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21/06/2019 | FRANCE | N°19/01087

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 21 juin 2019, 19/01087


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 21 JUIN 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01087 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DJM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de Creteil - RG n° 18/03998





APPELANTS



SASU CHATILLON prise en la personne de son prési

dent, Madame [L] [C], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 804 859 742 00012



SELARL BARONNIE - LANGET ès qualités d'administrateur judiciair...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 21 JUIN 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01087 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DJM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de Creteil - RG n° 18/03998

APPELANTS

SASU CHATILLON prise en la personne de son président, Madame [L] [C], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 804 859 742 00012

SELARL BARONNIE - LANGET ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CHATILLON, mission conduite par Maître Maxime Langet, désigné à ces fonctions par jugement rendu le 6 juin 2018 par le tribunal de commerce de Créteil

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 815 000 856 00014

Monsieur [P] [B] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CHATILLON, désigné à ces fonctions par jugement rendu le 6 juin 2018 par le tribunal de commerce de Créteil

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Madame [L] [D] épouse [C]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Tous représentés par Me Morgan JAMET de la SELARL Arst Avocats, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739

INTIMES

Monsieur [E] [A] [H] ès qualités de mandataire ad hoc de la société DU MANSLOIS, désigné en cette qualité par ordonnance du TGI de la Rochelle en date du 05 Mai 2017

[Adresse 4]

[Adresse 4]

SCI DU MANSLOIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

N° SIRET : 523 591 022 00018

Représentés tous deux par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Me Sophie KOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : P315

SAS RLPG DEVELOPPEMENT agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

N° SIRET : 505 066 340 00041

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocat plaidant Me Isabelle CABRE HAMACHE du Cabinet LOGELBACH ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : K42

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Claude CRETON, Président

Mme Christine BARBEROT, Conseillère

M. Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Claude CRETON dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Thi Bich Lien PHAM

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Thi Bich Lien PHAM, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 13 novembre 2014, la SCI du Manslois a vendu à la société Chatillon, dont la gérante est Mme [C], un ensemble immobilier pour un prix de 930 000 euros financé au moyen d'un emprunt bancaire remboursable en 180 mensualités de 6 333,33 euros.

Au jour de la vente, ce bien avait été donné en location à la société RPLG développement qui exploitait un fonds de commerce à l'enseigne Leader Price.

Par acte du 4 mars 2016, la société RPLG développement a délivré à la société Chatillon un congé pour l'échéance du 31 octobre 2019.

La société Chatillon, qui n'a pu relouer les locaux, a été placée sous sauvegarde le 6 juin 2018.

La société Chatillon et Mme [C] ont assigné à jour fixe la SCI du Manslois et la société RPLG développement en nullité du contrat de vente, à titre principal sur le fondement du dol et à titre subsidiaire sur le fondement de l'erreur, et en paiement de dommages-intérêts. Plus subsidiairement, elles ont réclamé la condamnation des défendeurs à leur payer des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis.

Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Créteil a :

- reçu en leur intervention volontaire la SELARL [X] et M. [B], respectivement administrateur judiciaire et mandataire judiciaire de la société Chatillon ;

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation ;

- déclaré irrecevables les demandes de la société Chatillon et de Mme [C] en annulation de la vente ;

- rejeté leurs demandes indemnitaires ;

- débouté la SCI Manslois, représentée par son mandataire ad'hoc, et la société RPLG développement de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamné in solidum la société Chatillon, la SELARL [X], M. [B] et Mme [C] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 4 000 euros à la SCI Manslois ainsi qu'à la société RLPG développement.

La société Chatillon, la SELARL [X], M. [B], ces deux derniers agissant ès qualités, et Mme [C] ont interjeté appel de ce jugement.

Ils justifient d'abord avoir fait publier l'assignation en nullité de la vente dans les registres du service de la publicité foncière.

Sur le dol, ils font valoir que la SCI Manslois lui a dissimulé la situation économique du locataire et le caractère excessif, voire artificiel, du loyer.

Ils indiquent d'abord que la SCI Manslois s'est délibérément abstenue de communiquer à la société Chatillon les comptes sociaux de la société RLPG développement, ce qui aurait permis à l'acquéreur d'évaluer la situation financière de cette dernière.

Ils ajoutent que le loyer d'un montant annuel de 95 000 euros était surévalué par rapport au chiffre d'affaires réalisé par la société RLPG développement. Ils précisent que ce loyer est d'un montant identique à celui qui avait été fixé en 2007 avec la société Guignard promotion sur la base de prévisions d'un chiffre d'affaires trois fois inférieur à celui réalisé par la société RLPG développement.

Ils indiquent qu'en outre la SCI du Manslois avait connaissance avant la vente de la volonté du preneur de cesser son activité et fondent cette affirmation sur le fait que les associés de la SCI du Manslois et ceux de la société RLPG développement ont des liens familiaux.

La société Chatillon demande en conséquence à la cour d'annuler le contrat et de condamner la SCI du Manslois et la société RLPG développement à lui payer la somme de 98 735,94 euros correspondant aux frais d'acquisition du bien. Mme [C] réclame la condamnation de la SCI du Manslois et de la société RLPG développement à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur l'erreur invoquée à titre subsidiaire, ils font valoir que la société Chatillon a commis une erreur sur le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société RLPG développement, entraînant une surévaluation du loyer, ce qui a entraîné une erreur sur la rentabilité de l'investissement.

La société Chatillon demande en conséquence à la cour d'annuler le contrat et de condamner la SCI du Manslois à lui payer la somme de 98 735,94 euros correspondant aux frais d'acquisition du bien. Mme [C] réclame la condamnation de la SCI du Manslois à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.

A titre encore plus subsidiaire, ils reprochent à la SCI du Manslois d'avoir manqué à son obligation précontractuelle d'information et sollicitent sa condamnation à payer à la société Chatillon la somme de 850 000 euros à titre de dommages-intérêts compensant le préjudice constitué par la différence entre le prix de vente du bien et sa valeur réelle ainsi que la somme de 88 735,94 euros au titre des frais d'acquisition du bien. Mme [C] réclame de son côté la condamnation de la SCI du Manslois à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.

La société Chatillon et Mme [C] sollicitent enfin la condamnation de la SCI du Manslois et de la société RLPG développement à payer à chacune la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI du Manslois, formant un appel incident, conclut à la nullité de l'assignation délivrée à son encontre devant le tribunal au motif que cet acte, soumis à publication au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles, ne contient pas "les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier", notamment la désignation cadastrale de l'immeuble, ainsi que l'exige l'article 56-4° du code de procédure civile, empêchant ainsi la publication de cet acte. Elle ajoute que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'inobservation de cette formalité est sanctionnée par une nullité de fond.

A titre subsidiaire, la SCI du Manslois conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il déclare irrecevables des demandes faute de justification de la publication de l'assignation par un certificat du service de la publicité foncière. Elle ajoute que la justification de l'assignation à jour fixe devant la cour ne permet pas de couvrir l'absence de publication de l'assignation à jour fixe devant le tribunal, l'article 28-c du décret du 4 janvier 1955 prescrivant la publication de la demande en justice.

Sur le fond, la SCI du Manslois conclut au rejet des demandes en nullité de la vente et en paiement de dommages-intérêts.

Elle réclame enfin la condamnation de la société Chatillon et de Mme [C] à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

1 - Sur la nullité de l'assignation

Attendu que le non-respect des mentions prévues à l'alinéa 1er de l'article 56 du code de procédure civile est sanctionné par la nullité de l'acte pour vice de forme ; qu'en l'absence de justification d'un grief, cette nullité n'est pas encourue ;

2 - Sur la recevabilité des demandes

Attendu qu'il est constant que l'assignation à jour fixe devant la cour a été publiée au service de la publicité foncière ; que cet acte formulant les demandes d'annulation de la vente litigieuse, ces demandes sont recevables ;

3 - Sur le bien fondé des demandes

- Sur le dol

Attendu que la société Chatillon et Mme [C] font valoir que le dol résulte d'abord du fait que la SCI du Manslois ne leur a pas donné d'informations sur la situation économique du locataire, notamment son chiffre d'affaires ; que toutefois, ces éléments, faute pour la société Chatillon de les avoir fait entrer dans le champ contractuel, ne sont pas déterminants du consentement de l'acquéreur d'un bien immobilier dont la valeur ne dépend pas de la situation de son locataire ; qu'en outre, il résulte des écritures de la société Chatillon et de Mme [C] que plus que la situation financière du preneur, elles ont pris en considération son appartenance au groupe Casino ;

Attendu que la société Chatillon et Mme [C] fondent ensuite leur demande sur le caractère excessif du loyer ; qu'il résulte toutefois du dossier que lorsque la SCI du Manslois a acquis le bien litigieux, celui-ci était loué à un loyer qui avait été fixé entre le vendeur et le preneur ; qu'en l'absence d'élément de preuve, il ne peut être reproché à la SCI du Manslois d'avoir trompé la société Chatillon et Mme [C] en fixant, en accord avec le preneur, un loyer ne correspondant pas à la valeur locative des locaux et sans proportion avec le chiffre d'affaires réalisé par le preneur ;

Attendu que la société Chatillon et Mme [C] soutiennent enfin que la SCI du Manslois, qui n'ignorait ni les difficultés rencontrées par le preneur ni le caractère artificiel du loyer avait connaissance de la volonté de celui-ci d'arrêter son activité au sein des locaux, le congé n'ayant été délivré qu'après la vente du bien d'un commun accord entre la SCI du Manslois et son locataire. Ils déclarent rapporter cette preuve par le fait que les associés de la société RLPG Chatillon-sur-Indre, aux droits de laquelle est venue la société RLPG développement, appartiennent à la même famille que des associés de la SCI du Manslois ;

Attendu outre que le risque du départ du locataire au terme de la période triennale du bail commercial ne peut être méconnu par l'acquéreur du bien, notamment lorsque celui-ci, comme Mme [C] investit habituellement dans l'immobilier commercial, aucun élément n'établit que la SCI du Manslois savait que le locataire allait mettre fin au bail, encore moins que la délivrance du congé a été différée pour permettre à la SCI du Manslois de vendre son bien dans les meilleures conditions, la résiliation du bail par le locataire ne pouvant intervenir qu'au terme d'une période triennale ; que cette preuve ne peut résulter de l'existence de liens entre des associés de la SCI du Manslois et des associés de la société Chatillon-sur-Indre, situation qui n'existait d'ailleurs plus au moment de la vente ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que la société Chatillon n'apporte pas la preuve du dol allégué ; qu'il convient en conséquence de rejeter la demande en nullité de la vente et en paiement de dommages-intérêts ;

- Sur l'erreur

Attendu que la société Chatillon soutient qu'elle a commis une erreur sur le montant du chiffre d'affaires réalisé par le locataire, la société RLPG développement, partant sur la rentabilité économique de l'opération ; qu'elle explique que le loyer a été à l'origine fixé entre l'ancien propriétaire, la société Guignard promotion, et l'ancien locataire, la société Leader Price sur la base de prévisions de chiffre d'affaires qui ont été maintenues lors de la reprise du bail par la société RPLG Chatillon-sur-Indre mais que celle-ci n'a pas atteint, son chiffre d'affaires étant près de trois fois inférieur au chiffre d'affaires prévisionnel ;

Attendu cependant que le chiffre d'affaires réalisé par le locataire d'un local commercial ne constitue pas une qualité substantielle du bien objet d'une vente immobilière ; que ne constitue pas davantage une telle qualité la rentabilité économique d'un investissement immobilier lorsque cette rentabilité n'est pas entrée dans le champ contractuel ;

Attendu que la société Chatillon n'est donc pas fondée à réclamer la nullité de la vente litigieuse sur le fondement d'une erreur ; qu'il convient de la débouter ainsi que Mme [C] de leurs demandes ;

- Sur la responsabilité de la SCI du Manslois pour manquement à son obligation d'information

Attendu qu'en sa qualité de vendeur d'un local commercial, la SCI de Manslois n'était pas tenue de transmettre à la société Chatillon des informations relatives au chiffre d'affaires de son locataire dont il n'est en outre pas justifié qu'elle en avait connaissance ; qu'il convient en conséquence de rejeter les demandes de la société Chatillon et de Mme [C] ;

3 - Sur la demande de la SCI du Manslois

Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol ; qu'en l'espèce, la SCI du Manslois ne rapporte pas la preuve d'une telle faute et sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

4 - Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il convient de condamner la société Chatillon et Mme [C] à payer à la SCI du Manslois la somme de 3 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement

Confirme le jugement sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de la société Chatillon et de Mme [C] ;

Déboute la société Chatillon et Mme [C] de leurs demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Chatillon et de Mme [C] et les condamne in solidum à payer à M. [H], ès qualités de mandataire ad'hoc de la SCI du Manslois la somme de 3 000 euros ;

Les condamne in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement, pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, par Maître Teytaud conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 19/01087
Date de la décision : 21/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G1, arrêt n°19/01087 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-21;19.01087 ?
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