Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 19 JUIN 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15814 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35MC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/16575
APPELANTS
Monsieur [O] [G]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1] (TUNISIE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [K] [G]
née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 3] 15ème
[Adresse 1]
[Localité 2]
Monsieur [L] [W]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 4] (MAROC)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Me Salah GUERROUF, avocat au barreau de PARIS, toque : D1952
INTIMÉE
SCI BIZOT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 444 998 926
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Lisa PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0813
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre
Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Madame Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé en date du 28 janvier 2008, la SCI Bizot a donné bail à la SARL Mazal 25, aux droits de laquelle vient la SARL Chalom's, divers locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 4] pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 28 janvier 2008 pour se terminer le 27 janvier 2017 moyennant un loyer mensuel de 2.800 euros TTC et toutes charges comprises et à destination de 'tous commerces, boulangerie, pâtisserie, traiteur etc conforme au règlement de copropriété'.
Par actes sous seing privé du 13 juin 2008, M. [O] [G], gérant de la SARL Chalom's, Mme [K] [G] et M. [L] [W], associés de cette société, se sont portés cautions personnelles et solidaires de la SARL Chalom's pour le paiement des loyers, dépôts de garantie, charges et accessoires et pour l'exécution de l'intégralité des conditions du bail à effet du 18 juin 2008.
Par jugement du 20 mai 2014, la SARL Chalom's a été placée en redressement judiciaire.
Par jugement du 23 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :
- prononcé la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la SCI Bizot,
- dit que la créance de la SCI Bizot sera inscrite au passif de la SARL Chalom's à hauteur de la somme de 40.241,67 euros.
Par acte du 3 novembre 2014, la SCI Bizot a assigné M. [O] [G], Mme [K] [G] et M. [L] [W] devant le tribunal de grande instance, au visa des articles 2288 et suivants du code civil pour obtenir en leur qualité de caution solidaire leur condamnation au paiement de la somme de 56.942,50 euros, au titre du solde locatif dû par la société Chalom's au 31 octobre 2014.
Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
- Rejeté la demande de nullité des actes de cautions signés le 13 juin 2008, par M. [O] [G], Mme [K] [G] et M. [L] [W] ;
- Condamné solidairement M. [O] [G], Mme [K] [C] et M. [L] [W] à verser à la SCI Bizot la somme de 40 241,67 euros ;
- Condamné in solidum M. [O] [G], Mme [K] [G] et M. [L] [W] à payer à la SCI Bizot la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à ordonner1'exécution provisoire ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamné M. [O] [G], Mme [K] [G] et M. [L] [W] aux dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 2 août 2017, M. [O] [G], Mme [K] [G] et M. [W] ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 5 octobre 2017, M. [O] [G], Mme [K] [G] et M. [W] demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
Vu les dispositions de l'article 1326 du code civil,
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel rendu le 22 juin 2017 par le Tribunal de grande instance de Paris,
Statuant à nouveau de :
- Juger nuls et de nul effet les cautionnements souscrits par M. et Mlle [G] ainsi que de M. [W] en raison de leur irrégularité formelle au regard des dispositions des articles L-341-2/L-341-3 du Code de la consommation,
- Juger nuls et de nul effet les cautionnements souscrits par M., et Mlle [G] ainsi que de M. [W] en raison de leur irrégularité formelle au regard des dispositions de l'article 1326 du Code civil.
A titre subsidiaire :
-Débouter la SCI Bizot de sa demande en paiement des loyers et charges à l'encontre de M. et Mlle [G] et ce, conformément aux dispositions des articles 2229 et 2313 du Code civil.
A titre très subsidiaire :
- Ordonner la décharge de l'obligation de paiement de M. et Mlle [G] ainsi que de M. [W] en raison de la faute commise par la SCI Bizot à l'encontre de la société Chalom's caractérisée par le manquement à son obligation de délivrance d'un local apte et conforme à la destination convenue de restauration
En toute hypothèse :
- Condamner la SCI Bizot à payer à M. et Mlle [G] ainsi qu'à M. [W] une indemnité respective de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 23 novembre 2017, la SCI Bizot demande à la cour de :
- Débouter les appelants de leur appel.
- Confirmer le jugement déféré.
- Condamner, solidairement, les appelants à payer à la SCI Bizot :
la somme de 40.241,67 €, montant des loyers dus par la société Chalom's entre le 26 février 2012 et le 20 mai 2014,
une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner les appelants aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Lisa Pasquier.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 janvier 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de nullité du cautionnement
Les appelants font valoir que seule la mention en chiffres de la somme garantie apparaît dans les cautionnements litigieux qui ne respectent pas les mentions manuscrites des articles L.341-2 et L. 341-3 du code de la consommation et donc le formalisme de ces dispositions, prescrites à peine de nullité, la SCI BIZOT devant être considérée comme un créancier professionnel.
La SCI Bizot répond qu'elle est une société civile immobilière qui gère son propre
patrimoine, et qui ne peut donc être considérée comme un créancier professionnel, que l'engagement contracté en faveur de la société qu'ils administraient a un caractère commercial en ce que M. [O] [G] était le gérant de la société CHALOM'S, et Mme [G] associée co-fondatrice de la société, que la preuve est libre en droit commercial et qu'en conséquence, les dispositions de l'article 1326 du code civil ne s'appliquent pas
à la caution qui a un intérêt patrimonial à l'opération garantie ce qui est l'hypothèse de celui qui se porte caution d'une société qu'il dirige.
La cour rappelle que l'article L.341-2 du code de la consommation dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, énonce que :« toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X... dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de.... je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X....n'y satisfait pas lui-même. ''
Toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu'elle s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu'il soit commercial ou civil, des mentions manuscrites exigées par les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation.
Aux termes de l'article L 341-2 du code de la consommation, la condition relative à la caution personne physique ne distingue pas selon sa qualité, son intérêt dans la société, la nature de la dette principale.
La qualité de créancier professionnel se définit comme celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles même si celle-ci n'est pas principale.
Constitue une activité professionnelle au sens de ce texte celle d'une personne morale qui, en vertu de son objet social, procure, sous quelque forme que ce soit des revenus s'agissant d'immeubles en propriété ou en jouissance, le nombre d'immeubles sur lequel s'exerce cette activité étant indifférent.
Il résulte des actes de cautionnement qu'ils ont été recueillis en garantie du paiement des loyers, dépôt de garantie, charges et accessoires et de l'exécution de l'intégralité des conditions du bail commercial concédé à la société Chalom's.
Le cautionnement accordé lors de la signature du bail relatif à un bien immobilier lui appartenant est donc en relation directe avec l'objet de la SCI Bizot, qui selon l'extrait
Kbis, versé aux débats porte à la rubrique 'objet social' la mention « Activité principale de l'entreprise : Gestion immobilière ».
Le cautionnement a donc été consenti dans le cadre de l'activité professionnelle de la SCI Bizot, puisqu'il a pour but de garantir le paiement des loyers, contrepartie du bail concédé. Le volume d'activités exercé par la SCI Bizot n'a pas à être pris en considération ni le fait que son activité soit limitée à la gestion de son propre patrimoine.
En conséquence, les dispositions du code de la consommation s'appliquent.
En l'espèce, les cautionnements sont ainsi rédigés : 'je me porte caution personnelle et solidaire jusqu'à la date du 27/01/2017 dans la limite de 238 015 euros pour le paiement des loyers, dépôt de garantie, charges, accessoires et de l'exécution de l'intégralité des conditions du bail à effet du 18/06/08. Je confirme renoncer au bénéfice de discussion et avoir pleinement enregistré la nature et l'étendue des obligations contractées.
Il y a lieu de souligner que les cautionnements ne reprennent pas la mention manuscrite prescrite par l'article L 341-2 du code de la consommation.
L'omission dans l'acte de cautionnement de la mention 'je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X....n'y satisfait pas lui-même.' qui a pour but de permettre à la caution de mesurer la portée de son engagement rend le cautionnement irrégulier.
L'absence de reproduction dans les actes de cautionnement de M. [G], Mme [G] et M. [W] de la mention manuscrite prescrite par l'article L 341-2 du code de la consommation implique que les engagements de caution de M. [G], Mme [G] et M. [W] soient déclarés nuls et la SCI Bizot déboutée de sa demande en paiement à leur égard.
Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de condamner la SCI Bizot à verser à M. [G], Mme [G] et M. [W] la somme globale de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; l' intimée sera déboutée de sa demande de ce chef.
La SCI Bizot, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate la nullité des engagements de caution de M. [G], Mme [G] et M. [W] recueillis par acte du13 juin 2008, envers la SCI Bizot, en garantie du paiement des loyers, dépôt de garantie, charges et accessoires dus par la société Chalom's,
Déboute la SCI Bizot de sa demande en paiement de la somme de 40 241,67€ en principal,
Condamne la SCI Bizot à payer à M. [G], Mme [G] et M. [W] la somme globale de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SCI Bizot aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE