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12/06/2019 | FRANCE | N°18/24404

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 12 juin 2019, 18/24404


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 12 JUIN 2019



(n°276, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/24404 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YCS et N° RG 19/00355 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BFO les deux procédures jointes sous le seul N° RG 18/24404 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YCS



Décisions déférées à la Cour : Ordonnance du 15 novembre 2018 -Tribunal de Commerce

de PARIS - RG n° 2018045838 et Ordonnance du 20 décembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018045630



APPELANTE



SAS SAFM, prise ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 12 JUIN 2019

(n°276, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/24404 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YCS et N° RG 19/00355 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BFO les deux procédures jointes sous le seul N° RG 18/24404 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YCS

Décisions déférées à la Cour : Ordonnance du 15 novembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018045838 et Ordonnance du 20 décembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018045630

APPELANTE

SAS SAFM, prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

N° SIRET : 814 500 757

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée par Me François MUSEREAU de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE

SAS GROUPE ROC-ECLERC

[Adresse 2]

[Adresse 3]

N° SIRET : 481 448 249

Représentée et assistée par Me Mathieu SEYFRITZ de la SELEURL Mathieu SEYFRITZ Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : D0820

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. François ANCEL, Président

Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère

Mme Sophie GRALL, Conseillère

Qui ont en délibéré, .

Greffier, lors des débats : Mme Anaïs SCHOEPFER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par François ANCEL, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.

La société GROUPE ROC ECLERC se présente comme étant à la tête d'un réseau'd'entreprises de pompes funèbres exploitant sous l'enseigne ROC ECLERC.

Plusieurs des sociétés membres de son réseau lui ont notifié par lettre du 13 avril 2018 leur intention de céder leurs parts et leur fonds de commerce à la société SAFM (ou à sa filiale la société Agence Avignon Funéraire), laquelle se présente comme exerçant une activité similaire sous l'enseigne '[Adresse 4]' dans le cadre d'un réseau mutualiste d'entreprises funéraires.

Soupçonnant des agissements de parasitisme de la part de la société SAFM par l'adoption d'une stratégie commerciale visant à développer le réseau 'La maison des obsèques' en rachetant prioritairement des établissements Roc-Eclerc, la société Groupe Roc-Eclerc a sollicité le 3 juillet 2018 le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir autoriser des mesures de constat avant tout procès au visa de l'article 145 du code de procédure civile, en commettant un huissier de justice afin de se rendre au siège de la société SAFM, situé [Adresse 2], pour y recueillir tous courriers dont M. [J] [F], M. [T] [V], Monsieur [B] [H] ou tout autre personne ayant une adresse électronique comprenant 'la maison des obsèque', ou 'sfam' serait expéditeur ou destinataire en copie'et'contenant 'différents mots-clés'listés dans la requête qu'elle indique se rapporter soit'à des'opérations'passées, soit à'des opérations'susceptibles d'être'engagées'dans'l'avenir'par SAFM sur des cibles'constituées.

L'ordonnance sur requête a été rendue le 5 juillet 2018.

Les opérations de constat se sont déroulées le 19 juillet 2018.

Par assignation du 14 août 2018, la société SAFM a sollicité la rétractation de l'ordonnance du 5 juillet 2018 et la restitution des pièces saisies le 19 juillet 2018 dans ses locaux.

Parallèlement, par acte du 17 août 2018, la société Groupe Roc-Eclerc a fait citer la société SAFM devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir la mainlevée du séquestre et la communication des documents recueillis.

Par ordonnance du 15 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société SAFM de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 5 juillet 2018;

- confirmé l'ordonnance sur requête du 5 juillet 2018 ;

- dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile ;

- renvoyé les parties à l'audience du 5 décembre 2018 à 16 heures pour les opérations de levée de séquestre ;

- condamné en outre la société SAFM aux dépens de l'instance.

Suivant déclaration du 20 novembre 2018, la société SAFM a interjeté appel de cette ordonnance, en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 5 juillet 2018, de la restitution des pièces et documents saisis le 19 juillet 2018 dans ses locaux et de sa demande de paiement d'une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 18/24404.

Statuant sur la demande de mainlevée du séquestre formée par la société Groupe Roc-Eclerc, le tribunal de commerce de Paris a, par ordonnance du 20 décembre 2018, débouté la société SAFM de ses demandes de nullité des opérations de constat et ordonné une opération de pré-tri des documents dans le cadre d'un cercle de confidentialité. La société SAFM a interjeté appel de cette décision le 3 janvier 2019. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 19/00355.

Au terme de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 février 2019 dans l'affaire enregistrée sous le numéro RG 18/24404, la société SAFM demande à la cour de :

- Déclarer la société SAFM recevable et bien fondée en son appel ;

- Réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- Rétracter l'ordonnance rendue le 5 juillet 2018 ;

- Ordonner à Me [A] de détruire l'ensemble des pièces et documents saisis le 19 juillet 2018 dans les locaux de la société SAFM et d'en justifier ;

- Condamner la société Groupe Roc Eclerc à payer à la société SAFM la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Groupe Roc Eclerc aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant au profit de Maître Patricia Hardouin ' SELARL 2H Avocats et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2019 dans l'affaire RG 19/00355, la société SAFM demande à la cour d'appel de :

- Déclarer la société SAFM recevable et bien fondée en son appel.

- Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société SAFM de sa demande de nullité de la mesure d'instruction.

- Prononcer la nullité des opérations de saisies pratiquées par Me [A] dans les locaux de la société SAFM les 19 juillet et 9 aout 2018 ainsi que le procès verbal qui en rend compte.

- Rappeler que les pièces saisies resteront placées sous séquestre tant qu'une décision irrévocable n'aura pas été rendue sur la rétractation de l'ordonnance du 5 juillet 2018.

- Débouter la société GROUPE ROC ECLERC de toutes ses demandes, fins et prétentions.

- Condamner la société GROUPE ROC ECLERC à payer à la société SAFM la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Autoriser Maître Patricia HARDOUIN ' SELARL 2H AVOCATS à poursuivre directement le recouvrement des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision, dans les termes de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Au terme de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 avril 2019 pour l'affaire enregistrée sous le numéro RG 18/24404, la société Groupe Roc Eclerc demande à la cour de :

- Dire l'appel formé par la société SAFM infondé ;

- Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- Débouter la société SAFM de toutes ses autres demandes ;

- Reconventionnellement, condamner la société SAFM à verser à la société Groupe Roc Eclerc la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de Me Seyfritz - SELARL MS Avocats et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 mai 2019 dans l'affaire RG 19/00355, la société Groupe Roc-Eclerc demande à la cour d'appel de :

- Dire l'appel formé par la société SAFM infondé ;

- Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- Condamner la société SAFM à verser à verser à la société Groupe Roc Eclerc la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profi de Me Seyfritz - SELARL MS Avocats et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision entreprise et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR,

Sur la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 18/24404 et RG 19/00355;

Il y a lieu d'ordonner la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 18/24404 et RG 19/00355, qui opposent les mêmes parties et portent sur la mise en oeuvre et l'exécution d'une même mesure de constat ordonnée, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, le 5 juillet 2018.

Sur la demande en rétractation de l'ordonnance du 5 juillet 2018 ;

Au terme de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

En application de l'article 493 de ce même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte en outre des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli.

Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci. Il doit ainsi apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui. Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire et les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

Sur la dérogation au principe du contradictoire ;

Au soutien de la requête présentée au président du tribunal de commerce de Paris le 3 juillet 2018, la société Groupe ROC-ECLERC expose que la veille de la convention nationale du réseau Roc-Eclerc ayant eu lieu les 14 et 15 juin 2018, s'était tenue une réunion à laquelle ont participé plusieurs sociétés affiliés Roc-Eclerc, M. [B] [H], directeur des acquisitions de la société SAFM et M. [V] [J] chargé d'animation de réseau chez SAFM anciennement resprésentant au sein de la société Roc-Eclerc et qu'elle soupçonne ainsi la société SAFM de développer une stratégie visant à acquérir prioritairement des affiliés Roc-Eclerc et ainsi d'agissements parasitaires étant précisé que depuis 2015 la société SAFM a acquis ou tenté d'acquérir de nombreux fonds de commerce ou titres de sociétés affiliés au réseau Roc-Eclerc.

Cependant, pour motiver la nécessité de déroger au principe du contradictoire, la requête indique uniquement de manière générale et abstraite que 'les faits justifient l'absence de recours à une procédure contradictoire (...) lorsque les éléments de preuve recherchés risquent d'être détruits en cas de respect du contradictoire' en s'appuyant sur une décision de la cour d'appel de Versailles du 7 avril 2016 dont l'attendu est repris dans la requête. La société SAFM précise en outre qu'en l'espèce 'le respect du contradictoire donnerait à la SFAM l'opportunité de faire disparaître les preuves recherchées par la société Groupe Roc-Eclerc' et que ce faisant la société Groupe Roc-Eclerc est 'contrainte de procéder par voie de requête pour assurer l'efficacité des mesures requises'.

L'ordonnance sur requête rendue le 5 juillet 2018 se contente par ailleurs d'indiquer : 'Constatons au vu des justifications produites, que le requérant est fondé à ne pas appeler la partie viser par la mesure'.

Force est de constater que ces considérations sont d'ordre général et que l'allégation d'une simple opportunité pour la société SAFM de faire disparaître les preuves recherchées, sans démonstration ni prise en compte d'éléments propres au cas d'espèce caractérisant des circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire, est insuffisante pour satisfaire aux exigences posées par l'article 493 du code de procédure civile étant observé que la désignation d'un séquestre des documents saisis n'est pas de nature à pallier à cette absence de motivation.

Faute de motivation contenue dans la requête et l'ordonnance portant sur les circonstances particulières de nature à autoriser une dérogation au principe du contradictoire, l'ordonnance sur requête du 5 juillet 2018 doit être rétractée.

Sur la demande en nullité des opérations de constat ;

La rétractation de l'ordonnance du 5 juillet 2018 ayant été prononcée, le procès verbal dressé en exécution de ladite ordonnance est de nul effet et la restitution de l'ensemble des documents saisis s'impose, sans qu'il n'y ait lieu de l'assortir d'une astreinte, ni de statuer sur les autres moyens soulevés par la société SAFM.

Les ordonnances rendues les 15 novembre 2018 et 20 décembre 2018 doivent en conséquence être infirmées.

Sur les frais et dépens ;

A hauteur de cour, il y a lieu de condamner la société Groupe Roc Eclerc, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En outre, elle doit être condamnée à verser à la société SAFM, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 6 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 18/24404 et RG 19/00355 ;

Infirme les ordonnances des 15 novembre et 20 décembre 2018 ;

Statuant à nouveau ;

Rétracte l'ordonnance sur requête rendue le 5 juillet 2018 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

Annule le procès verbal de constat du 19 juillet et 9 août 2018 dressé en exécution de l'ordonnance rétractée ;

Ordonne à la société Groupe Roc-Eclerc de restituer à la société SAFM l'intégralité des pièces, documents et données, quel qu'en soit le support, recueillis à l'occasion de l'exécution de l'ordonnance sur requête du 5 juillet 2018 ;

Condamne la société Groupe Roc-Eclerc à payer à la société SAFM la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Groupe Roc-Eclerc aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 18/24404
Date de la décision : 12/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°18/24404 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-12;18.24404 ?
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