Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 25 JUIN 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04241 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5KY2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 16/00861
APPELANTE
Madame [C] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sylvanie NGAWA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1444
INTIMEE
SA AIR FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentée par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère
Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 08 avril 2019
Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY
ARRET :
- Contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Air France a engagé Mme [O] par un contrat de travail à durée indéterminée le 17 novembre 1997, à la suite d'un stage préalable de formation débuté le 10 octobre 1997, en qualité de personnel navigant commercial (PNC), au poste d'hôtesse.
En raison de difficultés économiques, la société a mis en place un plan de départ volontaire 2014-2015, homologué par la Direccte le 5 juin 2014.
Le 12 novembre 2014, Mme [O] a signé une convention de rupture amiable pour motif économique dans le cadre du plan de départ volontaire PNC.
Le contrat de travail de la salariée a été définitivement rompu le 30 novembre 2014.
Par lettre du 14 juillet 2015, Mme [O] a demandé l'annulation de la convention et sa réintégration dans l'entreprise au motif que ses capacités de jugement étaient altérées au moment de la signature.
Par lettre du 13 août 2015, Mme [O] a exprimé sa volonté de bénéficier d'une priorité de réembauche.
Par lettre du 28 août 2015, la salariée a réitéré ses demandes d'annulation et de bénéfice de la priorité de réembauche.
Par lettre du 25 septembre 2015, la société lui a répondu par la négative.
Mme [O] a renouvelé ses demandes par lettre du 21 octobre 2015.
La société a proposé à Mme [O], par lettre du 1er février 2016, une offre de contrat de travail à durée déterminée en tant que personnel complémentaire de bord pendant la saison été 2016.
La salariée a refusé cette offre.
Contestant le bien fondé de la rupture du contrat de travail, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 2 mars 2016 qui, par jugement du 20 novembre 2017, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration en date du 14 mars 2018, Mme [O] a interjeté appel dudit jugement.
Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 04 juin 2018, elle demande à la cour de :
prononcer la nullité de la convention de départ volontaire signée le 12 novembre 2014 en raison d'un vice du consentement et du non respect des conditions de rupture du contrat prévues par le contrat de travail,
prononcer la réintégration au poste d'hôtesse PNC en CDI aux mêmes coefficient et échelon avec reprise d'ancienneté en date du 30 novembre 2014, et propose à cet égard de restituer les fonds perçus à l'occasion de son départ,
à titre subsidiaire, de prononcer sa réintégration au titre de la priorité de réembauche au poste d'hôtesse PNC en CDI aux mêmes coefficient et échelon,
condamner la société au paiement des sommes de :
- 41.014,92 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la convention de départ volontaire,
- 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle sollicite également l'application des intérêts au taux légal.
Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 09 juillet 2018, la société demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter Mme [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions. Elle sollicite également la condamnation de Mme [O] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Sur les conditions de rupture prévues par le contrat de travail
Selon l'article 1134 du code civil, en sa rédaction applicable à l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
La rupture d'un contrat de travail pour motif économique peut résulter d'un départ volontaire dans le cadre d'un accord collectif, cette rupture constitue une résiliation amiable du contrat de travail.
Mme [O] soutient qu'aux termes de l'article 8 de son contrat de travail, celui-ci ne pouvait être rompu que par licenciement ou démission. Elle conclut que la convention de départ volontaire n'étant pas prévue comme mode de rupture du contrat de travail, elle doit être annulée.
En l'espèce, la convention de rupture amiable pour motif économique signée par Mme [O] s'inscrit dans le cadre d'un plan de départ volontaire fondé exclusivement sur la base du volontariat, approuvé par les institutions représentatives du personnel et homologué par la Direccte.
Dès lors, c'est à tort que la salariée affirme que la convention de rupture dans le cadre d'un départ volontaire ne constitue pas un mode de résiliation de son contrat de travail.
En conséquence, le moyen est inopérant.
Mme [O] sera déboutée de ce chef et le jugement confirmé sur ce point.
Sur l'intégrité du consentement
Aux termes des dispositions des articles 1108 et 414-1 du code civil, en leur rédaction applicable à l'espèce, la validité des conventions suppose un consentement libre et éclairé.
Mme [O] soutient qu'elle n'était pas dans un état d'esprit sain lors de la signature de la convention et qu'elle n'a pas bénéficié de l'information nécessaire pour donner un consentement libre et éclairé.
Sur l'information nécessaire à sa décision, la cour relève que Mme [O] ne peut conclure à son absence tout en versant au débat le guide d'information du plan de départ volontaire PNC contenant toutes les possibilités d'information, un courriel du cabinet chargé d'accompagner les candidats volontaires, une simulation d'indemnités de rupture et un courriel de la société l'invitant à prendre rendez-vous avec un responsable ressources humaines pour la définition des modalités de départ.
De plus, la convention signée par Mme [O] le 12 novembre reprend l'ensemble des éléments d'information dont elle a bénéficié.
Sur son état de santé, Mme [O] fait valoir, à l'appui d'attestations de trois médecins différents, qu'elle a connu divers épisodes dépressifs entre 2011 et 2014.
Seule l'attestation du Docteur [Z], fondée in fine sur les déclarations de Mme [O], mentionne un état « marqué par l'incapacité de coordonner sa pensée dans un projet d'action efficace et raisonné ».
Elle verse également au débat trois autres attestations de proches confirmant son état. Mme [S] rapporte : « Elle me disait qu'elle n'en pouvait plus. Elle me confiait ses tracas, c'était dur d'être loin de son mari et surtout de laisser ses enfants avec différentes baby-sitters (...) ».
Or, dans la mesure où le médecin et les témoins rapportent les propos et déclarations de Madame [O], ces éléments ne présentent aucune force probante, nul ne pouvant ainsi se procurer une preuve à soi-même.
La cour relève au surplus que la salariée a été destinataire, le 15 septembre 2014, d'une offre d'emploi de la part de la société Shenterprises LLC, société dirigée par son conjoint ainsi qu'elle l'a fait écrire aux termes de ses conclusions, et ce, à compter du 15 décembre 2014, qu'elle a signé le plan de départ volontaire le 12 novembre 2014 pour une rupture en date du 30 novembre 2014.
Ces démarches lui permettaient de se rapprocher de sa famille aux Etats Unis et ne sont pas de nature à caractériser une incapacité à coordonner sa pensée dans un projet d'action efficace et raisonné.
Dès lors, au regard de ces éléments, aucun vice de consentement n'est caractérisé, aucune insanité d'esprit l'ayant privée de sa capacité de contracter n'est établie.
En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande et le jugement confirmé sur ce point.
Sur la priorité de réembauche
L'article L.1233-45 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
L'article L.1235-13 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, dispose qu'en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire.
Mme [O] soutient qu'elle a fait savoir à la société qu'elle souhaitait bénéficier de la priorité de réembauche dès le 13 août 2015, et explique qu'elle refusé la proposition de la société au motif qu'elle ne respectait pas sa classification et son ancienneté.
Elle conclut à sa réintégration.
Au regard des textes susvisés, Mme [O] n'est pas fondée à demander sa réintégration au motif d'un manquement à la priorité de réembauche.
En conséquence, la salariée sera déboutée sur ce point et le jugement sera confirmé.
Sur les dommages et intérêts
Mme [O] sollicite des dommages et intérêts au titre de l'annulation de la convention de départ volontaire.
La salariée a été déboutée de ses demandes tendant à l'annulation de la convention de départ volontaire.
Dès lors, la demande ne peut prospérer.
En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les frais de procédure
Mme [O], succombant à l'instance, sera condamnée au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 02 novembre 2017,
Y ajoutant,
Condamne Mme [C] [O] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [C] [O] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE