- le tribunal de grand instance rend des jugements comportant de nombreux éléments pouvant porter atteinte à la vie privée des justiciables, ces éléments relevant notamment de la sphère privée ; la diffusion en masse des décisions constitue en ce sens une ingérence disproportionnée au regard de l'article 8§2 de la CEDH et l'article 52§1 de la Charte des droits fondamentaux ; la CEDH précise que la loi prévoyant l'ingérence doit être claire, précise et suffisamment accessible notamment pour que l'étendue du pouvoir d'appréciation des autorités publiques soit nettement définie ; la demande de M. [M] ne correspond pas à un des « buts légitimes » susceptibles de justifier une ingérence dans les droits que le CEDH protège (tel que sécurité nationale, sûreté publique, bien être économique du pays, défense de l'ordre, prévention des infractions pénales, protection de la santé, protection de la morale ou protection des droits et libertés d'autrui) ; - l'ingérence doit également être « nécessaire dans une société démocratique » ;
- les mesures litigieuses mettent en jeu plusieurs centaines de milliers de décisions de justice et il est nécessaire d'évaluer leur impact sur la protection des données personnelles des justiciables et de leur vie privée ;
- le principe d'accountability désigne l'obligation qui pèse sur ceux qui traitent ce type de données, leur imposant de mettre en oeuvre des mécanismes et des procédures internes permettant de démontrer le respect des règles relatives à la protection des données personnelles ; ce principe pèse sur M. [M] en sa qualité de bénéficiaire des mesures litigieuses et de responsable des traitements qu'il entend opérer et non sur la société Forseti ;
- l'obligation concerne plusieurs millions d'individus puisque le tribunal de grande instance de Paris a produit 1 770 400 minutes civiles ces 30 dernières années, soit 530 000 décisions si 30% seulement deviennent publiques ; or chaque décision concerne au moins deux parties par instance ;
- les interdictions de traitement résultant à la fois du règlement général de protection des données et de la loi informatique et liberté s'opposent frontalement à ce que M. [M] puisse se voir communiquer l'intégralité des décisions civiles rendues par le tribunal de grande instance de Paris, dès lors qu'une partie d'entre elles contient indiscutablement des données sensibles et des données relatives à des condamnations pénales ou des infractions liées à des personnes physiques ;
- au regard de la réglementation sur la protection des données personnelles ou des données qui font état de condamnations pénales ou d'infractions relatives à des personnes physiques, les décisions de justices demandées par M. [M] comportent des données dites sensibles et extrêmement détaillées sur plusieurs aspects de leur vie privée ;
- le traitement de données sensibles est interdit par le droit de l'Union à l'article 9 du Règlement général de protection des données (RGPD) mais également par le droit national à l'article 8 de la loi 'Informatique et libertés' ;
- l'article 10 du RGPD dispose que seule l'autorité publique peut autoriser le traitement des données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales ;
- il est uniquement possible à M. [M] de ré-utiliser les informations publiques or pour cela il faut déjà en amont que les décisions aient été publiées par une autorité publique ; dans le cas contraire il ne lui est pas possible de les utiliser ;
- il est nécessaire que le tiers à l'administration présente des garanties suffisantes pour qu'il puisse se voir confier l'opération d'anonymisation ; rien ne permet de garantir que les niveaux de sécurité qu'ils établiraient autour des décisions communiquées avant leur pseudoanymisation les protégeraient efficacement contre tout piratage ; il existe déjà un système d'open data où des personnes sont occultées en amont au sein des décisions de justice par les pouvoirs publics, notamment le site Légifrance ;
- la garantie résultant de l'anonymisation a été présentée par M. [M] comme justifiant qu'il bénéficie de la diffusion massive des décisions de justice en dehors de l'encadrement de l'open data judiciaire en cours d'élaboration ; or en réalisant uniquement une pseudonymisation, il rend caduc l'équilibre arrêté par la décision attaquée ; il confond systématiquement anonymisation et pseudonymisation, ce qui exclut toute garantie quant à l'exécution effective de l'arrêt du 18 décembre 2018 ;
- la bonne administration de la justice a valeur constitutionnelle ; or, la demande de M. [M] fait peser un risque avéré de désorganisation du greffe entraînant un dysfonctionnement global du tribunal de grande instance de Paris et une baisse de la qualité de la justice ;
- la production au format papier entraînerait un coût économique exorbitant ;
- le législateur n'a pas fait le choix de déléguer la mise en 'uvre de l'open data à un opérateur économique afin qu'il en tire un profit pécuniaire ; cette mise en 'uvre sera à la charge du greffe qui permettra à l'ensemble des justiciables d'accéder gratuitement aux décisions de justice dans le respect de la vie privée et des données personnelles ;
- en proposant un aménagement dans le cadre de la présente instance et pour les besoins de la cause, M. [M] reconnaît l'impact organisationnel de sa demande ;
- il n'existe pas de version électronique des minutes au sein du tribunal de grande instance de Paris ; WinCiTGI n'a pas pour objet de permettre la mise en oeuvre du titre XXI du code de procédure civile ; le modèle physique de données de WinCiTGI ne dispose d'aucun champ ou variable permettant d'isoler les décisions rendues publiquement des autres, seule une action humaine permettant de retrouver les décisions concernées ; chaque minute doit être examinée puis photocopiée et lorsque seule une partie de la décision est communicable, la photocopie est elle-même découpée à la main, mise sous pli et envoyée par la Poste ; les minutes ne sont pas physiquement autonomes mais reliées dans d'importants volumes dont la majorité se trouve aux archives du tribunal de Paris ;
- l'existence d'une discrimination supposerait que M. [M] puisse justifier l'accès d'un autre opérateur aux décisions selon un périmètre identique à celui de sa demande, à savoir à l'ensemble des minutes civiles par un accès physique, sur support papier ou sur support numérique ; or à ce jour aucun opérateur n'a jamais bénéficié d'un accès à l'intégralité du répertoire des affaires civiles sans distinction ;
Considérant que M. [M] fait valoir les éléments suivants :
- l'arrêt du 18 décembre 2018 a retenu que les conditions d'applications requises par ces textes étaient entièrement satisfaites, de sorte que c'est par pure opportunité que les demanderesses tentent de remettre en question l'application des textes qui fondent valablement les mesures prononcées ;
- les principes fondamentaux, tels que le principe de publicité des décisions de justice, le droit à un procès équitable, la liberté d'expression, forment le socle du cadre légal applicable à la communication des décisions de justice aux tiers ;
- les décisions de justice rendues publiquement sont constituées d'informations publiques que l'administration est tenue de communiquer aux personnes qui en font la demande et que toute personne peut réutiliser à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été produites ;
- certaines considérations, telles que la qualité de la personne qui sollicite l'accès aux décisions de justice, le volume de décisions de justice demandé par le tiers et la finalité de la réutilisation des décisions de justice, sont étrangères à l'exercice du droit d'accès aux décisions de justice par les tiers ;
- écarter l'application de l'article 11-3 de la loi du 5 juillet 1972, l'article L111-13 du code de l'organisation judiciaire, les articles 1440 et 1441 du code de procédure civile et l'article 18 de la convention de la Haye du 25 octobre 1980 porte atteinte à l'effectivité du droit du défendeur à accéder aux décisions de justice et aux impératifs résultant des principes de publicité de la justice et d'accès au droit ;
- le mode d'accès par mise à disposition du public des décisions de justice est dépourvu d'effectivité s'agissant en particulier des décisions dont est dépositaire le greffe du tribunal de grande instance de Paris et qui est l'objet de l'arrêt du 18 décembre 2018 ; le seul mode d'accès via délivrance des décisions de justice par le greffe permettait au jour de l'arrêt du 18 décembre 2018 de mettre en oeuvre le droit de M. [M] à accéder aux décisions du tribunal de grande instance de Paris et de garantir l'effectivité de ce droit ; cette situation n'a pas été modifiée par la loi de programmation 2018-2022 ;
- la restriction invoquée par les demanderesses est dépourvue de tout fondement juridique puisque là où la loi ne distingue pas il n'y a pas lieu de distinguer ; toute lecture contraire des textes reviendrait à ajouter une condition restrictive au droit d'accès des tiers aux décisions de justice qui n'est pas prévue par les textes ;
- les demanderesses allèguent que le tri au cas par cas des décisions de justice par le greffe constituerait un obstacle mais cet argument n'est pas nouveau et a déjà été débattu dans le cadre de la procédure dont est issu l'arrêt du 18 décembre 2018 ;
- l'article L111-13 du code de l'organisation judiciaire se suffit à lui-même ; il est suffisamment clair et précis et ne requiert pas la publication d'un décret d'application pour la mise en oeuvre de son principe ; il n'indique d'ailleurs pas que son entrée en vigueur sera retardée ou conditionnée à la publication de ce décret ;
- les arguments opposés par la ministre de la justice ne sont pas de nature à remettre en cause les fondements invoqués par M. [M] au soutien de sa requête, puisque l'article 18 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 qui tend à faciliter l'accès international à la justice constitue une inscription supplémentaire du principe de l'accès des personnes aux décisions de justice dans les textes nationaux comme internationaux ;
- faire droit à la demande de la garde des sceaux et de la directrice du greffe du tribunal de grande instance de Paris visant à les écarter priverait d'effectivité le droit du requérant à accéder aux décisions de justice et aux impératifs de publicité et d'accès au droit ;
- sur le respect des prescriptions relatives à la vie privée et aux données à caractère personnel, les garanties sont mises en oeuvre par la société Foresti qu'il dirige ; il a initié la procédure dans le cadre de son mandat social et pour le compte de la société ;
- la première garantie prévue tient au fait que l'accès des tiers ne porte que sur les décisions de justice rendues publiquement et conformément à l'article 11-3 de la loi du 5 juillet 1972 ; la seconde résulte de la conciliation de l'accès des tiers aux décisions de justice avec les exigences issues de la loi 'Informatique et libertés' et au RGPD dès lors qu'elles comportent des données à caractère personnel ;
- les copies de décisions de justice sont délivrées aux tiers par principe sans anonymisation ; elle est requise lorsqu'un risque particulier pour les personnes concernées est avéré et en particulier, lorsque les décisions de justice comportent des données à caractère personnel sensibles ou relatives aux condamnations pénales ; l'anonymisation, une fois requise, n'est pas absolue, il s'agit d'une obligation de moyen et non de résultat ; elle peut être mise à la charge du tiers réutilisateur qui accède aux décisions de justice ;
- la garde des sceaux ne démontre pas l'existence d'un effet direct horizontal des dispositions invoquées de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne à l'encontre d'une personne morale de droit privé ; dans le cas contraire, une telle ingérence serait en tout état de cause prévue par la loi, nécessaire par un but légitime et proportionné ;
- sur le défaut d'atteinte à la bonne administration de la justice, les articles 1440 et 1441 du code de procédure civile indiquent que les greffiers sont tenus de délivrer la copie ou extrait à tous requérants sans que n'intervienne aucunement la notion de bonne administration de la justice afin de répondre à l'impératif de publicité ; la délivrance des décisions de justice ne crée pas une désorganisation du greffe ; la demande sous forme électronique ne doit pas non plus poser de problème puisque l'article 1440 fait référence aux registres numériques ; s'agissant de la communication par format papier, le recours au papier est inutile dès lors qu'il est acquis que la voie électronique est envisageable et à privilégier en raison de la simplicité de sa mise en oeuvre ; l'affectation d'un surveillant aux différentes salles d'archives ne semble pas non plus être un obstacle sérieux à l'exécution de la décision du 18 décembre 2018 ;
- sur le caractère discriminatoire des prétentions adverses, M. [M], placé dans une situation comparable à celle des opérateurs accrédités par la partie adverse, se voit appliquer des règles différentes ; différents opérateurs ont pu accéder aux archives du tribunal de grande instance de Paris afin qu'ils puissent se constituer des bases de données d'une valeur considérable ; un concurrent de M. [M] propose sur son site l'intégralité des décisions que le tribunal de grande instance de Paris a rendu depuis 2004, alors que le greffe refuse d'en donner une seule au requérant suite à la demande effectuée auprès de ses services ;
Considérant que le ministère public estime sur le fond que :
- l'article 1440 fait référence à la délivrance d'une décision identifiée et publique ; à l'inverse la demande de M. [M] doit s'analyser comme une demande de communication de masse ; la requête fondée sur l'article 1440 du code de procédure civile apparaît abusive en ce que ce texte ne permet pas une telle communication de masse puisqu'il appartient à la loi nouvelle et à un décret à venir de l'organiser de façon spécifique ;
- il est de jurisprudence constante que l'application d'un nouveau texte législatif qui renvoie à un décret pour sa mise en oeuvre est subordonné à la publication d'un acte réglementaire ; les termes de l'article L111-13 ne sont pas suffisamment explicites, clairs et précis sur les éléments à occulter qui varient en fonction des personnes morales ou physiques visées dans les décisions, la notion de sécurité morales, physique ou pécuniaires ou ce qui recouvre le périmètre de la vie privée ne sont pas précisés par la loi et requièrent des éléments complémentaires ;
Considérant qu'il convient de souligner d'emblée que si M. [M] a fait état de sa qualité de directeur général de la société Forseti, éditrice de Doctrine.fr, force est de constater que ce n'est pas en cette qualité qu'il a contesté la décision de la directrice de greffe et qu'il a conclu devant la cour d'appel ; que sa demande reste recevable puisque toute personne a qualité pour se prévaloir des dispositions de l'article 1440 du code de procédure civile mais son mérite sera apprécié, comme celui d'un particulier et non d'un éditeur juridique, toute demande au nom de la société Forseti qui n'est pas dans la cause ne pouvant qu'être irrecevable, quels que soient les liens actuels de proximité entre M. [M] et la société Forseti ;
Considérant ensuite que contrairement à ce que soutiennent les demanderesses à la rétractation, la décision critiquée laissait au directeur de greffe, et non pas à M. [M], le choix entre les différentes modalités de délivrance des décisions énumérées ; qu'en revanche la requête ne visant que les décisions civiles rendues publiquement, c'est à tort que le dispositif de l'arrêt du 18 décembre 2018 ne comportait pas cette précision ;
Considérant que la cour d'appel, statuant sur demande de rétractation, doit rechercher, mais désormais de façon contradictoire, l'annulation de la décision du premier juge n'étant pas discutée dans les motifs de l'assignation, si la requête de M. [M] est ou non fondée, la charge de la preuve continuant de peser sur le demandeur à la requête ;
Considérant qu'il est cependant essentiel de souligner que le juge de la rétractation doit se placer au jour où il statue en tenant compte de tous les faits survenus depuis la décision contestée et notamment de l'évolution de la législation ;
Considérant que s'il avait été fait droit à la requête de M. [M], après réfutation des motifs indiqués par la directrice de greffe (refus d'un consultant supplémentaire, déménagement du tribunal de grande instance de Paris) et au vu de réquisitions conformes du ministère public, il convient de prendre en compte notamment la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ;
Considérant ainsi que l'article 33 4° de cette loi dispose que :
1° les deux premiers alinéas de l'article L. 111-13 sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sous réserve des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et leur publicité, les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique.
« Les nom et prénoms des personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont occultés préalablement à la mise à la disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, est également occulté tout élément permettant d'identifier les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe.
« Les données d'identité des magistrats et des membres du greffe ne peuvent faire l'objet d'une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées. La violation de cette interdiction est punie des peines prévues aux articles 226-18, 226-24 et 226-31 du code pénal, sans préjudice des mesures et sanctions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;
2° Il est ajouté un article L. 111-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-14.-Les tiers peuvent se faire délivrer copie des décisions de justice par le greffe de la juridiction concernée conformément aux règles applicables en matière civile ou pénale et sous réserve des demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique.
« Les éléments permettant d'identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe, pour les décisions de premier ressort, d'appel ou de cassation, les conditions d'application du présent article » ;
Considérant qu'il ressort ainsi cet article qu'il existe deux régimes différents :
- d'une part, celui gouvernant la mise à disposition du public des décisions de justice a titre gratuit sous forme électronique gouvernée par l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire, correspondant à la mise en oeuvre de l'open data ;
- d'autre part, celui correspondant à la délivrance aux tiers des copies des décisions de justice
par le greffe prévu par le nouvel article L. 111-14 du même code ;
Considérant que la demande de M. [M] s'inscrit manifestement dans la première branche de l'alternative et relève de la mise en oeuvre de l'open data, qui suppose l'intervention d'un décret d'application, eu égard à la complexité de la mise en oeuvre des dispositions protectrices de la vie privée, illustrée par le rapport Cadiet, ayant donné lieu à de nombreuses auditions dont d'ailleurs celle d'un représentant de Doctrine.fr ; que ce rapport a fait différentes propositions pour la préparation du décret qui devra en particulier trouver un équilibre entre les principes de la publicité de la justice qui passe par l'accès aux décisions rendues publiquement, de la protection de la vie privée et de la protection des données personnelles ;
Considérant notamment que les modalités essentielles de l'anonymisation des décisions publiques, voire de leur pseudonymisation et des dispositions protectrices de la vie privée, en interne ou en externe, de façon centralisée ou par chaque greffe, devront être définies ; que les assurances données à cet égard par M. [M], simple particulier, apparaissent à la fois insuffisantes, étant par ailleurs observé que la société dont il est le directeur fait l'objet d'une plainte pour cybersquattage et inopérantes en l'absence du décret ;
Considérant dès lors que, sans qu'il soit nécessaire d'envisager les autres moyens soulevés par les demanderesses à la rétractation, il convient au vu de ces éléments, d'ordonner la rétractation de l'arrêt du 18 décembre 2018 en toutes ses dispositions à l'exception de celle annulant la décision du président du tribunal de grande instance de Paris et, statuant à nouveau, de rejeter l'ensemble des demandes contenues dans la requête de M. [M] ;
Considérant qu'en équité il n'y a pas lieu de condamner M. [M] à payer aux demanderesses à la rétractation une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, il supportera les entiers dépens, avec possibilité de recouvrement direct au profit de l'Aarpi Teytaud Saleh ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour :
Déclare recevables la garde des sceaux, ministre de la justice et la directrice du greffe du tribunal de grande instance de Paris en leur demande de rétractation de l'arrêt du 18 décembre 2018 ;
Ordonne la rétractation de l'arrêt du 18 décembre 2018 en toutes ses dispositions à l'exception de celle annulant la décision du président du tribunal de grande instance de Paris ;
Statuant à nouveau, rejette l'ensemble des demandes contenues dans la requête de M. [M] ;
Y ajoutant, dit n'y avoir lieu de le condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne à supporter les entiers dépens de la présente instance avec possibilité de recouvrement direct au profit de l'Aarpi Teytaud Saleh.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,