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18/06/2019 | FRANCE | N°17/08645

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 18 juin 2019, 17/08645


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 18 JUIN 2019

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08645 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TII



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS - RG n° F16/00127





APPELANT



Monsieur [O] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Florence FREDJ-CATEL de la S

ELAS B.C.D.AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX





INTIMÉE



SAS BDMS DISTRIBUTION

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabien CORNU de la SCP S.C.P. THUAULT-FERRARIS-L...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 18 JUIN 2019

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08645 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TII

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS - RG n° F16/00127

APPELANT

Monsieur [O] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Florence FREDJ-CATEL de la SELAS B.C.D.AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE

SAS BDMS DISTRIBUTION

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabien CORNU de la SCP S.C.P. THUAULT-FERRARIS-LEPRETRE-CORNU, avocat au barreau D'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Denis ARDISSON, président

Madame Anne HARTMANN, présidente

Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier, lors des débats : Mme Caroline GAUTIER

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Denis ARDISSON, président, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société BDMS Distribution, qui exerce ses activités sous l'enseigne Auchan, a embauché Monsieur [O] [X], né en 1970, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2012, en qualité de manager de rayon, cadre niveau 4 exercée au sein du magasin Auchan de [Localité 3].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail de gros à prédominance alimentaire. Une annexe au contrat de travail fixait un forfait annuel de 217 jours.

La dernière rémunération mensuelle brute moyenne de M. [X] s'élevait à la somme de 2.959,66 euros selon le salarié et à 2.600 euros bruts mensuels selon l'employeur.

Le 12 avril 2016, un contrôle effectué par la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations ('DCSPP') mettait en évidence de nombreuses irrégularités d'étiquetage, dont certaines dans les rayons dont M. [X] avait la responsabilité. Une amende administrative a été infligée à la société BDMS.

M. [X] était en congé payés du 11 au 17 avril 2016 , le lundi 18 avril étant un jour de repos hebdomadaire.

Le 20 avril 2016, la société BDMS effectuait un contrôle interne des rayons sous la responsabilité de M. [X] et constatait de nouveaux manquements.

Par lettre datée du 21 avril 2016, M. [X] était mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable, qui s'est déroulé le 6 mai 2016.

M. [X] a été licencié pour faute grave par lettre du 26 mai 2016. La lettre de licenciement est rédigée dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à votre entretien du 6 mai 2016, où M. [S] [T], Directeur du magasin Auchan de [Localité 3], et M. [I] [N], manager de secteur, vous ont reçu, en présence de M. [Y] [H] qui vous assistait.

A cette occasion, les faits suivants vous ont été reprochés :

Le 12 avril 2016, lors du passage de la DGCCRF, plus de cents étiquettes de prix étaient manquantes au sein du rayon dont vous avez la charge, malgré de multiples demandes de votre hiérarchie sur ce sujet. De plus, aucun contrôle de prix, prévu dans la procédure

Le 20 avril 2016, vous avez af'rmé à M. [S] [T] que la situation était complètement rétablie et que toutes les étiquettes manquantes avaient été installées. Or, après véri'cation, il s'est avéré que la réalité était tout autre. En effet, plus de 130 anomalies de balisages ont été relevées en votre présence, à savoir :

- 86 étiquettes manquantes.

- 42 'ches techniques manquantes,

- 10 défauts de balisages obligatoires des équipements électriques et électroniques.

Ce même jour, M. [T] a également constaté que les implantations étaient mélangées a'n de masquer les ruptures de produits et d'éviter de mettre en place le balisage, comme par exemple les produits de marque « Sodastream ». D'autres produits tels que les accessoires pour cafetière ou encore la connectique étaient présentés en pagailles dans les panières en bas des rayons.

De plus, différents manquements aux procédures ont pu être relevés. En effet, les bons de vente vendeurs ne sont pas systématiquement visés et les remises accordées ne sont pas toujours contresignées en dépit des nombreux rappels réalisés sur cette procédure, comme le 26 mars et le 2 avril 2016. Certains produits techniques sont vendus sans que les bons de vente soient renseignés en totalité, ce qui fait courir un risque de démarque au magasin. De surcroît, les écarts de stock sur le rayon dont vous avez la charge restent inexpliqués, car vous n'utilisez pas les outils de suivi des stocks mis à votre disposition et vous faites preuve d'une totale désinvolture sur ce sujet. Pour exemple, le 27 février 2016, vous avez proposé un modèle de télévision pour animer une opération 'délité. Or, il s'est avéré que ce modèle était finalement absent des stocks du magasin. Vous proposez des actions de déstockage à l'emporte-pièce. Par exemple, le 23 mars 2016, vous avez adressé par mail à votre directeur un tableau proposant un plan de déstockage incompréhensible. Vous avez renvoyé une deuxième version à la demande de votre directeur, qui cependant, n'était pas plus précise. De surcroît, l'exécution opérationnelle de ce déstockage était à l'image de votre préparation : les produits n'étaient pas présentés, puisqu'ils étaient en carton, au milieu du magasin, allant jusqu'à perturber la circulation de la clientèle.

Vous faites également preuve d'une désinvolture manifeste d'un point de vue managérial. En effet, malgré les anomalies récurrentes au sein de votre rayon, telles que des refus de vente ou des paroles de clients peu flatteuses, les entretiens annuels de votre équipe ne laissent apparaître aucun dysfonctionnement. Par ailleurs, les vendeurs de votre équipe n'ont absolument pas été managés quant à la mise en avant des récepteurs TNT au moment du passage en HD en mars / avril 2016. Ainsi, le chiffre d'affaires de notre magasin sur ces produits est bien moins important que le chiffre d'affaires de nos autres établissements sur ces mêmes produits et ce malgré les remarques de votre directeur et la transmission d'informations sur la mise en avant de ces produits par les autres magasins du Groupe.

Enfin, il est apparu qu'un reliquat d'heures supplémentaires de 2015 non payées et non récupérées existait concernant votre équipe. Cependant, vous n'avez pas jugé utile d'en informer votre directeur afin que le nécessaire soit fait, plaçant ainsi l'établissement dans l'illégalité.

Lors de cet entretien, vous n'avez pas souhaité donner d'explications sur ces faits. Vous avez uniquement prétendu que les étiquettes avaient été enlevées durant la nuit, comme vous l'aviez déjà allégué lors du contrôle du 20 avril 2016. Vous avez également demandé à ce que les bandes vidéo du magasin allant du 12 au 21 avril 2016 vous soient remises, ce à quoi M. [T] vous a répondu qu'il ne pouvait pas, pour des raisons légales. Vous avez à ensuite quitté l'entretien sans plus d'explications.

Nous ne pouvons tolérer un tel comportement au sein de notre établissement, qui nuit à notre image et engage la responsabilité pénale du magasin. En effet, comme vous le savez, de telles erreurs sont répréhensibles par la DGCCRF. Ceci est d'autant plus inacceptable de par votre statut de cadre et vos fonctions de manager de rayon qui, comme le prévoit la convention collective, «dans le cadre de la politique de la société, est responsable de l'atteinte des objectifs du chiffre d'affaires et de résultats de gestion de son rayon et dispose d 'une certaine autonomie sur assortiment et'/ou les achats et/ou la fixation des prix de vente et/ou la gestion humaine et sociale de son équipe ». Vous ne remplissez manifestement pas ces fonctions.

Nous insistons sur le fait que l'article 15 du règlement intérieur stipule que «tout salarié, quelle que soit sa position hiérarchique, est responsable des tâches qui lui sont confiées et que les règles de discipline générale précisées ci-après doivent concourir à la bonne exécution de ces tâches. Dans l'exécution des tâches qui lui sont confiées, il est tenu de respecter les instructions qui lui sont données par ses supérieurs hiérarchiques directs et, de façon générale, de se conformer aux consignes et prescriptions portées à sa connaissance ».

Or, que ce soit sur le plan commercial ou sur le plan managérial, vous ne respectez pas les consignes qui vous sont données par votre Directeur de magasin.

Compte tenu de ce qui précède, nous nous voyons dans l'obligation de vous notifier par la présente lettre recommandée avec accusé de réception, votre licenciement pour faute grave'.

A la date du licenciement, M. [X] avait une ancienneté trois ans et six mois. La société BDMS occupait, lors de la rupture des relations contractuelles, plus de onze salariés.

* *

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires, M. [X] a saisi le 10 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Sens qui, par jugement du 26 mai 2017 a :

- débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes

- débouté la société BDMS Distribution de sa demande reconventionnelle

- mis les éventuels dépens, par moitié, à la charge des deux parties.

Par déclaration du 20 juin 2017, M. [X] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

* *

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 19 septembre 2017, M. [X] demande de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que le licenciement de M. [O] [X] sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la société BDMS à lui payer les sommes de :

* mise à pied conservatoire (du 21 avril 2016 au 26 mai 2016) : 3.452,16 euros

* congés payés y afférents : 345,21 euros

* préavis (3 x 2.959,66 euros) : 8.878,98 euros

* congés payés y afférents : 887,89 euros

* heures supplémentaires : 40.000 euros

* congés payés y afférents : 4.000 euros

* indemnité de licenciement : 2.019,25 euros

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L. 1235-3 du code du travail) : 40.000 euros

* indemnité pour travail dissimulé : 17.754 euros,

- ordonner la délivrance de bulletins de salaire, attestation Pôle emploi, certificat de travail rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte, et d'en fixer une autre au besoin.

- condamner la société BDMS Distribution au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société BDMS Distribution aux dépens, en ce compris les frais d'exécution.

* *

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 26 octobre 2017, la société BDMS Distribution demande à la cour de :

- confirmer le jugement et y ajoutant,

- condamner M. [X] à payer à la SAS BDMS Distribution la somme de 3.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [X] aux entiers dépens

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

Aux termes des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, la cour relève que, par annexe du 5 mai 2014 au contrat de travail, les parties ont signé une convention de forfait pour une durée annuelle de 217 jours, le salarié organisant à sa convenance son temps de travail sous réserve de respecter les dispositions légales et conventionnelles outre la mise en place d'un suivi mensuel des jours travaillés.

Or, si M. [X] soutient que c'est à tort que le jugement l'a débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, il ne justifie ni d'une éventuelle illicéité de cette convention ni des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées.

Par ailleurs, la cour retient que la société BDMS produit des relevés de suivi des jours travaillés pour la période de juin à décembre 2016 ainsi qu'une copie de l'annexe 'forfait jour' comprenant un entretien annuel de M. [X].

Ainsi, M. [X] ne fournissant aucun élément justifiant de l'illicéité de la convention de forfait et des heures supplémentaires dont il allègue avoir effectué, sera débouté de sa demande et le jugement entrepris confirmé.

Sur la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé

L'article L. 8221-5 du code du travail dans sa version applicable aux faits dispose : "Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, la cour relevant que M. [X] ne justifie ni de la réalité d'heures supplémentaires ni de l'intention de dissimulation d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, le jugement entrepris sera confirmé.

Sur le licenciement pour faute grave

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié. L'employeur se plaçant sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et dont les termes sont rappelés dans l'exposé, indique les trois griefs suivants : - Des anomalies dans le balisage de produits, - Des manquements aux procédures applicables dans l'entreprise, - Une inefficacité managériale dans l'encadrement et l'animation de son équipe de vendeurs.

En confirmation du jugement, la société BDMS soutient que les obligations légales et contractuelles de M. [X] le rendent responsable, d'une part, de l'étiquetage, du référencement, de la présentation, du balisage des rayons, du stockage et déstockage, et des procédures applicables à l'utilisation des produits dont il avait la responsabilité (pièces n°6 à 13 et 38), et, d'autre part, de l'efficacité des équipes qui intervenaient sous ses ordres. Elle fait valoir, d'une part, des manquements aux règles de tenue des rayons, malgré un rappel suite au contrôle inopiné de la DCSPP entraînant une amende de 4.760 euros suite aux anomalies constatées dans les produits dont M. [X] avait la responsabilité et, d'autre part, des opérations de stockages aléatoires outre des réductions de prix réalisées sans accord ou régularisées à posteriori, et, encore d'un chiffre d'affaire moindre que ceux des autres magasins Auchan et enfin, des plaintes de clients sur le comportement de certains salariés sous sa responsabilités (pièces n°2 à 7,16 à 28, et 34), la société BDMS contestant la validité de l'attestation de M. [V] en conflit avec elle (sanctions disciplinaires) (pièces n°14, 15,37 et 42 à 44).

Contestant l'ensemble des griefs et sollicitant l'infirmation du jugement entrepris, M. [X] soutient que le balisage des produits avait été parfaitement réalisé (pièce n° 18 attestation [I]) lors de son retour de congés payés le 19 avril 2016. Il soutient que les anomalies rencontrées sont la conséquence d'une malveillance et fait valoir sa demande, dès l'entretien préalable, de la production des vidéos de surveillance des jours précédents et du refus de la société qu'il assimile à une rétorsion de preuve. Il soutient que toutes les demandes de remise de prix versées aux débats par la société contiennent son accord. Il fait valoir que la comparaison entre les chiffres d'affaires de différents magasins n'est pas opérationnelle (population différentes, revenus différents, ...) et indique que son chiffre d'affaires connaissait une croissance continue depuis plusieurs mois et note qu'aucun document comptable n'est versé aux débats (pièces n° 7, 8, 21, 22).

***

La cour relève, d'une part, que lors du contrôle exercé par la DCSPP, le 12 avril 2016, 238 manquements ont été relevés dont cent manquements attribués, par la société BDMS aux rayons gérés par M. [X] et, d'autre part, que, absent pour congés payés pendant le contrôle de la Direction de cohésion sociale, ce dernier a repris le travail le 19 avril 2016, soit la veille du contrôle réalisé par M. [T], directeur du magasin.

Par ailleurs, la cour retient que deux salariés, Messieurs [I] et [V] attestent, d'une part, d'une remise en conformité du balisage du rayon « Petit électro-ménager » dès le 13 avril 2016, le fait que ses salariés soient en litige avec la société ne dévalorisant leur attestations, et, d'autre part, confirment les défaillances sur le balisage survenues postérieurement à cette remise en conformité et en particulier le 20 avril 2016.

En outre, la cour retient que les bons commande produits par la société BDMS comportent, soit l'accord de M. [X], soit sa signature, l'ensemble autorisant des remises de prix, la société ne justifiant pas que ces remises aient été autorisées a posteriori.

Enfin, la cour relève que la société BDMS ne justifie ni de déstockage aléatoires des produits, ni d'une baisse du chiffre d'affaires, une progression du chiffre d'affaires moindre que ceux d'autres magasins de la même enseigne ne justifiant par elle-même une faute du salarié. Elle ne justifie pas non plus des manquements du salarié dans la gestion des heures supplémentaires des salariés sous sa responsabilité.

La cour retient que les « plaintes » de clients « mécontents » sont établis par un seul courriel de M. [Y] en date du 5 janvier 2016, transmis successivement, le jour même, à M. [T], directeur du magasin, puis, par ce dernier, à M. [X] avec consigne de 'me faire retour'.

Or, la société ne justifie pas, alors que M. [T] a seul le pouvoir de sanction, sur la salariée incriminée, d'une faute de management de M. [X] sur des faits remontant à plus de quatre mois avant la lettre de convocation à l'entretien préalable.

Ainsi, la société BDMS ne justifie pas que les faits reprochés à M. [X] constituent une violation de ses obligations contractuelles et la cour, infirmant le jugement entrepris, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Sur le salaire de référence

Outre un salaire mensuel brut de 2620 euros sur treize mois, M. [X] bénéficiant de majoration de salaire pour heures supplémentaires (5 % ou 20 %), pour travail du dimanche (100%) ou pendant un jour férié (200%) de juin 2015 à mai 2016, il y a lieu de fixer son salaire de référence sur la moyenne des douze derniers mois à la somme de 2.952,20 euros.

Sur la paiement de la mise à pied conservatoire

M. [X] avait fait l'objet d'une mise à pied conservatoire du 21 avril au 26 mai 2016 et la cour ne retenant pas la faute grave, il y a lieu d'allouer à l'appelant la somme retenue sur les bulletins de paie d'avril et mai 2016 pour une somme de 3.224,47 euros outre 322,44 euros de congés payés afférents

Sur le paiement de l'indemnité de préavis et congés payés afférents

La convention collective applicable fixant pour les cadres un délai-congé de trois mois, il y a lieu d'accorder à M. [X], à ce titre, la somme de 8.856,60 euros outre 885,66 euros de congés payés afférents

Sur le paiement de l'indemnité de licenciement

L'article 8 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire stipule qu'en application de l'article 3.13 des dispositions communes, une indemnité est accordée, en cas de licenciement hors faute grave ou lourde, dans les conditions ci-après :

8.1.1. Cadres ayant de 1 à 5 ans de présence ininterrompue dans l'entreprise au moment du licenciement :1/5 de mois par année de présence.

8.1.2. Cadres ayant plus de 5 ans d'ancienneté au moment du licenciement, calculée à compter de la date d'entrée dans l'entreprise :

- 3/10 de mois par année de présence, pour la tranche de 1 à 10 ans ;

- 4/10 de mois par année de présence, pour la tranche de 10 à 20 ans ;

- 5/10 de mois par année de présence, pour la tranche au-delà de 20 ans.

Le montant de l'indemnité ne peut dépasser un maximum de 12 mois.

Ainsi, il y a lieu, au regard du salaire de référence et de l'ancienneté du salarié trois ans et demi, hors préavis, d'allouer, dans la limite de ses demandes, à M. [X] la somme de 2.019,25 euros.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [X], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif, d'une attestation destinée à Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés en considération du présent arrêt dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente, sans que la mesure d'astreinte sollicitée soit en l'état justifiée

La société BDMS, qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens, comprenant les frais éventuels d'exécution ainsi qu'à payer à M. [X] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes de nullité de la convention de forfait, de paiement d'heures supplémentaires et de travail dissimulé

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [X] sans cause réelle et sérieuse,

Fixe le salaire mensuel de M. [X] à la somme de 2.952,20 euros,

Condamne la société BDMS Distribution à payer à M. [X] :

- 3.224,47 euros au titre du paiement de la mise à pied conservatoire

- 322,44 euros de congés payés afférents,

- 8.856,60 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 885,66 euros de congés payés afférents,

- 2.019,25 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 20.000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif , d'une attestation destinée à Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés en considération du présent arrêt dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente, sans que la mesure d'astreinte sollicitée soit en l'état justifiée

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société BDMS Distribution aux dépens d'appel comprenant les frais éventuels d'exécution.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/08645
Date de la décision : 18/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°17/08645 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-18;17.08645 ?
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