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25/06/2019 | FRANCE | N°18/10160

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 25 juin 2019, 18/10160


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 25 JUIN 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10160 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5XNS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Avril 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/03406 qui a rejeté l'exequatur du jugement rendu le 25 octobre 2016 par le tribunal de distr

ict du comté de Dallas (Texas)



APPELANTE



Société JANI-KING FRANCHISING INC

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 1]

[Adre...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 25 JUIN 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10160 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5XNS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Avril 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/03406 qui a rejeté l'exequatur du jugement rendu le 25 octobre 2016 par le tribunal de district du comté de Dallas (Texas)

APPELANTE

Société JANI-KING FRANCHISING INC

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Jean-Marc LEONELLI, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : T07

INTIME

Monsieur [J] [H] né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (Zaïre)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté par Me Alexandre MAILLOT de l'ASSOCIATION POPELARD MAILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R071

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Dominique GUIHAL, présidente de chambre et par Mélanie PATE, greffière.

La société droit américain (Texas) Jani-King Franchising Inc. (Jani-King),qui a pour activité le nettoyage de locaux, a développé un réseau de franchise dans plusieurs pays et notamment en France où, depuis 1996, son franchisé est une société dirigée par M. [J] [H], de nationalité belge.

Le 9 février 2004 Jani-King a signé avec M. [J] [H], agissant pour le compte d'une société de droit belge à constituer, Falco Franchising SA (Falco), un contrat de franchise portant sur le territoire belge.

Un jugement rendu le 25 octobre 2016 par le tribunal de district du comté de Dallas (Texas) a, en substance, condamné Falco pour rupture du contrat à payer la somme de 1.526.270,89 $ en principal et condamné solidairement M. [J] [H] et M. [A] [F] à payer à Jani-King la somme de 463.476,30 USD de dommages-intérêts en principal pour fraude par non-divulgation et collusion.

La société Jani-King a sollicité l'exequatur de ce jugement contre M. [H] devant le tribunal de grande instance de Paris. Cette demande a été rejetée par un jugement du 4 avril 2018 dont la société Jani-King a interjeté appel le 25 mai 2018.

Par des conclusions notifiées le 20 mai 2019, elle demande à la cour, principalement, d'infirmer la décision entreprise au motif que celle-ci a été obtenue par la production d'une attestation altérée et d'accorder l'exequatur au jugement texan, subsidiairement, de juger que celui-ci a fait l'objet d'une notification régulière, que la cour de Dallas a statué sur sa propre compétence conformément aux règles de l'ordre public international, que le jugement est suffisamment motivé par renvoi aux écritures échangées entre les parties et qu'aucune fraude n'a été commise, en conséquence, de revêtir le jugement texan de l'exequatur, plus subsidiairement, d'écarter la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Bruxelles saisie d'une instance concernant la seule société Falco Franchising SA, en toute hypothèse, de condamner M. [H] au paiement de la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions notifiées le 21 mai 2019, M. [H] demande à la cour, principalement, de confirmer le jugement querellé, subsidiairement, d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles à intervenir dans l'instance opposant la société Jani King à la société Falco, en toute hypothèse, de débouter la société Jani King de ses demandes et de la condamner à payer la somme de 3.000 euros à titre d'amende civile et celle de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur la demande de sursis à statuer :

Il n'est pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision à rendre par les juridictions belges dans une affaire dans laquelle M. [H] n'est pas partie.

Sur l'allégation de fraude au jugement :

Jani King fait valoir que devant le juge américain, M. [H] avait déposé une déclaration, datée du 23 novembre 2014 selon laquelle il avait voyagé plusieurs fois au Texas depuis 1996 en qualité de représentant du franchisé Jani King en France et, occasionnellement, en tant que représentant de Falco et que, devant le juge de l'exequatur en première instance, il avait produit une nouvelle version de cette déclaration, datée du 21 novembre 2014 selon laquelle, au cours de cette même période, il était venu au Texas à onze reprises, uniquement en exécution du contrat de franchise pour la France.

M. [H] explique la co-existence de ces deux pièces par le fait qu'il avait mentionné dans la déclaration du 21 novembre onze voyages professionnels au Texas alors qu'à la date où il avait rédigé cette déclaration il ne disposait pas des documents lui permettant de s'assurer du nombre exact de ses déplacements et que, sur les indications de son conseil, il avait établi une seconde déclaration ne comportant plus de nombre déterminé afin qu'une imprécision ne soit pas retenue à sa charge par le juge américain.

En réalité, la principale différence entre les deux déclarations ne concerne pas le nombre des déplacements mais leur motif. La déclaration datée du 23 novembre 2014 - qui est la seule dont il est prouvé par les bordereaux et les cachets qu'elle ait été produite devant le juge texan - mentionne des déplacements en qualité de représentant des deux sociétés, belge et française, bénéficiaires des franchises, tandis que la déclaration portant la date du 21 novembre 2014 - dont il n'est pas démontré qu'elle ait été produite devant le juge américain - affirme que M. [H] ne s'est rendu au Texas qu'en exécution du contrat de franchise de la société française.

Les juridictions américaines ont précisément fondé leur compétence sur le fait que M. [H], à l'occasion de ses déplacements au Texas avait menti en affirmant que Falco avait l'intention de payer les redevances, et avait dissimulé les manoeuvres tendant à détourner les sous-franchisés vers une nouvelle société GOS.

Le premier juge a fondé son refus d'exequatur sur la violation de l'ordre public international résultant du défaut de motivation de la décision américaine en retenant notamment que ne figurait pas au pied de la requête en jugement sommaire la déclaration de M. [H] de 'novembre 2014". Par conséquent, la déclaration datée du 21 novembre 2014 qui a été produite devant le juge de l'exequatur mais ne l'a pas été devant les juridictions américaines auxquelles elle était théoriquement destinée, a été déterminante de la décision du premier juge.

La fraude au jugement emporte annulation de la décision entreprise.

Sur la recevabilité de la demande d'exequatur :

M. [H] soutient que le jugement américain du 25 octobre 2016 n'est pas définitif.

Il résulte, toutefois, d'une attestation sous serment de la greffière en chef du District de Dallas du 18 mai 2018 que : 'Conformément aux dispositions du code de procédure civile du Texas 306 (a) (3), le 26 octobre ou immédiatement après un membre du greffe du Comté de Dallas a envoyé la notification du jugement n° du rôle DC-14-11840 au défendeur [J] [H] par courrier de première classe au [Adresse 3]."

Le caractère définitif du jugement est, en outre, établi par un certificat du juge [I] [Z], en date du 6 février 2017, selon lequel : 'Le 25 octobre 2016, le présent tribunal a rendu un jugement sommaire final contre les Défendeurs Falco Franchising SA, [J] [H] et [A] [F] dans l'affaire susmentionnée. Les Défendeurs Falco Franchising SA, [J] [H] et [A] [F] n'ont pas déposé d'avis d'appel, et le délai pour ce faire est expiré. Le jugement sommaire est définitif pour les Défendeurs Falco Franchising SA, [J] [H] et [A] [F].'

Ni la circonstance que d'autres pièces de la procédure aient été signifiées par huissier, ni celle que le jugement ait fait l'objet d'une signification à Falco avec un point de départ différent du délai d'appel, ni celle que l'appelante ne produise pas d'accusé de réception ne sont de nature à contredire le fait qu'au regard du droit du Texas la notification a été régulière et que la décision est définitive.

Au demeurant, devant le juge belge qu'il a saisi aux fins de non-reconnaissance du jugement américain, M. [H] a versé cette pièce en la désignant sous les termes 'Signification du jugement étranger à M. [J] [H] et sa traduction en français.'

Il convient de constater que le jugement dont l'exequatur est requis est exécutoire dans l'Etat où il a été rendu.

Sur le rejet de la demande d'exequatur en Belgique :

Les décisions rendues en matière d'exequatur n'ont d'effet que sur le territoire de l'Etat où elles ont été rendues.

La circonstance que le 8 janvier 2018 le tribunal de première instance francophone de Bruxelles ait fait défense d'exécuter en Belgique le jugement de la District Court de Dallas est sans portée dans la présente instance.

Sur le fond de la demande d'exequatur :

Pour accorder l'exequatur hors de toute convention internationale, ce qui est le cas entre la République française et les Etats-Unis d'Amérique, le juge français doit s'assurer que trois conditions sont remplies, tenant à la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, à la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et à l'absence de fraude à la loi.

La compétence indirecte :

Le juge américain était saisi par la société texane Jani-King d'une demande dirigée contre la société belge Falco fondée sur la rupture du contrat conclu le 9 février 2004 au Texas qui prévoyait qu'en contrepartie du droit exclusif d'exploiter la franchise en Belgique, Falco devrait verser certains frais et redevances dont le calcul dépendait des rapports complets sur les ventes et les revenus de la franchise que le franchisé s'engageait à faire auprès des bureaux texans de Jani-King. Celle-ci faisait grief à Falco d'avoir cessé de rendre compte de ses ventes à compter de novembre 2010 et d'avoir été défaillante dans le règlement des redevances. Elle demandait la condamnation de Falco à payer l'arriéré.

Jani-King demandait aussi la condamnation de plusieurs personnes physiques, de nationalité belge, M. [F], gérant et actionnaire de Falco, MM. [H] et [P], co-fondateurs et actionnaires de cette même société et M. [Y], directeur de succursale. Elle demandait leur condamnation à lui payer des dommages-intérêts pour l'avoir induite en erreur en lui faisant croire que Falco avait l'intention de payer les redevances et d'avoir ainsi retardé l'adoption de mesures permettant de préserver ses intérêts, alors que Falco entreprenait à cette époque de transférer ses sous-franchisés à une société tierce GOS à l'insu de Jani-King.

La cour d'appel du cinquième district de Dallas a retenu, d'une part, que M. [H] s'était rendu à neuf reprises à Dallas entre 1997 et 2012 pour assister à l'assemblée annuelle de Jani-King et qu'à cette occasion il avait amené le franchiseur à croire que Falco avait l'intention d'honorer ses obligations contractuelles, d'autre part, que [H] avait envoyé à Jani-King au Texas des lettres et communications assurant que Falco rencontrait des difficultés financières mais n'avait aucune intention de se soustraire à ses obligations contractuelles. La cour a fait des constatations analogues en ce qui concernait M. [F] et en a déduit qu'elle était compétente pour juger le concert frauduleux entre les personnes physiques.

Il n'appartient pas au juge de l'exequatur de réviser au fond le jugement étranger en remettant en cause la réalité des faits d'où le tribunal a déduit que ce concert frauduleux était localisé sur le territoire américain, ni de se prononcer sur la qualification délictuelle ou contractuelle de la responsabilité de M. [H].

Il apparaît, par conséquent, que le litige se rattachait de manière caractérisée aux Etats-Unis d'Amérique.

Il convient d'écarter le moyen tiré de l'incompétence indirecte de la juridiction américaine.

La violation de l'ordre public international résultant de l'absence de motivation :

Est contraire à la conception française de l'ordre public international de procédure, la reconnaissance d'une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits les documents de nature à servir d'équivalents à la motivation défaillante.

En l'espèce, la décision dont l'exequatur est sollicité est un jugement sommaire final ('final summary judgement') aux termes duquel il est indiqué que les défendeurs 'ont été avertis de l'audience mais n'ont pas assisté à l'audience ni déposé de réponse à la requête. Après avoir examiné la requête, les preuves contenues dans le dossier et les arguments du conseil, le tribunal donne une suite favorable à la requête.'

Si la décision qui contient la condamnation à paiement ne comporte pas d'autre motivation, il apparaît, d'une part, que l'arrêt sur la compétence rendu précédemment par la cour d'appel du cinquième district de Dallas énonçait de façon très circonstanciée les faits qui étaient reprochés à M. [H] et qui permettaient de faire application des règles de droit relatives à la responsabilité personnelle de dirigeants d'une personne morale, d'autre part, que le mémoire joint à la requête en vue d'obtenir un jugement final définitif précise que le montant de dommages-intérêts réclamé, soit 463.476,30 $, correspond au montant des redevances impayées par Falco entre août 2010, date de la première violation par M. [H] de son obligation de divulgation et mars 2014, date de communication par Falco à Jani-King de son rapport final sur les redevances.

Ces éléments constituent des équivalents suffisants à la motivation défaillante.

La fraude :

La circonstance que Jani-King ait initialement saisi les juridictions belges avant de se désister et de porter son action devant le juge texan ne suffit pas à caractériser une fraude. Si M. [H] allègue que l'introduction de procédures judiciaires dans deux pays successivement était destinée à rendre ses adversaires exsangues et, ainsi à porter atteinte aux droits de la défense, il ne démontre pas que la décision des défendeurs de renoncer à l'assistance d'un avocat après la décision sur la compétence ait résulté de leur impécuniosité et non d'un choix procédural.

Il résulte de ce qui précède qu'il sera fait droit à la demande d'exequatur.

En conséquence la demande d'amende civile formée par M. [H] est rejetée.

M. [H], qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamné sur ce fondement à payer à la société Jani-King la somme de 6.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Rejette la demande de sursis à statuer.

Annule le jugement.

Statuant à nouveau :

Déclare exécutoire en France le jugement de la Cour du District de Dallas du 25 octobre 2016.

Dit n'y avoir lieu à amende civile.

Condamne M. [H] aux dépens et au paiement à la société Jani-King Franchising Inc. de la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/10160
Date de la décision : 25/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°18/10160 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-25;18.10160 ?
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