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25/06/2019 | FRANCE | N°17/08697

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 25 juin 2019, 17/08697


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 25 JUIN 2019



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08697 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TQW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/11450





APPELANT



Monsieur [V] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Florian SIMONEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1048





INTIMEE



SAS [D] [Y] EUROPE, MIDDLE EAST & AFRICA

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 25 JUIN 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08697 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TQW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/11450

APPELANT

Monsieur [V] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Florian SIMONEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1048

INTIMEE

SAS [D] [Y] EUROPE, MIDDLE EAST & AFRICA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Aurélien LOUVET de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 08 avril 2019

Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [R] a été engagé par la SAS [D] [Y] EMEA China Trading Company Limited à compter du 22 février 2012 en qualité de responsable de projet en intelligence économique.

Le 1er juin 2014, il a signé un contrat de travail avec la SAS [D] [Y] EMEA Europe Middle East Africa pour exercer des fonctions de Business Development Manager, statut cadre, niveau 8 échelon A, avec reprise d'ancienneté au 22 février 2012.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

Par lettre en date du 7 décembre 2015, Monsieur [R] a pris acte de la rupture de son contrat de travail reprochant à son employeur une violation du principe « A travail égal, salaire égal » et l'application d'une convention de forfait illite ou à tout le moins sans effet pour défaut de garanties suffisantes.

Monsieur [R] a, le 22 novembre 2016, saisi le conseil de prud'hommes de Paris, qui, par un jugement du 12 avril 2017, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes

Monsieur [R], ayant constitué avocat, a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 21 juin 2017.

Dans ses dernières conclusions au fond notifiées par le réseau privé virtuel des avocats, le 10 octobre 2018, Monsieur [R] demande à la cour de :

- constater la violation par [D] [Y] EMEA du principe « à travail égal, salaire égal » et l'application d'un forfait jours illicite dont les garanties n'ont en tout état de cause pas été respectées ;

- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris.

Par voie de conséquence, il sollicite la condamnation de la SAS [D] [Y] EMEAEMEA à lui verser les sommes suivantes:

- 45.878 euros au titre d'un rappel de salaire de base et un rappel de rémunération variable de 9.350 euros, intégrant l'indemnité de congés payés, pour la période juin 2014-mars 2016;

- 10.747,36 euros au titre de l'intéressement pour la période de juin 2014 à mars 2016,

- 1 euro à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5.988 euros au titre du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 43.998 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il demande aussi :

la remise de bulletins de salaire et d'une attestation pôle emploi rectifiés dans le sens des termes de la décision à intervenir ;

la condamnation de la SAS [D] [Y] EMEA EMEA au paiement des intérêts assortissant les sommes allouées au taux légal à compter de la saisine de la formation de référés du conseil de prud'hommes en date du 14 juin 2016 avec capitalisation des intérêts courus et d' une indemnité de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions au fond, transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 9 avril 2019, la SAS [D] [Y] EMEA demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle considère que la prise d'acte de Monsieur [R] doit produire les effets d'une démission, s'oppose aux prétentions émises par celui-ci et sollicite sa condamnation à lui verser une indemnité de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée avant l'ouverture des débats.

MOTIFS

Sur la méconnaissance du principe « à travail égal, salaire égal »;

L'employeur est tenu de verser une même rémunération à tous les salariés, dès lors qu'ils sont placés dans une situation identique, c'est-à-dire à tous les salariés accomplissant un travail identique ou de valeur égale. Une différence de rémunération entre salariés occupant un même emploi n'est toutefois pas absolument prohibée, mais impose qu'elles soient justifiées par des éléments objectifs.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement en l'espèce de rémunération.

Lorsque le salarié a établi de tels faits, il revient à l'employeur, dans un deuxième temps, de prouver que les salariés n'étaient pas dans une situation comparable et qu'il n'y a pas eu violation du principe l'égalité de traitement.

Monsieur [R] expose avoir remplacé Monsieur [K], avoir été placé sous la supervision d'un directeur du business dévelopment, Madame [M], avoir exercé ses ses fonctions en binôme avec un autre salarié disposant d'un même intitulé de poste et placé au même niveau hiérarchique, avec qui il travaillait en étroite coopération et avec qui il était interchangeable. Il communique le planning relatif à la répartition des responsabilités au sein de la direction, pour l'année 2015/2016.

Il ajoute être diplômé de l'ESSEC et être aussi titulaire d'un MBA Fudan University, avoir pris le poste alors qu'il avait une expérience antérieure de plus de quatre années à la date de son embauche et une ancienneté de deux années dans le groupe.

Il ajoute avoir constaté que ces binômes successifs percevaient une rémunération annuelle supérieure à la sienne de l'ordre de 45 %.

Il propose plus spécialement la comparaison de sa situation avec celle de Monsieur [I] [G] devenu son binôme en juin 2015. Il fait ressortir que celui-ci disposait d'un âge, d'une formation et d'un parcours professionnels comparables aux siens, n'avait aucune ancienneté dans le groupe et débutait dans les fonctions de responsable Business Development EMEA, que la rémunération de celui-ci était supérieure à la sienne à hauteur de 45 %.

Il précise avoir interpellé sa hiérarchie sans que l'écart soit significativement réduit, l'augmentation consentie en juillet 2015 résultant de la révision annuelle des salaires ayant maintenu un écart de l'ordre de 33 % entre leurs rémunérations.

Monsieur [R] indique avoir sollicité auprès de la formation des référés du conseil de prud'hommes, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile la communication des contrats de travail, avenants et bulletins de salaires des autres responsables du Business development ayant exercé au sein de la société, en vain, la formation des référés ayant refusé de faire droit à cette demande. Il fait observer que la société n'a, aux termes d'une lettre du 6 juillet 2016, pas contesté la réalité de la différence de traitement et a communiqué un tableau des rémunérations la confirmant.

Ce tableau révèle que les rémunérations étaient les suivantes:

Monsieur [K]: 78 000 euros bruts,

Monsieur [B] : 80000 euros bruts,

Monsieur [G]: 80000 euros bruts,

Madame [F]: 45551 euros nets.

Ce faisant, Monsieur [R] établit des éléments de faits laissant présumer l'existence d'une différence de traitement notamment en termes de rémunérations.

Après avoir souligné que Monsieur [R] avait expressément accepté les éléments de sa rémunération lors de la négociation engagée en juin 2014, la société confirme la différence de traitement ayant existé entre lui et les binômes successifs mais considère qu'elle reposait sur les éléments objectifs tenant aux données propres à chaque salarié.

Elle fait observer que la revalorisation salariale avait été envisagée dès son embauche, qu'elle est intervenue le 1er juillet 2014, que Monsieur [R] a vu sa rémunération revalorisée de 10 % à cette date, qu'un bonus de 9,9 % lui a aussi été versé au mois de septembre 2015 et qu'enfin, une augmentation de 5 % lui a été proposée au mois de décembre 2015.

Par ailleurs, elle expose qu'une étude réalisée par la société Mercer en avril 2015 concernant les rémunérations des responsables Business Development montre que la rémunération médiane ressort à 77 800 euros, que les rémunérations de Monsieur [R] ressortaient à 61 933,41 euros au 1er juin 2014, à 79 574,50 euros au 1er juillet 2014, et à 84 679,84 euros au 1er janvier 2016.

La SAS [D] [Y] EMEA indique enfin que la différence de traitement se justifie par la différence de situation des salariés dès lors qu'ils n'avaient pas les mêmes profils, au regard de leurs âges, de leurs anciennetés, de leurs expériences et de leurs parcours professionnels.

Elle fait état de ce que :

Monsieur [R] est né en 1987,

Monsieur [K] est né en 1980,

Monsieur [B] est né en 1982,

Monsieur [G] est né en 1986,

Madame [F] est née en 1979.

Elle expose qu'en 2015, Monsieur [R] était moins expérimenté, qu'il avait travaillé 1 an en Chine pour la société KaiTang, 2 ans pour [D] [Y] en Chine, et 1 an pour [D] [Y] en France.

Elle fait valoir que Messieurs [B] et [G] avaient intégré une école d'ingénieur (Télécom Paris et Supélec) et suivi une partie de leurs cursus à l'étranger dans de prestigieuses universités, que Monsieur [B] parlaient 4 langues et Monsieur [K], trois langues, Monsieur [R] n'ayant pas évoqué qu'il parlait le chinois lors d'un entretien d'évaluation en janvier 2015.

La société insiste aussi sur le fait que les collègues de Monsieur [R] justifiaient d'une expérience de consultants au sein de cabinets de conseils en statégie, réputés sur la scène internationale.

Monsieur [K] avait été consultant dans un cabinet de conseil en stratégie et disposait d'une expérience de travail de 8 années dans deux groupes du secteur de la grande consommation sur différents postes en lien avec la stratégie commerciale.

Monsieur [B] disposait lors de son embauche en 2013 d'une expérience de consultant de plus de 8 années dans un cabinet de stratégie.

Monsieur [G] avait, quant à lui, une expérience de consultant dans un cabinet de stratégie de près de 5 années.

Elle précise que cette expérience antérieure de consultant est très valorisée dans la mesure où elle implique un développement des compétences d'analyse et de synthèse de données complexes, une capacité à structurer les informations et à les présenter à des interlocuteurs exigeants et ce, dans des délais très courts. Une telle expérience est à l'origine d'une grande capacité de travail et d'une forte autonomie.

Elle relève que la supérieure hiérarchique de Monsieur [R] avait noté qu'il disposait en juin 2014 d'une capacité faible à mener efficacement seul une mission de revue stratégique de moyenne ampleur, qu'il a fait de gros progrès depuis [ ...]

Après examen des éléments communiqués et des explications fournies, la cour relève que:

- une différence de diplôme ne peut justifier une différence de rémunération que s'il est en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées,

- dans le cas d'espèce, le diplôme Essec détenu par Monsieur [R] était au moins aussi approprié aux exigences d'un poste de responsable de business development que pouvaient l'être des diplômes d'ingénieurs des Télécom et de Supélec.

- la différence d'âges entre Messieurs [G] et [R] est peu significative puisqu'ils ont une année d'écart,

- tous les salariés du panel de comparaison avaient une expérience antérieure, observation étant faite que Monsieur [G] a, après des stages, été consultant chez [O] [C] à compter de septembre 2010, que Monsieur [R] a, après des stages, travaillé à compter de février 2011 chez KaiTang, puis à compter de février 2012 chez [D] [Y] Chine comme responsable de projet en intelligence économique, et ce, avant leur prise de poste de responsable de business development,

- tous les salariés avaient une expérience à l'étranger, soit dans le cadre de leurs études, soit dans le cadre de leur activité professionnelle, soit les deux, ce qui a été le cas de Monsieur [R] qui a obtenu un diplôme universitaire en Chine et travaillé pendant trois années dans ce pays,

- les salariés parlaient tous plusieurs langues, Monsieur [G] déclarant parler français, anglais couramment et l'allemand (basique) tandis que Monsieur [R] parlait trois langues ( français, anglais et chinois, (ce que ne pouvait ignorer l'employeur au regard du diplôme universitaire chinois obtenu),

- nonobstant la qualité de l'expérience acquise au sein de cabinet de conseil en stratégie, l'expérience du salarié comme responsable de projet en intelligence économique, qui plus est, au sein d'une société du groupe était également riche et de nature à le préparer aux activités qui lui ont été confiées en binôme avec Monsieur [G] notamment,

- aucun élément n'est produit pour établir que les autres salariés ont disposé, dès les premiers mois de leur intégration comme binôme, d'une capacité de mener un projet supérieure à celle de Monsieur [R].

L' analyse comparée des données propres à chaque salarié au regard de leurs âges, de leurs parcours universitaires, professionnels respectifs antérieurs, de leurs compétences en termes de langues maîtrisées et d'expériences acquises et alors qu'il n'est pas contesté qu'ils exerçaient des fonctions similaires, révèle que l'écart très important de rémunération puisque de l'ordre de 45 % puis de 33 % entre Monsieur [R] et ses collègues et plus spécialement Monsieur [G] ne repose pas sur des critères objectifs pertinents étrangers à une méconnaissance du principe d'égalité de traitement.

Monsieur [R] est en conséquence fondé à obtenir un rappel de salaire de base sur la base de la rémunération de 80 000 euros par an ce qui correspond à un rappel de 45 878 euros intégrant les congés payés afférents pour la période de juin 2014 à mars 2016.

S'agissant du bonus, il est spécifié aux termes du contrat de travail signé par les parties que la rémunération variable, (bonus) est fonction de la performance individuelle, basée sur l'atteinte d'objectifs définis par le responsable hiérarchique, qu'elle est de 10 % maximum du salaire de base annuel.

C'est vainement que l'employeur soutient d'une part, qu'en l'absence de réévaluation du salaire de base, Monsieur [R] ne peut prétendre à un rappel au titre du bonus, d'autant que l'appréciation du supérieur hiérarchique sur le travail accompli était nuancée, et d'autre part que, pour la période 2015/2016, soit pour la période de juillet 2015 à juin 2016, le salarié ne peut prétendre à un quelconque bonus dans la mesure où il a quitté l'entreprise au milieu de la période, soit en décembre 2015, que le droit à la rémunération variable n'est acquis que lorsque la période annuelle a été intégralement travaillée, qu'aucune disposition contractuelle ne prévoyait sa proratisation en cas d'année incomplète.

Elle soutient de surcroît que Monsieur [R] n'a pas travaillé entre décembre et mars 2016 puisqu'il n'a exercé aucune activité.

En effet, Monsieur [R] est fondé à obtenir un rappel de rémunération variable pour la période de juillet 2014 à juin 2015, nonobstant la remarque de sa supérieure hiérarchique, l'employeur ayant notifié au salarié postérieurement à ce constat qu'il percevrait un bonus correspondant à 9,9 % de sa rémunération brute.

Par ailleurs, l'examen de clause contractuelle relative à la rémunération du salarié revèle que le bonus constitue la partie variable de la rémunération versée en contrepartie de son activité de sorte qu'elle s'acquérait au fur et à mesure.

Il s'en déduit que Monsieur [R] dont le départ a été antérieur au versement de cette prime, ne pouvait être privé d'un élément de sa rémunération auquel il pouvait prétendre au prorata de son temps de présence.

Enfin, nonobstant la dispense d'exécuter le préavis, le salarié est fondé à obtenir le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis qui comprend tous les éléments de la rémunération fixes et variables.

Il sera fait droit à la demande de rappel à hauteur de la somme de 9 350 euros.

Selon le contrat de travail , il était prévu que le salarié pouvait aussi « bénéficier d'un intéressement aux résultats dans les conditions prévues par l'accord contractuel en vigueur ».

L'employeur s'oppose à ce versement au seul motif que le salarié ne peut prétendre à un quelconque rappel de salaire.

Or, il a été précédemment analysé qu'il est fondé à obtenir un tel rappel.

Il sera fait droit à la demande de condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 10 747,36 euros à ce titre.

Sur la convention de forfait;

Selon les articles L. 3121-58 , 3121-55 du code du travail, peuvent conclure des conventions individuelles de forfait en jours sur l'année[...]les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable[...]sous réserve de l'accord exprès du salarié concerné par le biais d'une convention individuelle de forfait en jours.

L'article L.3121-63 dudit code dispose que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par une convention ou en accord de branche.

L'article L. 3121-65 dudit code ajoute que l'employeur doit :

- établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, le document pouvant être rempli par le salarié sous la responsabilité de l'employeur,

- s'assurer que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires,

- organiser une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail [...] l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération[...]

Dans le cas d'espèce, les conventions de forfait en jours sont mises en place par un accord d'entreprise du 17 mars 2004.

Monsieur [R] estime que la convention de forfait en jours est nulle, qu'il n'était pas un cadre autonome au sens des dispositions légales mais un cadre intégré et, qu'en tout état de cause, elle doit être déclarée comme lui étant inopposable, l'employeur ne pouvant produire aucun relevé mensuel visé par le responsable hiérarchique et ne pouvant établir que la charge de travail a été évoquée au cours de l'entretien annuel.

Il fait valoir que l'accord d'entreprise [D] [Y] prévoit comme seules garanties :

- le respect des dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire,

- un suivi mensuel des jours travaillés et de repos sous la forme d'un formulaire à compléter visé par le responsable hiérarchique,

- un suivi annuel sous la forme d'un bilan annuel signé avec le responsable hiérarchique sur l'organisation du travail, l'amplitude et la charge de travail, ce qui est insuffisant au regard des prescriptions légales.

Il ajoute qu'il n'a pas spécialement dénoncé la convention de forfait en jours pendant la collaboration mais qu'il a évoqué les nombreuses heures supplémentaires accomplies.

La SAS [D] [Y] EMEA soutient que l'accord d'entreprise respecte les garanties posées par les dispositions légales en ce qu'il prévoit l'établissement d'un document de suivi du nombre de jours travaillés, un entretien annuel d'évaluation, que Monsieur [R] avait une parfaite connaissance du fait que son contrat de travail lui conférait une autonomie, ses fonctions relevant d'une organisation du travail de travail spécifique, qu'il a déclaré ses journées de travail sur un bordereau de présence, qu'il a bénéficié d'un entretien annuel d'évaluation, qu'il n'a émis aucune alerte sur les modalités de suivi mensuel, ni formalisé une demande de travail exceptionnel.

L'accord collectif doit assurer la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Les stipulations de l'accord d'entreprise qui se bornent, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, à prévoir un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique, et qui, s'agissant de l'amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, prévoient seulement l'établissement par le salarié d'un document récapitulant se jours de présence sur l'année, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié de sorte que les stipulations du contrat de travail relatives au forfait en jours sont nulles.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

La méconnaissance du principe « A travail égal, salaire égal » et la convention de forfait illicite caractérisent de la part de la SAS [D] [Y] EMEA une exécution déloyale du contrat de travail à l'origine d'un préjudice de principe que le salarié a lui-même évalué à un euro, lequel lui sera alloué.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat et ses effets;

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.

Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent être non seulement établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.

Dans le cas d'espèce, la méconnaissance par l'employeur du principe d'égalité de traitement à l'origine d'une perte substantielle de ressources pour le salarié constitue en soi un manquement suffisamment grave de nature à justifier la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur en sorte que la prise d'acte de la rupture aura en l'espèce, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences d'une licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération retenue soit 7333 euros par mois, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Monsieur [R] une indemnité de 43 998 euros, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

De même, l'indemnité conventionnelle de licenciement ressort compte tenu de son ancienneté de 4 années et un mois, à (1/5x7333)x4 + (1/5 x 7333) /12 = 5988 euros.

Sur les intérêts;

Les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Sur la demande relative aux documents sociaux;

La demande de remise d'un bulletin a remise d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail, et d'une attestation Pôle emploi, est légitime. Il y sera fait droit.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

La SAS [D] [Y] qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande d'allouer à Monsieur [R] la somme qu'il réclame au titre des frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit la somme de 2500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS [D] [Y] EMEA à verser à Monsieur [R] les sommes suivantes:

- 45.878 euros au titre d'un rappel de salaire de base et un rappel de rémunération variable de 9.350 euros, intégrant l'indemnité de congés payés, pour la période juin 2014-mars 2016;

- 10.747,36 euros au titre de l'intéressement pour la période de juin 2014 à mars 2016,

- 1 euro à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5.988 euros au titre du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 43.998 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Ordonne la remise par la SAS [D] [Y] EMEA à Monsieur [R] d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail, et d'une attestation Pôle emploi, conformes aux termes du présent arrêt et ce, dans un délai de deux mois à compter du prononcé de cet arrêt,

Déboute la SAS [D] [Y] EMEA de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS [D] [Y] EMEA aux entiers dépens,

Condamne la SAS [D] [Y] EMEA à verser à Monsieur [R] une indemnité de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/08697
Date de la décision : 25/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/08697 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-25;17.08697 ?
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