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19/06/2019 | FRANCE | N°17/12003

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 19 juin 2019, 17/12003


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 19 JUIN 2019



(n° 2019/354, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/12003 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3RJB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015000564





APPELANT



Monsieur [C] [U]

Né le [Date naissance 1] 1

965 à [Localité 1] (95)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Chloé GOLDBERG-ABERGEL, avocat au barreau d'ESSONNE

Représenté par Me Aurélie SEGONNE-MORAND, avocat au barreau de VERSAI...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 19 JUIN 2019

(n° 2019/354, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/12003 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3RJB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015000564

APPELANT

Monsieur [C] [U]

Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] (95)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Chloé GOLDBERG-ABERGEL, avocat au barreau d'ESSONNE

Représenté par Me Aurélie SEGONNE-MORAND, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C220

INTIMÉES

SA INTERFIMO prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de sous le numéro 702 010 513

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis-Clotaire LAURENT, avocat au barreau de PARIS, toque : R010

SA CREDIT LYONNAIS, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général en son siège central [Adresse 3], prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de sous le numéro 954 509 741

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée par Me André CUSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0159

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Monsieur Marc BAILLY, Conseiller

Madame Pascale LIEGEOIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par Anaïs CRUZ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

Le 15 juillet 2010, la société Le crédit lyonnais à consenti à la société à responsabilité limitée Pharmacie de Pen Ar C'hra un prêt d'un montant de 1 151 348 euros, rembousable en 144 mensualités d'un montant de 9 380,17 euros, destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce d'officine de pharmacie situé [Adresse 5] avec la garantie de la société Interfimo.

Par acte sous seing privé du 28 mai 2010, M. [C] [U], gérant de la pharmacie, s'est porté caution personnelle et solidaire envers la société Interfimo dans la limite de la somme de 200 000 euros pour une durée de 14 ans.

Par jugement du 23 août 2012, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Pen Ar C'hra et la société Le crédit lyonnais a déclaré sa créance au titre du prêt pour un montant de 1 116 240,23 euros et un plan de cession a été arrêté le 3 octobre 2014 avec pour cessionnaire l'ancien propriétaire du fonds pour un montant de 370 000 euros.

Suivant quittance subrogative du 16 février 2015, la société Interfimo a payé à la société Le crédit lyonnais la somme de 697 060,24 euros correspondant à 16 échéances impayées et le capital restant dû, après déduction par l'établissement prêteur du règlement reçu de 330 770 euros.

La société Interfimo a mis en demeure M. [C] [U], par courrier recommandé avec avis de réception du 18 février 2015, de lui payer la somme de 200 000 euros puis l'a assigné en paiement par acte d'huissier de justice du 18 mai 2015 devant le tribunal de commerce de Paris.

Par acte d'huissier de justice du 2 juillet 2015, M. [C] [U] a appelé en garantie la société Le crédit lyonnais.

Par jugement en date du 11 mai 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

condamné M. [C] [U] à payer à la société Interfimo la somme de 200 000 euros, dans la limite de son engagement de caution, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2015 et capitalisation selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

débouté M. [C] [U] de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la société Interfimo,

dit irrecevables les demande formées par M. [C] [U] à l'encontre de la société Le crédit lyonnais sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

débouté M. [C] [U] de sa demande de condamnation formée à l'encontre de la société Le crédit lyonnais, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre lui ainsi que de sa demande de dommages-intérêts,

dit irrecevable dans le cadre de la présente instance la demande de M. [C] [U] de condamnation de la société Le crédit lyonnais à le garantir de la condamnation pouvant être prononcée contre lui par la cour d'appel de Rennes au profit de la société Healthcare répartition à hauteur de 152 000 euros,

condamné M. [C] [U] à payer à la société Interfimo et à la société Le crédit lyonnais la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné M. [C] [U] aux dépens.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 15 juin 2017, M. [C] [U] a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions notifiées le 13 février 2019 par M. [C] [U] qui demande à la cour de :

INFIRMER dans sa totalité le jugement rendu le 11 mai 2017 par le Tribunal de Commerce de PARIS sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de Monsieur [U] à l'encontre du CREDIT LYONNAIS sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour manquements contractuels lui ayant causé un préjudice ;

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que l'engagement de caution de Monsieur [C] [U] à hauteur de 200.000 € est manifestement disproportionné, Monsieur [C] [U] ne disposant pas du patrimoine pour faire face à ses engagements ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que le cautionnement de Monsieur [C] [U] lui est inopposable ;

DIRE ET JUGER que la société INTERFIMO a commis des fautes par la violation de ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, de nature à engager sa responsabilité ;

En conséquence,

CONDAMNER la société INTERFIMO à verser à Monsieur [C] [U] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier ;

DIRE ET JUGER que la société CREDIT LYONNAIS a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité par la violation de ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard de Monsieur [C] [U] et est directement responsable du préjudice financier subi par Monsieur [C] [U] ;

En conséquence,

CONDAMNER la société CREDIT LYONNAIS à garantir Monsieur [C] [U] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées par votre juridiction dans le contentieux qui l'oppose à la société INTERFIMO à hauteur de 200.000 € ;

CONDAMNER la société CREDIT LYONNAIS à verser à Monsieur [C] [U] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier.

En tout état de cause,

CONDAMNER la société INTERFIMO à verser à Monsieur [C] [U] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société CREDIT LYONNAIS à verser à Monsieur [C] [U] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER les sociétés CREDIT LYONNAIS et INTERFIMO aux entiers dépens,

en faisant principalement valoir que :

en application de l'article L. 332-1 du code de la consommation, la société Interfimo ne peut de prévaloir de l'acte de cautionnement du 26 mai 2010 alors que son engagement à hauteur de la somme de 200 000 euros est manifestement disproportionné, lors de sa souscription, à ses biens et revenus constitués par 40% d'un bien immobilier situé à [Localité 5] grevé d'un prêt soit d'une valeur résiduelle de 43 080 euros, une épargne personnelle d'un montant de 30 400 euros, les 144 600 euros de trésorerie de la société Pen Ar C'hra ayant été réinvestis dans l'acquisition de la nouvelle officine à [Localité 6] et la valeur des parts sociales détenues en totalité par la caution dans cette société devant tenir compte de l'emprunt souscrit pour l'acquisition de ce fonds comme du crédit vendeur contracté pour financer l'achat du stock, outre le complément du prix d'achat et des frais d'installation, soit une valeur résiduelle de 63 609 euros, de sorte que le montant de son patrimoine est de 81 689 euros auquel s'ajoutent ses revenus qui se sont élevés en 2009 à la somme de 34 793 euros, largement grevés par le déficit de l'activité menée par son épouse,

il n'est pas en mesure, au moment où il est appelé en paiement pour la somme de 200 000 euros de faire face à son obligation, n'ayant plus d'emploi après avoir occupé plusieurs postes de pharmacien salarié entre octobre 2017 et mars 2018, étant désormais séparé de son épouse et ayant été contraint de retourner vivre chez ses parents, le couple n'étant pas parvenu à vendre la maison située à [Localité 5] qui a été mise en location pour un loyer de 630 euros ne couvrant pas le remboursement du prêt ni les charges et ayant été recherché en paiement, en qualité de caution, par la société Alliance healthcare repartion principal fournisseur de son officine pour un montant de 152 000 euros, une première décision de condamnation ayant été annulée par la cour d'appel de Rennes faute de signification valable de la citation en justice de M. [C] [U] et une seconde procédure ayant abouti à une décision du tribunal de commerce de Paris du 11 décembre 2018 ayant retenu la disproportion de son engagement de caution et l'en ayant déchargé,

la société Interfimo, en sa qualité d'organisme de cautionnement a participé au montage financier opéré par la société Le crédit lyonnais pour l'acquisition de l'officine de pharmacie à [Localité 6] et a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de M. [C] [U], caution non avertie, sur les risques de l'opération tenant à une valorisation trop importante de la pharmacie et des difficultés de trésorerie comme sur la disproportion de son engagement au regard de son patrimoine et de ses revenus,

la société Le crédit lyonnais a manqué à son obligation de mise en garde alors qu'elle savait que le projet financé n'était pas viable au regard de la lourdeur du crédit et des perspectives de développement de l'officine, or elle n'a pas averti M. [C] [U] en sa qualité de dirigeant de la société emprunteuse des besoins en fonds de ce roulement ce montage financier complexe dépassant les compétences de M. [C] [U] en la matière lequel n'avait jamais participé à une opération mettant en jeu des sommes aussi importantes, ce crédit ruineux ayant conduit au dépôt de bilan de la société Pen Ar C'hra, la banque ayant refusé lors des premières difficultés de trésorerie rencontrées de renégocier l'emprunt et ayant poussé, avec la société Interfimo le plan de redressement à l'échec.

Vu les dernières écritures notifiées le 1er avril 2019 par la société Interfimo qui demande à la cour de :

DEBOUTER Monsieur [C] [U] de tous ses moyens fins et conclusions,

CONFIRMER la décision en toutes ses dispositions,

CONDAMNER Monsieur [C] [U] à payer à la société INTERFIMO la somme de 8.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [C] [U] en tous les dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Denis LAURENT, par application de l'article 699 du code de procédure civile,

en faisant valoir que :

les dispositions de l'article L.341-4 du code de la consommation devenu L.332-1 alors qu'elle n'est pas un créancier professionnel au sens de ce texte pour ne pas avoir à disposition les fonds dont le remboursement est garanti mais pour être intervenue en qualité de caution mutuelle du prêt,

le cautionnement accordé par M. [C] [U] à hauteur de 200 000 euros n'est pas disproportionné à ses revenus d'un montant de 34 793 euros en 2009 et à son patrimoine constitué de 40 % d'une maison située à [Localité 5] d'une valeur résiduelle de 60 000 euros, d'une épargne personnelle d'un montant de 30 400 euros, d'un compte courant dans les livres de la société Pen Ar C'hra et de parts sociales pour une valeur totale de 173 149 euros, M. [C] [U] minorant la valeur de ses actifs et la trésorerie de la société, si elle a été intégrée en juillet 2010 dans l'opération d'acquisition de la nouvelle pharmacie, devant être appréciée à sa valeur au moment de l'engagement de caution, en mai 2010 sans que M. [C] [U] ne puisse substituer la valeur nette de son patrimoine par la valeur nette du fonds de commerce acquis laquelle est en outre obtenue sur des bases de calcul fausses,

M. [C] [U] est une caution avertie pour avoir géré pendant 8 ans une précédente pharmacie et avoir projeté d'acheter le fonds sis à [Localité 6] avec l'assistance de son expert comptable et d'une société spécialisée en transactions portant sur les officines de pharmacie, dénommée l'Agence pharmaceutique de sorte que les bilans et la rentabilité ont été validés par le premier et les prévisionnels et perspectives de développement vérifiés par la seconde, M. [C] [U] ne justifiant pas d'un risque d'endettement excessif et que le cautionnement était en rapport avec ses capacités financières, les difficultés rencontrées par la pharmacie ayant conduit à l'ouverture d'une procédure collective ne trouvant pas leur origine dans le financement mis en place mais dans un effondrement du chiffre d'affaires après la reprise du fonds par M. [C] [U] tenant à une moindre fréquentation suite à l'affaire du Mediator, à des travaux de voirie et à des problèmes d'organisation du personnel selon le premier rapport de l'adminsitrateur judiciaire, M. [C] [U] n'ayant en outre pas respecté son obligation de bloquer la somme de 83 000 euros sur son compte courant et ayant également puisé sur les réserves non bloquées,

le plan de redressement proposé par M. [C] [U] et l'administrateur était déraisonnable car incluant la présence d'un second pharmacien dans l'officine nonobstant le niveau du chiffre d'affaires, ses propres propositions ayant été refusées et ne pouvant se voir reprocher de ne pas avoir consenti un abandon de sa créance à hauteur de 30 %.

Vu les dernières écritures notifiées le 3 novembre 2017 par la société Le crédit lyonnais qui demande à la cour de :

Dire et juger Monsieur [U] mal fondé en son appel en toutes les fins qu'il comporte,

Le débouter en l'ensemble de ses argumentations, contestations, conclusions et prétentions,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Condamner Monsieur [U] par application de l'article 700 du CPC à payer au CREDIT LYONNAIS, au titre de ses frais irrépétibles d'appel, une indemnité de 5.000 € égale à celle qu'il lui réclame sur ce même fondement,

Le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître André CUSIN, SCP MOLAS CUSIN COURREGE, du Barreau de PARIS, aux offres de droit,

en faisant valoir que :

elle a rempli son obligation d'information sur le financement proposé et n'était pas tenue à un devoir de conseil, la société Pen Ar C'hra, professionnelle, assistée de conseils spécialisés et compétents ayant elle-même apprécié l'opportunité de son projet d'acquisition et les conditions de son financement,

elle n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de la société Pen Ar C'hra alors que celle-ci doit est qualifiée d'emprunteuse avertie au regard de l'expérience dans la gestion de pharmacie de son gérant, M. [C] [U], lequel a bénéficié de conseils de professionnels pour l'acquisition du nouveau fonds et en l'absence de risque d'endettement excessif,

elle ne doit aucune garantie à M. [C] [U] alors qu'elle n'a commis aucune faute dans la cadre de la procédure collective un créancier n'ayant aucune obligation de consentir des délais ni de donner son accord à un éventuel plan de redressement et encore moins au titre d'une condamnation qui serait prononcée à son encontre dans le procès l'opposant à la société Alliance Healthcare repartition.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'inopposabilité du cautionnement pour disproportion

En application de l'article L.341-4 du code de la consommation devenu L.332-1, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

En l'espèce, la société Interfimo a accordé sa garantie à la société Le crédit lyonnais pour le remboursement de toutes sommes dues au prêteur par la société Pen Ar C'hra dans le cadre de son activité professionnelle de caution mutuelle de même qu'elle a exigé, dans ce même cadre, le sous-cautionnement du gérant et associé de cette société, M. [C] [U], de sorte que sa créance envers ce dernier est bien née dans l'exercice de sa profession et que la sous-caution est fondée à invoquer le texte précité.

Concernant son patrimoine, il résulte de la fiche de renseignements confidentiels établie et signée par M. [C] [U], le 27 mars 2010, qu'il est marié sous le régime de la séparation de biens que son patrimoine est constitué d'un immeuble situé à [Localité 5] qui est sa résidence principale, d'une valeur estimée à 250 000 euros, dont il n'est pas contesté qu'il est propriétaire à hauteur de 40 %, financé par un prêt d'un montant de 145 000 euro, d'une durée de 17 ans accordé en 2004, seule charge déclarée, d'un immeuble à usage locatif situé à [Localité 7], acquis en 2005 au prix de 30 000 euros, estimé à 90 000 euros dont il est propriétaire à hauteur de 66 %, qu'il dispose d'une épargne personnelle sur un livret d'un montant de 30 400 euros ainsi que de la somme de 144 600 euros sur un compte à terme correspondant au capital social de la société Pen Ar C'hra et au compte courant d'associé de M. [C] [U], seul associé de ladite société.

A ce titre, M. [C] [U] s'est engagé par lettre de blocage de compte courant du 30 juin 2010 à bloquer la somme de 83 000 euros aussi longtemps que les engagements de la société Pen Ar C'hra, au capital social de 132 000 euros, envers le Crédit lyonnais, ne seraient pas apurés.

Ainsi, la valeur du patrimoine immobilier de M. [C] [U] lors de la souscription de son engagement de caution et au vu de ses propres déclarations s'élève à 250 000 ' 112 300 (capital restant dû du prêt) x 40 % = 55 080 euros, auquel s'ajoutent la valeur du bien situé à [Localité 7], de 90 000 euros, même si aucune des parties ne fait état de ce bien dans ses écritures, soit un total de 145 080 euros.

Il convient de tenir également compte de l'épargne personnelle d'un montant de 30 400 euros et des revenus annuels de M. [C] [U] en 2009 d'un montant de 34 793 euros dont il n'y a pas lieu de déduire les déficits de l'activité de son épouse alors qu'ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens et qu'il s'est seul porté caution, comme retenu à juste titre par les premiers juges.

Par ailleurs, M. [C] [U] soutient à tort que la valeur de ses parts sociales dans la société Pen Ar C'hra, dont il détient 100 % du capital social d'un montant de 132 000 euros ainsi que son compte courant doivent valorisés en tenant compte de l'opération d'acquisition de la nouvelle pharmacie située à [Localité 6] et partant, en tenant compte des crédits accordés tant par la banque à hauteur de 1 151 348 euros que par le vendeur pour le rachat du stock à hauteur de 90 000 euros comme du fait que la somme totale déclarée pour un montant de 144 600 euros était en fait réinjectée dans cette opération.

En effet, il convient de se placer au moment du cautionnement, en mai 2010, et non sur une période postérieure à celle de la cession de l'officine, intervenue en juillet 2010, pour apprécier le caractère manifestement disproportionné du cautionnement donné par M. [C] [U] à la société Interfimo pour un montant de 200 000 euros, lequel n'est pas établi, ne serait-ce qu'en ne tenant compte que de la seule valeur bloquée de son compte courant, soit 83 000 euros, ajoutée à ses revenus, à son épargne personnelle et à son patrimoine immobilier pour un montant total de plus de 203 273 euros.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts formé à l'encontre de la société Interfimo

La société Interfimo est intervenue, dans l'opération d'achat du fonds de commerce de pharmacie situé [Adresse 5] en qualité de caution mutuelle afin de garantir le prêteur, la société Le crédit lyonnais, du remboursement du prêt accordé et il n'est pas établi qu'elle a conseillé cette opération à la société Pen Ar C'hra ni qu'elle en a défini avec elle les modalités de financement.

A ce titre, il résulte des pièces produites que dans son projet, la société Pen Ar C'hra a été assistée d'une part, de son expert-comptable, et d'autre part, par l'Agence pharmaceutique spécialisée dans les transactions portant sur les officines de pharmacie laquelle a adressé à la société Interfimo la demande de financement avec une étude établie par ses soins portant sur la présentation détaillée de l'officine à acheter et de son environnement, sur les perspectives d'évolution ainsi qu'une étude prévisionnelle et un plan de financement.

Dans ces conditions, il n'est pas démontré que la société Interfimo est débitrice d'une obligation de conseil à l'égard de la sous-caution personne physique, M. [C] [U] et celui-ci ne démontre pas qu'elle aurait manqué à son obligation d'information lors de l'engagement de caution souscrit à son profit le 26 mai 2010 dans la limite de 200 000 euros.

Par ailleurs, sur le devoir de mise en garde, il convient de relever qu'au moment de son cautionnement, M. [C] [U] est âgé de 45 ans, diplômé pharmacien depuis 1993 et titulaire d'un DESS en répartition pharmaceutique, il a crée la société Pen Ar C'hra en 2005 afin d'exploiter une première pharmacie en Bretagne qu'il a vendue en 2009 avant d'acquérir une nouvelle officine à [Localité 6].

Alors qu'il reconnait que la société Pen Ar C'hra a déjà bénéficié d'un prêt pour acquérir la précédente pharmacie, qu'il a assuré la gestion de cette officine durant 5 ans, qu'il est toujours le gérant et le seul associé de la société lorsqu'elle acquiert la nouvelle officine située [Adresse 5], qu'il a, en sa qualité de dirigeant, porté la demande de prêt en fournissant l 'étude et la proposition de plan de financement de la société l'Agence Pharmaceutique à laquelle il a eu recours, qu'il a fait valider par son expert-comptable les bilans de la pharmacie achetée, M. [C] [U] doit être qualifié de sous-caution avertie, tout a fait en mesure d'apprécier, compte tenu de ses qualifications et de son expérience de gestion comme du recours à un précédent emprunt professionnel, la portée de son engagement de caution et ses conséquences financières tant au regard de ses propres capacités financières à y faire face en cas de défaillance de l'emprunteur qu'au regard des capacités de la société Pen Ar C'hra, dont il est le dirigeant, à supporter la charge de l'emprunt souscrit.

Au surplus, comme retenu à juste titre par les premiers juges, il ne justifie pas d'un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt accordé pas plus que d'une inadaptation de son cautionnement à ses biens et revenus.

Dans ces conditions, la société Interfimo n'était pas débitrice à son égard d'un devoir de mise en garde.

Enfin, le refus de la société Interfimo d'abandonner une partie de sa créance lors de la procédure collective ne suffit pas à caractériser une faute imputable à la société Interfimo.

Dès lors le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts de M. [C] [U] formée à l'encontre de la société Interfimo.

Sur les fautes reprochées à la société Le crédit lyonnais

Comme dans ses rapports avec la société Interfimo, M. [C] [U] doit être qualifié, dans ses rapports avec la société Le crédit lyonnais, de sous-caution avertie eu égard à son niveau de qualification, à son expérience de gestion et au précédent prêt professionnel souscrit en qualité de dirigeant de la société débitrice principale, pour l'acquisition d'une première pharmacie, le seul fait que le second prêt soit d'un montant plus important, soit 1 151 348 euros, ne suffisant pas à considérer que le financement accordé était plus complexe ou plus risqué s'agissant d'un prêt amortissable classique.

En outre, comme souligné par les premiers juges, aucune pièce produite ne remet en cause les prévisionnels établis par l'Agence pharmaceutique fondés sur des hypothèses de chiffre d'affaires ne présentant aucun caractère anormal.

De même, il résulte du rapport de l'administrateur judiciaire que rien ne vient contredire sur ce point que les difficultés de la société Pen Ar C'hra trouvent leur origine dans une baisse du chiffre d'affaires liée à une baisse de fréquentation de la pharmacie en octobre et novembre 2010 en raison de l'affaire du Mediator, d'une accessibilité réduite à la pharmacie en raison de travaux de voirie à partir de janvier 2012 et d'un problème d'organisation du personnel ayant entraîné un surcroît de charges sociales et non d'un endettement excessif né de l'octroi du prêt, la procédure collective ayant d'ailleurs permis de constater la reprise d'une exploitation bénéficiaire en 2013 et une meilleure maîtrise des coûts.

Dans ces conditions, la société Le crédit n'est pas débitrice à l'égard de M. [C] [U], sous-caution avertie d'une obligation de mise en garde.

Par ailleurs, si l'administrateur judiciaire indique que l'échec d'une renégociation de l'emprunt a contribué à une exploitation déficitaire de la pharmacie en 2011 et que la banque a refusé dans le cadre d'un plan de redressement proposé par celui-ci et M. [C] [U] d'abandonner une partie de sa créance, ces éléments ne caractérisent pas une faute imputable à la banque susceptible d'engager sa responsabilité civile.

Par conséquent, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts de M. [C] [U] à l'encontre de la société Le crédit lyonnais.

Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C] [U], qui succombe en appel, supportera les dépens d'appel et ses frais irrépétibles.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il est inéquitable de laisser à la charge des sociétés Interfimo et Le crédit lyonnais les frais non compris dans les dépens exposés en appel et il convient de condamner M. [C] [U] à leur payer la somme de 2 000 euros chacune à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [C] [U] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [C] [U] à payer la société Interfimo et à la société Le crédit lyonnais la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/12003
Date de la décision : 19/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/12003 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-19;17.12003 ?
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