Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 19 JUIN 2019
(n° 2019/352, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :17/11932 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3RDP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 Juin 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016015672
APPELANT
Monsieur [Z] [R]
Né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] (LIBAN)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Hélène FERON-POLONI de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187
INTIMÉE
SA BNP PARIBAS prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 662 042 449
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Représentée par Me Philippe METAIS du LLP WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J002
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre
Monsieur Marc BAILLY, Conseiller
Madame Pascale LIEGEOIS, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par Anaïs CRUZ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
Souhaitant bénéficier du dispositif fiscal ouvert aux Loueurs meublés non professionnels (LMNP), M. [Z] [R] a acquis, le 23 décembre 2009, les lots 165 et 166 d'un ensemble immobilier sis à [Localité 4] (Hauts de Seine) donnés à bail commercial à une société Cosy's Développement exploitant la résidence comportant essentiellement des appartements meublés.
Pour financer cette acquisition, d'un montant global de 235 000 € et les travaux de réhabilitation de l'immeuble, M. [R] a obtenu de la société BNP Paribas un prêt de 412 476 € selon offre du 7 décembre 2009 acceptée le 19 suivant.
Le contrat prévoyait que ce concours serait débloqué, à hauteur de 256 600 € par virement sur le compte du notaire rédacteur de l'acte de vente et pour le solde : après signature de l'acte, sur présentation d'originaux de facture, par un ou plusieurs chèques libellés à l'ordre de vos entrepreneurs qui leur seront adressés sur leur demande.
Pour les versements sur présentation de factures, chaque demande de fonds devra être accompagnée d'originaux de factures. Le montant de chaque versement sera déterminé par celui des factures présentées.
Reprochant à la banque de ne pas avoir respecté cette disposition en versant les fonds affectés au paiement des travaux à l'association syndicale libre (ASL) [Adresse 3] qui assurait la maîtrise d'ouvrage des travaux, M. [R] a engagé la présente procédure par exploit du 18 février 2016.
Par jugement du 8 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris, a déclaré son action prescrite, le condamnant au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 15 juin 2017, M. [R] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 27 mars 2019, il demande à la cour :
d'infirmer la décision entreprise,
de condamner BNP Paribas à lui verser 218 525 € de dommages-intérêts portant intérêts, capitalisés, à compter du 18 février 2016, outre 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 10 novembre 2017, BNP Paribas demande à la cour :
de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
subsidiairement de débouter M. [R] dès lors qu'elle n'a pas failli à ses obligations, que le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi n'est pas démontré, celui-ci résultant de la négligence fautive de l'appelant,
de condamner M. [R] à lui verser une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2019.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
LA COUR
Il résulte des pièces produites et des débats que BNP Paribas a versé la partie du prêt afférente aux travaux en six versements opérés en faveur de l'ASL :
52 942 € le 30 décembre 2009,
37 063 € le 1er mars 2010,
24 312,80 € le 7 mai 2010,
11 276,60 € le 27 décembre 2010,
10582,90 € le 28 décembre 2010,
12 062 € le 21 mars 2011.
Chaque règlement a été exécuté par BNP Paribas sur instruction de M. [R] donnée en ces termes : « Bon pour déblocage ... » suivi du montant en chiffres puis en chiffres et en lettres de la somme appelée par l'ASL, cette mention figurant sur chacun des courriers de l'ASL dont il était le destinataire.
La première lettre de l'ASL, non datée mais adressée à la banque par télécopie du 29 décembre 2009 visait l'approbation du projet de transformation et de restauration présenté par l'architecte, l'approbation du budget global de l'opération dont votre participation à concurrence d'une somme de 176 474 €, suivie du pourcentage de l'appel de fonds sollicité outre le rappel d'une résolution d'une assemblée générale donnant pouvoir à son Président pour procéder aux appels de fonds et en poursuivre le recouvrement forcé à défaut de paiement sous quinzaine.
Les suivantes en date des 27 janvier, 23 avril, 31 août 2010 et 11 janvier 2011, également transmises par télécopies à la banque se bornaient à reprendre l'engagement souscrit par M. [R] en qualité de membre de l'ASL de participer aux travaux de restauration, à indiquer le numéro de ses lots et à rappeler l'habilitation donnée à son président par assemblée générale, lui accordant un délai de 30 jours pour respecter son obligation.
Sur la prescription
M. [R] souhaite voir reporter le point de départ du délai de prescription à la date de la réalisation du dommage, soit le moment où il a pu se convaincre de l'état d'avancement des travaux financés, dont il établit qu'il ne correspond pas aux appels de fonds.
Il le fixe ainsi au 5 juin 2013, date d'une note de l'expert commis par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Lille en date du 29 janvier 2013.
Il résulte cependant de cette note d'une part que les factures des premiers architectes s'élevaient au 15 mars 2011 à 70% de leur rémunération contractuelle, avance ne correspondant pas, selon l'expert, à la réalité de l'état du chantier, d'autre part que celui-ci a été interrompu une année, soit de septembre 2011 au 10 septembre 2012, date de la signature d'un second contrat de maîtrise d''uvre avec de nouveaux architectes, de sorte qu'à supposer qu'existe un lien de causalité entre la méconnaissance par la banque de ses obligations contractuelles et le retard pris dans le chantier, dont aucune pièce ne démontre l'état aujourd'hui, il ne peut prétendre n'en avoir pris connaissance qu'avec le rapport d'expertise.
Il convient en conséquence de fixer le point de départ de la prescription à la date des paiements réalisés par BNP Paribas qui a systématiquement rendu compte à son client des règlements intervenus, le jour même de leur réalisation, en indiquant que la bénéficiaire était l'ASL.
Il en résulte que M. [R] est irrecevable à remettre en cause les paiements opérés jusqu'au 18 février 2011 et qu'il convient, infirmant le jugement déféré de ce chef, d'examiner celui du 21 mars 2011.
Sur l'ordre de paiement du 21 mars 2011
Il sera rappelé que sauf disposition légale impérative contraire :
les parties sont libres de réviser leurs accords contractuels à leur convenance sans être pour autant soumises, comme le soutient M. [R], à l'obligation de le faire par un avenant écrit,
l'emprunteur ayant, par principe, la libre disposition des fonds prêtés, toute clause contractuelle soumettant la banque à une obligation quant à la destination des sommes déloquées est réputée rédigée en sa faveur de sorte qu'elle est en droit de ne pas l'appliquer.
En l'espèce la clause prévoyant que la banque règle directement les entrepreneurs sur production de leur(s) facture(s) en original n'est imposée par aucun texte.
En effet le prêt n'est intervenu ni dans le cadre d'un contrat de maison individuelle, ni dans celui d'un investissement soumis à la loi Malraux tandis que l'article 1799-1 du code civil n'impose à la banque de régler directement les constructeurs dans le cadre d'un convention de louage d'ouvrage que dans la seule hypothèse où ces derniers n'ont pas reçu les sommes dues sur l'exécution du marché financé par le crédit consenti.
Il apparaît au surplus qu'en signant un ordre de déblocage selon les modalités précitées, M. [R] a implicitement mais nécessairement sollicité une révision du contrat signé, que la banque a acceptée en l'exécutant de sorte qu'elle n'encoure aucun grief.
Il convient en conséquence de débouter M. [R] de sa demande indemnitaire, aucune faute de la banque n'étant démontrée.
L'équité commande d'allouer à BNP Paribas une indemnité de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, le jugement étant confirmé du chef du montant alloué à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de M. [R] au titre du règlement opéré le 21 mars 2011 ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé ;
Déboute M. [Z] [R] de ses demandes ;
Condamne M. [Z] [R] au paiement d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE