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07/06/2019 | FRANCE | N°17/09685

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 07 juin 2019, 17/09685


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 07 Juin 2019



SUR RENVOI APRES CASSATION





(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09685 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3Y5S



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Janvier 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'YVELINES RG n° 10-01879/V





APPELANTS

Madame [E] [B] (ayant droi

t et veuve de monsieur [H] [B])

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Cédric DE ROMANET DE BEAUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0229



Monsieur [O] [B] (ayant droit et fils de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 07 Juin 2019

SUR RENVOI APRES CASSATION

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09685 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3Y5S

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Janvier 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'YVELINES RG n° 10-01879/V

APPELANTS

Madame [E] [B] (ayant droit et veuve de monsieur [H] [B])

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Cédric DE ROMANET DE BEAUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0229

Monsieur [O] [B] (ayant droit et fils de monsieur [H] [B])

[Adresse 3]

[Adresse 4]

comparant en personne, assisté de Me Cédric DE ROMANET DE BEAUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0229

Madame [X] [B] (ayant droit et fille de monsieur [H] [B])

[Adresse 5]

[Adresse 6]

comparante en personne, assistée de Me Cédric DE ROMANET DE BEAUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0229

INTIMÉES

Société BARCLAYS BANK PLC

[Adresse 7]

[Adresse 6]

représentée par Me Laurence RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : J031 substituée par Me Elise MARIOT, avocat au barreau de PARIS, toque : J 031

CPAM des Yvelines

Département des Affaires Juridiques

Service contôle législation

[Adresse 8]

représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 9]

[Adresse 10]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme [X] CHAUX, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme [X] CHAUX, Présidente de chambre et Mme Vénusia DAMPIERRE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur le fond du litige opposant Mme [B] [E], M. [B] [O] et Mme [B] [X] à la Barclays Bank PLC, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, après cassation partielle de l'arrêt du 3 décembre 2015 de la cour d'appel de Versailles, qui a : confirmé le jugement rendu le 14 janvier 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles en ce qu'il a retenu le caractère professionnel de l'accident survenu à [H] [B] et qui l'a infirmé pour le surplus et reconnu la faute inexcusable de la Barclays Bank à l'origine de l'accident dont a été victime [H] [B] .

FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .

Il suffit de rappeler que [H] [B], employé par la Barclays Bank depuis le 6 novembre 1978 en qualité de caissier au sein de l'agence de [Localité 1], a mis fin à ses jours le 13 avril 2008 à son domicile alors qu'il était en arrêt de maladie depuis la veille pour " Anxiété majeure. Troubles du sommeil. Perte d'appétit. Humeur dépressive. Réaction à une situation éprouvante à son travail. "

Le 3 février 2010, Mme veuve [E] [B] a complété une déclaration d'accident du travail.

Le 22 mars 2010, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines ( la CPAM) lui a notifié un refus de prise en charge du décès au titre de la législation professionnelle.

Mme [B] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM laquelle lui a notifié le 1er juillet 2010, la prise en charge du décès de [H] [B] au titre de la législation professionnelle et l'attribution d'une rente d'ayant droit à compter du 14 avril 2008.

Mme [E] [B], sa veuve, [O] et [X] [B] ses enfants (ci - après les consorts [B]) ont saisi la CPAM d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la Barclays Bank à l'origine du décès de leur mari et père [H] [B].

En l'absence de conciliation, les consorts [B] ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles qui, par jugement du 14 janvier 2014, a dit qu'il existait un lien entre le décès de [H] [B] le 13 avril 2008 et ses conditions de travail, dit que l'accident déclaré par son épouse constituait un accident du travail, dit que cet accident du travail n'était pas dû à la faute inexcusable de son employeur la Barclays Bank, débouté en conséquence les consorts [B] de l'ensemble de leurs demandes, laissé à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel de Versailles, sur appel interjeté par les consorts [B], a par arrêt du 3 décembre 2015:

- confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles en ce qu'il a retenu le caractère professionnel de l'accident survenu à [H] [B],

L'a infirmé pour le surplus,

- dit que l'accident est du à la faute inexcusable de l'employeur,

- fixé les préjudices des consorts [B] comme suit:

* au titre de l'action successorale : la somme de 40 000€

* à Mme Veuve [B]: 30 000€

* à Mlle [X] [B] : 11 000€

* à M. [O] [B]: 10 000€

Dit que ces sommes seront avancées par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines qui pourra les récupérer auprès de la société Barclays Bank PLC,

- condamné la société Barclays Bank PLC à payer aux consorts [B], chacun, la somme de 750€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire,

- rappelé que la présente procédure est exempte de dépens.

La société Barclays Bank a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 19 janvier 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le caractère professionnel du suicide de [H] [B], l'arrêt rendu le 3 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, remis en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, rejeté les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mars 2017, les consorts [B] ont saisi la présente cour en tant que juridiction de renvoi.

Les consorts [B], agissant tant en leur nom propre qu'en qualité d'ayant droit de leur mari et père [H] [B], font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions aux termes desquelles ils demandent à la cour de réformer la décision de première instance et statuant de nouveau:

- dire et juger que l'accident dont a été victime et dont est décédé [H] [B] trouve son origine dans la faute inexcusable de son employeur, la société Barclays Bank,

En conséquence,

- ordonner la majoration à son taux maximum de la rente d'ayant droit versée à Mme Veuve [B],

- fixer l'indemnisation des préjudices complémentaires selon les modalités suivantes:

Au titre de l'action successorale :

- préjudice de souffrance morale : 200 000€

Au titre de la réparation du préjudice moral personnel:

- subi par Mme [E] [B] : 100 000 €

- subi par [O] et [X] [B]: 50 000€ chacun

- condamner en outre la société Barclays Bank à leur verser la somme de 3000€ chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir:

- qu'il apparaît à la lecture de l'arrêt de la Cour de cassation que la conscience du danger de la société Barclays Bank PLC a été définitivement tranchée,

- que si la cour d'appel devait considérer que tel n'est pas le cas, elle devra constater que les effets pervers de la rémunération variable (dispositif [E]) avaient été clairement identifiés dès l'origine tant par la médecine du travail que par les représentants du personnel,

- qu'il existe une insuffisance des mesures propres à préserver le salarié du risque, que le document unique d'évaluation des risques ne fait pas mention du risque lié au stress et à l'organisation du travail, que la société n'a pris aucune mesure de prévention du risque auquel elle savait [H] [B] exposé, dans la mesure où elle ne l'a pas formé aux nouveaux outils , tant au niveau informatique que sur les nouveaux produits bancaires, que [H] [B] n'a pas été accompagné dans l'évolution de son métier de caissier.

La société Barclays Bank PLC fait déposer et soutenir oralement par son conseil des

conclusions invitant la cour à :

- dire qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable,

En conséquence,

- débouter les consorts [B] de l'ensemble de leurs demandes,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait qu'elle a commis une faute inexcusable, dire

- qu'aucun lien de causalité n'est établi entre l'éventuelle faute inexcusable de la Banque et l'accident de [H] [B],

- que la décision de la CPAM de prise en charge de l'accident de [H] [B] au titre de la législation professionnelle lui est inopposable et qu'en conséquence, la CPAM ne peut récupérer auprès d'elle les compléments de rente et indemnités qui seraient versés aux consorts [B],

- prendre en compte, dans l'estimation des préjudices des consorts [B], les sommes déjà allouées par la cour d'appel de Versailles,

En tout état de cause,

- condamner les consorts [B] à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [B] aux entiers dépens.

Elle fait valoir:

- que la mise en place d'un nouveau mode de rémunération variable, qui ne concernait pas [H] [B] et ce conformément à son souhait, n'a pas eu pour conséquence sa mise à l'écart,

- que les évaluations de [H] [B] étaient justifiées, étant la conséquence de sa volonté de ne pas s'adapter à la moindre évolution et ce, même si la solution d'un travail dans une autre agence aurait pu débloquer la situation ce qu'il a refusé,

- qu'il n'a jamais subi la moindre pression pour quitter l'agence de [Localité 1] que ce soit par mutation ou par départ en retraite,

- qu'aucun rapport médical, aucun rapport d'expertise, ni aucun document ne démontre que [H] [B] était en situation de danger,

- que dès lors, elle ne pouvait pas avoir conscience de ce danger,

- qu'elle n'a donc pas manqué à son obligation de sécurité de résultat, dans la mesure où elle n'avait pas et n'aurait pas pu avoir conscience du danger en l'état de son information et qu'elle avait mis en place les mesures propres à protéger la santé des salariés.

La caisse primaire d'assurance maladie fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour, dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait retenue à l'encontre de la société Barclays Bank, de faire droit à la demande de la caisse quant à l'action récursoire à l'encontre de la Barclays pour le remboursement des indemnités qu'elle serait éventuellement amenée à verser aux consorts [B].

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .

SUR CE , LA COUR ,

La Cour de cassation, au visa de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, a retenu que " pour dire que l'accident dont avait été victime [H] [B] était du à la faute inexcusable de son employeur, l'arrêt retient qu'il résulte de l'analyse de ses évaluations ( ....); qu'il en résulte ainsi que l'employeur aurait dû avoir conscience de la situation dans laquelle se trouvait [H] [B] du danger auquel ce dernier se trouvait exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'absence ou l'insuffisance des mesures de prévention du risque auquel l'employeur savait [H] [B] exposé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi ; Casse et annule, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le caractère professionnel du suicide de [H] [B], l'arrêt rendu le 3 décembre 2015, entre les parties par la cour d'appel de Versailles ; remet , en conséquence , sur ce point , la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

En conséquence, seul le caractère professionnel du suicide de [H] [B] est définitivement acquis.

Sur la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il appartient à la victime ou à ses ayants droit de justifier que son employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.

La conscience du danger exigée de l'employeur s'apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir,dans son secteur d'activité , un employeur conscient de ses devoirs et obligations

En outre, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité soit retenue alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

A la suite d'un entretien avec son directeur d'agence le 11 avril 2008, dans l'heure du midi, M. [B] était très perturbé.

Son employeur l'a autorisé à rentrer chez lui plus tôt.

Le lendemain, samedi 12 avril 2008, il est allé consulter son médecin traitant qui a rédigé un certificat médical initial d'accident de travail en ces termes : " Anxiété majeure. Troubles du sommeil. Perte d'appétit. Humeur dépressive. Réaction à une situation éprouvante à son travail. " . Un traitement anti - dépresseur et un arrêt de travail jusqu'au 18 avril 2008 lui ont été prescrits .

Le 13 avril au matin, [H] [B] a mis fin à ses jours par pendaison dans l'abri de jardin de la maison familiale, en laissant posée sur son lit, sa dernière évaluation professionnelle.

Les consorts [B] soutiennent que la Barclays Bank a manqué à son obligation de sécurité de résultat d'une part, en mettant en place un nouveau système de rémunération ( appelé [E]) ayant conduit à une mise à l'écart de [H] [B] au sein de l'agence de [Localité 1] où il exerçait depuis de nombreuses années, d'autre part, en lui reprochant, dans son évaluation, à compter de 2006, de refuser de s'adapter au nouveau contenu de ses fonctions de caissier, en lui faisant subir des pressions de ses collègues et de la direction pour l'inciter à quitter l'agence ou à tout le moins à partir en retraite, l'ensemble de ces éléments caractérisant la parfaite connaissance que la Barclays Bank avait du risque auquel [H] [B] était exposé.

Il est établi au vu des pièces produites que de 1991 à 2002, les évaluations de [H] [B] faisaient état de ses qualités professionnelles, de son aisance dans son poste de caissier dont il se satisfaisait, de son très bon contact avec la clientèle, allant même jusqu'à le qualifier d'"élément indispensable à l'agence".

Si l'évaluation faite le 9 janvier 2003 relève toujours la qualité de son travail, elle souligne que [H] [B] ne doit pas hésiter à s'investir plus dans des opérations " d'accroche commerciale. ", qu'il doit se former sur les cartes bleues, renforcer ses connaissances sur l'étranger.

L'évaluation portant sur l'année 2005 insiste sur le fait qu'il doit développer l'approche commerciale, renforcer sa formation sur les cartes bancaires et les forfaits, s'investir plus dans des opérations d'approche commerciale, aller au devant du client pour leur parler des forfaits ou autres produits selon les campagnes en cours.

[H] [B] n'a fait aucune observation sur ces remarques.

L'évaluation du 29 décembre 2006 souligne qu'il n'a effectué aucun acte commercial relatif aux produits financiers, qu'il ne veut pas se conformer aux exigences de la Barclays quant au développement des caissiers vers une approche commerciale, qu'il a été décidé, en accord avec lui, de le transférer auprès d'une caisse de type classique vers le siège ou une agence parisienne.

Il est mentionné qu'une approche commerciale lui manque cruellement, qu'il fait du bon travail en équipe mais qu'il ne veut pas se remettre en cause sur le plan commercial.

A titre d'observations, [H] [B] a indiqué que sa fonction de caisse, d'accueil, de taches administratives ne relevait pas du secteur commercial, que l'évaluation de ses performances dans ce domaine ne lui paraissait pas juste.

L'évaluation pour l'année 2007 retient qu'il doit s'investir davantage et prendre des initiatives afin d'apporter aux clients un service qualité, qu'il doit faire un effort important s'il compte prolonger sa carrière afin de ne pas pénaliser l'agence. Il est souligné par son N+1 que le métier de caissier a évolué à la Barclays depuis 5 ans, qu'il doit faire des efforts pour être en adéquation avec ce poste et ne pas pénaliser le reste de l'équipe qui est obligée de faire le travail qu'il ne fait pas, qu'il ne veut pas se remettre en cause.

Il est précisé par son N+2 que le changement de poste pour [N] n'a pas pu se concrétiser, qu'il reste sur [Localité 1] mais qu'il ne veut pas remettre en cause sa manière de travailler, que de ce fait il pénalise fortement l'agence, qu'il est souhaité qu'il revoit sa manière de travailler d'ici son départ officiel en retraite.

Il est manifeste au vu de ces éléments, que l'évaluation de l'activité professionnelle de [H] [B] s'est dégradée, son employeur lui reprochant de ne pas s'adapter au nouveau contenu du métier de caissier. En effet, l'évolution des moyens de paiement a conduit la banque à diversifier son offre de produits et à demander aux employés administratifs, dont faisait partie [H] [B], à diversifier leur activité en valorisant une approche commerciale consistant à évoquer auprès des clients ces produits et à permettre ensuite aux commerciaux d'entrer en contact avec ces clients déjà informés.

Les évaluations de M. [B] démontrent qu'il a été incité dès 2003 à favoriser cette approche commerciale. Celui - ci a fait connaître son désaccord sur ce point à partir de fin 2006, indiquant à son employeur qu'il estimait que cela ne correspondait pas à son métier de caissier.

Il est vain de soutenir que [H] [B] n'a pas été accompagné dans le changement du contenu de son poste puisqu'il a suivi en 2005 une formation intitulée " Sales culture - supports commerciaux. "

De plus, ainsi que l'on retenu à juste titre les premiers juges, il n'est pas démontré que l'approche commerciale dans les fonctions de caissier soit abusive ou illégale.

Enfin l'employeur ne fait qu'exercer son pouvoir de direction en se livrant à une évaluation de l'activité professionnelle de son salarié, même si celle - ci n'est pas favorable.

Parallèlement, la Barclays Bank a proposé aux salariés un nouveau système de rémunération [E] reposant sur le volontariat.

[H] [B] a refusé d'y adhérer.

Au terme du règlement sur la rémunération variable du personnel dans les agences Barclays, les indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour le calcul de la prime d'objectif collectif sont appréciés au regard des résultats des seuls salariés ayant accepté ce nouveau système de rémunération. Dès lors, il est vain de soutenir que ce nouveau système risquait d'entraîner la mise à l'écart des salariés ayant refusé d'opter pour ce système de rémunération variable puisque la prime d'objectif n'intégrait pas leurs résultats.

Ainsi, il ne peut être valablement allégué que le fait pour [H] [B] d'avoir refusé d'adhérer à ce système lui ait causé un préjudice et ait conduit à sa mise à l'écart et ce d'autant qu'aucun élément du dossier ne démontre qu'il aurait été mis à l'écart par ses collègues.

En outre, les alertes du comité d'établissement sur ce nouveau système ne concernaient que les salariés ayant accepté le régime de rémunération variable et non ceux qui n'avaient pas adhéré à ce dispositif.

S'agissant de sa mutation, il convient de souligner, ainsi qu'il est mentionné dans son évaluation concernant l'année 2006, que [H] [B] avait initialement donné son accord sur une proposition de mutation pour un poste de caissier au siège ou en agence.

Or, cette mutation n'a pu se concrétiser, [H] [B] ayant refusé le poste de caissier à l'agence du personnel de [N] au motif qu'il était trop éloigné de son domicile alors que ce poste, ainsi qu'il ressort de l'enquête diligentée par la caisse, était le seul dans le groupe qui lui aurait permis de s'affranchir des contraintes supportées par un caissier d'agence et d'exercer son métier comme il l'avait toujours pratiqué, c'est à dire exempt de toute approche commerciale.

Par ailleurs, [H] [B] est né le [Date naissance 1] 1948. Il atteignait donc l'âge de 60 ans le 9 décembre 2008, âge à partir duquel il pouvait prétendre à une retraite à taux plein.

Il ressort des pièces produites qu'il s'était renseigné dès 2005 pour connaître le montant prévisionnel de sa retraite, qu'il avait adressé à M. [Z], responsable paie/ administration contrôle comptable et gestion des retraites au sein du groupe Barclays, une évaluation de sa retraite personnelle en date du 14 mars 2008 . Le 26 mars 2008, l'ARRCO lui avait adressé une reconstitution de carrière à valider.

Le 8 avril 2008, [H] [B] était destinataire d'un fax de la Direction des ressources humaines lui indiquant : " (....) Nous avons décidé de vous notifier par la présente votre mise à la retraite qui prendra effet le 31 décembre 2008, cette date constituant la date de rupture de votre contrat de travail. Votre préavis de trois mois démarrera le 1er octobre 2008. ( ....)

Les consorts [B] se prévalent de ce fax pour soutenir que [H] [B] aurait fait l'objet d'une mise à la retraite d'office, que cette décision par lui reçue le 8 avril 2008, soit 5 jours avant son suicide, aurait contribué à son état dépressif et à son geste fatal.

Cependant, force est de constater que ce fax reçu le 8 avril 2008 n'est qu'un projet ainsi qu'il est mentionné en caractères gras sur le courrier. Il ne s'agit donc pas d'une mise à la retraite décidée d'office par l'employeur.

L'envoi de ce projet de courrier est à replacer dans le contexte des différentes démarches déjà entreprises par [H] [B] en vue d'un éventuel départ à la retraite.

M. [Z], responsable paie/ administration contrôle comptable et gestion des retraites au sein du groupe Barclays atteste avoir reçu [H] [B] le 12 septembre 2007 pour faire le point sur sa carrière, vérifier s'il remplissait les conditions. M. [Z] lui a demandé s'il souhaitait partir éventuellement en 2008 afin de cerner son état d'esprit sur le sujet. [H] [B] lui avait dit qu'il n'avait pas pris sa décision.

[H] [B] a de nouveau souhaité rencontrer M. [Z] le 11 avril 2008 pour faire un point sur cette question. Il lui indiquait qu'il ne souhaitait pas partir en retraite. M. [Z] lui indiquait à nouveau qu'il pouvait choisir de partir ou de rester et qu'à partir de l'instant où il avait choisi de rester, le sujet était clos.

M. [Z] précisait que [H] [B] l'avait quitté "soulagé mais pas serein".

M. [A], directeur de l'agence, explique que dans la semaine du 11 avril 2008, [H] [B] n'allait plus déjeuner, qu'il restait faire son travail à l'agence.

Le 11 avril, pendant l'heure du déjeuner et alors qu'ils étaient seuls à l'agence, [H] [B] lui avait fait part de son désarroi, de son inquiétude sur le point de savoir comment il pourrait continuer de travailler dans l'agence. M. [A] précisait " la discussion tournait en rond car il ne voulait rien remettre en question ".

M. [A] le décrit comme étant perturbé, incapable de prendre une décision, quelle qu'elle soit . Il lui proposait de prendre de l'aide auprès du médecin de la Barclays mais [H] [B] refusait ne voulant déranger personne .

Compte tenu de son état, M. [A] lui proposait de prendre lui- même contact avec le médecin au siège, ce que [H] [B] refusait à nouveau. M. [A] tentait en vain de prendre attache avec le médecin au siège de la Barclays. Celui - ci étant absent, rendez vous était pris pour le 14 avril 2008. Ensuite [H] [B] lui indiquait qu'il n'était pas bien, qu'il se sentait incapable de tenir la caisse.

M. [A] proposait d' appeler un taxi pour le reconduire à son domicile mais [H] [B] refusait et indiquait qu'il serait probablement absent la semaine suivante. M [A] l'autorisait à rentrer chez lui.

Ils étaient seuls quand ils avaient eu cette discussion.

Ainsi, il ressort de l'ensemble de ces éléments que la Barclays a eu connaissance du risque auquel était exposé [H] [B] et qu'elle a pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce risque d'une part, en lui proposant une mutation dans une agence parisienne où il pouvait exercer le métier de caissier tel qu'il le concevait et tel qu'il l'avait toujours exercé , exempt de toute activité commerciale, ce qu'il avait refusé et d'autre part en envisageant avec lui son départ à la retraite à l'âge de 60 ans, soit en 2008. [H] [B] n'est cependant pas parvenu à prendre cette décision, ainsi qu'il ressort des attestations produites.

Il est vain dans ces conditions de soutenir que le document unique d'évaluation des risques ne fait aucune mention de risque lié au stress et à l'organisation du travail et que le médecin du travail avait alerté l'employeur en 2006 sur de graves problèmes de stress et de difficultés inter-personnelles, que l'employeur aurait du être alerté par le fait que [H] [B] n'a pas retourné son évaluation établie en fin 2007, laquelle lui avait été envoyée par courrier puisqu'il se trouvait alors en arrêt de travail. En effet, la difficulté de [H] [B] tenait à son refus de s'adapter à l'évolution de son métier de caissier, difficulté à laquelle la Barclays a remédié en lui offrant une mutation sur un poste adapté qu'il a refusé et ensuite un départ à la retraite à l'âge atteint de 60 ans en 2008, point sur lequel [H] [B] n'est pas parvenu à prendre de décision.

Il est également vain de soutenir qu'il n'a pas eu de plan de formation, puisqu'il a bénéficié d'une formation en 2005 relative aux " Sales culture - supports commerciaux. "

En outre, à la suite de la visite auprès du médecin du travail le 27 décembre 2007, [H] [B] a été déclaré apte sans restrictions.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la demande de reconnaissance de faute inexcusable présentée par les ayants droit de [H] [B] doit être rejetée.

Les autres demandes présentées seront rejetées.

Il convient de confirmer le jugement entrepris.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande présentée par la Barclays Bank au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [B] qui succombent seront déboutés de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supporteront les dépens de l'instance d'appel

PAR CES MOTIFS ,

LA COUR,

Vu l'arrêt rendu le 19 janvier 2017 par la Cour de cassation,

Confirme le jugement entrepris,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens d'appel

Dit qu'ils seront supportés à parts égales par Mme Veuve [E] [B], [O] [B] et [X] [B].

La GreffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/09685
Date de la décision : 07/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°17/09685 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-07;17.09685 ?
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