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18/06/2019 | FRANCE | N°17/08464

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 18 juin 2019, 17/08464


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 18 Juin 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/08464 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3SML



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 15/02817





APPELANT



Monsieur [S] [A]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 19

49 à [Localité 2] (31)



représenté par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653 substitué par Me Marjana PRETNAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E092...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 18 Juin 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/08464 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3SML

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 15/02817

APPELANT

Monsieur [S] [A]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2] (31)

représenté par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653 substitué par Me Marjana PRETNAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0922

INTIMEE

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

Tremblay en France

[Localité 3]

représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 08 avril 2019

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Monsieur [A], né le [Date naissance 1] 1949, a été engagé par la société Air Inter, à compter du 4 mai 1988, en qualité d'officier pilote de lignes. Son contrat de travail a été repris par la société Air France en avril 1997. Monsieur [A] avait la qualité de délégué syndical.

Par lettre en date du 20 mai 2008, en application des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, il a été informé qu'il serait appelé à cesser son activité de pilote le 23 mai 2009 en raison de l'atteinte de la limite d'âge fixée à 60 ans.

Par lettre en date du 2 octobre 2008, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 13 octobre 2008, celui-ci ne pouvant plus exercer son métier de pilote.

Par lettre en date du 8 janvier 2009, la société Air France a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de rompre le contrat de Monsieur [A] laquelle a été refusée le 2 mars 2009.

Par lettre en date du 23 mars 2009, la société Air France a formé un recours hiérarchique auprès du Ministre du travail, qui, par décision du 27 juillet 2009 a annulé la décision de l'inspection du travail et autorisé la rupture du contrat de Monsieur [A].

Par lettre en date du 30 juillet 2009, la société Air France a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail au motif qu'il avait atteint, le 23 mai 2009, la limite d'âge prévue par l'article L. 421'9 du code de l'aviation civile, qu'il ne pouvait donc pouvait plus exercer ses fonctions d'officier navigant au sein de la compagnie et que les recherches de reclassement au sol s'étaient révélées infructueuses.

Par requête du 20 juillet 2009, Monsieur [A] a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision ministérielle. Par un jugement en date 5 décembre 2011, cette juridiction a rejeté sa requête. Monsieur [A] a interjeté appel du jugement. Par arrêt rendu le 25 juin 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par arrêt rendu le 22 mai 2015, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi de la société Air France.

Par lettre du 12 septembre 2013, Monsieur [A] a fait valoir son droit à réintégration à son poste de pilote commandant de bord. Par lettre du 3 octobre 2013, la société a confirmé sa réintégration dans les effectifs de la compagnie à la date du 13 septembre 2013.

Par lettre du 23 juin 2014, la société Air France a informé Monsieur [A] qu'en application des dispositions de l'article L. 6521-4 du code des transports, il ne pouvait plus exercer le métier de pilote dans le transport aérien public, en raison de l'atteinte de la limite d'âge fixée à 65 ans, et lui a proposé en conséquence, plusieurs postes de reclassement au sol.

Par lettre du 4 août 2014, la société Air France, constatant que le 28 juillet 2014 le salarié ne s'était pas présenté pour une prise de poste effective, l'a convoqué à un entretien préalable à une éventuelle rupture de son contrat de travail, fixé au 21 août 2014. Par lettre du 27 août 2014, elle l'a licencié avec un préavis de 3 mois débutant le 1er septembre 2014 et prenant fin le 30 novembre 2014.

Monsieur [A] a saisi le Conseil de prud'homme de Bobigny le 19 juin 2015 afin d'obtenir le paiement de rappels de salaires et d'indemnités en réparation de préjudices.

Par jugement du 4 mai 2017, cette juridiction l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [A] par interjeté appel le 15 juin 2017.

Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 12 mars 2019, il demande de voir infirmer le jugement et :

juger la demande d'indemnisation de Monsieur [A] fondée su l'article L.2422-4 du code du travail, couvrant la période allant du 4 août 2009 au 12 septembre 2013, recevable, fondée et non prescrite sur le fondement de l'article L.3245-1 du code du travail, et d'en conséquence, condamner la société sur le fondement de l'article L.2422-4 du code du travail :

principalement, à payer au salarié une indemnité de 1.003.662 euros bruts, pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013, assortie des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 1er janvier 2010 avec remise par Air France des fiches de salaire mensuelles y afférentes et paiement des cotisations aux organismes sociaux concernés, indemnisation déterminée sur la base du salaire de navigant de Monsieur [A] mensuel moyen brut de 22.605 euros

donner acte au salarié réintégré, que, dans cette hypothèse, lors du complet paiement de ces salaires et sommes susvisés par Air France et lorsque qu'ils lui seront définitivement acquis il restituera directement à la CRPNPAC la somme de 245.830,77 euros et à la CNAV celle de 50.882 euros correspondant aux pensions nettes qu'il a perçues à tort, du fait de la nullité de la rupture de son contrat de travail et de sa réintégration à son poste de pilote-commandant de bord le 13 septembre 2013, afin de remise en état de la situation de salarié, d'annulation des liquidations de ces pensions effectuées en 2009 et 2010 et afin que ses droits, du fait de la nullité de la rupture de son contrat de travail de navigant et de sa réintégration à son poste, soient liquidés au terme de son contrat de travail de navigant en l'espèce au 1er décembre 2014 en lieu et place du 1er décembre 2009 pour la CRPNPAC et au 1er décembre 2014 en lieu et place du 1er mai 2010 pour la CNAV

donner acte à Monsieur [A], réintégré, que, toujours dans cette hypothèse, il s'engage également à rembourser au Pôle Emploi la somme nette de 5.571 euros qu'il a perçue, dans les mêmes conditions que précédemment exposées

à titre subsidiaire, si, la cour décidait de déduire l'indemnisation due par Air France sur le fondement de l'article L.2422-4 du code du travail, les pensions et allocations nettes perçues par Monsieur [A], à le garantir et lui payer sous quinzaine et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 16ème jour suivant sa demande, les sommes qui lui seront demandées en remboursement au titre des allocations et pensions nettes perçues au cours de la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013 :

par le pôle emploi à hauteur de 5.571 euros nets

par la CNAV à hauteur de 50.882 euros nets

par la CRPNPAC à hauteur de 245.830,77 euros nets

également, dans le cadre de sa réintégration à son poste de pilote-commandant de bord, sur le fondement de l'article L.2422-4 du code du travail, les pensions et allocations nettes perçues par Monsieur [A], donner acte à Monsieur [A] qu'il s'engage à payer à Air France un reliquat de 17.476 euros au titre de l'IFC perçue en 2009, après compensation entre l'IFC perçue en 2009 de 155.807 euros qu'il devra rembourser puisque son contrat de navigant a été établi, et l'IFC de 138.331 euros due par Air France au titre de la rupture de son contrat de navigant du 30 novembre 2014 qu'elle reste lui devoir et n'a pas payée

subsidiairement, si par extraordinaire, la cour jugeait que la réintégration de Monsieur [A] à son poste de pilote-commandant de bord était absolument impossible le 13 septembre 2013, quand bien même Air France l'y a effectivement réintégré à compter de cette date, sur le fondement de l'article L.2422-1 du code du travail, alors, toujours sur le fondement de l'article L.2422-4 du code du travail, puisqu'il vise tant le cas du salarié protégé réintégré que celui qui ne l'a pas été,

la cour condamnera Air France à l'indemniser et à lui payer la somme totale brute de 1.003.662 euros pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013, assortie des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 1er janvier 2010 avec remise par Air France des fiches de salaire mensuelles y afférentes et paiement des cotisations aux organismes sociaux concernés, indemnisation déterminée sur la base du salaire de navigant de Monsieur [A] mensuel moyen brut de 22.605 euros

et, dans cette hypothèse, à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour décidait de déduire de l'indemnisation de 1.003.662 euros due par Air France sur le fondement de l'article L.2422-4 du code du travail, les pensions nettes de CRPNPAC d'un total de 245.830,77 euros perçues par Monsieur [A] sur cette période, la cour condamnera Air France, à première demande de monsieur [A], à le garantir et lui payer sous quinzaine et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 16ème jour suivant sa demande, les sommes qui lui seront demandées en remboursement au titre des pensions nettes perçues au cours de la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013 par la CRPNPAC à hauteur de 245.830,77 euros.

Et, toujours dans cette hypothèse, la Cour jugera que la rupture du contrat de travail notifiée par Air France par lettre du 30 juillet 2009, est un licenciement nul et condamnera Air France sur le fondement de l'article L.1235-3 et L. 1235-3 du code du travail à lui payer une indemnité d'un montant de 340.000 euros.

Et, encore dans cette hypothèse, donc l'impossibilité absolue de réintégration de Monsieur [A] à son poste de pilote-commandant de bord, sur le fondement de l'article L.2422-4 du code du travail, la cour condamnera Air France à lui payer une IFC de 37.752 euros, au titre de la rupture de son second contrat de travail notifiée par Air France par lettre du 27 août 2014.

dans tous les cas, s'y ajoutant :

la somme de 5.827 euros au titre de son indemnisation pour cotisation en doublon de la mutuelle sur cette même période

à titre subsidiaire, celle de 2.035 euros avec condamnation d'Air France à ne pas retirer la participation de 86,26 euros par mois lorsqu'elle reconstituera la carrière de Monsieur [A] en lui remettant ses fiches de salaire mois par mois, pour la période du 1er janvier 2010 au 12 septembre 2013, au titre de son indemnisation, réintégré ou non, sur le fondement de l'article L.2422-4 du code du travail

Condamner Air France à payer à Monsieur [A] la somme de 33.800 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le fondement de l'article L.3141-26 du code du travail, avec intérêt au taux légal à compter du 30 novembre 2014, terme de son contrat de travail de navigant sur le fondement de l'article 1153-1 et 1154 du code civil.

Condamner Air France à payer à Monsieur [A] la somme de 50.000 euors au titre de son préjudice moral spécial, sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

Condamner Air France à payer à Monsieur [A] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 3 avril 2019, la société demande de voir :

,à titre principal,

'juger que la demande d'indemnisation de Monsieur [A] est partiellement irrecevable car prescrite s'agissant de la période antérieure au 19 juin 2012,

'juger que la demande de reliquat de congés payés de Monsieur [A] est irrecevable car prescrite et, en conséquence, débouter Monsieur [A] de ses demandes.

à titre subsidiaire,

'juger que l'indemnisation de Monsieur [A] au titre de l'article L.2422-4 du code du travail devra intervenir sur la base d'un salaire de 15.604,26 euros bruts (salaire post-réintégration, et ne saurait donc être supérieure à la somme de 357.530,89 euros bruts.

à titre très subsidiaire,

juger que l'indemnisation de Monsieur [A] au titre de l'article L.2422-4 du code du travail devra intervenir sur la base d'un salaire de 21.883,34 euros bruts, et ne saurait donc être supérieure à la somme de 633.810,31 euros bruts.

en tout état de cause,

'condamner le salarié à lui verser la somme de 20.114,09 euros en remboursement du trop-perçu au titre de l'indemnité de fin de carrière, de le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'indemnisation fondée sur l'article L. 2422'4 du code du travail pour la période du 4 août 2009 ou 12 septembre 2013

La société Air France oppose la prescription de la demande.

Cependant, le point de départ de la prescription est la date à laquelle l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, soit le 25 juin 2013. Monsieur [A] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 19 juin 2015, son action est recevable.

Monsieur [A] soutient que son indemnisation doit correspondre à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, que la liquidation de ses droits de la retraite en 2009 en 2010 ne fait pas obstacle à sa réintégration le 13 septembre 2013, et que les pensions et allocations perçues par lui ne viennent pas en déduction de son indemnisation sur le fondement de l'article L. 2 422'4 du code du travail.

Cependant, pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur ; il en résulte que le salarié dont le contrat a été rompu par l'employeur qui a fait valoir ses droits à la retraite, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent.

Monsieur [A] a liquidé ses pensions de retraite le 1er décembre 2009 pour la CRPN et le 1er mai 2010 pour la CNAV. Il ne pouvait donc solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent, peu important qu'Air France ait accepté sa réintégration le 3 octobre 2013. Il sera donc débouté de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422'4 du code du travail

Il sera fait droit à sa demande subsidiaire de dommages-intérêts pour licenciement nul. Il lui sera accordé compte tenu de sa rémunération et des circonstances de la rupture une somme de 150 000 euros.

Par ailleurs, compte tenu du déplafonnement à compter du 1er janvier 2010 de l'âge limite impératif d'exercice de l'activité de pilote transport public de 60 à 65 ans, Monsieur [A] a subi un préjudice moral dans la mesure où il avait il avait fait valoir ses droits à la retraite. Il lui sera accordé une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le remboursement de la mutuelle

Monsieur [A] sollicite la somme de 5827 euros titre du remboursement du coût de la mutuelle qu'il a dû payer sur la période considérée au motif qu'en restant salarié d'Air France, il aurait bénéficié de la mutuelle de la compagnie et de la prise en charge par la société d'une partie de ses frais.

Cependant, la condamnation de la société Air France ne saurait excéder la quote-part des cotisations de la mutuelle Air France à la charge de l'employeur, soit 50 % du montant total, Monsieur [A] participant à hauteur de 86,16 euros au paiement des cotisations. Il s'ensuit que le préjudice qui lui a été causé s'élève à la somme de 2035 euros.

Sur le préjudice moral spécial

Monsieur [A] soutient qu'à compter du 13 septembre 2013, les conditions de sa réintégration ont été vexatoires, déloyales et lentes.

Cependant, ayant fait valoir ses droits à la retraite, il ne pouvait solliciter sa réintégration. En tout état de cause, Air France a accepté dès le 3 octobre 2013 de le réintégrer, soit moins de 3 semaines après sa demande de réintégration ; elle lui a proposé des postes au sol qu'elle pouvait seuls lui offrir puisqu'il avait atteint la limite d'âge pour des postes de navigant. Monsieur [A] ne justifie d'aucun manquement de la part de la société et sera donc débouté de cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la rupture du second contrat de travail en date du 27 août 2014

Il a été proposé à Monsieur [A] deux postes de reclassement au sol d'analyste analyse des vols et ingénierie junior et analyste ASR junior. Celui-ci ne les a pas acceptés et, en tout état de cause, ne s'est jamais présenté pour une reprise effective de poste. Le licenciement est dès lors fondé sur une cause réelle et sérieuse. Monsieur [A] sera débouté de cette demande.

Sur la demande titre du reliquat de 60 jours de congés

Monsieur [A] sollicite la condamnation de la société Air France à lui payer un reliquat de 60 jours de congés acquis et non pris en 2009.

Air France invoque la prescription de la demande, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes le 19 juin 2015.

Celui-ci réplique que ces 60 jours de droits congés ont été reportés, car non utilisés, jusqu'au terme de son contrat rétabli le 30 novembre 2014.

Or, dans une lettre du 31 mai 2010, la société Air France répondait aux lettres de Monsieur [A] des 1er février et 26 mars 2010 :

« Nous avons bien reçu votre demande de paiement de 60 jours complémentaires à votre solde de tout compte au titre des congés non pris de congés non pris.

Nous vous rappelons selon que selon les dispositions du chapitre 4. 2 ''Règles de congés payés PNT'' de l'accord PNT 2006 :

''L'officier navigant a le droit l'obligation de prendre effectivement ses congés payés annuels durant l'exercice au cours duquel ils sont accordés.

Le reliquat de congés est un report à titre exceptionnel d'une partie des congés annuels au-delà de la période d'attribution''.

Compte tenu de ces dispositions, une indemnité compensatrice de congés à hauteur de 60 jours vous a déjà été versée à titre exceptionnel et dérogatoire à l'occasion de la rupture de votre contrat de travail dans le cadre de l'article L. 421'9 du code de l'aviation civile.

Par conséquent, nous n'entendons pas donner une suite favorable à votre demande. »

L'accord collectif de 2006 précise, en effet, que le report des congés est exceptionnel de sorte que Monsieur [A] ne peut utilement soutenir que ses congés ont été reportés car non utilisés.

Même si en 2009 la prescription était quinquennale, il n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 19 juin 2015 et il s'agissait de congés payés afférents au premier contrat de travail et non pas au second contrat qui a pris fin le 30 novembre 2014.

Sa demande est donc prescrite.

Sur la demande de remboursement par Air France du trop-perçu au titre de l'indemnité de fin de carrière

Monsieur [A] fait valoir que Air France lui a réglé, en novembre 2009, une indemnité de fin de carrière d'un montant de 155 807,42 euros au titre de la rupture qui a été annulée et que, le 30 novembre 2014, au terme de son contrat de navigant rétabli, Air France ne lui a pas payé - alors qu'il était réintégré - l'indemnité de fin de carrière qu'elle lui devait. Il sollicite qu'il soit pris acte de la compensation entre l'indemnité de fin de carrière perçue en 2009 et celle due au titre de 2014.

Air France réplique qu'il ne peut y avoir compensation parfaite dans la mesure où les sommes dues ne sont pas équivalentes, l'indemnité de fin de carrière au moment de la rupture annulée de son contrat de travail s'étant élevée à 155 807,42 euros et l'indemnité de rupture dont il pouvait bénéficier lors de la rupture du contrat de travail intervenue en 2014 s'élevant à 135 693,33 euros.

Cependant, si Air France a accepté de réintégrer Monsieur [A], celui-ci n'a pas accepté les possibilités de reclassement dans un poste au sol qui lui était proposées et a été licencié pour ce motif. Il doit donc être considéré que l'indemnité de fin de carrière qui lui a été attribuée en 2009 lui reste acquise.

Sur l'indemnité de fin de carrière correspondant au second contrat de travail

Il a été indiqué que Monsieur [A] n'avait jamais pris son poste dans le cadre de ce second contrat de travail. Il sera donc débouté de cette demande.

Sur la perte de chance d'utiliser des droits au DIF

La portabilité du droit individuel à la formation permet au salarié dont le contrat de travail est rompu de demander pendant son préavis ou après la cessation du contrat à bénéficier des heures acquises au titre du DIF et non utilisées. Cependant ce dispositif n'est pas applicable en cas de départ à la retraite. Il convient de rejeter cette demande.

Il est équitable d'accorder à Monsieur [A] une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré ;

Condamne la société Air France à payer à Monsieur [A] les sommes de :

'150 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral

'2035 euros à titre d'indemnisation au titre de la mutuelle

'2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Air France aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/08464
Date de la décision : 18/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/08464 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-18;17.08464 ?
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