Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 07 JUIN 2019
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/17138 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4B4A
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 14/04238
APPELANTE
SAS FEDREIM - FEDERAL REAL ESTATE INVESTMENT MANAGEMENT agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 2]
N° SIRET : 512 084 880 00024
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
INTIMÉE
ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMÉNAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE MARNE LA VALLÉE (EPAMARNE), pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 4]
N° SIRET : 308 213 768 00010
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume GHAYE de la SELARL LAZARE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J67
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Claude CRETON, Président
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Dominique GILLES, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine BARBEROT dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Thi Bich Lien PHAM
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Thi Bich Lien PHAM, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 2 juillet 2010, l'établissement public d'aménagement de Marne-La-Vallée (Epamarne) et la SAS Federal real estate investment management (FEDREIM) ont conclu un accord relatif au développement par cette dernière d'un projet immobilier dénommé 'Green Vallée' sur des terrains situés dans la ZAC de la Haute Maison à Marne-la-Vallée (77) et aux conditions dans lesquelles Epamarne promettait de vendre, sous forme de lots à bâtir, les terrains nécessaires à la réalisation du projet. Par acte extra judiciaire du 17 juin 2011, Epamarne a rétracté cette promesse. Par arrêt du 19 septembre 2013, cette cour a prononcé la caducité de la promesse de vente du 2 juillet 2010 en raison de la rétractation d'Epamarne. Par jugement du 11 septembre 2014, le tribunal de grande instance de Meaux a débouté la FEDREIM de son action en concurrence déloyale formée contre Epamarne. Par acte extrajudiciaire du 6 août 2014, la FEDREIM a assigné Epamarne en paiement de la somme de 115 591 567 € de dommages-intérêts à la suite de la rétractation de la promesse du 2 juillet 2010.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 30 mars 2017, le tribunal de grande instance de Meaux a :
- condamné Epamarne à verser à la FEDREIM les sommes de 209 530,36 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1142 du code civil et de 5 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la FEDREIM du surplus de ses demandes,
- débouté Epamarne de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts,
- condamné Epamarne aux dépens.
Par dernières conclusions du 10 avril 2019, la FEDREIM, appelante, demande à la cour de :
- vu le 'protocole' d'accord du 2 juillet 2010, les articles 1101, 1109, 1116, 1134 et 1142 du code civil,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts dus par Epamarne à la somme de 209 530,36 € et statuant à nouveau :
- condamner Epamarne à lui payer la somme de 115 259 192 € à titre de dommages-intérêts pour la perte de marge sur les opérations de promotion et sur les honoraires de promoteur,
- condamner Epamarne à lui payer la somme de 952 971,26 € à titre de dommages-intérêts pour les frais et honoraires engagés en pure perte,
- condamner Epamarne à lui payer la somme de 20 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 8 avril 2019, Epamarne prie la cour de :
- vu les articles 1147 et 1382 anciens du code civil,
- sur l'appel principal : débouter la FEDREIM de ses demandes,
- sur l'appel incident :
. infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à la FEDREIM les sommes de 209 530,36 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1142 du code civil et de 5 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
. à titre reconventionnel, condamner la FEDREIM à lui verser la somme de 900 000 € à titre de dommages-intérêts compensatoires,
- en toutes hypothèses, condamner la FEDREIM à lui payer la somme de 20 000 € de dommages-intérêts en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
Les parties au litige ont conclu selon le droit en vigueur antérieurement au 1er octobre 2016. La convention litigieuse du 2 juillet 2010 a été conclue avant le 1er octobre 2016 et la présente instance a été engagée le 6 août 2014, antérieurement à cette même date qui est celle de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016 'portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations'. En outre, l'arrêt du 19 septembre 2013 a définitivement jugé que la promesse de vente du 2 juillet 2010 était caduque en raison de la rétractation du promettant du 17 juin 2011. Par suite, le présent litige sera jugé par application du droit en vigueur antérieurement au 1er octobre 2016.
En l'absence de levée d'option par le bénéficiaire antérieure à la rétractation et donc de rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la vente n'est pas formée de sorte que le bénéficiaire ne peut prétendre à des dommages-intérêts réparant le préjudice né de la privation de cette vente.
Il a été définitivement jugé par l'arrêt du 19 septembre 2013 ayant écarté la demande de nullité pour vice du consentement de la promesse de vente du 2 juillet 2010 que celle-ci était caduque en raison de la rétractation du promettant du 17 juin 2011.
En conséquence, la demande de la FEDREIM en paiement de la somme de 115 259 192 € à titre de dommages-intérêts pour la perte de marge sur les opérations de promotion et sur les honoraires de promoteur ne peut prospérer.
La promesse n'étant pas nulle, mais caduque par l'effet de la rétractation du promettant, le bénéficiaire a droit, en principe, au remboursement des frais qu'il a exposés sur le fondement de la convention rétractée. Toutefois, si l'inexécution de son obligation par le promettant donne droit à dommages-intérêts et ce, même en l'absence de faute de ce dernier, cependant, tel n'est plus le cas lorsque la rétractation est causée par la faute du bénéficiaire.
Au cas d'espèce, en avril 2008, le projet de la société de droit américain Federal development international LLC (la FED), répondant à un appel d'offre portant sur le choix d'un opérateur pour développer le projet 'Green Vallée' précité, a été retenu par Epamarne. L'établissement public et la société de droit américain ont conclu un accord par acte sous seing privé du 27 février 2009 dont l'article 3.4.2 précise que 'la FED accepte de créer une filiale en France régie par les lois françaises'. Le 6 mai 2009, la SAS Federal development Europe a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Un avenant n° 1 à l'accord du 27 février 2009 a été signé entre Epamarne et la Federal development Europe dans lequel il est indiqué que la FED 's'est vue substituée par une entité française', la Federal development Europe. L'accord du 2 juillet 2010 incluant la promesse unilatérale de vente litigieuse prévoit (p. 5) l'obligation de la FEDREIM créée le 6 avril 2010, aux droits de la Federal development Europe, de fournir 'l'extrait Kbis dès sa réception et au plus tard lors de la levée de la première option étant précisé qu'il s'agit d'une condition essentielle et déterminante à la signature des présentes par l'Epamarne'. L'exposé de l'accord du 2 juillet 2010 rappelle (p. 5) que 'par Avenant n° 1 en date du 2 octobre 2009, Epamarne et FEDREIM ont convenu d'un commun accord : - la substitution de FEDREIM dans les droits et obligation de Federal development international. A titre de rappel Federal development international LLC 'FED' est la Société [Localité 1] de la société Fedreim (...)'. L'accord du 2 juillet 2010 prévoit également (p. 9) la garantie des engagements de la FEDREIM par la FED. Dans ses dernières conclusions (p. 9), la FEDREIM énonce qu'elle n'a 'pas été constituée en tant que filiale de la FED, cette dernière n'ayant d'ailleurs à aucun moment détenu la moindre action de la FEDREIM'.
Il ressort de ces éléments que la FEDREIM n'a été substituée à la FED qu'en raison des liens de celle-ci avec celle-là dès lors que c'était la FED qui avait remporté l'appel d'offre pour l'exécution de laquelle elle devait disposer d'une structure en France sous la forme d'une filiale. Dans l'accord du 2 juillet 2010, la FEDREIM a faussement affirmé qu'elle était une filiale de la FED à un moment où son cocontractant ne pouvait vérifier les modifications des statuts postérieurement publiées les 15 juillet 2010 et 22 juin 2011. C'est l'annonce le 9 juin 2011 par la FEDREIM du retrait financier de la FED, à laquelle la FEDREIM envisageait de substituer un tiers, qui est à l'origine de la rétractation par acte du 17 juin 2011 aux termes duquel Epamarne rappelait au bénéficiaire que 'la garantie financière de la société mère dans les engagements est un élément essentiel pour l'Etablissement public'.
La faute de la FEDREIM, qui s'est prévalu faussement de sa qualité de filiale de la FED, est la cause de la rétractation, de sorte que la FEDREIM est à l'origine du préjudice en réparation duquel elle réclame la somme de 952 971,26 € à titre de dommages-intérêts pour les frais et honoraires qu'elle prétend avoir engagés en pure perte.
En conséquence, la FEDREIM doit être déboutée de toutes ses demandes, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il y a fait droit et en ce qu'il a condamné Epamarne aux dépens.
Bien qu'ayant commis une faute, la FEDREIM a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits. En conséquence, Epamarne doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
La solution donnée au litige emporte le rejet de la demande, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de la FEDREIM.
L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande d'Epamarne, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement,
Confirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a débouté l'établissement public d'aménagement de Marne-La-Vallée (Epamarne) de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
Déboute la SAS Federal real estate investment management (FEDREIM) de toutes ses demandes ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la SAS Federal real estate investment management (FEDREIM) aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Federal real estate investment management (FEDREIM) à payer à l'établissement public d'aménagement de Marne-La-Vallée (Epamarne) la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président