Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le :Au nom du peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 7
ORDONNANCE DU 24 JUIN 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/19991 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JQK
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 08 Novembre 2017 Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/204
Nature de la décision : Par défaut
NOUS, Madeleine HUBERTY, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Benoît TRUET-CALLU, Greffier.
Statuant sur le recours formé par :
Monsieur [E] [R],
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Philippe DAL MEDICO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1270
DEMANDEUR
contre
Maître [N] [T]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représetné par Me Philippe THOMAS COURCEL
Madame [B] [L] - AR de convocation signé
[Adresse 3]
[Localité 1]
SCI [Adresse 4], - AR de convocation signé
[Adresse 5]
[Localité 1]
Madame [Y] [R], - AR de convocation signé
[Adresse 6]
[Localité 2]
Madame [K] [R] - AR de convocation signé
[Adresse 7]
[Localité 1]
Madame [G] [R]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
DEFENDEURS
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 08 Avril 2019 :
PRETENTIONS DES PARTIES ET PROCEDURE
Par ordonnance de référé en date du 20 avril 2017, Maître [N] [T] a été nommée administrateur judiciaire de la SCI [Adresse 4] pour une durée de 12 mois, avec la mission suivante :
- se faire remettre par tout détenteur les documents et fonds de la société;
- administrer la société avec les pouvoirs du gérant,
- établir ou faire établir par une société d'expertise comptable si nécessaire, un bilan de la situation financière de la société;
- faire examiner par un architecte extérieur aux associés, les devis produits par les associés et/ou faire établir par ledit architecte si nécessaire de nouveaux devis des travaux à effectuer conformément aux demandes de la Préfecture de Police,
- réunir l'assemblée générale des associés de la SCI en vue de toute décision regardant l'avenir de la société.
Cette désignation a été motivée par la profonde mésentente existant entre les associés et la nécessité de réaliser des travaux urgents sur l'immeuble sis [Adresse 9].
En octobre 2017, Maître [N] [T] a émis une première demande d'honoraires pour un montant de 5442,50€ TTC, laquelle demande a été validée le 8 novembre 2017 par le président du Tribunal de Grande Instance de PARIS.
En avril 2018, Maître [N] [T] a émis une seconde demande d'honoraires pour un montant de 5773,39€ TTC, laquelle demande a été validée le 29 juin 2018 par le président du Tribunal de Grande Instance de PARIS.
Les honoraires sollicités ont été prélevés sur la trésorerie de la SCI [Adresse 4], en mai 2018.
Ces deux demandes d'honoraires ont été notifiées le 6 juillet 2018 à Madame [Y] [R], Monsieur [E] [R] et Monsieur [P] [R].
Par courrier remis au greffe le 6 août 2018, Monsieur [E] [R] a contesté la fixation des honoraires alloués à Maître [N] [T] et sollicité leur réduction à la somme de 383,89€ outre la condamnation de l'administrateur judiciaire à lui payer une somme de 1500€.
A titre liminaire, il fait valoir que le total des frais engagés du fait de l'administration judiciaire s'est élevé à 25 754,84€, sur 12 mois, pour une petite société familiale aux ressources limitées. Il soutient, d'autre part, que Maître [N] [T] n'a pas accompli la mission qui lui a été confiée, puisqu'elle n'a pas engagé de travaux, alors que la sécurité était en cause et qu'elle disposait des devis et des fonds nécessaires.
L'administrateur judiciaire a sollicité deux catégories d'honoraires : des honoraires au pourcentage prélevés sur le disponible et des honoraires au temps passé. Pour les premiers honoraires, il apparaît qu'ils ont été prélevés sur la trésorerie existante, puis sur les loyers, puis sur les règlements effectués. Ces honoraires ne sont pas justifiés, en ce qu'ils portent notamment sur des recettes qui sont antérieures à la mesure d'administration judiciaire. De surcroît, ils ne devraient pas se cumuler avec des honoraires au temps passé.
Les honoraires au temps passé doivent être réduits parce que le temps passé aux assemblées générales a, dans une large mesure, porté sur des questions qui ne relevaient pas de la mission de l'administrateur judiciaire : transfert de décision sur les travaux à réaliser, vente de l'immeuble, budget prévisionnel.
Les diligences de deux intervenants extérieurs se sont cumulées avec le temps décompté par l'administrateur judiciaire (factures THOMAS COURCEL avocats et DBF AUDIT experts comptables) et doivent donner lieu à réduction, car ils auraient dû être rétribués sur les propres honoraires revenant à Maître [N] [T]. Par ailleurs, le montant des honoraires facturés par la SOCIETE DBF AUDIT a dépassé le montant initialement prévu de 1200€ HT, parce que les diligences effectuées ont dépassé le champ des prestations autorisées par la convention.
Par courrier recommandé avec AR en date du 18 février 2019, la SCI [Adresse 4], représentée par sa gérante Madame [K] [R], soutient que les deux ordonnances de taxe doivent être réformées, en ce que la rémunération accordée à l'administrateur judiciaire doit être supprimée, car la mission n'a pas été exécutée.
La SCI [Adresse 4] fait valoir, qu'en vertu de la mission confiée, il incombait à Maître [N] [T] de commander sans délai les travaux les plus urgents, afin d'assurer la mise en sécurité et la réfection du mur pignon de l'immeuble qui était dangereux. Ces travaux pouvaient être financés, car ils ne représentaient que 20% de la trésorerie disponible. Or, Maître [T] n'a pas passé l'ordre de travaux et n'a invité les associés à statuer sur cette question que huit jours avant la fin de sa mission, lors de l'assemblée générale tenue le 11 avril 2018.
En réalité, Maître [N] [T] s'est orientée, dès la première réunion (19 juin 2017), vers la mise en oeuvre d'une vente de l'immeuble, en proposant de faire procéder à une expertise payante de l'immeuble par le CABINET SOREXI, alors même que les associés n'ont jamais envisagé une vente. Elle a fait délibérer l'assemblée générale des associés sur son projet de vente les 27 septembre 2017, 9 janvier 2018, 9 février 2018 et 11 avril 2018. et ce projet a toujours été refusé. Cette vente n'avait pas non plus à être recherchée au travers de l'intérêt de Madame [L], lorsque les parts sociales de celle-ci ont été saisies. Par ailleurs, l'avenir de la société était étroitement liée au sort de son principal actif et s'il y avait vente, la dissolution de la société aurait dû être envisagée mais elle n'a jamais été prévue à l'ordre du jour.
De surcroît, un logement ainsi que des emplacements de parking n'ont pas été reloués pendant la durée de la mission de l'administrateur judiciaire, ce qui n'a fait que fragiliser la trésorerie de la société.
Maître [N] [T] a, par ailleurs, eu recours à des prestataires extérieurs dans des conditions douteuses. C'est ainsi qu'elle a sollicité Monsieur [K], architecte, sans lettre de mission, pour une mission de conseil et d'assistance. Celui-ci a établi un constat d'état de l'immeuble totalement inutile, puisque tout le monde savait que des travaux étaient nécessaires sur le mur pignon suite aux courriers de la Préfecture et de la mairie. Il a émis l'idée que l'issue la plus favorable serait de procéder à la vente de l'immeuble et a même évoqué une surélévation de l'immeuble pour le futur acquéreur. Il a mélangé conseil d'architecte, audit financier et conseil en patrimoine. Surtout, il n'a absolument pas rappelé à l'administrateur judiciaire les risques qui existaient pour la sécurité des personnes si les travaux n'étaient pas effectués. Sa mission aurait dû être limitée à l'examen de devis. Il n'a finalement proposé qu'un seul devis de la société MG PEINTURE (devis établi le 20 juillet 2017) en dénigrant les devis proposés par les associés. Ce devis et ceux produits par les associés n'ont été soumis à l'assemblée générale qu'à la fin de la mission de Maïtre [N] [T].
Dès sa désignation, le 20 avril 2018, le nouveau gérant de la SCI [Adresse 4] (Madame [K] [R]) a sollicité l'entreprise KALISON pour réaliser les travaux. Ceux ci ont été mis en oeuvre pour le prix de 17283€ TTC (par rapport aux devis proposés par Monsieur [K] qui étaient de l'ordre de 22 000€HT) et un architecte expert près la cour d'appel de PARIS les a estimés conformes et préconisé leur réception sans réserve.
Maître [N] [T] a également eu recours à un cabinet d'expertise comptable DBF AUDIT pour dresser un bilan financier de la société , pour un coût de 5940€, alors que le bilan financier avait déjà été établi au 31 décembre 2016 et lui avait été communiqué en juin 2017.
Elle lui a confié la comptabilité de l'année 2017 et l'établissement de la liasse fiscale, alors que cela n'était nullement nécessaire pour une petite société n'ayant besoin que d'une comptabilité de caisse (6 logements loués et 4 parkings loués). Ces frais ont donc été engagés de façon totalement inutile.
Maître [N] [T] sollicite le rejet des contestations et la condamnation de Monsieur [E] [R] et de la SCI [Adresse 4] à lui payer une somme de 1200€ par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle déplore qu'elle soit désormais l'objet de la rancune des parties, alors qu'elle a respecté sa mission et les statuts de la société.
Elle rappelle que sa désignation a fait suite à la mésentente entre les deux associés principaux de la SCI [Adresse 4], situation qui n'avait pas permis la réalisation des travaux rendus nécessaires par l'état de l'immeuble malgré un dernier avis avant arrêté de péril, qui avait été notifié le 7 août 2016 par la Préfecture de police.
Elle explique que ses honoraires ont été normalement calculés sur la base d'un barème au pourcentage pour les opérations courantes et d'un barème au temps passé pour les opérations ponctuelles, en admettant l'absence de barème réglementaire. Les deux méthodes sont cumulatives, car elles ne rémunèrent pas les mêmes prestations. Les rubriques deniers encaissés, loyers encaissés et paiements aux créanciers ont donné lieu, de façon parfaitement régulière, à des honoraires au pourcentage, liés liés aux contraintes de gestion de l'administration judiciaire (notamment obligation de faire passer l'ensemble des opérations financières par la Caisse des Dépôts et Consignation). Pour les honoraires au temps passé, l'intérêt d'organiser l'assemblée générale réunie le 27 septembre 2017 n'entre pas dans les attributions du juge taxateur, étant rappelé que la réunion de cette assemblée générale avait été sollicitée par deux associés. Pour ce qui concerne la réalisation des travaux en litige, il ne lui appartenait pas de décider elle-même des travaux à commander et la question de la vente de l'actif social se posait dès lors que les travaux à effectuer étaient importants.
Les services du CABINET THOMAS - COURCEL, avocats, ont été sollicités parce qu'il était nécessaire d'apprécier la validité d'une cession de parts sociales qui avait été notifiée quelques jours avant une assemblée générale, ce qui risquait de remettre en cause cette assemblée. L'intervention d'un cabinet d'expertise comptable a, par ailleurs, été rendue nécessaire par l'importance des contraintes financières pesant sur la SCI [Adresse 4].
Régulièrement convoquées (AR signés le 18 janvier 2019) Madame [B] [L] et Madame [Y] [R] n'ont pas comparu. La convocation adressée à Madame [G] [R] à [Localité 3] a été retournée avec la mention 'inconnue à l'adresse indiquée'. Sur les diligences de Monsieur [E] [R], elle a été assignée à comparaître pour l'audience du 8 avril 2019, l'acte d'huissier en date du 7 mars 2019, ayant été remis en l'étude.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Sur la jonction des deux contestations;
Les contestations énoncées par Monsieur [E] [R] d'une part et la SCI [Adresse 4], représentée par Madame [K] [R], d'autre part, portent sur la même mission de Maître [N] [T].
Il y a donc lieu d'ordonner la jonction des deux instances n°18/19991 et 19/06138.
Sur la recevabilité des contestations;
Par application de l'article 714 du code de procédure civile, l'ordonnance de taxe rendue par le président d'une juridiction en premier ressort peut faire l'objet d'un recours dans le délai d'un mois de sa notification.
La contestation énoncée par Monsieur [E] [R] a été formée en temps utile.
La contestation formée par la SCI [Adresse 4] ne peut être considérée comme tardive, car il n'a pas été justifié que les ordonnances de taxe lui aient été notifiées le 6 juillet 2018.
Par application de l'article 715 du code de procédure civile, le recours doit être dénoncé simultanément à toutes les parties au litige principal à peine d'irrecevabilité . Il a été justifié par Monsieur [E] [R] de cette dénonciation, dès le 6 août 2018, pour toutes les parties concernées (Maître [T], SCI [Adresse 4], Madame [K] [R], Madame [G] [R], Madame [Y] [R] et Madame [B] [L]).
Il en a été de même pour le recours formé par la SCI [Adresse 4].
Les contestations doivent en conséquence être déclarées recevables.
Sur la contestation des honoraires réglés à Maître [N] [T];
Par application de l'article 721 du code de procédure civile, la rémunération de l'administrateur judiciaire est appréciée en fonction de la nature et de l'importance du travail effectué, des difficultés rencontrées et des responsabilités encourues.
De façon globale, Monsieur [E] [R] et la SCI [Adresse 4] remettent en cause les honoraires réglés à Maître [N] [T], parce que l'importance des honoraires dus et frais exposés, du fait de la mise en oeuvre de la mission, confiée par l'ordonnance de référé rendue le 20 avril 2017, ne s'est pas concrétisée par des résultats tangibles pour ce qui concerne la réalisation des travaux, qui ont été la cause première de la mission. C'est en fait l'utilité même de la mission qui est mise en doute, tout particulièrement pour les modalités de prise de décision afférentes à réalisation des travaux nécessaires pour la mise en sécurité de l'immeuble, ce qui explique que les honoraires taxés soient contestés pour leur totalité ou quasi totalité.
Il est principalement soutenu que la mission confiée à Maître [N] [T] n'a pas été exécutée, parce que la décision de mise en oeuvre des travaux n'a pas été prise par l'administrateur judiciaire, qui a préféré soumettre cette question aux associés à compter du mois de janvier 2018, alors que le blocage de la société provenait de l'absence de prise de décision sur cette question, en raison de la mésentente familiale affectant le fonctionnement de la SCI [Adresse 4]. Les travaux nécessaires n'ont donc pas été réalisés pendant le mandat de l'administrateur judiciaire. Ils n'ont été réalisés que, sous le mandat de la nouvelle gérante, désignée lors de l'assemblée générale tenue le 11 avril 2018.
Cette carence prétendue de l'administrateur judiciaire explique notamment que Monsieur [E] [R] conteste les honoraires afférents aux délibérations sur les travaux inscrites sur l'ordre du jour des assemblées générales prévues et/ou tenues les 9 janvier 2018, 9 février 2018 et 11 avril 2018. C'est la même carence prétendue qui justifie, pour l'essentiel, la contestation de la totalité des honoraires énoncée par la SCI [Adresse 4].
Il est constant que la lettre de mission, constituée par l'ordonnance de référé du 20 avril 2017 (pièce 1 [E] [R]), ne donne pas directement pouvoir à Maître [N] [T] d'engager les travaux nécessaires, puisqu'elle précise qu'elle administrera la société 'avec les pouvoirs du gérant' et que les devis afférents aux travaux devront être examinés par un architecte qui pourra, d'autre part, faire lui-même établir des devis. Il convient donc d'examiner le périmètre des pouvoirs du gérant de la SCI [Adresse 4], en vertu des statuts et des dispositions légales, pour définir les pouvoirs, qui étaient ceux de l'administrateur judiciaire pour la réalisation des travaux urgents, étant souligné que, tant Maître [N] [T], que les contestants de ses honoraires, affichent des positions opposées sur la question des pouvoirs de l'administrateur judiciaire, sans développer précisément ces positions.
Selon l'article 20 des statuts de la SCI (pièce 5 [E] [R]) '...le ou les gérants ...ont, à l'égard des tiers, les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société et faire toutes les opérations se rattachant à son objet social, sous réserve que ces opérations ne modifient en rien le caractère civil de la société. Dans les rapports entre associés, le gérant ou chacun des co-gérants ne peut vendre ou hypothéquer les immeubles sociaux qu'avec l'accord de la collectivité des associés donné par décision ordinaire....'.
Les statuts n'instaurent donc une limite aux pouvoirs du gérant que pour le cas d'une vente d'un immeuble appartenant à la société.
L'article 1848 du code civil, applicable aux sociétés civiles, dispose que 'dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société'.
Il est, en l'occurrence, établi que, par courrier, en date du 7 août 2016, la Préfecture de police a notamment mis en demeure la SCI [Adresse 4] de faire procéder à des travaux destinés à assurer la parfaite stabilité des maçonneries et des enduits constitutifs du mur séparant les propriétés des 37 et [Adresse 9] (pièce 10 SCI). Cette mise en demeure a été rappelée dans la motivation de l'ordonnance de référé du 20 avril 2017, qui a souligné que l'avenir de la société dépendait de la décision d'engager les travaux urgents et qu'il existait un blocage empêchant la mise en oeuvre de ces travaux, en raison des discussions opposant les associés sur l'étendue des travaux à entreprendre.
Il ne fait donc pas de doute que ces travaux étaient au coeur de la mission de l'administrateur provisoire et que le principe de leur réalisation était conforme à l'intérêt premier de la société.
Maître [N] [T], ès qualités, n'a pas expliqué en quoi ses pouvoirs de gérant ne lui permettaient pas de prendre la décision d'engager les travaux après avoir pris le soin de recueillir les observations des associés et l'avis d'un architecte (comme préconisé par l'ordonnance du 20 avril 2017) pour surmonter le blocage ayant justifié sa désignation.
Ainsi qu'il est rappelé par Monsieur [E] [R], Monsieur [K], architecte sollicité par l'administrateur judiciaire, avait visité l'immeuble, dès le mois de juin 2017, et sollicité des devis de travaux permettant d'écarter toute perspective de mesure administrative de péril. Le rapport de diligences, en date du 5 octobre 2017 (pièce 12 [E] [R]), rédigé par Maître [N] [T], révèle que plusieurs devis (dont l'un présenté par Monsieur [E] [R]) avaient été examinés en septembre 2017. La trésorerie disponible de la SCI [Adresse 4] était de l'ordre de 70 000€ et était légèrement supérieure au montant estimé des travaux selon les devis produits par l'architecte.
Les travaux n'ont, cependant, pas été engagés, même partiellement, alors qu'il y avait urgence puisque la sécurité des tiers était en cause, ce qui exposait la SCI [Adresse 4] à un risque juridique et financier de premier plan. Par ailleurs et malgré cette urgence, la question des travaux n'a pas fait l'objet d'une délibération lors de l'assemblée générale convoquée pour le 27 septembre 2017 (abstraction faite des pouvoirs dont disposait Maître [T]) puisque cette assemblée générale a d'abord été convoquée pour répondre à la demande de Madame [L] portant sur la vente de l'immeuble (pièce 10 [E] [R] et pièce 34 [K] [R]).
Ce projet de vente n'a jamais pu être adopté faute de majorité.
Il est constant que, pendant les 12 mois de sa mission, la réalisation des travaux urgents n'a pas été mise en oeuvre par Maître [N] [T], alors que la trésorerie nécessaire était disponible et alors que cette réalisation des travaux (ou l'impossibilité de les réaliser s'il n'y avait pas eu de financement) conditionnait l'avenir de la SCI [Adresse 4].
Si le rôle du juge taxateur n'est pas de dresser un inventaire des fautes éventuellement commises par l'administrateur judiciaire, il lui incombe cependant d'apprécier l'efficacité de l'ensemble des diligences entreprises par rapport à l'objectif de la mission confiée : si la vente de tout ou partie de l'actif social pouvait, au cas particulier, être envisagée en l'absence de financement et/ou de volonté exprimée clairement en ce sens par les associés, la mission première de Maître [N] [T] était d'administrer la société pour remédier au blocage mettant en cause l'intérêt de la SCI [Adresse 4], en raison de l'absence de réalisation de travaux urgents. Les modalités des diligences entreprises peuvent également être appréciées au regard de leur efficience et par rapport à leur coût pour une société familiale de taille modeste. En d'autres termes, il s'agit d'apprécier si les modalités de l'administration mise en oeuvre sont en rapport, c'est à dire, adaptées à la société civile qui est l'objet de cette administration.
A cet égard, c'est à juste titre que la SCI [Adresse 4] souligne qu'aucune lettre de mission précise (aucun contrat) n'a été conclue avec Monsieur [K], architecte, chargé de faire établir des devis de travaux et de les examiner, ce qui est en contradiction avec les règles déontologiques applicables en ce domaine. Cette situation n'a pas permis d'obtenir un rapport coût/prestations optimal pour la SCI [Adresse 4], puisque le périmètre d'intervention de l'architecte n'a pas été suffisamment cadré, en particulier pour le nombre de devis (une seule entreprise maintiendra son offre) et leurs modalités de recherches (caractéristiques exigées des entreprises), ainsi que le cadre financier à respecter.
L'administrateur judiciaire a également eu recours à la SA AUDIT DBF pour diverses prestations, étant rappelé que l'ordonnance du 20 avril 2017 l'a autorisé à recourir à une société d'expertise comptable pour établir un bilan de la situation financière de la société 'si nécessaire'. Selon un courrier du 18 juillet 2017 (pièce 39 [E] [R]), la SA AUDIT DBF a proposé d'établir les comptes de l'année 2017 et la liasse fiscale pour un montant évalué à 1200€ HT. Outre le fait que la complexité de la situation comptable de la SCI [Adresse 4] n'a pas été mise en évidence pour justifier de l'établissement des comptes par ce cabinet d'expertise comptable, les prestations facturées se sont en définitive établies à la somme de 4950€ HT (pièces 68 à 72 SCI) en raison de prestations supplémentaires non initialement prévues, telles que la préparation de l'assemblée générale du 11 avril 2018. Cette situation concrétise un manque de rigueur dans la gestion des frais pour une petite société familiale aux facultés financières limitées.
Pour ce qui concerne la gestion locative courante, au moins un logement (appartement ZYLBERTEIN - pièce 10 [E] [R]) est devenu vacant pendant l'administration de Maître [N] [T], mais aucune remise en location n'est intervenue avant la fin de la mission, puisque les frais de diagnostic ne sont enregistrés sur les comptes de l'administrateur qu'à la date du 13 avril 2018, situation qui n'a pas pu contribuer à l'amélioration des finances de la société.
Au total, il résulte des débats et pièces produites, qu'au cours de sa mission, Maître [N] [T] a effectué les diligences au titre desquelles elle a sollicité sa rémunération selon les barèmes qui ont été présentés pour justifier du calcul de cette rémunération (les barèmes appliqués n'étant absolument pas en cause dans cette affaire). Mais ces diligences n'ont pas été efficientes, parce que les travaux urgents, justifiant la mesure d'administration judiciaire, n'ont pas été mis en oeuvre, dans le temps ouvert pour la mission, sans qu'il puisse être retenu que des difficultés substantielles aient empêché cette réalisation, qu'il s'agisse des facultés de financement de la société, ou des pouvoirs conférés à l'administrateur-gérant. Cette situation caractérise une défaillance certaine de l'administrateur parce que la sécurité des tiers était en cause (sans que cela puisse signifier, d'une quelconque façon, que l'administrateur judiciaire serait tenu à une obligation de résultat). Par ailleurs, les modalités de l'administration judiciaire n'ont pas été adaptées à la situation particulière de la SCI [Adresse 4] car les dépenses (honoraires d'architecte, honoraires d'expert comptable) n'ont pas été gérées avec la rigueur requise, et possible, au regard des disponibilités financières limitées de la société. La SCI [Adresse 4] est donc fondée à soutenir que sa situation n'a pas progressé pendant les 12 mois de l'administration judiciaire et que la rémunération sollicitée n'est pas justifiée.
Les ordonnances de taxe contestées doivent donc être infirmées et la double demande de rémunération présentée par Maître [N] [T], rejetée.
Il n'est cependant pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés à l'occasion de cette instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
ORDONNONS la jonction des instances RG 18/19991 et RG 19/06139 engagées respectivement par Monsieur [E] [R] et la SCI [Adresse 4] représentée par Madame [K] [R];
DECLARONS Monsieur [E] [R] et la SCI [Adresse 4] recevables en leurs contestations des honoraires de Maître [N] [T] taxés les 8 novembre 2017 et 29 juin 2018 par le Président du tribunal de grande instance de PARIS pour des montants respectifs de 5442,50€ TTC et 5773,39€ TTC;
INFIRMONS les ordonnances de taxe rendues les 8 novembre 2017 et 29 juin 2018;
DEBOUTONS Maître [N] [T] en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SCI [Adresse 4] pour la période du 20 avril 2017 au 20 avril 2018 de sa demande d'honoraires afférente à cette mission;
ORDONNONS en tant que de besoin la restitution à la SCI [Adresse 4] des honoraires perçus par Maître [N] [T];
REJETONS les prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNONS Maître [N] [T] aux dépens.
ORDONNANCE rendue par Mme Madeleine HUBERTY, Conseillère, assistée de Sonia DAIRAIN, greffière lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère,