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11/06/2019 | FRANCE | N°14/06772

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 11 juin 2019, 14/06772


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 11 Juin 2019

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/06772 - N° Portalis 35L7-V-B66-BUDF3



Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 06 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 13/08657





APPELANT



Monsieur [L] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1963 à

[Localité 6] (02)

représenté par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 substituée par Me Audrey LECOMMANDEUR, avocat au barreau de NANTES





INTIMEE



SA FR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 11 Juin 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/06772 - N° Portalis 35L7-V-B66-BUDF3

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 06 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 13/08657

APPELANT

Monsieur [L] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6] (02)

représenté par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 substituée par Me Audrey LECOMMANDEUR, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 4]

[Localité 5]

N° SIRET : 432 76 6 9 47

représentée par Me Halima ABBAS TOUAZI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne HARTMANN, présidente

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente

Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier : Mme Claudia CHRISTOPHE, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [E] né le [Date naissance 1] 1963 a été engagé par la société FRANCE 2 à compter du 12 septembre 1994 en qualité de constructeur en décors- menuisier ou menuisier dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage ou de contrats de remplacement de salariés permanents absents et affecté selon les contrats dans différents services (fabrication de décors ou construction de décors ) ; il indique que ses fonctions consistaient en la construction, le montage, le démontage des décors pour les émissions ; pas moins de 416 contrats ont été conclus ;

A compter du 14 octobre 2012, date d'échéance de son dernier contrat à durée déterminée « d'usage des personnels intermittents» conclu le 08 octobre 2012 pour les 9-10-12 et 13 octobre 2012, Monsieur [L] [E] qui avat été embauché en qualité de menuiser Niveau 1 statut non cadre, n'a plus eu de nouveaux contrats.

La convention collective applicable dans l'entreprise est celle de la communication et de la production audiovisuelle , la société FRANCE 2 emploie plus de 11 salariés.

Le 07 juin 2013 Monsieur [L] [E] a saisi le conseil des prud'hommes .

Par jugement rendu le 06 mai 2014, le Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Activités diverses - chambre 2, a requalifié en contrat à durée indéterminée sa relation contractuelle avec la société FRANCE TELEVISIONS venant aux droits de la société FRANCE 2 et a condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

1.655,16 € à titre d'indemnité de requalification avec intérêts légaux à compter du jugement

3.310,32 € à titre d'indemnité de préavis plus 331,03 € pour congés payés afférents

27.310,14 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

13.000 € à titre d'indemnité de licenciement

9.604,88 € à titre de rappel de prime d'ancienneté plus 960,48 € à titre de congés payés afférents

10.105 € à titre de rappel de prime de fin d' année

les intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement

900 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 17 juin 2014, Monsieur [L] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

DEMANDES DES PARTIES

Monsieur [L] [E] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié en contrat à durée indéterminée sa relation contractuelle avec la société FRANCE TELEVISIONS à compter du mois de septembre 1994 mais de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau de débouter la société FRANCE TELEVISIONS de ses prétentions et de la condamner à lui payer avec intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil des prud'hommes les sommes suivantes :

20.000 € à titre d'indemnité de requalification

100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

13.347,71 € à titre de prime d'ancienneté plus 133,47 € pour congés payés afférents

12.130 € à titre de prime de fin d'année

7.299,76 € à titre de supplément familial

5.808 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 580 € pour congés payés afférents

75.225 € à titre de rappel de salaire

43.659 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

36.240 € au titre des primes liées au métier (cf. page 21 des conclusions, oralement reprises à la barre

5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

La société FRANCE TELEVISIONS demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié en ce qui concerne le rappel de salaire et les congés payés afférents ;

- de lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas la demande de requalification des contrats à durée déterminée ainsi que l'indemnité de requalification accordée par le Conseil des prud'hommes à hauteur de 1.655, 16 € ;

- de confirmer le montant des sommes allouées à Monsieur [L] [E] par le Conseil des prud'hommes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés, de l'indemnité de licenciement à hauteur de 27.310 €, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- d'infirmer le jugement en ce qui concerne les sommes accordées par le Conseil des prud'hommes au titre des rappels de prime d'ancienneté et de prime de fin d'année et de débouter l'appelant de ces chefs de prétentions

- subsidiairement, elle demande de renvoyer les parties à faire leurs comptes sur les créances salariales éventuellement dues pour les périodes interstitielles sous déduction des revenus de remplacement et salaires perçus par Monsieur [L] [E] en dehors de France Télévisions pour la période non prescrite.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalificaton des CDD en CDI à temps plein, l'indemnité de requalification et la demande de rappel de salaire

La société FRANCE TELEVISIONS ne conteste pas la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ordonnée par le Conseil des prud'hommes, il convient de lui en donner acte ;

La contestation dont la cour est saisie porte à la fois sur le montant de l'indemnité de requalification ouverte au salarié en application de l'article L 1245-2 § 2 du code du travail qui ne peut être inférieure à un mois de salaire et sur le rejet par le Conseil des prud'hommes de la demande du salarié de requalifier le contrat à durée indéterminée à temps complet.

En l'espèce, la cour considère qu'il y a lieu d'allouer au salarié une indemnité de requalification de 5.000 € eu égard notamment à la durée de la relation pendant laquelle le salarié a été privé des avantages liés au statut d'un salarié permanent, ladite somme étant appropriée au préjudice subi.

A l'appui de sa demande de requalification du contrat de travail à temps plein, Monsieur [L] [E] invoque l'absence de respect par les contrats à durée déterminée des dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail concernant l'obligation pour un contrat de travail à temps partiel de mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, les semaines du mois et en application duquel doivent être communiquées par écrit au salarié, les modalités des horaires de travail.

Pour s'opposer à la demande du salarié et solliciter la confirmation du rejet d'une requalification à temps complet, la société FRANCE TELEVISIONS rétorque que dans le cadre des contrats à durée déterminée Monsieur [L] [E] a toujours été recruté à temps plein pour une ou plusieurs journées et que le temps rémunéré était forfaitairement de 8 heures ramené à 7 heures à compter de l'année 2000 de sorte que ne s'agissant pas d'un recrutement à temps partiel, il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail ;

Elle fait valoir par ailleurs et en substance que la requalification de CDD successifs en CDI ne crée pas de plein droit une relation à plein temps, que le salarié ne produit aucun élément démontrant qu'il a été contraint de se tenir à la disposition de la chaîne en dehors des périodes d'activité convenues entre les parties ; elle soutient que Monsieur [L] [E] exerce depuis 2000 une prestation de travail pendant ses périodes d'inter-contrats ou de service dans le cadre de l'entraide familiale en invoquant ses pièces 4 à 6 ce qui explique à ses dires le fait qu'il n'a jamais écrit pour solliciter du travail ni fait savoir qu'il se tenait à disposition afin d'être contacté ; elle ajoute qu'il n'était soumis à aucune exclusivité et qu'en sa qualité de collaborateur intermittent il a d'une part perçu des allocations de chômage conséquentes pour les périodes non travaillées ainsi que l'établissent ses avis d'imposition, enfin qu'il ne peut pas invoquer une disponibilité permanente au profit de la chaîne dès lors qu'il était parfaitement informé de l'existence du plafond conventionnel de 140 jours pouvant être travaillés par les collaborateurs en contrat d'usage selon l'article I -1.2 de la convention collective de la communication et de la Production audiovisuelles.

Enfin, concernant le montant mensuel du salaire revendiqué par Monsieur [L] [E], la société FRANCE TELEVISIONS fait valoir que le salarié ne pourrait prétendre en cas de requalification à temps complet qu'au montant du salaire conventionnel d'un salarié permanent et non pas au salaire contractuel perçu en qualité d'intermittent rapporté à un temps plein, contrairement à sa demande et aux différents calculs qu'il présente.

La société FRANCE TELEVISIONS verse aux débats un récapitulatif annuel non contesté du nombre de jours travaillés par Monsieur [L] [E] dans le cadre de ses contrats à durée déterminée successifs soit :

Année

nombre de jours

Année

nombre de jours

Année

nombre de jours

Année

nombre de jours

1994

27

1999

84

2004

92

2009

64

1995

21

2000

105

2005

73

2010

61

1996

48

2001

99

2006

97

2011

85

1997

99

2002

104

2007

84

2012

63

1998

113

2003

30

2008

66

Il ressort de ce tableau que Monsieur [L] [E] travaillait environ et selon les années l'équivalent de plus ou moins trois mois par an pour la société FRANCE TELEVISIONS et que selon bulletins de salaire versés aux débats, il cotisait à la caisse des Congés spectacles ;

De son côté, le salarié communique le détail du nombre mensuel de jours travaillés correspondants ; il en ressort que si certains mois il n'avait de contrat que pour un nombre de jours inférieurs à 10 jours dans le mois, d'autres mois il travaillait pour des durées beaucoup plus longues ( à titre d'exemples 16 jours en mai et juin 2000, 21 jours en septembre 2000, 13 jours en octobre et décembre 2000 - au cours de l'année 2001, il a travaillé entre 13 et 16 jours chaque mois de mars à juin inclus ainsi qu'en septembre et octobre - en 2002, il a travaillé entre 12 et 20 jours par mois pendant 6 mois - en 2011, il a travaillé pendant 6 mois entre 10 et 16 jours par mois et entre 1 et 6 jours les autres mois ) ;

Monsieur [L] [E] se trouvait donc en inter- contrats à de nombreuses reprises et la preuve n'est pas rapportée qu'il avait les moyens de connaître précisément les périodes auxquelles il serait fait appel à lui ; la société FRANCE TELEVISIONS ne communique pas davantage de pièces justifiant que Monsieur [L] [E] faisait connaître ou qu'il lui était demandé de communiquer ses périodes de disponibilité de sorte qu'il doit être retenu que dans les faits, Monsieur [L] [E] devait être disponible pour répondre à toute demande de l'employeur, au risque potentiel de ne plus se voir proposer de contrat s'il répondait souvent ne pas être disponible pour assurer le renfort qui lui était demandé ; ainsi cette situation le maintenait dans une dépendance et une nécessité de disponibilité permanente à l'égard de la société FRANCE TELEVISIONS dont il est établi que chaque mois elle faisait appel à Monsieur [L] [E] pour une durée inconnue à l'avance et par conséquence que le salarié se trouvait dans l'impossibilité de connaître à l'avance le rythme de ses jours de travail dans le mois.

Cependant, il est de jurisprudence constante que pour pouvoir prétendre à la requalification de son contrat à temps plein et demander le paiement des périodes dites interstitielles, il appartient au salarié d'établir qu'il se tenait à la disposition de l'employeur à l'encontre de qui il demande le paiement de ces périodes ;

En l'espèce, la société FRANCE TELEVISIONS n'invoque ni ne justifie que Monsieur [L] [E] ait refusé certaines propositions de CDD ; Monsieur [L] [E] soutient qu'il n'avait pas d'autre employeur ; il communique ses avis d'impôts dont il ressort uniquement outre la perception des revenus perçus de la société FRANCE TELEVISIONS, la perception des indemnités de chômage.

Pour répondre aux arguments de l'intimée qui produit le registre du commerce de la SCI du CADRIXEL dont Monsieur [L] [E] est le gérant depuis février 2000 (pièce 4) et encore le registre du commerce de la société Résidence des Coutures dont l'épouse de Monsieur [L] [E] est la gérante et dont l'activité est une résidence médicalisée pour personnes âgées (pièce 5-6) , Monsieur [L] [E] produit une attestation de l'expert-comptable (Société STREGO) dont il ressort qu'il n'exerce aucune fonction et ne perçoit aucune rémunération salariée ou non dans la Sarl RESIDENCE DES COUTURES et qu'en tant qu'associé de la SCI CADRIXEL, s'agissant des revenus fonciers ils n'ont pas pu être perçus par les associés, la société devant rembourser l'emprunt souscrit pour l'acquisition de l'immeuble ; l'expert comptable ajoute dans son attestation du 14 avril 2014 que Monsieur [L] [E] ne perçoit aucun revenu à quelque titre que ce soit dans cette société ;

Ainsi, faute d'éléments contraires, la cour considère qu'elle a les informations nécessaires pour juger que Monsieur [L] [E] rapporte la preuve qu'il se tenait à la disposition de la société FRANCE TELEVISIONS sans possibilité de connaître à l'avance les périodes où il serait fait appel à lui et en conséquence, infirmant le jugement, pour requalifier la succession de CDD en CDI à temps complet.

Sur la demande de rappel de salaire et de prime d'ancienneté

La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein a pour effet de replacer le salarié dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté dès l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et il ne peut prétendre à un rappel de salaire que sur la base du salaire minimum conventionnel pour sa catégorie et non comme Monsieur [L] [E] le demande et présente ses calculs, sur celle du salaire perçu dans le cadre de ses contrats à durée déterminée ;

Il convient en conséquence de rejeter son calcul concernant sa demande de rappel de salaire en ce qu'il est basé sur le taux horaire de son dernier CDD d'octobre 2012 et sur un salaire mensuel brut de 2.426 €.

Aux termes de l'article V 4 classification B de la convention collective, le salaire est déterminé par l'addition d'une prime d'ancienneté qui rémunère la fidélité à l'entreprise et d'un salaire indiciaire qui rémunère la qualification résultant du produit de l'indice du niveau de qualification par la valeur du point d'indice.

Il n'est pas contesté que Monsieur [L] [E] appartient à la classification B. Au sein de cette classification, les emplois, métiers, fonctions et qualifications sont classés au sein de groupes de qualifications et à chaque groupe de classification sont attachés des salaires de référence ainsi que 18 niveaux indiciaires sur lesquels la durée de stationnement est variable ; ainsi, un salarié recruté au premier niveau de référence indiciaire et n'ayant pas changé de groupe n'atteint l'accès au niveau N10 qu'à l'issue de la 30ème année pour les qualifications B 4-0 à B 8-0 et B 21-1 .

Monsieur [L] [E] soutient que compte tenu de son ancienneté, il relève de la qualification B 17 et que son salaire mensuel doit être fixé à la somme de 2 426 €.

La société FRANCE TELEVISIONS conteste le niveau indiciaire réclamé par Monsieur [L] [E] et ses calculs et soutient qu'il relève du groupe de qualification B 9-0 pour lequel le niveau indiciaire de référence pour la prime d'ancienneté est de 1375 et que le salaire mensuel doit être fixé à la somme de 1 655,16 € ;

Selon la classification métier conventionnelle, Monsieur [L] [E] appartient au groupe B 9-0 « ouvrier professionnel de spécialité- technicien de spécialité» ( ses bulletins de salaire indiquent menuisier) et non à la catégorie B 11-0 « Technicien de maîtrise de spécialité- contremaître» contrairement à ce qu' il revendique ; en effet, menuisier, constructeur de décors ne figure pas dans la nomenclature B 11-0 ; en effet le groupe de qualification B11-0 selon le référentiel métier correspond à la sanction des connaissances par un BTS ou un DUT ou un diplôme admis en équivalence ou acquises par des références professionnelles, le technicien de maîtrise de spécialités est appelé à diriger des techniciens de spécialités B 9-0, ce que Monsieur [L] [E] ne justifie pas avoir été appelé à faire.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de renvoyer les parties à faire leur compte de rappel de salaire et prime d'ancienneté pour les années non prescrites soit pour la période du 7 juin 2008 à octobre 2012 sur la base du salaire minimum conventionnel correspondant au groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération, au regard de ancienneté acquise, l'avancement que le salarié aurait dû avoir et déduction faite uniquement des salaires perçus au titre de chacune des années.

Sur la demande de prime de fin d'année

Il ressort des notes de service communiquées par l'employeur que les collaborateurs relevant de la convention collective applicable au présent litige perçoivent une prime de fin d'année calculée au prorata du temps de présence dont le montant varie par tranche de rémunération contractuelle appréciée au 30 juin de l'année ;

Monsieur [L] [E] base son calcul concernant la somme réclamée sur un salaire de 2426 € qu'il indique lui même correspondre à la moyenne mensuelle des salaires qu'il aurait dû percevoir pour les années 2007 à 2012 ;

Les parties étant renvoyées à faire leur calcul de salaire, il y a lieu pour les mêmes raisons que mentionnées ci-dessus, de les renvoyer à faire leur calcul du montant de la prime de fin d'année sur la même période non prescrite.

Sur les demandes relatives aux primes de métier,de complément salarial, pour travaux dangereux, et de disponibilité

La société FRANCE TELEVISIONS s'oppose à cette demande en faisant valoir concernant la prime pour travaux dangereux décors que le salarié l'a perçue ;

Il ressort en effet des bulletins de salaire versés aux débats pour la période non prescrite que Monsieur [L] [E] a perçu une indemnité journalière à ce titre mais calculée sur le nombre de jours qu'il travaillait ; en conséquence de la requalification à temps plein, il y a lieu de renvoyer les parties à faire leur compte sur la base d'un temps plein et d'en déduire le montant des sommes déjà reçues à ce titre.

Le contrat de travail ayant été requalifié à temps plein, il y a lieu de rejeter la demande de prime de disponibilité, ladite prime ressortant d'un accord d'entreprise du 29 juillet 1992 applicable aux collaborateurs permanents dont l'activité est planifiée de manière permanente d'heure à heure sous forme d'horaires variables sur sept jours par semaine toute l'année, conditions qui ne sont pas remplies par Monsieur [L] [E] qui ne justifie pas avoir été appelé pour une intervention non prévue dans le cadre des CDD qu'il avait signés pour une durée déterminée.

S'agissant de la demande de complément salarial, cette prime n'a été instituée dans le cadre d'un accord d'entreprise que le 10 décembre 2012 pour les machinistes de la construction décor d'un montant de 150 € à compter du 1er janvier 2012 porté à 250 € à compter du 1er janvier 2013 ;

Il s'ensuit qu'outre le fait que la demande de Monsieur [L] [E] ne tient pas compte de la date d'instauration de cette prime, il n'occupait pas la fonction de machiniste, de sorte qu'il convient de rejeter la demande.

Sur la demande en paiement d'un supplément familial

Monsieur [L] [E] fait valoir qu'il a trois enfants ( il produit son livret de famille) et l'annexe 9 de la convention collective qui prévoit un supplément familial de 140 points d'indice pour trois enfants ; il présente sa demande sur le taux de point d'indice 0, 86902, indice de référence ; les trois enfants sont tous nés antérieurement à la période non prescrite ; la société FRANCE TELEVISIONS ne présente pas d'observation concernant cette demande ;

La cour juge la demande recevable et justifiée et condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer de ce chef pour la période non prescrite la somme de 7 299,76 €.

Concernant la rupture de la relation salariale et ses conséquences

Compte tenu de la requalification de la relation salariale en contrat à durée indéterminée, la rupture de la relation s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que jugé par le Conseil des prud'hommes la cour relevant que la société FRANCE TELEVISIONS demande en tout état de cause la confirmation des sommes allouées à Monsieur [L] [E] par le Conseil des prud'hommes au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de licenciement, indemnité de préavis et congés payés afférents ;

Monsieur [L] [E] fonde les demandes qu'il présente sur un salaire mensuel de 2.426 € somme qui ne peut pas être retenue puisque les parties sont renvoyées à faire leurs comptes pour déterminer le montant du salaire mensuel que le salarié aurait dû percevoir compte tenu de la requalification du contrat de travail à temps plein et de l'avancement ;

En conséquence, il y a lieu de dire que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis qui devra être versée par la société FRANCE TELEVISIONS s'établit à deux mois du salaire que Monsieur [L] [E] aurait dû percevoir au mois d'octobre 2012 sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement qu'il aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté, ladite somme étant augmentée de 10 % pour congés payés afférents.

L'indemnité de licenciement doit pour les mêmes raisons être renvoyée au calcul des parties en fonction de ce qui a été dit concernant le salaire mensuel de référence à prendre en considération, les parties étant d'accord sur le fait qu'en application de la convention collective le salarié, compte tenu de son ancienneté a droit à un mois de salaire entre 1 et 12 ans d'ancienneté et 3/4 de mois de rémunération entre 12 ans et 20 ans d'ancienneté et qu'il bénéficiait d'une ancienneté de 18 ans.

Concernant l'indemnité due au salarié en application de l'article L 1235-3 du code du travail, eu égard à l'ancienneté de Monsieur [L] [E], à son âge, à sa prise en charge au titre du régime des congés spectacle auxquels il cotisait, aux difficultés de reclassement ( il justifie qu'au mois de février 2018 il était toujours inscrit comme demandeur d'emploi), la cour considère qu'il est approprié de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à lui payer à titre de dommages intérêts la somme correspondant à 22 mois du dernier salaire qu'il aurait dû percevoir, déterminé selon les mêmes dispositions que précisées ci-avant.

Sur les autres dispositions

La cour constatant que la société FRANCE TELEVISIONS demande la confirmation du jugement en ce qui concerne les sommes allouées au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents (3310,32 € + 331,03 €) de l'indemnité de licenciement (27.310,14 €) et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( 13.000 € ) il y a lieu de la condamner à payer lesdites sommes à valoir sur le montant des condamnations prononcées dans le cadre de la présente décision.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 Février 2016, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois les principes et le montant.

Il y a lieu d'allouer la somme de3.500 € à Monsieur [L] [E] en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des entiers frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu'il a requalifié les CDD successifs en CDI et a dit que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Requalifie le contrat à durée indéterminée en CDI à temps plein à compter du 12 septembre 1994 ;

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] la somme de 5.000 € à titre d'indemnité de requalification.

Dit que Monsieur [L] [E] appartient au groupe de qualification B 9-0 ;

Renvoie les parties à faire leurs comptes de rappel de salaire et prime d'ancienneté pour la période du 7 juin 2008 à octobre 2012 inclus sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que Monsieur [L] [E] aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté et déduction faite des salaires perçus au titre de chacune des années.

Renvoie les parties à faire leur calcul du montant de la prime de fin d'année due à Monsieur [L] [E] sur la même période que ci-dessus et en considération du salaire au 30 juin de l'année au titre de laquelle elle due.

Renvoie les parties à faire leurs comptes concernant la prime de décors en tenant compte de la requalification du contrat à temps plein et du montant des sommes déjà perçues à ce titre.

Dit qu'en cas de difficulté sur l'établissement des comptes ci-dessus, la cour pourra être ressaisie à l'initiative de la partie la plus diligente.

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] la somme de 7.299,76 € à titre de supplément familial.

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois du dernier salaire qu'il aurait dû percevoir au mois d'octobre 2012 sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que Monsieur [L] [E] aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté , plus 10 % de la dite somme au titre des congés payés afférents

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] une indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à un mois de salaire entre 1 et 12 ans d'ancienneté et 3/4 de mois de rémunération entre 12 ans et 20 ans d'ancienneté (l'ancienneté étant de 18 ans ) sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que Monsieur [L] [E] aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté au mois d'octobre 2012

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 22 mois (vingt deux) de salaire sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que Monsieur [L] [E] aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté au mois d'octobre 2012

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] à valoir sur les sommes dues au titre des condamnations prononcées par la présente décision, celles de 3310,32 € pour indemnité compensatrice de préavis + 331,03 € pour congés payés afférents, 27.310,14 € sur l'indemnité de licenciement et de 13.000 € sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle.

Dit que créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe.

Rejette toutes autres demandes des parties.

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS aux entiers dépens et à payer à Monsieur [L] [E] la somme de 3.500€ au titre des entiers frais irrépétibles.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/06772
Date de la décision : 11/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/06772 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-11;14.06772 ?
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