La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2019 | FRANCE | N°17/08250

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 14 juin 2019, 17/08250


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 14 JUIN 2019



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08250 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3FCU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2017 -Tribunal d'Instance de PARIS 3ème - RG n° 11-16-000179





APPELANTE



Mademoiselle [C] [O]

Née le [Date naissance 1] 1954 Ã

  [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020





...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 14 JUIN 2019

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08250 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3FCU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2017 -Tribunal d'Instance de PARIS 3ème - RG n° 11-16-000179

APPELANTE

Mademoiselle [C] [O]

Née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

INTIMES

Monsieur [V] [D]

Né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [I] [G] [E] épouse [D]

Née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant Me Bernard DEMONT avocat au barreau de PARIS,

toque : P37

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Avril 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, M. Daniel FARINA, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Daniel FARINA, Président

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Philippe JAVELAS, Conseiller, le Président étant empêché et par Viviane REA, Greffière présente lors de la mise à disposition.

****

Exposé du litige

Par contrat du 10 juin 1986 M [R] aux droits duquel se trouvent M et Mme [D] a donné à bail à Mme [O] un appartement, soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948 et situé [Adresse 1] .

Le bail mentionne que les locaux sont classés en catégorie III A .

Par acte d'huissier du 26 juin 2015, visant les dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 M et Mme [D] ont fait notifier à Mme [O] une proposition

de nouveau contrat de bail d'une durée de huit années à effet au 1er février 2016 .

Le 23 octobre 2015 ils ont assigné Mme [O] devant le Tribunal d'instance de Paris 3ème aux fins de voir :

- valider la proposition de nouveau contrat de bail,

- subsidiairement désigner un expert avec la mission d'usage en matière d'application de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 et en particulier de donner son avis su le montant du loyer annuel réclamé en fin de bail de 8 ans soit 16 200 euros .

Par conclusions en réponse déposées pour l'audience du 11 janvier 2016 Mme [O] demandait au tribunal :

- au visa de la loi du 1er septembre 1948 et du classement conventionnel de l'appartement loué dans la sous-catégorie III A prévue par le décret du 10 décembre 1948,

- débouter M et Mme [D] de leur demande de validation de proposition de nouveau contrat de bail pour faire fixer le nouveau loyer annuel à la somme de 16 200 euros,

- subsidiairement désigner un expert avec mission de dresser un décompte de surface corrigée du local afin de pouvoir déterminer sa sous-catégorie de classement et donner son avis sur le montant du loyer annuel réclamé .

Par jugement avant dire droit du 29 février 2016 le Tribunal d'instance a ordonné une

expertise et commis pour y procéder M [W] [T] avec mission :

- d'établir la surface corrigée du logement avec sa catégorie,

- d'émettre un avis quant au montant du loyer annuel réclamé en fin de bail de 8 ans soit la somme de 16 200 euros .

Dans son rapport déposé le 1er juillet 2016 l'expert judiciaire considère que le logement doit être classé en catégorie II C ; il retient une surface corrigée de 80 m² et propose la fixation d'un loyer mensuel de 970, 32 euros / mois soit 11 643, 82 euros par an .

Saisi de nouveau après dépôt de ce rapport le Tribunal d'instance Paris 3ème, par jugement du 6 mars 2017 a :

- débouté Mme [O] de ses demandes,

- homologué le rapport d'expertise judiciaire,

- fixé le montant du loyer mensuel à compter du 1er février 2016 selon les montants retenus par l'expert judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- fait masse des dépens, y compris les frais d'expertise et dit qu'ils seront supportés par moitié

par chacune des parties ;

Le 20 avril 2017 Mme [O] a interjeté appel de ce jugement .

Par conclusions du le 16 avril 2019 elle demande à la cour de :

- au visa de la loi du 1er septembre 1948, du décret du 22 décembre 2006 relatif aux seuils de revenus applicables aux locataires de logements classés en catégories II B et II C définies par la loi du 1er septembre 1948, et des articles 28 et suivants de la loi du 23 décembre 1986, et 378 du Code de procédure civile,

- à titre principal,

- dire que le logement loué par Mme [O] relève de la catégorie III A comme indiqué dans le contrat de bail,

- en conséquence,

- déclarer les dispositions des articles 28 et suivants de la loi du 23 décembre 2016 inapplicables au litige,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a homologué le rapport de l'expert et fixé un nouveau loyer ;

- à titre subsidiaire,

- constater que Mme [O] n'a pas renoncé aux dispositions de l'article 29 de la

loi du 23 décembre 1986 ;

- et statuant à nouveau,

- déclarer la demande de validation de la proposition de nouveau bail formée sur le fondement des dispositions des articles 28 et suivants de la loi du 23 décembre 1986 inopposable à Mme [O] compte tenu de ses faibles ressources, conformément aux dispositions de l'article 29 de ladite loi ;

- en tout état de cause,

- dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer,

- débouter M et Mme [D] de leurs demandes,

- ordonner le retour au loyer antérieur, qui s'élevait en juillet 2015 à la somme de 467,22

euros par trimestre ;

- condamner M et Mme [D] à rembourser à Mme [O] le trop perçu versé depuis février 2016,

- condamner M et Mme [D] aux dépens en ce compris les frais d'expertise et au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

Par conclusions du 18 avril 2019 M et Mme [D] demandent à la cour de :

- enjoindre à Mme [O] de justifier de ses revenus pour les années 2012 et 2013,

- ordonner un sursis à statuer par application des dispositions des articles 378 et suivants du Code de procédure civile, jusqu'à cette communication.

- subsidiairement

- confirmer le jugement déféré,

- très subsidiairement,

- condamner Mme [O] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1382 du Code Civil, devenu l'article 1240 du Code Civil.

- en toute hypothèse,

- condamner aux dépens en ce compris les frais d'expertise, et au paiement de l'article 700 du Code de procédure civile .

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2019

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de classement du logement en catégorie II C et de fixation du loyer mensuel à compter du 1er février 2016 formée en application de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986

Attendu que M et Mme [D] font valoir essentiellement que :

- il ressort de l'état de surface corrigée établi le 22 janvier 2015 par le cabinet Actif Géo géomètre expert que l'appartement doit être classé en catégorie II B pour une surface réelle de 66 m² ;

- au vu de ce décompte de surface corrigée ils ont fait notifier à Mme [O], par acte du 26 juin 2015, visant les dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986, une proposition de nouveau contrat de bail d'une durée de huit années à effet au 1er février 2016,

- la mention du bail selon laquelle le logement est classé en catégorie III A n'empêche pas le recours à la procédure de sortie de la loi du 1er septembre 1948 prévue par l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986,

- en effet, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation :

- il est toujours possible, de faire fixer un loyer à la valeur locative après avoir établi la surface corrigée du local avec sa catégorie, ( arrêt du 2 juillet 2013 ),

- il n'y a pas lieu à cet égard de tenir compte du classement intervenu antérieurement (arrêt du 11 juillet 1972 ) ;

- la loi du 1er septembre 1948 étant d'ordre public il est justifié de pouvoir faire vérifier à tout moment par le juge que le loyer appliqué correspond bien au mode de calcul légal,

- ainsi en l'espèce, le classement initial en catégorie 3 A ne correspondant pas aux caractéristiques des locaux, telles qu'elles ressortent du décompte de surface corrigée ils sont recevables à faire vérifier ce classement dans le cadre de la présente instance en sortie du champ d'application de la loi du 1er septembre 1948, engagée sur le fondement de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986,

- en toute hypothèse les parties peuvent toujours dénoncer l'accord initial lorsqu'elles réclament un autre calcul de surface corrigée,

- tel est le cas en l'espèce puisque chaque partie a communiqué son décompte de surface corrigée,

- en outre le bail du 10 juin 1986 ne vise aucun décompte de surface corrigée et il stipule que le loyer peut être révisé en fonction de la valeur locative réelle ;

- Mme [O] reconnaît dans ses conclusions que le classement du local peut être modifié à l'occasion d'un décret de libération des locaux,

- tel est le cas puisque la loi du 23 décembre 1986 dispose en son article 28 qu'un appartement classé en catégorie II B est libérable,

Attendu que Mme [O] réplique essentiellement que :

- les dispositions de l'article 28 la loi du 23 décembre 1986 qui visent uniquement les locaux des catégories II B et II C, ne s'appliquent pas si les parties au contrat de bail ont classé le logement dans une autre de ces catégories,

- en l'espèce le bail du 10 juin 1986 mentionne que le local est de catégorie III A,

- le géomètre qu'elle a mandaté a retenu que le logement devait être classé dans cette catégorie,

- il n'y a pas eu d'accord des parties pour changer la catégorie de l'appartement, et elle n'a accepté aucun changement à ce titre,

- elle a contesté la catégorie de logement et la surface corrigée retenue par le bailleur et écrit à plusieurs reprises à celui-ci en ce sens les 23 mars, 7 mai et 5 juin 2015, courriers qui sont ses pièces 12 et 14 ;

- si le principe de l'intangibilité du classement conventionnel peut être remis en cause par application d'un des décrets de libération de baux du régime de la loi du 1er septembre 1948 c'est à la condition que le local ait été classé en des catégories exceptionnelles, I et II A, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- les dispositions des articles 28 et suivants 30 à 33 de la loi du 23 décembre 1986 ne sont pas des textes de libération de baux du régime de la loi du 1er septembre 1986 ;

- elles offrent simplement la faculté au bailleur d'un local classé en sous-catégorie II B ou II C, dont le loyer est fixé conformément aux dispositions du chapitre III de la loi du 1er septembre 1948, de proposer au locataire un contrat de location régi par cette loi ;

Sur ce

Attendu que M et Mme [D] ont fait notifier le 26 juin 2015 sur le fondement des dispositions des articles 28 et suivants de la loi du 23 décembre 1986 une proposition de nouveau contrat de bail pour une durée de huit ans et ont assigné Mme [O] en validation de cette proposition ;

Que donnant son avis sur le loyer mensuel applicable en vertu du bail proposé l'expert judiciaire considère que le logement doit être classé en catégorie II C, retient un loyer futur mensuel de 970, 32 euros et indique les conditions de l'étalement de la hausse sur huit ans soit du 1er février 2016 au 1er février 2023 ;

Que faisant valoir que le logement relève bien de la catégorie II C visée par l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 M et Mme [D] demandent à la cour de classer les locaux dans cette catégorie et, homologuant les conclusions de l'expert judiciaire, de fixer le montant du loyer pour la durée de huit ans prévue par l'article 30 de la même loi ;

Attendu que selon les dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 : ' Le bailleur d'un local classé en sous-catégorie II B ou II C dont le loyer ou l'indemnité d'occupation est fixé conformément aux dispositions du chapitre III de la loi du 1er septembre1948 peut proposer au locataire ou occupant de bonne foi un contrat de location régi par les dispositions des articles 30 à 33 du présent chapitre ,des chapitres Ier à III à l'exception des articles 10 et 11, et de la loi du 6 juillet 1989" ; .

Que des termes ainsi employés il résulte que ce texte ne concerne que les locaux qui, au moment de la notification d'une proposition de contrat de sortie, sont déjà ' classés en sous-catégorie II B ou II C'soit par convention soit par décision de justice ;

Que ce texte permet ainsi au bailleur d'un local ' classé en sous-catégorie II B ou II C de notifier une proposition de sortie du champ d'application de la loi du 1er septembre 1948;

Qu'il appartient au bailleur qui entend notifier, sur le fondement des dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986, une proposition de bail de huit ans, d'établir que le local loué est classé conventionnellement ou par décision de justice en sous-catégorie II B ou II C ;

Qu'à défaut il ne peut utilement mettre en oeuvre la procédure de sortie prévue par ce texte et demander dans ce cadre une révision du classement conventionnel ou judiciaire ;

Qu'en particulier ( sauf recours à la procédure spécifique prévue par l'article 32 bis de la loi du 1er septembre 1948 en cas de modification des éléments ayant servi de base de détermination du loyer ) le fait qu'un logement ait été classé par les parties en catégorie 3 A, catégorie non libérée, empêche l'application de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986, lequel ne concerne expressément que les locaux ' classés en catégorie 2 B ou 2 C';

Attendu en l'espèce que M et Mme [D] ont engagé sur le fondement de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 une procédure tendant à la conclusion d'un contrat de location régi par les dispositions des articles 30 à 33 de cette loi ;

Mais attendu que le contrat de bail du 10 juin 1986 classe expressément les locaux en catégorie 3 A, catégorie non visée par l'article 28 précité ;

Que les conditions d'application de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 ne sont donc pas remplies ;

Que M et Mme [D] ne pouvaient, en conséquence, utilement engager la procédure prévue par ce texte et prétendre, sur le fondement de celui-ci, à une sortie des locaux du régime de la loi du 1er septembre 1948 ;

Attendu qu'ils invoquent l'existence d'un accord des parties pour modifier le classement conventionnel du local ;

Qu'ils font valoir à ce titre que chaque partie ayant communiqué son décompte rectificatif, l'accord initial a été dénoncé, les parties réclamant ainsi un autre calcul de surface corrigée;

Mais attendu que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'il appartient à celui qui l'invoque de la prouver ; que cette preuve ne peut résulter que d'actes démontrant de façon certaine et non équivoque l'intention d'une partie de renoncer au bénéfice de son droit ;

Que par courriers des 23 mars et 5 juin 2015 adressés aux bailleurs Mme [O] a invoqué le classement conventionnel en catégorie 3 A et contesté leur état de surface corrigée en date du 22 juillet 2015 ;

Qu'elle a ainsi clairement montré sa volonté de se prévaloir de ce classement et non de le remettre en cause ;

Qu'il ne saurait se déduire de l'établissement d'un décompte de surface corrigée par un géomètre expert une renonciation certaine et non équivoque de Mme [O] au droit de se prévaloir du classement conventionnel ;

Que l'envoi de ce décompte n'était en effet destiné qu'à corroborer la pertinence du classement conventionnel ;

Que le moyen n'est donc pas fondé ;

Attendu que M et Mme [D] font valoir en outre que:

- en demandant la désignation d'un expert Mme [O] a admis que, malgré le niveau de ses ressources, les dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 étaient applicables ;

- or elle a conclu ensuite au visa de l'article 29 de cette loi, à l'inopposabilité de la proposition de nouveau contrat, au motif que ses ressources pour l'année 2014 ont été de 7.200 euros alors que le seuil de ressources pour 2014 est de 38.975 euros,

- une telle argumentation est irrecevable alors que Mme [O] avait renoncé de manière expresse et non équivoque à contester l'application de l'article 29 de la loi du 23 décembre 1986,

- cette renonciation résulte :

- des conclusions prises pour l'audience du 11 Janvier 2016 et par lesquelles elle a demandé le renvoi à l'expertise afin de déterminer le montant du loyer en fin de bail de 8 ans,

- de sa participation active aux opérations d'expertise judiciaire en particulier en demandant à l'expert de tenir compte de travaux qu'elle avait fait réaliser dans l'appartement,

- de la demande adressée à l'expert, après l'envoi de sa note aux parties, et par laquelle elle sollicitait un délai pour lui faire part de sa position sur le montant du loyer proposé,

- une demande de désignation d'un expert pour déterminer uniquement la sous-catégorie du local était sans objet si les dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 ne pouvaient s'appliquer compte tenu des ressources de Mme [O] ;

Attendu que Mme [O] répond que :

- le caractère d'ordre public de la loi de 1948 impose une renonciation expresse et non équivoque de la part du locataire,

- or en l'espèce il n'y a pas eu de renonciation de sa part ;

- ses conclusions prises pour I'audience du 11 janvier 2016 tendaient uniquement au rejet des demandes fondées sur l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986, inapplicable aux logements de catégorie III A.

- compte tenu du classement contractuel du logement litigieux en catégorie III A, il

n'était pas possible de notifier une proposition de bail de sortie de la loi du 1er septembre 1948, régie par les dispositions des articles 28 et suivants de la loi du 23 décembre 1986,

- il ne pouvait pas alors être question de renoncer aux dispositions de l'article 29 de la loi du 23 décembre 1986, dans lesdites écritures, mais seulement d'indiquer que le bail ne pouvait faire l'objet d'une sortie de loi de 1948,

- en conséquence il n'était pas nécessaire de faire état, ni de justifier des ressources de Mme [O], la location ne pouvant faire l'objet d'un nouveau bail de 8 ans,

- elle n'a jamais renoncé au bénéfice des dispositions de l'article 29 de la loi du 23 décembre 1986, et ses conclusions prises pour I'audience du 11 janvier 2016 ne contiennent aucune renonciation expresse et non équivoque de sa part aux dispositions de ce texte,

- ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'elle a demandé au Tribunal de faire droit à la demande d'expertise formée par M et Mme [D] précisant que « cette désignation permettrait de dresser un décompte de surface corrigée du local afin de pouvoir déterminer sa sous-catégorie de classement » ;

- cette demande subsidiaire visait uniquement à voir confirmer par l'expert que le local loué appartenait bien à la catégorie III A, contrairement à ce qu'affirmait le bailleur ; et ne pouvait donc pas faire l'objet d'un bail de sortie de la loi de 1948,

- de même sa participation aux opérations d'expertise et la communication de pièces en cours d'expertise, ne sauraient être assimilées à une renonciation non équivoque de sa part aux dispositions précitées.

- elles tendaient exclusivement à faire confirmer le classement en catégorie III A de son appartement et donc à faire échec à la proposition du nouveau contrat de bail.

- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'elle avait demandé à I'expert « un délai pour lui faire part de sa position sur le montant du loyer proposé », alors que dans sa demande de délai, le conseil de Mme [O] avait seulement sollicité « un délai de quinzaine afin de m'en entretenir avec ma cliente » pour répondre à la note aux parties de l'expert, laquelle contenait notamment une proposition de classement du local litigieux,

Attendu sur ce, que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'il appartient à celui qui l'invoque d'en rapporter la preuve ;

Attendu en l'espèce que le 23 octobre 2015 M et Mme [D] ont assigné Mme [O] devant le Tribunal d'instance de Paris 3ème aux fins de voir :

- valider la proposition de nouveau contrat de bail,

- subsidiairement désigner un expert avec la mission d'usage en matière d'application de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 et en particulier de lui donner son avis su le montant du loyer annuel réclamé en fin de bail de 8 ans soit 16 200 euros .

Par conclusions en réponse déposées pour l'audience du 11 janvier 2016 Mme [O] demandait au tribunal :

- au visa de la loi du 1er septembre 1948 et du classement conventionnel de l'appartement loué dans la sous-catégorie III A prévue par le décret du 10 décembre 1948,

- débouter M et Mme [D] de leur demande de validation de proposition de nouveau contrat de bail pour faire fixer le nouveau loyer annuel à la somme de 16 200 euros,

- subsidiairement désigner un expert avec mission de dresser un décompte de surface corrigée du local afin de pouvoir déterminer sa sous-catégorie de classement et donner son avis sur le montant du loyer annuel réclamé .

Par jugement avant dire droit du 29 février 2016 le Tribunal d'instance a désigné un expert avec mission :

- d'établir la surface corrigée du logement avec sa catégorie,

- d'émettre un avis quant au montant du loyer annuel réclamé en fin de bail de 8 ans ;

Attendu que pour rejeter les demandes de Mme [O], dire que le logement relevait de la catégorie II C et fixer le montant d'un nouveau loyer, le premier juge retient principalement que :

- Mme [O] a conclu à l'inopposabilité de la proposition de nouveau contrat de bail par application des dispositions de l'article 29 de le loi du 23 décembre 1986 en faisant valoir

que ses ressources pour l'année 2014 se sont élevées à 7 200 euros soit à une somme très inférieure au seuil de ressources étant pour cette même année de l'ordre de 38 975.euros,

- cependant elle a renoncé de manière non équivoque à l'application de ce texte dès lors que dans ses premières écritures elle a sollicité une mesure d'expertise aux fins de déterminer le montant du loyer en fin de bail de huit ans,

- en toute hypothèse elle a participé à l'ensemble des opérations d'expertise, demandant expressément qu'il soit tenu compte des travaux réalisés par ses soins dans l'appartement litigieux, ayant par ailleurs, revendiqué auprès de celui-ci un délai de 15 jours pour faire part de ses observations quant au montant du nouveau loyer proposé,

Attendu que Mme [O] a expressément contesté, à titre principal, dans ses conclusions prises pour l'audience du 11 janvier 2016 la possibilité pour M et Mme [D] de recourir à la procédure de sortie de la loi du 1er septembre 1948 prévue par les articles 28 et suivants de la loi du 23 décembre 1986 ;

Que ces conclusions ne contiennent pas en conséquence de renonciation de sa part à son droit d'invoquer le classement conventionnel du logement pour s'opposer à la sortie de celui-ci du champ d'application de la loi du 1er septembre 1948 ;

Que la demande d'expertise ne peut s'analyser en une renonciation de sa part alors que cette demande n'était présentée qu'à titre subsidiaire ;

Qu'en outre cette demande qui s'appuyait à la fois sur le classement conventionnel et sur le décompte de surface corrigée que Mme [O] avait fait établir, tendait à voir confirmer le classement conventionnel clairement invoqué à titre principal ;

Attendu qu'il ne peut en conséquence se déduire de la participation de Mme [O] aux opérations d'expertise avec en particulier la communication de justificatifs de dépenses de travaux, une renonciation à son droit de se prévaloir du classement conventionnel et de s'opposer pour cette raison à la mise en oeuvre de la procédure de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 réservée aux logements classés en sous-catégories II B et II C ;

Attendu s'agissant du moyen pris du courrier adressé à l'expert en réponse à la note aux parties adressée par celui-ci, que dans ce courrier le conseil de Mme [O] a sollicité : « un délai de quinzaine afin de m'en entretenir avec ma cliente » ;

Qu'il ne ressort des termes ainsi employés aucune renonciation de Mme [O] à se prévaloir du classement conventionnel et des conséquences de celui-ci sur le recours à la procédure de sortie de la loi du 1er septembre 1948 ;

Attendu le fait que Mme [O] n'ait pas invoqué, au cours de la procédure qui a conduit à la désignation d'un expert, les dispositions de l'article 29 de la loi du 23 décembre 1986 est sans incidence sur son droit de se prévaloir du classement conventionnel et des conséquences de celui-ci ;

Attendu en effet que selon les dispositions de I'article 29 de la loi du 23 décembre 1986 « les dispositions de I'article 28 ne sont pas opposables au locataire ou occupant de bonne foi dont les ressources, cumulées avec celles des autres occupants du logement, sont inférieures à un seuil fixé par décret » ;

Que ces dispositions concernent uniquement les locataires de logements appartenant aux catégories II B et II C au moment de la notification de la proposition d'un nouveau contrat de bail ; qu'elle leur permet lorsque leurs ressources sont inférieures à un certain seuil, d'invoquer, pour cette raison, l'inopposabilité des dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 ;

Attendu que contestant à titre principal que les conditions d'application de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 soient remplies, Mme [O] n'était pas tenue d'invoquer en première instance le bénéfice des dispositions de l'article 29 de cette loi ;

Que de ce qui précède il ressort que le moyen pris d'une renonciation de Mme [O] à ses droits ne peut être retenu et que les dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 sont inapplicables en l'espèce ; qu'en conséquence les demandes formées par M et Mme [D] dans le cadre de la procédure prévue par ce texte ne sont pas fondées ;

Sur la demande de sursis à statuer dans l'attente de la communication de justificatifs de ressources

Attendu que M et Mme [D] demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la communication par Mme [O] de justificatifs de ses ressources des années 2012 et 2013 ;

Attendu que Mme [O] réplique que cette demande est sans objet dans la mesure où la procédure de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce ;

Sur ce

Attendu que Mme [O] n'a invoqué qu'à titre subsidiaire, l'exception d'inopposabilité relative au niveau de ressources, prévue par les dispositions de l'article 29 de la loi du 23 décembre 2016 ;

Qu'il a été retenu ci-dessus que les conditions d'application des dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 2016 ne sont pas réunies et qu'en conséquence la demande tendant à voir valider la proposition de nouveau contrat de bail n'est pas fondée ;

Qu'il s'ensuit que la demande subsidiaire formée par Mme [O] en vue de se voir déclarer inopposable la procédure de sortie de la loi du 1er septembre 1948 devient sans

objet ;

Que la demande de sursis à statuer aux fins d'obtenir la production de documents afférents aux ressources de Mme [O] n'est donc pas justifiée ;

Qu'elle ne peut aboutir ;

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par M et Mme [D]

Attendu que M et Mme [D] font valoir :

- qu'en ne faisant pas état de ses ressources avant que l'expertise ait été ordonnée Mme [O] leur a fait croire qu'elle acceptait la proposition de sortie de la loi du 1er septembre 1948,

- qu'elle doit les indemniser du préjudice en résultant ;

Attendu que Mme [O] réplique que :

- elle a toujours refusé la proposition de nouveau contrat de bail, en soulignant notamment la catégorie de l'appartement et l'impossibilité d'appliquer la procédure prévue par l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 ;

- elle n'a jamais donc laissé croire au bailleur qu'elle acceptait sa proposition de sortie

de la loi de 1948 ;

Sur ce

Attendu qu'il a été retenu ci-dessus :

- d'une part que d'abord par courriers puis au début de la procédure initiée par les bailleurs, Mme [O] a contesté, en raison du classement conventionnel du logement, la possibilité pour les bailleurs de prétendre à une sortie de la loi du 1er septembre 1948,

- et d'autre part que la location concernée ne relève pas des dispositions de l'article 28 de la loi du 23 décembre 1986 ;

Qu'il ne peut en conséquence être utilement reproché à Mme [O] de ne pas avoir fait état dés le début de la procédure de l'exception d'inopposabilité relative au seuil de ressources ;

Attendu que les conditions d'application de la responsabilité invoquée par M et Mme [D] n'étant pas réunies la demande d'indemnisation de préjudice n'est pas fondée ;

Sur les demandes de retour au loyer antérieur et de condamnation à remboursement du trop perçu versé depuis février 2016,

Attendu que le présent arrêt qui infirme le jugement déféré constitue un titre suffisant de recouvrement de sommes qui auraient été réglées en exécution de ce jugement ; que les demandes tendant à voir rétablir le montant du loyer antérieur et rembourser un trop perçu sont en conséquence sans objet ;

Sur les autres demandes

Attendu que l'équité commande de :

- condamner M et Mme [D] à payer à Mme [O] qui a dû exposer des frais non répétibles une indemnité de procédure de 4 000 euros pour la première instance et l'instance en appel, le jugement déféré étant infirmé quant aux frais non répétibles,

- et de rejeter la demande en paiement d'indemnité de procédure formée par M et Mme [D] ;

Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, seront mis à la charge de M et Mme [D] ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement,

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare M [V] [D] et Mme [I] [D] mal fondés en leurs demandes de fixation de loyer, et autres conditions d'un nouveau contrat de bail, formées sur le fondement des dispositions des articles 28 et suivants de la loi du 23 décembre 1986,

Les en déboute,

Condamne M [V] [D] et Mme [I] [D] à payer à Mme [C] [O] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute M [V] [D] et Mme [I] [D] de leur demande en paiement formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,

Condamne M [V] [D] et Mme [I] [D] aux dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise, et aux dépens d'appel .

LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/08250
Date de la décision : 14/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°17/08250 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-14;17.08250 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award